TRIBUNAL JUDICIAIRE DE BOBIGNY
JUGE DE L'EXECUTION
JUGEMENT CONTENTIEUX DU
16 Avril 2024
MINUTE : 24/407
RG : N° RG 24/02328 - N° Portalis DB3S-W-B7I-Y6K4
Chambre 8/Section 3
Rendu par Madame COSNARD Julie, Juge chargé de l'exécution, statuant à Juge Unique.
Assistée de Madame HALIFA Zaia, Greffière,
DEMANDEUR
Monsieur [K] [P]
[Adresse 1]
[Localité 4]
représenté par Me Anne CAILLET, avocat au barreau de SEINE-SAINT-DENIS - 172
ET
DEFENDEUR
Société GMCPF
[Adresse 2]
[Localité 3]
représentée par Me Hervé ITTA, avocat au barreau de PARIS - G655
COMPOSITION DU TRIBUNAL LORS DES DEBATS
Madame COSNARD, juge de l’exécution,
Assistée de Madame HALIFA, Greffière.
L'affaire a été plaidée le 28 Mars 2024, et mise en délibéré au 16 Avril 2024.
JUGEMENT
Prononcé le 16 Avril 2024 par mise à disposition au greffe, par décision Contradictoire et en premier ressort.
EXPOSÉ DU LITIGE
Par jugement en date du 30 mars 2023, signifié le 21 avril 2023, le juge des contentieux de la protection du tribunal de proximité de Saint Denis a notamment :
- constaté l'acquisition de la clause résolutoire du bail conclu entre Monsieur [K] [P] et son épouse d'une part et la SCI GMCPF d'autre part et portant sur le logement sis [Adresse 1] à [Localité 4],
- condamné solidairement Monsieur [K] [P] et son épouse à payer à la SCI GMCPF la somme de 14 628,34 euros au titre de l'arriéré locatif, outre une indemnité d'occupation mensuelle,
- autorisé l'expulsion de Monsieur [K] [P] et son épouse et de tout occupant de leur chef des lieux litigieux,
- dit qu'il sera sursis aux mesures d'expulsion pendant un délai de quatre mois à compter de cette décision.
Un commandement de quitter les lieux a été délivré à Monsieur [K] [P] le 7 août 2023.
Par déclaration au greffe en date du 26 février 2024, Monsieur [K] [P] a saisi le juge de l'exécution de la juridiction de céans afin que lui soit accordé, sur le fondement des articles L. 412-3 et L. 412-4 du code des procédures civiles d'exécution, un délai de 7 mois, soit jusqu'au 31 octobre 2024, pour libérer les lieux.
L'affaire a été appelée à l'audience du 28 mars 2024.
À l'audience, Monsieur [K] [P], représenté par son conseil, reprend oralement ses conclusions visées par le greffe le jour-même et demande au juge de l'exécution de :
- constater la nullité du commandement de quitter les lieux du 7 août 2023,
- à défaut, lui accorder un délai pour quitter des lieux jusqu'au 31 octobre 2024,
- condamner le défendeur aux dépens.
En défense, la SCI GMCPF, représentée par son conseil, reprend oralement ses conclusions visées par le greffe le jour-même et demande au juge de l'exécution de :
- débouter Monsieur [K] [P] de ses demandes,
- condamner Monsieur [K] [P] à lui payer la somme de 1000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.
Pour un plus ample exposé des faits, moyens et prétentions des parties, il est renvoyé aux écritures visées ci-dessus conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.
À l'issue des débats, l'affaire a été mise en délibéré au 16 avril 2024.
MOTIFS DE LA DÉCISION
I. Sur la demande de nullité du commandement de quitter les lieux
En tant qu'actes d'huissier de justice, les commandements de quitter les lieux sont soumis à l'article 649 du code de procédure civile, en vertu duquel la nullité des actes d'huissier de justice est régie par les dispositions qui gouvernent la nullité des actes de procédure.
En application de l'article 114 du code de procédure civile, aucun acte de procédure ne peut être déclaré nul pour vice de forme si la nullité n'en est pas expressément prévue par la loi, sauf en cas d'inobservation d'une formalité substantielle ou d'ordre public. La nullité ne peut être prononcée qu'à charge pour l'adversaire qui l'invoque de prouver le grief que lui cause l'irrégularité, même lorsqu'il s'agit d'une formalité substantielle ou d'ordre public.
Conformément aux dispositions de l'article R411-1 du code des procédures civiles d'exécution, le commandement d'avoir à libérer les locaux prend la forme d'un acte d'huissier de justice signifié à la personne expulsée et contient à peine de nullité l'indication de la date à partir de laquelle les locaux devront être libérés.
Enfin, en application de l'article R121-1 du code des procédures civiles d'exécution, le juge de l'exécution ne peut ni modifier le dispositif de la décision de justice qui sert de fondement aux poursuites.
En l'espèce, Monsieur [K] [P] fait valoir que le commandement de quitter les lieux est nul en ce qu'il ne tient pas compte du délai accordé par le juge des contentieux de la protection, délai qui ne pouvait courir qu'à compter de la signification du jugement.
Or, le dispositif de la décision du 30 mars 2023 du juge des contentieux de la protection est clair et indique qu'il est sera sursis aux mesures d'expulsion pendant un délai de quatre mois à compter de ce jugement. Ainsi, le commandement de quitter les lieux délivré le 7 août 2023, soit plus de quatre mois après le jugement du 30 mars 2021, qui fait commandement à Monsieur [K] [P] de quitter les lieux avant le 7 octobre 2023, respecte parfaitement le dispositif de la décision fondant les poursuites.
Il y a donc lieu de rejeter la demande de nullité.
II. Sur la demande de délai avant expulsion
Aux termes de l'article L412-3 alinéa 1er du code des procédures civiles d'exécution, le juge peut accorder des délais renouvelables aux occupants de lieux habités ou de locaux à usage professionnel, dont l'expulsion a été ordonnée judiciairement, chaque fois que le relogement des intéressés ne peut avoir lieu dans des conditions normales.
L'article L412-4 de ce même code précise que pour la fixation de ces délais, il est tenu compte de la bonne ou mauvaise volonté manifestée par l'occupant dans l'exécution de ses obligations, des situations respectives du propriétaire et de l'occupant, notamment en ce qui concerne l'âge, l'état de santé, la qualité de sinistré par faits de guerre, la situation de famille ou de fortune de chacun d'eux, les circonstances atmosphériques, ainsi que des diligences que l'occupant justifie avoir faites en vue de son relogement ; est également tenu compte du droit à un logement décent et indépendant, des délais liés aux recours engagés selon les modalités prévues aux articles L. 441-2-3 et L. 441-2-3-1 du code de la construction et de l'habitation et du délai prévisible de relogement des intéressés.
Ce même article dispose que la durée des délais prévus à l'article L. 412-3 ne peut, en aucun cas, être inférieure à un mois ni supérieure à un an.
En l'espèce, il ressort des pièces versées en demande que Monsieur [K] [P] a divorcé le 17 août 2023, occupe désormais seul le logement litigieux et perçoit une retraite mensuelle de 929,70 euros, qui ne lui permet pas de se reloger dans le parc privé. Il justifie de nombreuses démarches de relogement dans le parc social (demande de logement social effectué en 2022 et renouvelée en 2023, courriers auprès de bailleurs sociaux, décision de priorité DALO du 26 avril 2023, injonction de relogement faite au préfet par le tribunal administratif le 12 décembre 2023, demande indemnitaire au préfet, priorité DAHO du 9 août 2023, demande de SIAO).
Monsieur [K] [P] produit un certificat médical daté du 6 décembre 2023 selon lequel il est suivi pour des pathologies chroniques nécessitant une surveillance médicale rapprochée, sans plus de précisions sur la nature ou la gravité de ses pathologies.
Néanmoins, il n'est pas contesté que Monsieur [K] [P] n'a effectué aucun versement au titre du loyer, des charges ou de l'indemnité d'occupation depuis deux ans, sans qu'il ne fasse état d'un motif légitime à cette absence totale de paiement.
En outre, la défenderesse justifie qu'un dégât des eaux en cours dans l'appartement situé en dessous des lieux litigieux rend nécessaire une recherche de fuite chez Monsieur [K] [P], mais que celui-ci ne répond pas aux sollicitations en ce sens.
Il en ressort que la bonne volonté de Monsieur [K] [P] dans l'exécution de ses obligations n'est pas établie et sa demande de délai avant expulsion devra par conséquent être rejetée.
En application de l'article 696 du code de procédure civile, Monsieur [K] [P], qui succombe, sera condamné aux dépens.
Il est en revanche équitable de rejeter la demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La juge de l'exécution, statuant publiquement, par jugement contradictoire, mis à disposition au greffe et en premier ressort :
REJETTE la demande de nullité du commandement de quitter les lieux du 7 août 2023 ;
REJETTE la demande de délai avant expulsion formée par Monsieur [K] [P] ;
CONDAMNE Monsieur [K] [P] aux dépens ;
REJETTE la demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Fait à Bobigny le 16 avril 2024.
LA GREFFIÈRELA JUGE DE L'EXÉCUTION