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29/04/2024 | FRANCE | N°22/03875

France | France, Tribunal judiciaire de Bobigny, Chambre 5/section 3, 29 avril 2024, 22/03875


TRIBUNAL JUDICIAIRE
de BOBIGNY



JUGEMENT CONTENTIEUX DU 29 AVRIL 2024


Chambre 5/Section 3
AFFAIRE: N° RG 22/03875 - N° Portalis DB3S-W-B7G-WGEJ
N° de MINUTE : 24/00619

DEMANDEUR

Madame [S] [K]
[Adresse 2]
[Localité 4]
représentée par Me Nabil FADLI, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C0904

C/

DEFENDEUR

S.C.I. CASTEL REAL ESTATE 2B
[Adresse 1]
[Localité 3]
représentée par Me Anne-sophie BARDIN LAHALLE, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : A815

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Madame Al

iénor CORON, statuant en qualité de juge unique, conformément aux dispositions de l article 812 du code de procédure civile, assistée aux débats d...

TRIBUNAL JUDICIAIRE
de BOBIGNY

JUGEMENT CONTENTIEUX DU 29 AVRIL 2024

Chambre 5/Section 3
AFFAIRE: N° RG 22/03875 - N° Portalis DB3S-W-B7G-WGEJ
N° de MINUTE : 24/00619

DEMANDEUR

Madame [S] [K]
[Adresse 2]
[Localité 4]
représentée par Me Nabil FADLI, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C0904

C/

DEFENDEUR

S.C.I. CASTEL REAL ESTATE 2B
[Adresse 1]
[Localité 3]
représentée par Me Anne-sophie BARDIN LAHALLE, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : A815

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Madame Aliénor CORON, statuant en qualité de juge unique, conformément aux dispositions de l article 812 du code de procédure civile, assistée aux débats de Madame Khedidja SEGHIR, greffier.

DÉBATS

Audience publique du 11 Mars 2024.

JUGEMENT

Rendu publiquement, par mise au disposition au greffe, par jugement contradictoire et en premier ressort, par Madame Aliénor CORON, assistée de Madame Khedidja SEGHIR, greffier.

EXPOSÉ DU LITIGE

Par acte sous signature privée du 24 mai 2024, la SCI CASTEL REAL ESTATE 2B a donné à bail à la société SERIN TEXTILE PARIS un local situé au sein du centre commercial « La Grande Porte » à [Localité 5] (93), local n°A1 n°71, A2-Niveau -1.

Par acte du 6 mai 2015, la société SERIN TEXTILE PARIS a cédé son droit au bail à la société SOLEIL.

Par acte sous signature privée en date du 21 janvier 2016, Madame [S] [K] a acquis le fonds de commerce de la société SOLEIL.

Par acte extrajudiciaire en date du 15 février 2022, la SCI CASTEL REAL ESTATE 2B a fait délivrer à Madame [S] [K] un commandement de payer la somme de 95 801,50 euros.

Par acte de commissaire de justice en date du 15 mars 2022, Madame [S] [K] a assigné la SCI CASTEL REAL ESTATE 2B devant le tribunal judiciaire de Bobigny afin que soit annulé le commandement de payer.

Une première clôture est intervenue le 19 avril 2023. Par acte du 28 juillet 2023, la SCI CASTEL REAL ESTATE 2B a cédé le centre commercial « La Grande Porte » à la société [Localité 5] LA GRANDE PORTE. L’ordonnance de clôture a été révoquée le 11 septembre 2023 afin de permettre aux parties de régulariser la procédure.

La clôture définitive est intervenue le 7 février 2024.

Au terme de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 18 avril 2023, Madame [S] [K] sollicite du tribunal de :
A titre principal :
-ANNULER le commandement du 15 février 2022
-CONDAMNER la SCI CASTEL REAL ESTATE 2B à lui payer la somme de 100 000 euros à titre de dommages-intérêts, et ordonner la compensation des sommes que se doivent réciproquement les parties,
A titre subsidiaire :
-SUSPENDRE le jeu de la clause résolutoire du bail visé par le commandement du 15 février 2022 et ACCORDER à Madame [K] les plus larges délais de paiement.
En tout état de cause :
-CONDAMNER la SCI CASTEL REAL ESTATE 2B à lui payer la somme de 2500 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile, outre les entiers dépens ;
-RAPPELER que l’exécution provisoire est de droit.

Au terme de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 11 mars 2024, la société [Localité 5] LA GRANDE PORTE venant aux droits de la SCI CASTEL REAL ESTATE 2B sollicite du tribunal de :
-DÉBOUTER Madame [K] de toutes ses demandes,
-CONSTATER qu’à la suite du commandement délivré le 15 février 2022, la clause résolutoire est acquise
-CONSTATER la résiliation du bail et déclarer Madame [K] occupante sans droit ni titre,
-ORDONNER l’expulsion des lieux loués de Madame [K] ainsi que de celle de tous occupants de son chef et si besoin avec l’assistance de la force publique, ainsi que la séquestration, à ses frais, risques et péril, des marchandises et objet garnissant les lieux dans tel garde-meubles qu’il plaira à Monsieur le Président de désigner
-CONDAMNER Madame [K] à payer en principal à lui payer la somme de 191 303,39 euros au titre des loyers et charges impayés, augmentée d’un intérêt de retard au taux légal majoré de 4 points
-CONDAMNER Madame [K] à lui payer la somme de 19 130,33 euros au titre de l’article 24.1 du contrat de bail
-CONDAMNER Madame [K] à lui payer une indemnité correspondant à six mois de loyer à titre de réparation
-DIRE que le dépôt de garantie sera acquis au bailleur à titre de premiers dommages et intérêts
-CONDAMNER provisionnellement Madame [K] à lui payer une indemnité d’occupation calculée sur la base du double du dernier loyer de base, outre les charges et taxes jusqu’à la libération des locaux et remise des clés
-CONDAMNER Madame [K] à lui payer la somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du CPC,
-CONDAMNER Madame [K] aux entiers dépens d’instance en ce compris le coût du commandement de payer.

En application de l’article 455 du code de procédure civile, il sera référé aux conclusions des parties pour un complet exposé des moyens.

L’affaire a été mise en délibéré au 29 avril 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Il ne sera répondu que dans les présents motifs aux demandes de constat et de "dire et juger" qui ne sont pas des prétentions au sens des articles 4, 5 et 768 du code de procédure civile, mais des moyens ou arguments au soutien des véritables prétentions, qui à ce titre ne doivent pas figurer au dispositif des conclusions.

Sur la recevabilité des dernières conclusions de la société [Localité 5] LA GRANDE PORTE

Par message RPVA du 13 mars 2024, le conseil de Madame [S] [K] a sollicité que les dernières conclusions de la société [Localité 5] LA GRANDE PORTE soient jugées irrecevables pour avoir été déposées postérieurement à l’ordonnance de clôture et en-dehors de toute constitution d’avocat ni intervention volontaire à l’instance.

L’article 802 du code de procédure civile prévoit qu’après l'ordonnance de clôture, aucune conclusion ne peut être déposée ni aucune pièce produite aux débats, à peine d'irrecevabilité prononcée d'office.

Sont cependant recevables les demandes en intervention volontaire, les conclusions relatives aux loyers, arrérages, intérêts et autres accessoires échus et aux débours faits jusqu'à l'ouverture des débats, si leur décompte ne peut faire l'objet d'aucune contestation sérieuse, ainsi que les demandes de révocation de l'ordonnance de clôture.

En l’espèce, contrairement à ce qu’indique Madame [S] [K], la société [Localité 5] LA GRANDE PORTE venant aux droits de la société CASTEL REAL ESTATE 2B avait déjà conclu par voie d’avocat le 27 octobre 2023, soit antérieurement à l’ordonnance de clôture. Ces conclusions valent intervention volontaire à l’instance et constitution d’avocat.

Il ressort de la comparaison des conclusions du 27 octobre 2023 et du 4 mars 2024 que les seules modifications portent sur le montant de l’arriéré locatif suite à actualisation. Ces conclusions sont donc recevables en application de l’article 802 précité.

Sur la demande en annulation du commandement de payer

Madame [S] [K] sollicite l’annulation du commandement de payer délivré le 15 février 2022 d’une part compte tenu de son montant erroné car incluant les loyers sur la période du 12 mars au 11 septembre 2020, et d’autre part du fait de l’exception d’inexécution dont elle se prévaut en application de l’article 1219 du code civil. Se prévalant de trois constats d’huissier en date du 2 décembre 2021, du 27 septembre 2022 et du 18 janvier 2023 ainsi que d’articles de presse, elle expose que le centre commercial au sein duquel se situent les locaux loués n’est plus entretenu correctement, qu’il est en partie abandonné et que la commercialité des locaux loués n’est donc plus assurée par le bailleur. Elle soutient par ailleurs que l’impossibilité d’exploiter son local du fait des mesures d’urgence liées à la crise sanitaire constitue une perte partielle de la chose louée. Elle se fonde sur l’article 1223 du code civil pour faire valoir qu’il appartient au bailleur d’indiquer s’il accepte l’exécution imparfaite du bail.

La société [Localité 5] LA GRANDE PORTE venant aux droits de la société CASTEL REAL ESTATE 2B s’oppose à cette demande. Elle fait valoir que Madame [S] [K] ne démontre pas qu’elle remplit les conditions prévues par l’ordonnance du 25 mars 2020 relative à l’état d’urgence sanitaire. Elle ajoute que le commandement de payer du 15 février 2022 n’entre pas dans le champ d’application de cette ordonnance. S’agissant de l’exception d’inexécution soulevée, elle expose qu’il n’existe pas d’obligations contractuelles à la charge du bailleur concernant la commercialité du centre commercial, en application de l’article 20 du contrat de bail. Elle ajoute que les parties communes sont parfaitement entretenues.

L’article L. 145-41 du code de commerce dispose que toute clause insérée dans le bail prévoyant la résiliation de plein droit ne produit effet qu’un mois après un commandement demeuré infructueux. Le commandement doit, à peine de nullité, mentionner ce délai.

Un commandement délivré pour une somme supérieure à celle qui est due demeure valable à hauteur de la somme effectivement due.

L’article 1219 du code civil dispose qu’une partie peut refuser d'exécuter son obligation, alors même que celle-ci est exigible, si l'autre n'exécute pas la sienne et si cette inexécution est suffisamment grave.

Il résulte de l’article 1719 du code civil que le bailleur est obligé, par la nature même du contrat de délivrer au preneur la chose louée et d’entretenir cette chose en état de servir à l’usage pour lequel elle a été louée.

L’article 1722 du code civil prévoit que si, pendant la durée du bail, la chose louée est détruite en totalité par cas fortuit, le bail est résilié de plein droit ; si elle n'est détruite qu'en partie, le preneur peut, suivant les circonstances, demander ou une diminution du prix, ou la résiliation même du bail. Dans l'un et l'autre cas, il n'y a lieu à aucun dédommagement.

En l’espèce, Madame [S] [K] ne conteste qu’une partie des sommes visées au commandement de payer, correspondant aux loyers dus durant la période de crise sanitaire, pour un montant de 7 581.08 euros et aux pénalités afférentes à ces loyers. Cette contestation n’est donc pas de nature à entraîner l’annulation du commandement de payer, qui reste valable pour les sommes effectivement dues, sans qu’il soit nécessaire à ce stade d’établir le montant exact de la dette locative.

S’agissant de l’exception d’inexécution, il est de jurisprudence constante que le bailleur d'un local situé en centre commercial dont il est propriétaire n'est, à défaut de stipulations particulières du bail, pas tenu d'assurer la bonne commercialité du centre.

Le bail ne met par à la charge du bailleur d’obligation de commercialité, son article 20 prévoyant au contraire que le bailleur ne garantit « aucunement la pleine occupation du centre commercial ».

Les développements relatifs à la désertification alléguée du centre commercial, ainsi que les pièces afférentes (articles de presse, attestation d’une cliente et commentaires Google) sont donc inopérants.

Il ressort du constat d’huissier du 2 décembre 2021 et des photographies annexées que :
-l’intérieur du centre est en bon état d’entretien
-des pièces d’échafaudage et divers matériaux sont stockés sur l’esplanade du centre
-plusieurs vendeurs à la sauvette sont présents devant cette entrée
-de nombreux détritus jonchent le sol de l’esplanade
-les portes de quais de livraison sont taguées
-l’émetteur permettant d’alerter la sécurité et mis à disposition de la locataire ne fonctionne pas.

Il ressort du constat du 27 septembre 2022 et des photographies annexées que :
-l’intérieur du centre est en bon état général d’entretien
-les peintures des rambardes et des marches de l’escalier sont hors d’usage
-plusieurs vendeurs à la sauvette sont présents devant l’entrée principale du centre
-l’émetteur permettant d’alerter la sécurité et mis à disposition de la locataire ne fonctionne pas
-le système de ventilation du local ne fonctionne pas
-deux vitres de la rambarde de l’escalier sont fissurées
-les vitrages des battants de gauche de deux portes d’accès sont fissurés voire cassés

Il ressort du constat du 18 janvier 2023 et des photographies annexées que :
-l’intérieur du centre est en bon état général d’entretien
-plusieurs vendeurs à la sauvette sont présents devant l’entrée principale du centre, qui sont repoussés par un vigile
-les peintures des rambardes et des marches de l’escalier sont hors d’usage
-les zones permettant aux clients de s’asseoir sont fermées par des barrières à bande rétractable
-des infiltrations affectent le sous-sol, entraînant la condamnation d’une place de parking.

La bailleresse produit les contrats de prestations multitechniques et de sûreté et de sécurité qu’elle a souscrits durant la période.

Il ressort de l’ensemble de ces éléments qu’il n’est pas démontré de faute suffisamment grave de la part de la bailleresse, permettant de justifier une exception d’inexécution, dans la mesure où il ressort des photographies annexées aux constats produits que les parties communes du centre sont bien entretenues, et où la locataire n’apporte pas la preuve qu’elle ait été empêchée d’exploiter son local du fait du défaut d’entretien qu’elle invoque.

Les développements relatifs à l’article 1223 du code civil sont inopérants dans la mesure où la bailleresse n’a pas accepté l’exécution imparfaite du bail.

Par conséquent, Madame [S] [K] sera déboutée de sa demande d’annulation du commandement de payer du 15 février 2022.

Sur la demande de dommages et intérêts

Madame [S] [K] sollicite que la société CASTEL REAL ESTATE 2B soit condamnée à lui payer la somme de 100 000 euros à titre de dommages et intérêts. Se fondant sur l’article 1231-1 du code civil et sur la jurisprudence, elle fait valoir que l’état d’abandon dans lequel se sont trouvées les autres cellules du centre commercial pendant de nombreuses années ne lui a pas permis de jouir paisiblement de son local. Elle se prévaut également de l’absence d’entretien des parties communes.

La société [Localité 5] LA GRANDE PORTE venant aux droits de la société CASTEL REAL ESTATE 2B s’oppose à cette demande, produisant divers contrats de prestation de services relatifs à l’entretien du centre commercial.

Il résulte de l’article 1719 du code civil que le bailleur est obligé, par la nature même du contrat de délivrer au preneur la chose louée et d’entretenir cette chose en état de servir à l’usage pour lequel elle a été louée.

En application de l’article 1231-1 du code civil, le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, s'il ne justifie pas que l'exécution a été empêchée par la force majeure.

En l’espèce, comme indiqué précédemment, le propriétaire d’un centre commercial qu’il donne à bail n’est pas tenu d’une obligation de commercialité. La désertification alléguée du centre commercial n’est donc pas de nature à caractériser une faute contractuelle de la part de la bailleresse.

S’agissant de l’obligation d’entretien des parties communes, il ressort des photographies annexées aux constats produits un bon entretien général des parties communes du centre commercial. Madame [S] [K] ne démontre pas avoir subi un préjudice du fait de l’existence d’une fuite d’eau au sous-sol, dans la mesure où il est constant que le centre est peu fréquenté : la condamnation temporaire d’une unique place de parking n’est donc pas de nature à empêcher les clients d’accéder aux locaux. De même, elle ne démontre pas que le fait qu’une des portes d’entrée ait pu être temporairement endommagée ait pu avoir un impact sur la fréquentation de son commerce. S’agissant des dysfonctionnements affectant l’émetteur permettant d’appeler les services de sécurité, elle ne démontre pas que ce service et le fonctionnement de cet émetteur constituent une obligation contractuelle du bailleur. Enfin, la bailleresse ne saurait être tenue pour responsable de la présence de vendeurs à la sauvette à l’extérieur du centre commercial, ni de l’état de l’esplanade, dont il n’est pas démontré qu’elle lui appartienne.

Il résulte de l’ensemble de ces éléments que Madame [S] [K] ne démontre pas l’existence d’une faute contractuelle de la part de la bailleresse. Elle sera donc déboutée de sa demande de dommages et intérêts.

Sur la demande reconventionnelle en acquisition de la clause résolutoire

La société [Localité 5] LA GRANDE PORTE venant aux droits de la société CASTEL REAL ESTATE 2B sollicite que soit constatée l'acquisition de la clause résolutoire suite au commandement de payer du 15 février 2022, et s’oppose à l’octroi de délais de paiement, faisant valoir que Madame [S] [K] ne règle plus ses loyers depuis le 11 octobre 2021.

Madame [S] [K] sollicite la suspension du jeu de la clause résolutoire par l’octroi de délais de paiement. Se fondant sur l’article L. 145-41 du code de commerce et l’article 1343-5 du code civil, elle fait valoir l’état d’abandon du centre commercial ainsi que sa bonne foi.

L’article L. 145-41 du code de commerce dispose que toute clause insérée dans le bail prévoyant la résiliation de plein droit ne produit effet qu'un mois après un commandement demeuré infructueux. Le commandement doit, à peine de nullité, mentionner ce délai.

Les juges saisis d’une demande présentée dans les formes et conditions prévues à l’article 1343-5 du code civil peuvent, en accordant des délais, suspendre la réalisation et les effets de la clause.

L’article 1343-5 du code civil dispose que le juge peut, compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, reporter ou échelonner, dans la limite de deux années, le paiement des sommes dues.

En l’espèce, le bail stipule qu’à défaut de paiement d’un terme du loyer à son échéance, le contrat est résilié de plein droit un mois après la délivrance d’un commandement de payer demeuré infructueux.

Par acte extrajudiciaire du 15 février 2022, reproduisant la clause résolutoire du bail, la société CASTEL REAL ESTATE 2B a délivré commandement à Madame [S] [K] de payer, dans le délai d'un mois, la somme de 87 026,12 euros en principal, au titre des loyers impayés.

Il n’est pas contesté que Madame [S] [K] ne s’est pas acquittée de cette somme dans un délai d’un mois.

Le commandement de payer délivré dans les formes prévues à l’article L 145-41 du code de commerce le 15 février 2022 étant demeuré infructueux, la clause résolutoire a donc été acquise le 15 mars 2022.

S’agissant de la demande de délais de paiement, Madame [S] [K] ne verse pas d’éléments financiers postérieurs à 2021, de sorte que le tribunal n’est pas en mesure d’apprécier sa situation financière et sa capacité à honorer les termes de l’échéancier de remboursement qu’elle sollicite, en sus des loyers et charges courants, étant observé qu’il ressort des décomptes produits, le dernier étant en date du 27 février 2024, qu’elle n’a versé aucune somme à son bailleur depuis octobre 2021.

Dès lors, il convient de la débouter de sa demande de délais de paiement, de constater l’acquisition de la clause résolutoire à effet du 15 mars 2022, et d’ordonner en conséquence l’expulsion du preneur selon les termes du dispositif ci-après.

Sur l’arriéré locatif

La société [Localité 5] LA GRANDE PORTE venant aux droits de la société CASTEL REAL ESTATE 2B sollicite que Madame [S] [K] soit condamnée à lui payer :
-la somme de 191 303,39 euros au titre des loyers et charges impayés, augmente d’un intérêt au taux légal majoré de quatre points
-la somme de 19 130,33 euros au titre de l’article 24.1 du contrat de bail
-une indemnité correspondant à six mois de loyer à titre de réparation
-une indemnité d’occupation égale au double du dernier loyer de base, outre les charges et taxes jusqu’à la libération des locaux et la remise des clés.
Elle sollicite également que le dépôt de garantie lui reste acquis.

Madame [S] [K] fait valoir qu’en application de l’ordonnance 2020-316 relative à l’état d’urgence sanitaire, aucune pénalité ne peut s’appliquer sur les loyers et charges concernés par la période de protection. Elle ajoute qu’elle a été dans l’impossibilité d’exploiter son local sur la période allant du 15 mars au 20 mai 2020 et que les loyers afférents ne sont donc pas dus du fait de la perte de la chose louée.

Selon l’article 1103 du code civil, il appartient au preneur de s’acquitter du loyer et des charges contractuellement dus entre les mains de son bailleur.

En application de l’article 1231-5 du code civil, le juge peut d'office modérer le montant de l'indemnité fixé contractuellement, en cas de défaillance de l'une des parties dans l'exécution de ses obligations, qui est manifestement excessif.

Il y a lieu de rappeler qu’édictée pour limiter la propagation du virus par une restriction des rapports interpersonnels, l’interdiction de recevoir du public imposée à certains établissements pendant la période d’état d’urgence sanitaire pour faire face à l’épidémie de covid-19 résulte du caractère non indispensable à la vie de la Nation et à l’absence de première nécessité des biens ou des services fournis, si bien que cette interdiction a été décidée, selon les catégories d’établissement recevant du public, aux seules fins de garantir la santé publique, de sorte que l’effet de cette mesure générale et temporaire, sans lien direct avec la destination contractuelle du local loué, ne peut être assimilé à la perte de la chose au sens des dispositions de l’article 1722 du code civil (Civ. 3, 30 juin 2022 : pourvois n°21-19889, n°21-20190 et n°21-20127 ; Civ. 3, 23 novembre 2022 : pourvoi n°21-21867 ; Civ. 3, 16 mars 2023 : pourvoi n°21-24414 ; Civ. 3, 15 juin 2023 : pourvois n°22-15365, n°22-15366 et n°22-15367).

L’ordonnance 202-316 du 25 mars 2020 prévoit en son article 4 que les personnes mentionnées à l'article 1er ne peuvent encourir de pénalités financières ou intérêts de retard, de dommages-intérêts, d'astreinte, d'exécution de clause résolutoire, de clause pénale ou de toute clause prévoyant une déchéance, ou d'activation des garanties ou cautions, en raison du défaut de paiement de loyers ou de charges locatives afférents à leurs locaux professionnels et commerciaux, nonobstant toute stipulation contractuelle et les dispositions des articles L. 622-14 et L. 641-12 du code de commerce.
Les dispositions ci-dessus s'appliquent aux loyers et charges locatives dont l'échéance de paiement intervient entre le 12 mars 2020 et l'expiration d'un délai de deux mois après la date de cessation de l'état d'urgence sanitaire déclaré par l'article 4 de la loi du 23 mars 2020 précitée.

L’article 1er de ladite ordonnance précise que peuvent bénéficier des dispositions des articles 2 à 4 les personnes physiques et morales de droit privé exerçant une activité économique qui sont susceptibles de bénéficier du fonds de solidarité mentionné à l'article 1er de l'ordonnance n° 2020-317 du 25 mars 2020 susvisée. Les critères d'éligibilité aux dispositions mentionnées ci-dessus sont précisés par décret, lequel détermine notamment les seuils d'effectifs et de chiffre d'affaires des personnes concernées ainsi que le seuil de perte de chiffre d'affaires constatée du fait de la crise sanitaire.

En l’espèce, en application de la jurisprudence précitée, il n’y a pas lieu d’exclure du décompte les loyers correspondant aux périodes de fermeture administrative. S’agissant des pénalités applicables à ces loyers, Madame [S] [K] ne produit aucune pièce de nature à démontrer qu’elle ait été éligible au fonds de solidarité et que les dispositions précitées lui soient applicables. Il n’y a donc pas lieu d’exclure les pénalités relatives aux loyers dus durant les périodes de fermeture administrative.

Madame [S] [K] ne conteste pas le reste de son arriéré locatif. Il ressort du dernier décompte produit par la société [Localité 5] LA GRANDE PORTE venant aux droits de la société CASTEL REAL ESTATE 2B que Madame [S] [K] était redevable au 27 février 2024 de la somme de 191 303,39 au titre des loyers et charges impayés. Elle sera donc condamnée au paiement de cette somme, qui portera intérêt au taux légal à compter du 15 février 2022 sur la somme de 87 026,12 euros, et à compter de la présente décision sur le surplus, l’application d’un taux légal majoré de 4 points en application de l’article 24.3 du bail apparaissant manifestement excessive au regard des autres clauses pénales prévues au bail.

L’article 24.1 du bail prévoit qu’“en cas de retard dans le paiement d’un seul terme ou fraction de terme du loyer, de ses accessoires, et plus généralement de retard dans le paiement de toute somme exigible aux termes du bail, celle-ci sera automatiquement et de plein droit, sans qu’il soit besoin pour le bailler d’accomplir aucune formalité ni mise en demeure, majorée, à titre de clause pénale, de dix pour cent de son montant”.

Il n’y a pas lieu de modérer d’office cette clause qui n’apparait pas excessive, et Madame [S] [K] sera condamnée à payer à la société [Localité 5] LA GRANDE PORTE venant aux droits de la société CASTEL REAL ESTATE 2B la somme de 19 130,33 euros en application de l’article 24.1 précité.

L’article 25.2.1 alinéa 1 du bail prévoit qu’en cas d’application de la clause résolutoire le preneur devra, à titre de réparation, une indemnité correspondant à six mois de loyer. Il y a lieu de modérer d’office cette clause qui apparaît manifestement excessive au regard de la situation respective des parties et de l’application d’une pénalité de 10 %. Madame [S] [K] sera par conséquent condamnée à payer à la société [Localité 5] LA GRANDE PORTE venant aux droits de la société CASTEL REAL ESTATE 2B la somme de 5 000 euros au titre de l’article 25.2.1. précité.

L’alinéa 2 prévoit que dans cette hypothèse le dépôt de garantie restera acquis au bailleur. Il sera par conséquent dit que le dépôt de garantie restera acquis à la société [Localité 5] LA GRANDE PORTE venant aux droits de la société CASTEL REAL ESTATE 2B.

L’article 25.2.2 du bail prévoit qu’en cas de résiliation du bail, si le preneur ne libère pas les lieux à bonne date, il devra une indemnité d’occupation calculée sur la base du double du dernier loyer. Il y a lieu de modérer d’office cette clause qui apparaît manifestement excessive du fait de sa combinaison avec les autres pénalités prévues au bail et du fait que l’expulsion de la locataire a été ordonnée.

Madame [S] [K] devra s’acquitter au profit de la société [Localité 5] LA GRANDE PORTE venant aux droits de la société CASTEL REAL ESTATE 2B d’une indemnité mensuelle d’occupation égale au montant du dernier loyer, outre toutes les taxes et charges exigibles conformément au bail expiré, et ce à compter du 15 mars 2022 et jusqu’à la libération effective des lieux avec remise des clefs, étant rappelé que la somme de 191 303,39 euros inclut par conséquent les indemnités d’occupation dues jusqu’au mois de février 2024.

Sur les mesures de fin de jugement

En application de l’article 696 du code de procédure civile, Madame [S] [K], partie perdante, sera condamnée aux dépens, en ce compris le coût du commandement de payer.

Il serait en outre inéquitable de laisser à la charge de la société [Localité 5] LA GRANDE PORTE venant aux droits de la société CASTEL REAL ESTATE 2B l’intégralité de ses frais de procédure non compris dans les dépens. Madame [S] [K] sera donc condamnée à lui payer la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

L’exécution provisoire de droit sera rappelée.

PAR CES MOTIFS,

Le tribunal, statuant après débats en audience publique, par décision contradictoire, en premier ressort, par mise à disposition au greffe,

-Déclare recevables les conclusions de la société [Localité 5] LA GRANDE PORTE venant aux droits de la société CASTEL REAL ESTATE 2B du 4 mars 2024,

-Déboute Madame [S] [K] de sa demande d’annulation du commandement de payer du 15 février 2022,

-Rejette la demande de délais de paiement formée par Madame [S] [K],

-Déboute Madame [S] [K] de sa demande de dommages et intérêts,

-Constate la résiliation au 15 mars 2022 du bail commercial conclu entre les parties et portant sur le local situé au sein du centre commercial « La Grande Porte » à [Localité 5] (93), local n°A1 n°71, A2-Niveau -1,

-Ordonne, si besoin avec le concours de la force publique, l’expulsion de Madame [S] [K] et de tous occupants de son chef,

-Rappelle que les meubles et objets se trouvant dans les lieux suivront le sort prévu par l’article L.433-1 du code des procédures civiles d’exécution,

-Condamne Madame [S] [K] à payer à la société [Localité 5] LA GRANDE PORTE venant aux droits de la société CASTEL REAL ESTATE 2B une indemnité mensuelle d’occupation égale au montant du dernier loyer, outre toutes les taxes et charges exigibles conformément au bail expiré, et ce à compter du 15 mars 2022 et jusqu’à la libération effective des lieux avec remise des clefs,

-Condamne Madame [S] [K] à payer à la société [Localité 5] LA GRANDE PORTE venant aux droits de la société CASTEL REAL ESTATE 2B la somme de 191 303,39 euros au titre des loyers, charges et indemnités d’occupation impayés au 27 février 2024, avec intérêts au taux légal à compter du 15 février 2022 sur la somme de 87 026,12 euros, et à compter de la présente décision sur le surplus,

-Condamne Madame [S] [K] à payer à la société [Localité 5] LA GRANDE PORTE venant aux droits de la société CASTEL REAL ESTATE 2B la somme de 19 130,33 euros au titre de l’article 24.1 du bail liant les parties,

-Déboute la société [Localité 5] LA GRANDE PORTE venant aux droits de la société CASTEL REAL ESTATE 2B de sa demande en condamnation de Madame [S] [K] à lui payer une somme correspondant à six mois de loyer,

-Condamne Madame [S] [K] à payer à la société [Localité 5] LA GRANDE PORTE venant aux droits de la société CASTEL REAL ESTATE 2B la somme de 5 000 euros au titre de l’article 25.2.1 alinéa 1 du bail liant les parties,

-Dit que le dépôt de garantie restera acquis à la société [Localité 5] LA GRANDE PORTE venant aux droits de la société CASTEL REAL ESTATE 2B,

-Condamne Madame [S] [K] à payer à la société [Localité 5] LA GRANDE PORTE venant aux droits de la société CASTEL REAL ESTATE 2B la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

-Condamne Madame [S] [K] aux dépens, en ce compris le coût du commandement de payer,

-Rappelle que la présente décision est de droit assortie de l’exécution provisoire.

La minute de la présente décision a été signée par Madame CORON, Juge, assistée de Madame Khedidja SEGHIR, Greffier présente lors de son prononcé.

LE GREFFIERLE JUGE

MADAME SEGHIRMADAME CORON


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Bobigny
Formation : Chambre 5/section 3
Numéro d'arrêt : 22/03875
Date de la décision : 29/04/2024
Sens de l'arrêt : Déboute le ou les demandeurs de l'ensemble de leurs demandes

Origine de la décision
Date de l'import : 05/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-04-29;22.03875 ?
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