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16/05/2024 | FRANCE | N°23/05819

France | France, Tribunal judiciaire de Bobigny, Chambre 7/section 1, 16 mai 2024, 23/05819


TRIBUNAL JUDICIAIRE
de BOBIGNY

JUGEMENT CONTENTIEUX DU 16 MAI 2024

Chambre 7/Section 1
AFFAIRE: N° RG 23/05819 - N° Portalis DB3S-W-B7H-XYB3
N° de MINUTE : 24/00295

Madame [K] [A] [G] veuve [E]
[Adresse 5]
[Localité 1]
représentée par Me Lauren BENSAID,
avocat au barreau de PARIS,
vestiaire : D 1543

Madame [O] [E] épouse [W]
[Adresse 9]
[Localité 8] (ISRAEL)
représentée par Me Lauren BENSAID,
avocat au barreau de PARIS,
vestiaire : D 1543

Madame [I] [E]
[Adresse 4]
[Localité 1]
représentée par

Me Lauren BENSAID,
avocat au barreau de PARIS,
vestiaire : D 1543

DEMANDEURS

C/

Madame [P] [R] [M] [C] [M] [Y]
[Adresse 3]
[Localité ...

TRIBUNAL JUDICIAIRE
de BOBIGNY

JUGEMENT CONTENTIEUX DU 16 MAI 2024

Chambre 7/Section 1
AFFAIRE: N° RG 23/05819 - N° Portalis DB3S-W-B7H-XYB3
N° de MINUTE : 24/00295

Madame [K] [A] [G] veuve [E]
[Adresse 5]
[Localité 1]
représentée par Me Lauren BENSAID,
avocat au barreau de PARIS,
vestiaire : D 1543

Madame [O] [E] épouse [W]
[Adresse 9]
[Localité 8] (ISRAEL)
représentée par Me Lauren BENSAID,
avocat au barreau de PARIS,
vestiaire : D 1543

Madame [I] [E]
[Adresse 4]
[Localité 1]
représentée par Me Lauren BENSAID,
avocat au barreau de PARIS,
vestiaire : D 1543

DEMANDEURS

C/

Madame [P] [R] [M] [C] [M] [Y]
[Adresse 3]
[Localité 6]
représentée par Me Matthieu ODIN,
avocat au barreau de PARIS,
vestiaire : R105

DEFENDEUR

COMPOSITION DU TRIBUNAL

M. Michaël MARTINEZ, Juge, statuant en qualité de juge unique, conformément aux dispositions de l article 812 du code de procédure civile, assisté aux débats de Madame Camille FLAMANT, greffier.

DÉBATS

Audience publique du 21 Mars 2024.

JUGEMENT

Rendu publiquement, par mise au disposition au greffe, par jugement Contradictoire et en premier ressort, par M. Michaël MARTINEZ Juge, assisté de Madame Camille FLAMANT, greffier.

EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE

Se prévalant d’une reconnaissance de dette, pour un montant de 210 000 euros, qui aurait été conclue par acte sous signature privée du 14 mars 2011, M. [T] [B] [E] a, par lettre recommandée avec accusé de réception distribuée le 29 octobre 2015, invité Mme [P] [R] [M] [C] [Y] à se libérer de sa dette, par anticipation.

En l’absence de réponse, le conseil de M. [T] [E] l’a mise en demeure de s’exécuter par lettre recommandée avec accusé de réception distribuée le 15 avril 2016.

Par courrier électronique du 3 mai 2016, le conseil de Mme [Y] a indiqué que sa cliente, contestant toute reconnaissance de dette, n’entendait pas donner suite à cette demande.

M. [T] [E] est décédé le [Date décès 2] 2019 laissant pour lui succéder sa conjointe, Mme [K] [G] veuve [E] ainsi que leurs deux enfants, Mme [O] [E] épouse [W] et Mme [I] [E].

Par acte de commissaire de justice du 14 juin 2023, Mme [K] [G] veuve [E], Mme [O] [E] épouse [W] et Mme [I] [E] ont fait assigner Mme [P] [R] [M] [C] [Y] en paiement devant le tribunal judiciaire de Bobigny.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Dans leurs dernières conclusions, notifiées par RPVA le 17 janvier 2024, Mme [K] [G] veuve [E], Mme [O] [E] épouse [W] et Mme [I] [E] demandent au tribunal de :
- condamner Mme [Y] à leur verser la somme de 210 000 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 15 avril 2016,
- débouter Mme [Y] de sa demande de délai de paiement,
- condamner Mme [Y] à leur payer la somme de 1 708,05 euros au titre des frais d’inscription de l’hypothèque,
- condamner Mme [Y] à leur verser la somme de 10 000 euros pour résistance abusive,
- condamner Mme [Y] aux dépens,
- condamner Mme [Y] à leur verser la somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Au soutien de leur demande de paiement fondée sur la reconnaissance de dette, les demanderesses invoquent la conformité de l’acte sous signature privée aux dispositions de l’article 1376 du code civil, en ce qu’il a été signé de la main de Mme [Y] et comporte la mention manuscrite de la somme prêtée en toutes lettres et en chiffres. Elles soutiennent que la force probante dudit acte est renforcée par son enregistrement auprès des services des impôts.

Elles expliquent que la défenderesse, ayant abusé de la générosité de M. [E] et n’entretenant plus de bonnes relations avec ce dernier, n’a jamais eu l’intention de restituer la somme prêtée aux fins d’acquisition d’un bien immobilier. Ainsi, elles pointent que dès 2011, Mme [Y] a manqué à son obligation en ne procédant pas à l’inscription de l’hypothèque conventionnelle à laquelle elle s’était engagée par écrit, en sus du règlement des frais d’inscription de celle-ci. Elles déduisent de l’inertie de Mme [Y] l’existence d’un risque réel menaçant le recouvrement de la créance, laquelle s’avère fondée, certaine et liquide.

En réponse aux moyens de la défenderesse, elles observent que Mme [Y] opère un renversement de la charge de preuve, alors même qu’une reconnaissance de dette fait présumer la remise des fonds et qu’il revient à l’emprunteur d’apporter la preuve de l’absence de remise des fonds dans les conditions prescrites par l’article 1341 du code civil. Or, elles font valoir que la défenderesse échoue à rapporter cette preuve, tout comme elle ne prouve ni l’existence de pressions, ni l’altération de son jugement au moment de la signature.

De plus, elles déduisent de la règle grammaticale dite « de proximité » que l’expression « à son décès » contenue dans l’acte, désigne le décès de M. [E] et non celui de la défenderesse. Elles soutiennent qu’il revient en tout état de cause au juge, conformément aux articles 900 et suivants du code civil, de fixer le terme d’une reconnaissance de dette prévue sans terme, au regard des circonstances et de la commune volonté des parties, cette date devant être antérieure à la demande. Elles considèrent que la volonté de M. [E] de recouvrer la somme prêtée de son vivant est manifeste, et s’illustre par son souhait d’inscription d’une hypothèque. En l’absence de date fixe de remboursement, illustrée par les termes « au plus tard à son décès », elles indiquent que la défenderesse était tenue de rembourser M. [E] dès sa première demande, la créance étant par ailleurs exigible de manière certaine au décès du prêteur.

S’agissant de la prescription de la dette, elles soutiennent que celle-ci court à compter du décès de M. [E], que l’assignation est intervenue le 14 juin 2023, dès lors la prescription quinquennale prévue par l’article 2224 du code civil n’est pas acquise. Il en serait de même si le décès envisagé était celui de Mme [Y], non survenu.

Enfin, elles indiquent avoir été contraintes de procéder à l’inscription d’une hypothèque auprès des services de la publicité foncière de [Localité 7], laquelle était pourtant expressément mise à la charge de l’emprunteur aux termes de la reconnaissance de dette.

Dans ses dernières conclusions, notifiées par RPVA le 22 novembre 2023, Mme [P] [R] [M] [C] [Y] demande au tribunal de :
- déclarer Mme [K] [G] veuve [E], Mme [O] [E] épouse [W] et Mme [I] [E] irrecevables en leur action,
- débouter Mme [K] [G] veuve [E], Mme [O] [E] épouse [W] et Mme [I] [E] de l’ensemble de leurs demandes,
- condamner Mme [K] [G] veuve [E], Mme [O] [E] épouse [W] et Mme [I] [E] aux dépens,
- condamner Mme [K] [G] veuve [E], Mme [O] [E] épouse [W] et Mme [I] [E] à lui payer la somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Au soutien de sa demande d’irrecevabilité, se fondant sur les articles 2224, 2231, 2232 et 2240 du code civil, la défenderesse invoque la prescription de l’action en recouvrement de la créance, indiquant que M. [E] disposait de cinq ans pour agir à compter du 31 juillet 2014, date à laquelle, demandant à son notaire d’écrire à Mme [Y], il a considéré que les conditions d’exercice de l’action étaient réunies.

Au fond, en vertu des articles 1108, 1109, 1116 du code civil dans leur rédaction antérieure à l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 et des articles 1178 et 1185 du même code, la défenderesse soutient la nullité de la reconnaissance de dette, contestant la validité et l’intégrité de son consentement, lequel aurait été vicié par des manœuvres dolosives de M. [E]. Ainsi, elle avance s’être trouvée, au moment de la signature de l’acte, dans un état psychologique précaire nécessitant la prise d’un traitement médicamenteux ; entre outre, elle évoque des pressions émanant de M. [E], sous l’emprise duquel elle se trouvait, pour la déterminer à signer une reconnaissance de dette mensongère, composée de trois documents pré-rédigés. De plus, elle ajoute que les demanderesses ne rapportent pas la preuve de l’existence de la dette.

Se fondant sur les articles 1103 et 1188 du code civil, à supposer que le tribunal ne fasse pas droit à l’exception de nullité soulevée, elle fait valoir que les conditions d’exigibilité de la dette ne sont pas réunies. Proposant une lecture différente de l’acte, elle considère que le décès susceptible de rendre la somme immédiatement et de plein droit exigible est celui de Mme [Y] et non de M. [E]. Dès lors, le décès de M. [E] ne constitue aucunement le terme contractuel du prêt et a pour seule conséquence de lui permettre de demander aux héritiers de ce dernier de continuer à occuper le bien immobilier, requête qu’elle n’a pu formuler en l’absence d’information sur le décès de M. [E]. Elle déduit de la formulation « En cas de prédécès de Monsieur [E] [T]… » la confirmation de sa lecture de l’acte.

En application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, le tribunal renvoie aux conclusions des parties pour l'exposé de leurs moyens.

L’ordonnance de clôture est datée du 22 février 2024.

L’affaire a été examinée à l’audience publique du 21 mars 2024 et mise en délibéré au 16 mai 2024.

MOTIVATION

1. SUR LA SAISINE DU TRIBUNAL

En vertu de l’article 768 du code de procédure civile, les conclusions doivent formuler expressément les prétentions des parties ainsi que les moyens en fait et en droit sur lesquels chacune de ces prétentions est fondée. Les conclusions comprennent distinctement un exposé des faits et de la procédure, une discussion des prétentions et des moyens ainsi qu'un dispositif récapitulant les prétentions. Le tribunal ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n'examine les moyens au soutien de ces prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion.

En l’espèce, plusieurs moyens relatifs à la nullité de la remise de dette sont développés dans la partie « discussion » des conclusions de Mme [Y].

Néanmoins, il n’est formulé aucune prétention tendant à solliciter la nullité de la remise de dette, dans le dispositif de ces mêmes conclusions,

Dès lors, le tribunal n’est pas saisi de cette demande et il ne sera pas statué sur ce point.

Il y a également lieu de constater que Mme [Y] ne formule aucune demande de délai de paiement. Il n’y a donc pas lieu de l’en débouter.

2. SUR LA RECEVABILITÉ

En application de l’article 789 du code de procédure civile, les fins de non-recevoir, telle la prescription ainsi que cela résulte de l’article 122 du même code, relèvent de la compétence exclusive du juge de la mise en état jusqu’à son dessaisissement et les parties ne sont plus recevables à les soulever après son dessaisissement à moins qu’elles ne surviennent ou se soient révélées postérieurement à ce dessaisissement.

Par application de l’article 791 du code de procédure civile, le juge de la mise en état est saisi par des conclusions qui lui sont spécialement adressées, distinctes des conclusions au fond adressées au tribunal.

En l’espèce, Mme [Y] soutient que la demande en paiement formée par les défenderesse serait prescrite en application de l’article 2224 du code civil. Elle se prévaut donc d’une fin de non-recevoir tirée de la prescription, qui n’est ni survenues ni ne s’est révélée postérieurement à l’ordonnance de clôture.

Alors que l’assignation est datée du 14 juin 2023 et que l’affaire a été instruite par le juge de la mise en état, Mme [Y] n’a pas saisi le juge de la mise en état, par des conclusions qui lui auraient été spécialement adressées, d’un incident de procédure.

En application de l’article 789 du code de procédure civile, elle est donc irrecevable à soulever cette fin de non-recevoir devant le tribunal.

3. SUR LA DEMANDE EN PAIEMENT AU TITRE DE LA RECONNAISSANCE DE DETTE

En application de son article 9, l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations est entrée en vigueur le 10 octobre 2016. Toutefois, les contrats conclus avant cette date demeurent soumis à la loi ancienne, y compris pour leurs effets légaux et pour les dispositions d'ordre public. La convention en cause cause ayant été conclue le 14 mars 2011, elle reste soumise aux dispositions légales applicables avant l’entrée en vigueur de l’ordonnance précitée.

Selon l’article 1315 alinéa 1er du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, applicable au litige, celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver.

Aux termes de l’article 1341 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, applicable au litige, l’acte juridique portant sur une somme ou une valeur excédant 1 500 euros doit être prouvé par écrit sous signature privée ou authentique.

En vertu de l’article 1326 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, applicable au litige, l’acte sous signature privée par lequel une seule partie s'engage envers une autre à lui payer une somme d'argent ou à lui livrer un bien fongible ne fait preuve que s'il comporte la signature de celui qui souscrit cet engagement ainsi que la mention, écrite par lui-même, de la somme ou de la quantité en toutes lettres et en chiffres. En cas de différence, l'acte sous signature privée vaut preuve pour la somme écrite en toutes lettres.

En application des textes précités, il incombe au prêteur d’apporter la preuve de du contrat de prêt, en vertu duquel l’emprunteur doit lui rembourser les sommes prêtées. En revanche, l’absence de remise des fonds est à la charge de l’emprunteur ayant souscrit une reconnaissance de dette.

En l’espèce, les demanderesses produisent un acte intitulé « reconnaissance de dette », dactylographié, stipulant notamment :
« Par les présentes Mademoiselle [P] [R] [M] [C] [Y], reconnaît devoir bien et légitimement à Monsieur [N] [E], la somme de deux cent dix mille euros (210 000 euros) en représentation de sommes que ce dernier a consenti à lui prêter pour lui permettre d’acquérir un bien immobilier sis [Adresse 3].

Mademoiselle [P] [R] [M] [C] [Y] s’oblige à rembourser à Monsieur [T] [E] cette somme de deux cent dix mille euros sans intérêt au plus tard le à son décès (mention manuscrite). (…)

La débitrice pourra se libérer par anticipation et même par fractions sans préavis.

En cas de prédécès de Monsieur [E] [T], Madame [Y] pourra demander à ses héritiers à continuer à utiliser seule et personnellement le bien immobilier.

La somme prêtée deviendra immédiatement et de plein droit exigible dans les cas suivants:
- En cas de décès ; en ce cas de décès de la débitrice, la dette sera solidaire et indivisible entre tous ses héritiers et représentants, lesquels supporteront en outre le coût de la signification à leur faire en vertu de l’article 877 du Code civil.
- En cas de saisie, de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire de l’emprunteur;
- En cas de vente du bien immobilier susmentionné objet du prêt (…). .»

Au terme de ce document Mme [Y] a apposé sa signature après avoir inscrit la mention manuscrite suivante : « Je reconnais devoir la somme de 210 000 € deux cent dix mille euros ».

Il résulte de ce document, qui respecte les exigences probatoires de l’article 1326 du code civil précité, que M. [T] [E] a prêté la somme de 210 000 euros à Mme [Y], laquelle s’était engagée à lui rembourser.

L’interprétation du second paragraphe fait l’objet d’une discussion entre les parties, notamment s’agissant de la personne à laquelle renvoie les termes « son décès ». Or, il résulte, d’une part du respect des règles syntaxiques, d’autre part de la substance inhérente à l’acte que constitue une reconnaissance de dette, qu’il est question du décès de M. [E], et non de celui de Mme [Y]. En effet, il ne serait pas cohérent que la débitrice s’engage à rembourser une dette au plus tard au jour de son propre décès.

Par ailleurs, cette lecture s’accorde avec la structure du document. Ainsi, le deuxième paragraphe pose la règle d’exigibilité de la dette au décès de M. [E], les paragraphes suivants prévoyant des exceptions à savoir :
- une possibilité de libération par anticipation (paragraphe 3),
- l’exigibilité immédiate et de plein droit de la somme prêtée notamment en cas de décès de la débitrice (paragraphe 5).

Ainsi, le prêt est exigible par principe au décès de M. [E] et par exception en cas de survie de M. [E], au décès de Mme [Y].

En tout état de cause, l’hypothèse du prédécès de M. [E], envisagée au quatrième paragraphe, de manière autonome, ne contredit en rien cette lecture. En effet, elle a seulement pour objet de convenir de la possibilité pour Mme [Y] de demander aux héritiers la possibilité d’utiliser seule et personnellement le bien immobilier financé par le prêt, et n’a aucunement trait au terme de l’accord.

Dès lors, les termes de l’acte conclu le 14 mars 2011 entre Mme [Y] et M. [E] s’analysent en une reconnaissance de dette, le terme de celle-ci étant fixé au plus tard au décès de M. [E], événement survenu le 14 mars 2019.

En conséquence, Mme [Y] sera condamnée à payer à Mme [K] [G] veuve [E], Mme [O] [E] épouse [W] et Mme [I] [E] la somme de 210 000 euros.

S’agissant des intérêts, l’article 1153 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, dispose que dans les obligations qui se bornent au paiement d'une certaine somme, les dommages-intérêts résultant du retard dans l'exécution ne consistent jamais que dans la condamnation aux intérêts au taux légal, sauf les règles particulières au commerce et au cautionnement. Ces dommages et intérêts sont dus sans que le créancier soit tenu de justifier d'aucune perte. Ils ne sont dus que du jour de la sommation de payer, ou d'un autre acte équivalent telle une lettre missive s'il en ressort une interpellation suffisante, excepté dans le cas où la loi les fait courir de plein droit.

La date de la mise en demeure du 15 avril 2016 étant antérieure à la date d’exigibilité de la dette, celle-ci est dépourvue d’effet. Le point de départ des intérêts sera donc fixé à la date de signification de l’assignation, à savoir le 14 juin 2023.

4. SUR LES DEMANDES INDEMNITAIRES

4.1. AU TITRE DES FRAIS D’HYPOTHÈQUE

Selon l’article 1134 alinéa 1er du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites.

En l’espèce, il est constant que la reconnaissance de dette prévoit que le prêt devait être garanti par une hypothèque sur un ensemble immobilier situé à [Localité 10], dont les frais d’inscription et de main-levée étaient à la charge de Mme [Y].

Les demanderesses sollicitent le remboursement des frais d’hypothèque en vertu des dispositions contractuelles. Toutefois, elles n’apportent pas la preuve des frais invoqués s’agissant de l’inscription d’une hypothèque auprès des services de la publicité foncière de [Localité 7].

En conséquences elles seront déboutées de leur demande au titre des frais d’hypothèque.

4.2. AU TITRE DE LA RÉSISTANCE ABUSIVE

Il résulte de l’article 1240 du code civil que l’octroi de dommages-intérêts sur le fondement de la résistance abusive suppose que soient caractérisés l’existence d’un abus dans l’exercice du droit de résister, ainsi que d’un préjudice subi en conséquence de cet abus, distinct du préjudice principal invoqué.

En l’espèce, les demanderesses n’invoquent aucun préjudice engendré par la résistance alléguée de la défenderesse, et n’apportent aucun élément tendant à justifier d’un préjudice distinct du seul retard de paiement qui est compensé par l’allocation d’intérêts moratoires.

En conséquences elles seront déboutées de leur demande de dommages et intérêts pour résistance abusive.

5. SUR LES FRAIS DU PROCÈS

Aux termes de l'article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie.

En application de l'article 700 1° du code de procédure civile, dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou la partie perdante à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a lieu à condamnation.

Partie perdante, Mme [Y] sera condamnée aux dépens.

Supportant les dépens, elle sera condamnée à payer aux demanderesses la somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Consécutivement, elle sera déboutée de sa demande fondée sur le même texte.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal judiciaire,

DÉCLARE irrecevable la fin de non-recevoir tirée de la prescription soulevée Mme [P] [R] [M] [C] [Y] ;

CONDAMNE Mme [P] [R] [M] [C] [Y] à payer à Mme [K] [G] veuve [E], Mme [O] [E] épouse [W] et Mme [I] [E], en qualité d’ayants droit de M. [T] [E], la somme de 210 000 euros, avec intérêt au taux légal à compter du 14 juin 2023 ;

DÉBOUTE Mme [K] [G] veuve [E], Mme [O] [E] épouse [W] et Mme [I] [E], en qualité d’ayants droit de M. [T] [E], de leur demande au titre des frais d’hypothèque ;

DÉBOUTE Mme [K] [G] veuve [E], Mme [O] [E] épouse [W] et Mme [I] [E], en qualité d’ayants droit de M. [T] [E], de leur demande de dommages et intérêts pour résistance abusive ;

CONDAMNE Mme [P] [R] [M] [C] [Y] aux dépens ;

CONDAMNE Mme [P] [R] [M] [C] [Y] à payer à Mme [K] [G] veuve [E], Mme [O] [E] épouse [W] et Mme [I] [E], en qualité d’ayants droit de M. [T] [E], la somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

DÉBOUTE Mme [P] [R] [M] [C] [Y] de sa demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile.

Le présent jugement ayant été signé par le président et le greffier.

Le Greffier Le Président
Camille FLAMANT Michaël MARTINEZ


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Bobigny
Formation : Chambre 7/section 1
Numéro d'arrêt : 23/05819
Date de la décision : 16/05/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 28/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-05-16;23.05819 ?
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