TRIBUNAL JUDICIAIRE
de BOBIGNY
JUGEMENT CONTENTIEUX DU 10 AVRIL 2024
Chambre 21
AFFAIRE: N° RG 22/01663 - N° Portalis DB3S-W-B7G-V6G5
N° de MINUTE : 24/00189
FONDS DE GARANTIE DES VICTIMES DES ACTES DE TERRORISME ET D’AUTRES INFRACTIONS ( M. [H] [B])
[Adresse 2]
[Localité 4]
représentée par Me [M] [X] du cabinet [X] & AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0178
DEMANDEUR
C/
Monsieur [H] [B]
né le [Date naissance 1] 1993 à [Localité 6] (MALI)
[Adresse 5]
[Adresse 5]
[Localité 3]
représenté par Me Caroline TOBY, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : R049
DEFENDEUR
COMPOSITION DU TRIBUNAL
Monsieur Maximin SANSON, Vice-Président, statuant en qualité de juge unique, conformément aux dispositions de l’article 812 du code de procédure civile, assisté aux débats de Madame Maryse BOYER, greffière.
DÉBATS
Audience publique du 14 Février 2024.
JUGEMENT
Rendu publiquement, par mise au disposition au greffe, par jugement contradictoire et en premier ressort, par Monsieur Maximin SANSON, Vice-Président, assisté de Madame Maryse BOYER, greffière.
****************
EXPOSE DU LITIGE
Le 13 juillet 2016 à [Localité 7], Monsieur [H] [B] a volontairement exercé des violences entrainant une incapacité totale de 45 jours à l’encontre de Monsieur [T] [S].
A la suite d’une procédure de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité, le président du tribunal de grande instance de Pontoise a, par ordonnance du 21 février 2017, prononcé l’homologation de la proposition de peine formée par le Procureur de la République constituée d’une amende de 600 euros et d’un assujettissement au droit fixe de procédure de 127 euros.
Sur l’action civile, le président du tribunal de grande instance de Pontoise a reçu Monsieur [T] [S] en sa constitution de partie civile, a déclaré Monsieur [H] [B] responsable du préjudice subi par la partie civile et a renvoyé à une audience ultérieure sur les intérêts civils.
Par jugement sur intérêts civils en date du 19 avril 2017, le tribunal de grande instance de Pontoise, avant dire droit, a ordonné une expertise médicale en désignant le Docteur [G] pour y procéder et a condamné Monsieur [H] [B] à verser à Monsieur [T] [S] la somme de 1.500 euros à titre d’indemnité provisionnelle, outre la somme de 1.208 euros au titre de préjudice matériel et a renvoyé l’affaire à l’audience du 18 janvier 2018 devant la chambre de liquidation des dommages et intérêts.
Aux termes de son rapport, l’expert a fixé la consolidation de l’état de santé de Monsieur [T] [S] au 31 décembre 2016 et a évalué ses préjudices de la manière suivante :
- Déficit fonctionnel temporaire :
Déficit fonctionnel temporaire total du 13 au 14 juillet 2016 ;
Déficit fonctionnel temporaire partiel de 50 % du 15 juillet au 1er septembre 2016 avec aide humaine de 2 heures par jour ;
Déficit fonctionnel temporaire partiel de 25 % du 2 septembre au 31 décembre 2016 ;
- Déficit fonctionnel permanent de 3 % ;
- Souffrances endurées : 3/7 ;
- Préjudice esthétique temporaire jusqu’au 1er septembre 2016 ;
- Préjudice esthétique permanent : 2/7 ;
- Préjudice sportif : perte de chance d’obtenir des qualifications et difficultés pour revenir à son niveau antérieur ;
- Frais futurs : potentielle intervention concernant le kyste sur le tendon ;
- Tierce personne :
30 minutes par jour du 15 juillet au 1er septembre 2016 ;
2 heures par semaine du 2 septembre au 31 décembre 2016.
Le 4 octobre 2018, le Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et autres infractions (FGTI, ci-après) a présenté une offre chiffrée de 21.100,69 euros, qui a été acceptée par Monsieur [T] [S]. L’accord a été homologué le 13 décembre 2018 par le président de la Commission d’indemnisation des victimes d’infractions (CIVI, ci-après) de [Localité 8].
Par requêtes déposées le 16 avril 2018, Madame [N] [S] et Monsieur [Y] [S], parents de la victime directe, ont saisi la CIVI aux fins d’indemnisation.
Par deux ordonnances distinctes en date du 11 février 2019, la CIVI leur a respectivement alloué la somme de 3.171, 36 euros, outre la somme de 800 euros chacun au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
En raison d’une erreur matérielle concernant les sommes allouées, la CIVI a, par deux décisions distinctes rendues le 19 décembre 2019, rectifié le montant des indemnités devant être allouées à Madame [N] [S] et Monsieur [Y] [S] en réparation de leur préjudice d’affection à la somme de 3.000 euros.
Selon attestation de paiement en date du 5 octobre 2012, le FGTI a déclaré avoir exposé la somme totale de 28.700, 69 euros en lieu et place de Monsieur [H] [B], par trois versements réalisés en 2018 et 2019.
Ne parvenant pas à recouvrir amiablement sa créance et étant subrogé dans les droits des victimes, le FGTI a fait assigner Monsieur [H] [B] par acte du 25 janvier 2022, devant le tribunal de céans en remboursement de sa créance.
Monsieur [H] [B] a constitué avocat et a conclu.
Dans le dernier état de ses demandes, le FGTI sollicite du tribunal de :
- Condamner Monsieur [H] [B] à lui payer la somme de 28.700, 69 euros avec intérêts au taux légal à compter de la date la présente assignation ;
- Débouter Monsieur [H] [B] de l’ensemble de ses demandes ;
- Condamner Monsieur [H] [B] à lui verser la somme de 2.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.
- Condamner Monsieur [H] [B] aux dépens de l’instance.
Au soutien de ses prétentions, le FGTI fait observer que le défendeur ne conteste pas le montant de sa créance. Il s’oppose à la demande de délais de paiement sollicitée. Il estime que le défendeur ne rapporte ni la preuve de son impécuniosité, ni la garantie que ses ressources actuelles lui permettraient de rembourser sa dette en 24 mensualités. Il ajoute qu’il n’est pas démontré que le défendeur ne dispose d’aucune épargne personnelle et estime que celui-ci n’apporte en tout état de cause aucune justification s’agissant de l’emploi de ses ressources après déduction des charges. Il expose qu’en dépit de plusieurs relances émises à son égard depuis la naissance de sa créance, le défendeur n’a procédé à aucun remboursement.
Dans le dernier état de ses demandes, Monsieur [H] [B] sollicite du tribunal de :
- Lui octroyer les délais de paiement les plus larges prévus par l’article 1345-5 du code civil ;
- Ordonner que les sommes correspondantes aux échéances reportées porteront intérêt à un taux réduit au moins égal au taux légal ;
- Débouter le FGTI de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
- Statuer ce que de droit sur les dépens.
Au soutien de ses prétentions, Monsieur [H] [B] fait valoir que sa situation financière l’empêche de procéder au paiement intégral et immédiat de la somme de 28.700, 69 euros auprès du FGTI. Il expose exercer une activité de technicien en qualité d’auto-entrepreneur lui ayant permis de réaliser un chiffre d’affaires de 8.000 euros pour le premier trimestre 2022 et de 8.000 euros pour le deuxième trimestre 2022. Compte tenu de son activité, il indique être redevable auprès de l’URSAFF de la somme de 1.958 euros par trimestre. Il ajoute exposer des charges mensuelles à hauteur de 220,56 euros par mois. Il expose régler un loyer mensuel de 455,57 euros, une facture d’électricité de 41 euros par mois et estime ses dépenses alimentaires mensuelles à 350 euros. En raison de l’importance de sa dette et de ses faibles ressources, il sollicite les délais de paiement les plus larges prévus par l’article 1345-5 du code civil.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 10 octobre 2023, les plaidoiries étant fixées au 14 février 2024, date à laquelle l’affaire a été plaidée.
La décision a été mise en délibéré au 10 avril 2024.
MOTIFS
L’article 706-11 du code de procédure pénale dispose que :
« Le Fonds est subrogé dans les droits de la victime pour obtenir des personnes responsables du dommage causé par l'infraction ou tenues à un titre quelconque d'en assurer la réparation totale ou partielle le remboursement de l'indemnité ou de la provision versée par lui, dans la limite du montant des réparations à la charge des dites personnes.
Le Fonds peut exercer ses droits par toutes voies utiles, y compris par voie de constitution de partie civile devant la juridiction répressive et ce, même pour la première fois, en cause d'appel. Lorsqu'il se constitue partie civile par lettre recommandée, le Fonds peut demander le remboursement des sommes mises à sa charge sans limitation de plafond. (...) ».
Au cas présent, il ressort de l’attestation de paiement du Fonds de Garantie du 5 octobre 2021 (pièce n°7), que celui-ci justifie avoir indemnisé les consorts [S], de la manière suivante :
Le 21 décembre 2018, pour un total de 21.100, 69 euros à l’égard de Monsieur [T] [S] ;
Le 1er mars 2019 pour un total de 3.800 euros à l’égard de Madame [N] [S] ;
Le 1er mars 2019, pour un total de 3.800 euros à l’égard de Monsieur [Y] [S].
Par ailleurs, il ressort de l’historique des évènements financiers produit en pièce n°16 par le FGTI que Monsieur [H] [B] n’a procédé à aucun versement au bénéfice du Fonds de garantie, de sorte que sa créance s’établit à la somme de 28.700, 69 euros.
Au vu des dispositions de l'article 706-11 du code de procédure pénale ci-dessus rappelées, le Fonds de Garantie des Victimes est parfaitement fondé, dans le cadre de l'exercice de son recours subrogatoire, à se retourner contre Monsieur [H] [B], responsable des dommages causés par les infractions, pour obtenir le remboursement du solde des indemnités versées aux victimes, soit la somme de 28.700, 69 euros.
Sur la demande de délais de paiement
En application de l’article 1343-5 du code civil le juge peut compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier reporter ou échelonner dans la limite de deux années le paiement des sommes dues.
Au soutien de sa demande de délais de paiement, Monsieur [H] [B] justifie de revenus mensuels de 2.014 euros (moyenne de rémunération mensuelle en 2022, hors impôt sur le revenu).
Néanmoins, l’importance de ses charges assurantielles mais également locatives ne lui permet pas de s’acquitter du paiement intégral et immédiat de la somme de 28.700, 69 euros.
Dès lors, compte tenu de la situation du débiteur et des efforts financiers importants qui vont devoir être les siens s’il parvient à tenir les engagements pris devant la juridiction, il convient de faire droit à sa demande de délais de paiement pour une durée de 24 mois.
En outre, sa capacité contributive dégagée à hauteur de 942,87 euros par mois pendant 23 mois (le 24ème mois s’élevant à la somme de 6.071,81 euros) permet d'apurer l'intégralité de sa dette dans un délai raisonnable et au moyen de paiements réguliers.
En contrepoint, et afin de garantir les intérêts du FGTI, l’octroi de délai de paiement doit être conditionné au respect scrupuleux par le défendeurs de ses engagements, et il convient donc d’ordonner l’exigibilité immédiate de l’intégralité de la créance en principal et intérêts, en cas de non-paiement d’une seule mensualité.
Eu égard à la situation actuelle du débiteur, de ses perspectives d’apurement de la dette et des besoins du FGTI, il convient de faire droit à la demande de délai formulée par Monsieur [H] [B] sur 24 mois selon 23 mensualités consécutives de 942,87 euros, et le surplus à la 24ème mensualité et de juger qu'en cas de non-paiement dans sa totalité d'une seule mensualité, l'intégralité de la créance en principal et intérêts deviendra immédiatement exigible par le FGTI.
Sur le point de départ des intérêts au taux légal
L’article 1231-7 du même code énonce notamment que, en toute matière, la condamnation à une indemnité emporte intérêts au taux légal même en l'absence de demande ou de disposition spéciale du jugement. Sauf disposition contraire de la loi, ces intérêts courent à compter du prononcé du jugement à moins que l
e juge n'en décide autrement.
Dans le cas d’espèce, le Fonds de Garantie demande la fixation des intérêts au taux légal à compter du 25 janvier 2022, date de l’assignation, demande à laquelle ne s’oppose pas Monsieur [H] [B].
Par conséquent, il y a lieu de faire droit à la demande du FGTI et de fixer le point de départ des intérêts moratoires de sa dette à la date de l’assignation, soit le 25 janvier 2022.
Sur la demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile et les dépens
Il y a lieu de condamner Monsieur [H] [B], partie qui succombe, aux dépens.
L’équité commande de faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile et de condamner Monsieur [H] [B] à verser au Fonds de Garantie des Victimes des Actes de Terrorisme et d’autres Infractions la somme de 500 euros.
Enfin, le tribunal rappelle que l’exécution provisoire est de droit pour les assignations délivrées après le 1er janvier 2020 et que rien dans la présente affaire ne conduit à devoir l’écarter, eu égard à l’ancienneté des faits pour lesquels le Fonds de Garantie est intervenu.
PAR CES MOTIFS
Le Tribunal, statuant publiquement, par jugement contradictoire, en premier ressort par mise à disposition au greffe,
CONDAMNE Monsieur [H] [B] à verser au Fonds de Garantie des Victimes des actes de Terrorisme et d'autres Infractions la somme de 28.700, 69 euros avec intérêts au taux légal à compter du présent jugement,
Accorde à Monsieur [H] [B] un délai de paiement de 24 mois conformément aux dispositions de l’article 1343-5 du code civil,
Dit que le paiement interviendra en 23 mensualités successives de 942,87 euros chacune, le surplus à la 24ème mensualité, celle-ci étant majorée du solde de la dette ainsi que des frais et intérêts restant dus à cette date,
Dit que Monsieur [H] [B] devra régler les mensualités avant le 5 de chaque mois et pour la première fois le 5 du mois suivant celui de la signification du présent arrêt,
Dit qu’à défaut pour Monsieur [H] [B] de se conformer aux échéances et modalités ci-dessus, la somme totale restant due deviendra immédiatement exigible en intégralité,
CONDAMNE Monsieur [H] [B] à verser au Fonds de Garantie des Victimes des actes de Terrorisme et d'autres infractions la somme de 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNE Monsieur [H] [B] aux dépens de l'instance,
Dit que la décision est assortie de l'exécution provisoire de droit.
La minute a été signée par Monsieur Maximin SANSON, Vice-président et Madame Maryse BOYER, greffière.
LA GREFFIERE LE PRESIDENT