TRIBUNAL JUDICIAIRE
de BOBIGNY
JUGEMENT CONTENTIEUX DU 10 AVRIL 2024
Chambre 21
AFFAIRE: N° RG 21/12432 - N° Portalis DB3S-W-B7F-V4CN
N° de MINUTE : 24/00180
S.A. ALLIANZ IARD (victime : [H] [O]) - prise en la personne de son représentant légal, domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 1]
[Localité 5]
représentée par Me Julie VERDON du cabinet H & A, avocat au barreau de PARIS, vestiaire: P0577
DEMANDEUR
C/
ONIAM
Tour ALTAIS
[Adresse 2]
[Localité 6]
représentée par Maître Pierre RAVAUT de la SELARL BIROT RAVAUT ET ASSOCIES, avocats au barreau de BORDEAUX, vestiaire :, Me Nadia DIDI, avocat au barreau de SEINE-SAINT-DENIS, vestiaire : 78
DEFENDEUR
CPAM DE LA LOIRE ATLANTIQUE
[Adresse 4]
[Localité 3]
représentée par Me Maher NEMER, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : R295
INTERVENANTE VOLONTAIRE
_________________
COMPOSITION DU TRIBUNAL
Monsieur Maximin SANSON, Vice-Président, statuant en qualité de juge unique, conformément aux dispositions de l’article 812 du code de procédure civile, assisté aux débats de Madame Maryse BOYER, greffière.
DÉBATS
Audience publique du 10 Janvier 2024.
JUGEMENT
Rendu publiquement, par mise au disposition au greffe, par jugement contradictoire et en premier ressort, par Monsieur Maximin SANSON, Vice-Président, assisté de Madame Maryse BOYER, greffière.
****************
EXPOSE DU LITIGE
Le 31 mai 1994, à l’occasion d’un don du sang, Madame [O] [H], a découvert qu'elle avait été contaminée par le virus de l'hépatite C (VHC).
Attribuant sa contamination aux nombreux produits sanguins qu’elle avait reçus les 25 et 29 juillet 1975 du fait d’une souffrance néonatale accompagnée d’une insuffisance cardiaque, Madame [O] [H] a sollicité l’ONIAM afin d’obtenir l’indemnisation de ses préjudices.
Saisi par l’ONIAM, l’Etablissement Français du Sang (EFS) a réalisé une enquête transfusionnelle concernant Madame [O] [H] et a conclu, le 26 mai 2016, que deux des trois donneurs ayant permis l’élaboration des culots globulaires injectés à Madame [O] [H] n’avaient pas pu voir leur statut virologique vérifié.
L’ONIAM a alors confié une expertise amiable au Docteur [P], lequel a conclu, le 27 février 2017, que la probabilité de l’origine transfusionnelle de la contamination de Madame [O] [H] par le VHC s’élevait à la valeur de 70 %.
Par décision amiable en date du 11 juillet 2017, l’ONIAM a reconnu l’origine transfusionnelle de la contamination par le VHC de Madame [O] [H] et l’a indemnisée à hauteur de 15.713 €, 700 € ayant par ailleurs été dépensés au titre des frais d’expertise.
Le 17 juillet 2018, l’ONIAM a émis à l’encontre de la Société ALLIANZ IARD un titre exécutoire n° 2018-807 d’un montant de 15.713 €.
Par requête en date du 11 avril 2019, la Société ALLIANZ IARD a saisi le tribunal administratif de Montreuil en annulation du titre n° 2018-807. Après un renvoi ordonné par ce tribunal au profit du tribunal administratif de Caen, ce dernier a déclaré l’ordre administratif incompétent par ordonnance du 29 octobre 2021.
Par assignation en date du 15 décembre 2021, la Société ALLIANZ IARD a saisi le tribunal de céans d’une demande d’annulation du titre n° 2018-807.
Par conclusions en date du 07 décembre 2022, la CPAM de Loire-Atlantique est intervenue volontairement à la procédure.
Toutes les parties ont constitué avocat et ont conclu.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 13 juin 2023, les plaidoiries étant fixées au 10 janvier 2024, date à laquelle elles se sont tenues.
Dans le dernier état de ses conclusions, la Société ALLIANZ IARD sollicite du tribunal de :
juger que le titre n° 2018-807 est entaché d’irrégularités de formes et de fond, que l’ONIAM et la CPAM ne démontrent pas l’existence de créances certaines, liquides et exigibles et qu’ils ne démontrent pas non plus la responsabilité d’un assuré de la concluante dans la survenue de la contamination de Madame [O] [H] par le VHC et, en conséquence, l’annuler en ordonnant décharge ;Débouter l’ONIAM et la CPAM de leur demande reconventionnelle formée au titre des intérêts au taux légal ou, à défaut, fixer le point de départ à compter du jugement à intervenir ;En toute hypothèse, condamner l’ONIAM et la CPAM à lui payer la somme de 3.500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens dont distraction au profit de Maître VERDON.
Au soutien de ses demandes, outre que la Société ALLIANZ IARD demande au tribunal d’examiner ses demandes dans l’ordre qu’elle a choisi, la demanderesse reproche à l’ONIAM de ne pas respecter l’exigence de signature du titre émis et de ne pas indiquer les bases de la liquidation de ce même titre, de sorte qu’il doit être annulé.
La Société ALLIANZ IARD reproche également à l’ONIAM de ne pas avoir bien fondé ses titres, l’ONIAM ne démontrant pas la responsabilité du CTS de [Localité 7] dans la survenue de la contamination de Madame [O] [H] par le VHC puisqu’il n’est pas prouvé que la contamination de celle-ci aurait une origine transfusionnelle, le seul document produit par l’ONIAM consistant en une expertise amiable non contradictoire, ce qui ne peut pas constituer un mode de preuve suffisant lorsqu’aucun autre élément n’est versé aux débats. De même, la concluante reproche à l’ONIAM de ne pas démontrer que le CTS de [Localité 7] aurait fourni à Madame [O] [H] des produits sanguins, et de ne pas démontrer que la contamination serait survenue au temps d’un contrat d’assurance souscrit auprès de la Société ALLIANZ IARD.
La demanderesse sollicite également le débouté de la CPAM pour les mêmes raisons tirées de l’absence de bien-fondé du titre émis par l’ONIAM.
Dans le dernier état de ses conclusions, l'ONIAM sollicite du tribunal de :
Débouter la Société ALLIANZ IARD de ses demandes d’annulation du titre n° 2018-807 ;subsidiairement :condamner à titre reconventionnel la Société ALLIANZ IARD à lui payer la somme de 15.713 € en remboursement des indemnisations versées à Madame [O] [H] ;
en toute hypothèse :condamner à titre reconventionnel la Société ALLIANZ IARD à lui payer les frais d’expertise à hauteur de 700 €, outre les intérêts au taux légal à compter du 11 avril 2019, date de dépôt de la requête devant le TA de [Localité 7], avec anatocisme depuis le 12 avril 2020 ;condamner la Société ALLIANZ IARD à lui payer la somme de 4.000 € sur le fondement de l'article 700 du CPC, ainsi qu’aux entiers dépens.
Au soutien de ses prétentions, et à titre liminaire, l'ONIAM fait valoir qu'il est compétent pour émettre des titres exécutoires, ainsi que l'a rappelé le Conseil d’État dans un avis du 9 mai 2019, la haute instance administrative précisant que, en cas de contestation formelle d'un titre, le juge doit d'abord procéder à l'examen prioritaire du bien-fondé de la créance.
S’agissant de la légalité interne du titre, l’ONIAM fait tout d’abord valoir que le rapport d’expertise établi par le Docteur [P] ne peut pas être considéré comme inopposable à la demanderesse du seul fait qu’il serait intervenu dans le cadre d’une procédure amiable, puisque son expertise a été régulièrement versée aux débats et qu’elle a ainsi pu faire l’objet de discussions. Sur le fond, l’ONIAM expose que Madame [O] [H] a reçu des produits sanguins à l’occasion d’une naissance compliquée et que l’expert a conclu à la plus grande probabilité d’une contamination d’origine transfusionnelle qu’à toute autre source, les produits issus de deux donneurs sur les trois qui ont été identifiés n’ayant pas pu être innocentés par l’enquête conduite par l’EFS. L’ONIAM poursuit en exposant que cette même enquête a identifié la provenance des produits injectés à Madame [O] [H], à savoir le CTS de [Localité 7], lequel est bien assuré par la demanderesse.
S’agissant de la légalité externe du titre, l’ONIAM fait valoir qu’il a fourni les bases de liquidation de la créance puisque les titres émis étaient accompagnés des décisions d’indemnisation de l’ONIAM et des protocoles signés avec les victimes, les sommes octroyées l’ayant été en application du référentiel d’indemnisation de l’ONIAM, document public et connu des assureurs. L’ONIAM conteste également l’absence de signature de son titre, l’ordre à recouvrer signé étant produit.
Dans le dernier état de ses demandes, la CPAM de la Loire Atlantique sollicite du tribunal de :
condamner la Société ALLIANZ IARD à lui payer la somme de 8.349,76 € avec intérêts au taux légal à compter de la demande ;condamner la Société ALLIANZ IARD à lui payer la somme de 4.000 € sur le fondement de l’article 700 du CPC, outre les dépens dont distraction au profit de la SELARL BOSSU & ASSOCIES ;ordonner l’exécution provisoire.
La CPAM expose que les sommes réclamées correspondent aux dépenses de santé exposées par elle pour le compte de la victime, selon attestation d’imputabilité jointe à ses écritures.
A l'issue des débats, la décision a été mise en délibéré le 13 mars 2024 puis prorogée au 10 avril 2024.
DISCUSSION
Sur la question de l'ordre d'examen des moyens la Société ALLIANZ IARD
La Société ALLIANZ IARD présente ses demandes dans l'ordre suivant : des moyens relatifs aux irrégularités de forme du titre émis et des moyens relatifs à son bien-fondé.
Ainsi que l’a rappelé la Cour de cassation dans son avis du 28 juin 2023, l’ordre d’examen de ses moyens choisi par le demandeur doit être suivi par le tribunal.
Sur la question des irrégularités de forme du titre émis
Sur la question de la signature du titre émis
L’article L.212-1 du code des relations entre le public et l’administration (CRPA) dispose que toute décision prise par une administration comporte la signature de son auteur ainsi que la mention, en caractères lisibles, du prénom, du nom et de la qualité de celui-ci.
Il est admis qu'un vice affectant le déroulement d'une procédure administrative préalable, suivie à titre obligatoire ou facultatif, n'est de nature à entacher d'illégalité la décision prise que s'il ressort des pièces du dossier qu'il a été susceptible d'exercer en l'espèce une influence sur le sens de la décision prise ou qu'il a privé les intéressés d'une garantie.
Il est également constant qu'en matière de titres exécutoires visant au recouvrement des créances des établissements publics administratifs, le titre de recette individuel ou l'extrait du titre de recettes collectif doit mentionner les nom, prénoms et qualité de l'auteur de la décision, et que l'autorité administrative doit pouvoir justifier, en cas de contestation, du fait que le bordereau du titre de recettes comporte la signature de cet auteur.
En l'espèce, la Société ALLIANZ IARD expose qu’aucune signature ne figure sur l'avis de sommes à payer fourni en pièce en demande n° 1, outre qu'il n'est pas indiqué qui serait l'auteur du titre exécutoire émis, seuls les noms de l'ordonnateur et du comptable public étant indiqués. Quant à l'ONIAM, s’il ne conteste pas que l'avis de sommes à payer reçu par la Société ALLIANZ IARD n'a pas été signé, il fait valoir qu'il a régularisé la situation en produisant aux débats une pièce en défense n° 10 qui représente un exemplaire signé de ce titre exécutoire, l'exemplaire ainsi produit étant signé du Directeur de l’ONIAM lui-même, [L] [X].
Le tribunal observe donc qu’il y a concordance entre « l'avis de sommes à payer » reçu par la Société ALLIANZ IARD, lequel indique en qualité d'ordonnateur la personne du Directeur de l'ONIAM, et le titre lui-même, effectivement signé par cette personne.
En conséquence, le premier moyen relatif à la régularité formelle du titre n° 2018-807 est écarté.
Sur la question des bases de la liquidation
Aux termes du second alinéa de l'article 24 du décret du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique : « toute créance liquidée faisant l'objet d'une déclaration ou d'un ordre de recouvrer indique les bases de la liquidation. En cas d'erreur de liquidation, l'ordonnateur émet un ordre de recouvrer afin, selon les cas, d'augmenter ou de réduire le montant de la créance liquidée. Il indique les bases de la nouvelle liquidation. Pour les créances faisant l'objet d'une déclaration, une déclaration rectificative, indiquant les bases de la nouvelle liquidation, est souscrite. (...) ».
Cet article s'interprète en ce sens qu'un état exécutoire doit indiquer les bases de la liquidation de la créance pour le recouvrement de laquelle il est émis et les éléments de calcul sur lesquels il se fonde, soit dans le titre lui-même, soit par référence précise à un document joint à l'état exécutoire ou précédemment adressé au débiteur.
Le tribunal rappelle également que les bases de liquidation peuvent figurer dans un document annexé au titre lui-même.
Dans le cas d'espèce, le titre exécutoire reçu par la Société ALLIANZ IARD mentionne « Art L 1221-14 Code de la santé publique », « VHC », « Dossier : Mme [H] [O] », un numéro de police d’assurance (« 9011 D1 6500 70 »), le poste d’indemnisation avec son bénéficiaire ainsi que la valeur de cette indemnisation. Ont également été envoyés par l’ONIAM les protocoles d’indemnisation.
Ces informations permettaient à la Société ALLIANZ IARD de comprendre qu’il s’agissait de l’indemnisation de Madame [O] [H] pour un total de 15.713 €, pour les postes de préjudice détaillés, du fait d’une contamination par le VHC d’origine transfusionnelle de Madame [O] [H].
Quant à l’adéquation entre les sommes versées aux victimes et les différents postes de préjudice, le tribunal observe que le référentiel de l’ONIAM est un outil bien connu à la fois des assureurs et des tribunaux. Si ce référentiel est constamment écarté par la juridiction de céans au motif que ses montants sont très défavorables aux victimes par rapport aux sommes que les tribunaux de l’ordre judiciaire leur allouent habituellement, ce ‘biais’ du référentiel de l’ONIAM joue dans le cas d’espèce en faveur des assureurs. En conséquence, l’application du référentiel de l’ONIAM ne fait pas grief à la Société ALLIANZ IARD mais lui bénéficie au contraire.
Ainsi, la Société ALLIANZ IARD disposait, avec les informations qui étaient communiquées, des bases de liquidation de la créance de l’ONIAM.
En conséquence, la Société ALLIANZ IARD sera déboutée de sa demande tendant à prononcer la nullité de l'ordre à recouvrer en raison de l'absence des bases de liquidation.
Sur la question du bien-fondé du titre de paiement
L’article 16 du code de procédure civile énonce que le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction. Il ne peut retenir, dans sa décision, les moyens, les explications et les documents invoqués ou produits par les parties que si celles-ci ont été à même d'en débattre contradictoirement. Il ne peut fonder sa décision sur les moyens de droit qu'il a relevés d'office sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations.
L'article L1221-14 du code de la santé publique énonce que les victimes de préjudices résultant de la contamination par le virus de l'hépatite B ou C ou le virus T-lymphotropique humain causée par une transfusion de produits sanguins ou une injection de médicaments dérivés du sang réalisée sur les territoires auxquels s'applique le présent chapitre sont indemnisées au titre de la solidarité nationale par l'office mentionné à l'article L. 1142-22 dans les conditions prévues à la seconde phrase du troisième alinéa de l'article L. 3122-1, aux deuxième et troisième alinéas de l'article L. 3122-2, au premier alinéa de l'article L. 3122-3 et à l'article L. 3122-4, à l'exception de la seconde phrase du premier alinéa.
Dans leur demande d'indemnisation, les victimes ou leurs ayants droit justifient de l'atteinte par le virus de l'hépatite B ou C ou le virus T-lymphotropique humain et des transfusions de produits sanguins ou des injections de médicaments dérivés du sang. L'office recherche les circonstances de la contamination. S'agissant des contaminations par le virus de l'hépatite C, cette recherche est réalisée notamment dans les conditions prévues à l'article 102 de la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé. Il procède à toute investigation sans que puisse lui être opposé le secret professionnel.
L'offre d'indemnisation visant à la réparation intégrale des préjudices subis du fait de la contamination est faite à la victime dans les conditions fixées aux deuxième, troisième et cinquième alinéas de l'article L. 1142-17.
La victime dispose du droit d'action en justice contre l'office si sa demande d'indemnisation a été rejetée, si aucune offre ne lui a été présentée dans un délai de six mois à compter du jour où l'office reçoit la justification complète des préjudices ou si elle juge cette offre insuffisante.
La transaction à caractère définitif ou la décision juridictionnelle rendue sur l'action en justice prévue au précédent alinéa vaut désistement de toute action juridictionnelle en cours et rend irrecevable toute autre action juridictionnelle visant à la réparation des mêmes préjudices.
La transaction intervenue entre l'office et la victime, ou ses ayants droit, en application du présent article est opposable à l'assureur, sans que celui-ci puisse mettre en œuvre la clause de direction du procès éventuellement contenue dans les contrats d'assurance applicables, ou, le cas échéant, au responsable des dommages, sauf le droit pour ceux-ci de contester devant le juge le principe de la responsabilité ou le montant des sommes réclamées. L'office et l’Établissement français du sang peuvent en outre obtenir le remboursement des frais d'expertise. Quelle que soit la décision du juge, le montant des indemnités allouées à la victime ou à ses ayants droit leur reste acquis.
Lorsque l'office a indemnisé une victime ou lorsque les tiers payeurs ont pris en charge des prestations mentionnées aux 1 à 3 de l'article 29 de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985 tendant à l'amélioration de la situation des victimes d'accidents de la circulation et à l'accélération des procédures d'indemnisation, ils peuvent directement demander à être garantis des sommes qu'ils ont versées ou des prestations prises en charge par les assureurs des structures reprises par l’Établissement français du sang en vertu du B de l'article 18 de la loi n° 98-535 du 1er juillet 1998 relative au renforcement de la veille sanitaire et du contrôle de la sécurité sanitaire de produits destinés à l'homme, de l'article 60 de la loi de finances rectificative pour 2000 (n° 2000-1353 du 30 décembre 2000) et de l'article 14 de l'ordonnance n° 2005-1087 du 1er septembre 2005 relative aux établissements publics nationaux à caractère sanitaire et aux contentieux en matière de transfusion sanguine, que le dommage subi par la victime soit ou non imputable à une faute.
L'office et les tiers payeurs, subrogés dans les droits de la victime, bénéficient dans le cadre de l'action mentionnée au septième alinéa du présent article de la présomption d'imputabilité dans les conditions prévues à l'article 102 de la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé. Les assureurs à l'égard desquels il est démontré que la structure qu'ils assurent a fourni au moins un produit sanguin labile ou médicament dérivé du sang, administré à la victime, et dont l'innocuité n'est pas démontrée, sont solidairement tenus de garantir l'office et les tiers payeurs pour l'ensemble des sommes versées et des prestations prises en charge.
L'office et les tiers payeurs ne peuvent exercer d'action subrogatoire contre l’Établissement français du sang, venu aux droits et obligations des structures mentionnées à l'avant-dernier alinéa, si l'établissement de transfusion sanguine n'est pas assuré, si sa couverture d'assurance est épuisée ou encore dans le cas où le délai de validité de sa couverture est expiré.
Les modalités d'application du présent article sont fixées par décret en Conseil d’État.
Le tribunal rappelle que, afin de faciliter l’indemnisation des victimes souvent confrontées à une impossibilité d’apporter la preuve d’un lien de causalité entre les produits sanguins qu’elles avaient pu recevoir et la contamination par le virus de l’hépatite C dont elles étaient atteintes, la Cour de cassation a affirmé, dès le 9 mai 2001, que lorsqu'une personne démontrait, d'une part, que la contamination virale dont elle était atteinte était survenue à la suite de transfusions sanguines, d'autre part, qu'elle ne présentait aucun mode de contamination qui lui soit propre, il appartenait au centre de transfusion sanguine dont la responsabilité était recherchée, de prouver que les produits sanguins qu'il avait fournis étaient exempts de tout vice. La Cour régulatrice a ainsi estimé qu’encourait une cassation l'arrêt qui rejetait la demande d'indemnisation des préjudices nés d'une contamination par le virus de l'hépatite C au motif que la preuve n'est pas rapportée que les produits administrés à la victime pendant la période probable de contamination provenaient exclusivement du centre de transfusion sanguine dont la responsabilité était recherchée, alors que les juges d'appel constataient que la contamination était d'origine transfusionnelle, et que, durant la période présumée de contamination, certains des produits sanguins administrés à la victime, à l'encontre de laquelle il n'était pas allégué qu'elle présentât des modes de contamination qui lui fussent propres, avaient été fournis par ce centre de sorte qu'il appartenait à ce dernier de rapporter la preuve de leur innocuité.
Le tribunal rappelle également que la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé a instauré un dispositif d’indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et infections médicaux fondé sur la solidarité nationale. Les contaminations par le virus de l’hépatite C survenues antérieurement à la date d’entrée en vigueur de cette disposition ont été exclues de ce dispositif mais le législateur a créé un régime de preuve spécifique. L’article 102 énonce ainsi : “en cas de contestation relative à l'imputabilité d'une contamination par le virus de l'hépatite C antérieure à la date d'entrée en vigueur de la présente loi, le demandeur apporte des éléments qui permettent de présumer que cette contamination a pour origine une transfusion de produits sanguins labiles ou une injection de médicaments dérivés du sang. Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que cette transfusion ou cette injection n'est pas à l'origine de la contamination. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Le doute profite au demandeur. Cette disposition est applicable aux instances en cours n'ayant pas donné lieu à une décision irrévocable”.
La Cour de cassation a ainsi prononcé au visa de l’article 102 plusieurs annulations d’arrêts rendus avant la loi du 4 mars 2002 et frappés de pourvoi à cette date. Elle a notamment relevé que devaient être annulés par application de l’article 102, rendu applicable aux instances n’ayant pas donné lieu à une décision irrévocable, les arrêts qui, pour débouter des personnes contaminées par le virus de l’hépatite C de leurs demandes d’indemnisation, retenaient qu’il appartenait à la personne de rapporter la preuve de l’imputabilité de sa contamination avec la transfusion subie.
Dans le cas d'espèce, l'ONIAM s'appuie sur deux pièces : l’expertise médicale confiée au Docteur [P] et l’enquête transfusionnelle réalisée par l’EFS.
Cependant, s’agissant plus précisément de la question de la probabilité de l’origine transfusionnelle de la contamination de Madame [O] [H], la seule pièce versée aux débats par l’ONIAM est en réalité l’expertise, puisque l’enquête EFS ne fait que constater que trois produits du sang ont été destinés à Madame [O] [H], ces produits étant identifiés par leur numéro de lot et par le CTS distributeur, éléments importants dans la suite du raisonnement du tribunal mais qui sont sans utilité pour apprécier la question de l’origine de la contamination par le VHC.
Or, s’agissant d’une expertise amiable non contradictoire, il est exclu que le tribunal puisse fonder une décision de condamnation (ou, ce qui revient au même en matière de titre, une décision de confirmation du bien-fondé du titre exécutoire) sur l’examen de cette seule pièce, non étayée par d’autres éléments.
Il appartenait donc à l’ONIAM, avant d’émettre son titre ou, au plus tard, dans le cours de la mise en état de la procédure, soit de verser aux débats d’autres pièces médicales soit de solliciter du juge de la mise en état une expertise judiciaire. En l’absence de tels éléments, le tribunal ne peut que constater que l’expertise amiable non contradictoire est la seule pièce médicale probante relative à l’origine de la contamination de Madame [O] [H] et que, à ce titre, elle n’est pas opposable à la Société ALLIANZ IARD.
En conséquence, l’ONIAM échoue à démontrer le bien-fondé de son titre n° 2018-807 et il convient d’en ordonner l’annulation et de donner décharge de la somme de 15.713 €.
Il résulte tout d’abord de ce qui précède que l’ONIAM doit également être débouté de sa demande reconventionnelle de condamnation de la demanderesse à lui régler les sommes figurant sur l’ordre à recouvrer, puisque l’annulation du titre n’a pas été faire pour des motifs de forme.
Il résulte également de ce qui précède qu’il convient de débouter l’ONIAM de sa demande de fixation des intérêts au taux légal, ainsi que de sa demande à titre reconventionnel de condamner la Société ALLIANZ IARD à lui payer les frais d’expertise, toujours faute pour l’ONIAM d’établir l’origine transfusionnelle de la contamination de Madame [O] [H] par le VHC.
Sur les demandes de la CPAM
La condamnation de la Société ALLIANZ IARD à payer les débours de la CPAM ne peut être envisagée que dans le cas où les sommes exposées par cette dernière auraient pour origine une contamination d’origine transfusionnelle de Madame [O] [H]. Or, pour établir cette origine, la CPAM se fonde sur les diligences effectuées par l’ONIAM. Et, dans la mesure où le tribunal n’a pas retenu le bien fondé du titre de l’ONIAM pour des motifs tirés de l’absence de preuve de l’origine transfusionnelle de la contamination de Madame [O] [H], la CPAM ne peut qu’être à son tour déboutée de ses propres demandes, qu’il s’agisse de la demande de condamnation aux débours ou de la demande relative aux intérêts au taux légal.
Sur les demandes accessoires
En raison de l’annulation de son titre exécutoire, il convient de condamner l’ONIAM à payer les entiers dépens de la Société ALLIANZ IARD, dont distraction au profit de Maître VERDON. S’agissant de la CPAM de la Loire-Atlantique, elle conservera la charge de ses dépens.
Il convient également de condamner l’ONIAM à payer à la Société ALLIANZ IARD la somme de 3.500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile. S’agissant de la CPAM de la Loire-Atlantique, elle conservera la charge de ses frais irrépétibles non compris dans les dépens.
Le tribunal rappelle que l'exécution provisoire est de droit.
PAR CES MOTIFS
Le Tribunal, statuant publiquement, par jugement contradictoire, rendu en premier ressort, par mise à disposition au greffe,
ANNULE le titre n° 2018-807 ;
ORDONNE décharge de la somme de 15.713 € ;
DEBOUTE l’ONIAM de sa demande subsidiaire de condamnation à titre reconventionnel de la Société ALLIANZ IARD à lui payer la somme de 15.713 € ainsi que de sa demande de paiement des intérêts au taux légal ;
DEBOUTE la CPAM de la Loire-Atlantique de sa demande de condamnation de la Société ALLIANZ IARD à lui payer la somme de 8.349,76 €, outre les intérêts légaux ;
CONDAMNE l’ONIAM aux entiers dépens de la Société ALLIANZ IARD, dont distraction au profit de Maître VERDON ;
DIT que la CPAM de la Loire-Atlantique conservera la charge de ses dépens ;
CONDAMNE l’ONIAM à payer à la Société ALLIANZ IARD la somme de 3.500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
DIT que la CPAM de la Loire-Atlantique conservera la charge de ses frais irrépétibles non compris dans les dépens ;
Le tribunal rappelle que l'exécution provisoire est de droit.
La minute a été signée par Monsieur Maximin SANSON, Vice-président et Madame Maryse BOYER, greffière.
LA GREFFIÈRE LE PRESIDENT