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27/03/2024 | FRANCE | N°23/00120

France | France, Tribunal judiciaire de Bobigny, Expropriations 1, 27 mars 2024, 23/00120


Décision du 27 Mars 2024
Minute n° 24/0062


TRIBUNAL JUDICIAIRE DE BOBIGNY

JURIDICTION DE L’EXPROPRIATION
DE LA SEINE-SAINT-DENIS

JUGEMENT FIXANT INDEMNITÉS

du 27 Mars 2024

:-:-:-:-:-:-:-:-:-:-:-:-:-:-:-:-:-:-:-:-:-:-:-:-:

Rôle n° RG 23/00120 - N° Portalis DB3S-W-B7H-XZSN

Le juge de l’expropriation du département de la SEINE-SAINT-DENIS


DEMANDEUR :


SEQUANO AMENAGEMENT
[Adresse 2]
[Adresse 2]
[Localité 5]
représentée par Maître Michaël MOUSSAULT de la SELAS DS AVOCATS, avocats au barreau

de PARIS
DÉFENDEUR :
S.A.R.L. PUGLIA FRANCE
[Adresse 1]
[Localité 6]
représentée par Maître Philippe MAMMAR, avocat au barreau de PARIS

INTERVE...

Décision du 27 Mars 2024
Minute n° 24/0062

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE BOBIGNY

JURIDICTION DE L’EXPROPRIATION
DE LA SEINE-SAINT-DENIS

JUGEMENT FIXANT INDEMNITÉS

du 27 Mars 2024

:-:-:-:-:-:-:-:-:-:-:-:-:-:-:-:-:-:-:-:-:-:-:-:-:

Rôle n° RG 23/00120 - N° Portalis DB3S-W-B7H-XZSN

Le juge de l’expropriation du département de la SEINE-SAINT-DENIS

DEMANDEUR :

SEQUANO AMENAGEMENT
[Adresse 2]
[Adresse 2]
[Localité 5]
représentée par Maître Michaël MOUSSAULT de la SELAS DS AVOCATS, avocats au barreau de PARIS
DÉFENDEUR :
S.A.R.L. PUGLIA FRANCE
[Adresse 1]
[Localité 6]
représentée par Maître Philippe MAMMAR, avocat au barreau de PARIS

INTERVENANT :
DIRECTION DEPARTEMENTALE DES FINANCES PUBLIQUES - POLE D’EVALUATION DOMANIALE
[Adresse 3] représentée par Monsieur [J] [U], commissaire du Gouvernement
[Localité 5]

COMPOSITION DU TRIBUNAL :

Charlotte THIBAUD, Vice-Présidente, désignée par ordonnance de Monsieur le Premier Président de la cour d’appel de Paris

Cécile PUECH, Greffière présente lors de la mise à disposition

PROCÉDURE :

Date de la visite des lieux : 04 octobre 2023
Date de la première évocation et des débats : 07 février 2024 ; 28 février 2024
Date de mise à disposition : 27 Mars 2024

EXPOSE DU LITIGE

La SARL PUGLIA FRANCE était propriétaire d’un fonds de commerce exploité dans les locaux commerciaux/d’activité situés [Adresse 1] (93), sur la parcelle cadastrée section H n° [Cadastre 4].

Ces locaux commerciaux/d’activité sont situés dans le périmètre de la zone d’aménagement concerté (ZAC) dite « Les rives de l’Ourcq », qui a fait l’objet :
- d’une déclaration d’utilité publique (DUP), selon l’arrêté préfectoral n°2022-2636 , en date du 20 septembre 2022 ;
- d’une déclaration de cessibilité, selon l’arrêté préfectoral n° 2022-3484, en date du 06 décembre 2022 ;
- d’une ordonnance d’expropriation, en date du 6 juillet 2023, emportant transfert de propriété au bénéfice de la société anonyme d’économie mixte (SA) SEQUANO AMENAGEMENT.

La SA SEQUANO AMENAGEMENT a notifié son Mémoire valant offres à la SARL PUGLIA FRANCE par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 4 mai 2023, reçue le 8 mai 2023.

Par une requête datée du 12 juin 2023 et reçue le 14 juin 2023 par le greffe, accompagnée d’une copie de son Mémoire valant offres, la SA SEQUANO AMENAGEMENT a saisi la juridiction de l’expropriation du tribunal judiciaire de Bobigny aux fins de fixation de la valeur du fonds de commerce/d’activité de la SARL PUGLIA FRANCE.

En l’absence d’accord entre les parties, et conformément aux dispositions de l’article R.311-9 du code de l’expropriation, la réception de la requête par la juridiction est postérieure d’au moins un mois à la date de réception par la partie expropriée des offres de l’expropriant.

La SA SEQUANO AMENAGEMENT a notifié à la SARL PUGLIA FRANCE la saisine de la juridiction de l’expropriation par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 12 juin 2023, reçue le 16 juin 2023.

Par une ordonnance rendue le 04 août 2023, le juge de l’expropriation a fixé le transport judiciaire sur les lieux et l’audition des parties au 04 octobre 2023.

La SA SEQUANO AMENAGEMENT a notifié cette décision à la SARL PUGLIA FRANCE par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 8 août 2023, reçue le 16 août 2023.

La date de réception par la partie expropriée lui a laissé :

- un délai de six semaines au moins entre la date de réception du mémoire de la SA SEQUANO AMENAGEMENT et celle du transport, conformément aux dispositions de l’article R.311-14 du code de l’expropriation ;

- et un délai au moins égal à quinze jours entre la date de la notification de l’ordonnance de transport sur les lieux et la date de la visite elle-même, conformément aux dispositions de l’article R.311-15, 4ème alinéa, du code de l’expropriation.

La SARL PUGLIA FRANCE était représentée par sa gérante, Madame [D] [O], lors du transport judiciaire sur les lieux du bien exproprié au cours duquel la date d’audience a été fixée au 07 février 2024.

La SA SEQUANO AMENAGEMENT a produit deux mémoirres :
- un mémoire valant offre en date du 4 mai 2023, reçu le 15 juin 2023 ;
- un mémoire récapitulatif et en réplique en date du 21 février 2024, reçu le 22 février 2024 ;

Dans ses dernières écritures, elle demande au tribunal de :
“Constater la renonciation de l’expropriée à toute demande d’indemnité ;
Par suite
Fixer à zéro euro l’indemnité revenant à la défenderesse”.

Dans ses dernières écritures, datées du 13 septembre 2023, produites avant le transport sur les lieux, le commissaire du Gouvernement évalue la valeur du fonds de commerce de la SARL PUGLIA à la somme de 0 €.

La SARL PUGLIA FRANCE qui a constitué avocat n’a fait parvenir aucun mémoire au juge de l’expropriation.
En vertu de l’article 455 du code de procédure civile, il est fait référence aux écritures transmises pour un plus ample exposé des moyens proposés par les parties au soutien de leurs prétentions.

L'audience, initialement prévue le 07 février 2024, a été renvoyée à la demande des parties au 28 février 2024. À cette dernière date, les parties comparantes ont développé les éléments de leurs mémoires, en application des dispositions du 1er alinéa de l’article R.311-20 du code de l’expropriation.

L'affaire a été mise en délibéré au 27 mars 2024.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la demande de fixation de l’indemnité d’éviction

L’article L.321-1 du code de l’expropriation dispose que : Les indemnités allouées couvrent l’intégralité du préjudice direct, matériel et certain causé par l’expropriation.

L’indemnité de dépossession allouée à l’exproprié doit lui permettre de se retrouver en même et semblable état et de se procurer un bien identique, similaire ou équivalent à celui dont il est dépossédé par l’opération d’expropriation, c’est-à-dire un bien présentant les mêmes caractéristiques (lieu, année de construction, composition, état d’entretien...) sous réserve, de fait, des biens disponibles sur le marché immobilier.

Le principe de la réparation est le même pour un commerçant ou un exploitant évincé, partiellement ou totalement, d’un fonds de commerce ou d’activité. L’indemnité d’éviction doit lui permettre :
- soit de se procurer un autre fonds de commerce/d’activité, disposant d’un équipement et d’une commercialité similaires, et d’être en situation de l’exploiter ;
- soit d’obtenir réparation de la perte de l’entier fonds de commerce.

Sur les dates à retenir

Le juge de l’expropriation doit déterminer les dates suivantes et les prendre en considération lors de l’évaluation de la valeur vénale du bien exproprié :

* Date pour apprécier la consistance des biens : selon les dispositions de l’article L.322-1 du code de l’expropriation, le juge fixe le montant des indemnités d’après la consistance des biens à la date de l’ordonnance portant transfert de propriété. Lorsque l’ordonnance d’expropriation n’est pas intervenue au jour du jugement de première instance, la consistance des biens s’apprécie à la date du dit jugement. La consistance d’un bien correspond principalement aux éléments qui le composent et à ses caractéristiques (état d’entretien, de très mauvais à très bon ; situation d’occupation, libre ou occupé ; ...) ;

* Date de référence pour déterminer les règles d’urbanisme et l’usage effectif des biens : elle se situe, en principe, un an avant l'ouverture de l'enquête publique préalable à la déclaration d’utilité publique, conformément à l’article L.322-2 du code de l’expropriation ; toutefois, aux termes des articles L.213-6 et L.213-4 du code de l’urbanisme, lorsqu'un bien est soumis au droit de préemption urbain et n’est pas situé dans une zone d’aménagement différée (ZAD), cette date de référence se situe à la date à laquelle est devenue opposable aux tiers le plus récent des actes rendant public, approuvant, modifiant ou révisant le plan local d’urbanisme, et délimitant la zone dans laquelle est situé le bien ;

En application des articles L 213-6 et L 213-4 du code de l’urbanisme, l’acte qui se borne à modifier le périmètre d’une zone d’un PLU sans affecter ses caractéristiques ne peut être pris comme date de référence au sens des dispositions de l’article L 213-4 du code de l’urbanisme (3ème civ. 13 juin 2019 pourvoi n°18-18.445).

* Date pour apprécier la valeur des biens : selon le 1er alinéa de l’article L.322-2 du code de l’expropriation, les biens sont estimés à la date de la décision de première instance, soit à la date du jugement en fixation des indemnités.

En l’espèce, le fonds de commerce de la SARL PUGLIA FRANCE doit être évalué selon :

- leur consistance au 06 juillet 2023, date de l’ordonnance d’expropriation ;

- les possibilités offertes par les règles d’urbanisme définies par le plan local d’urbanisme (PLU) approuvé le 4 février 2020, modifié le 29 juin 2021, le 24 mai 2022, le 15 décembre 2022 et le 27 juin 2023 et le 3 novembre 2023.

Les modifications intervenues les 24 mai 2022, 15 décembre 2022, le 27 juin 2023 et le 3 novembre 2023, n’ont pas modifié les caractéristiques de la zone où se situe l’ensemble immobilier, de sorte qu’elles ne peuvent être retenues comme date de référence.

En conséquence, la date de référence est celle de la dernière modification du PLU délimitant la zone dans laquelle est situé l'ensemble immobilier dont s'agit, à savoir la modification du 29 juin 2021.

La parcelle est située en zone UP Bd1 du PLU.

- les valeurs d’échange à la date du présent jugement.

Sur la consistance de l’ensemble immobilier et des biens de la partie défenderesse

Il convient de se référer au procès-verbal du transport judiciaire sur les lieux en date du 04 octobre 2023, annexé à la présente décision.

Les parties n’ont pas soutenu lors du transport du 4 octobre 2023 ou de l’audience du 28 février 2024, que le bien était, à la date de l’ordonnance d’expropriation le 6 juillet 2023, d’une consistance différente de celle qui a été constatée lors de la visite judiciaire du bien.

Le local commercial/d’activité est composé d’un entrepôt contenant :
- au rez-de-chaussée, outre des espaces de stockage, une chambre froide, un laboratoire, une salle d’eau et des toilettes ;
- à l’étage, un dégagement, deux bureaux, une pièce mansardée ainsi qu’une mezzanine en forme de L servant d’espace de stockage.

Il est dans un état d’entretien qualifié de :
. moyen par la SA SEQUANO AMENAGEMENT, entité expropriante ;
. moyen par le commissaire du Gouvernement.

Au regard des constatations effectuées lors du transport sur les lieux du 4 octobre 2023, le juge de l’expropriation retient un bon état d’entretien s’agissant de l’entrepôt, étant observé que la SARL PUGLIA FRANCE n’a fait parvenir aucune observation.

Ce local commercial/d’activité est situés dans la commune de [Localité 6], à proximité du centre ville commerçant ([Adresse 9] et [Adresse 7]) et administratif (mairie). Il est à 14,3 kilomètres de [Localité 8].

Il est desservi par :
- les axes routiers suivants : l’A3 ;
- les transports en commun suivants : lignes de bus 234, 346, 351, 615 et 616 (à 5-10 minutes à pied du bien).

Il est implanté dans un quartier à la fois pavillonaire et d’entrepôts, où de nouveaux immeubles d’habitation sont en cours de construction.

Sur les surfaces

- la SA SEQUANO AMENAGEMENT fait valoir une surface de 425,57 m² ;
- le Commissaire du Gouvernement fait état d’une surface de 425,57 m² ;

La SARL PUGLIA FRANCE n’ a fait parvenir aucune contestation sur ce point, de sorte que cette surface sera retenue.

sur la méthode d’évaluation et sur la détermination des indemnités

En matière d’évaluation d’un fonds de commerce/d’activité, deux méthodes sont généralement utilisées :

1° - Lorsque l’exploitant d’un commerce ou d’une activité peut soit se réinstaller à proximité, soit de manière plus éloignée tout en conservant sa clientèle, l’éviction entraîne pour celui-ci la perte de son droit au bail mais pas de sa clientèle dans sa globalité.

Le préjudice correspond dans cette hypothèse à la perte du droit au bail, à éventuellement une perte partielle de sa clientèle et aux dépenses nécessaires à sa réinstallation. L’indemnisation devra être égale à la valeur du droit au bail, généralement calculée selon la méthode du différentiel de loyer, et à la somme des autres postes de préjudice selon les montants justifiés par le commerçant ou l’exploitant.

2° - Lorsque l’exploitant d’un commerce ne peut se réinstaller à proximité des locaux objets de l’expropriation, l’éviction commerciale entraîne pour celui-ci la perte de son droit au bail et la perte de sa clientèle dans sa globalité, éléments essentiels du fonds de commerce.

Le préjudice dans cette hypothèse doit être réparé par l’allocation d’une indemnité égale à la valeur de l’entier fonds de commerce, valeur qui ne peut être inférieure à celle du droit au bail.

Une telle indemnisation induit l’engagement du commerçant ou de l’exploitant de ne pas se réinstaller à proximité de l’ancien fonds.

En l’espèce, la SARL PUGLIA FRANCE n’indique pas si elle a l’intention de se réinstaller à proximité pour exploiter un fonds similaire, elle ne formule aucune demande d’indemnité à quelque titre que ce soit et ne produit pas de contrat de bail relatif aux locaux expropriés.

La SA SEQUANO AMENAGEMENT et le Commissaire du Gouvernement, font valoir que faute pour la SARL PUGLIA FRANCE d’avoir produit le titre en vertu duquel elle exploite son activité dans les locaux elle ne justifie pas d’un droit juridiquement protégé et ne peut prétendre à aucune indemnité.

En outre, lors du transport sur le lieux le 4 octobre 2023, il a été constaté que l’entrepôt n’était plus occupé par la SARL PUGLIA FRANCE et qu’aucune activité n’y était plus exercée.

Dans ces conditions, il y a lieu de fixer l’indemnité d’éviction due par la SA SEQUANO AMENAGEMENT à la SARL PUGLIA FRANCE à la somme de 0 €.

Sur les demandes accessoires

Sur les dépens

Conformément aux dispositions de l’article L.312-1 du code de l’expropriation, la SA SEQUANO AMENAGEMENT, partie expropriante, supporte les dépens.

Sur les frais irrépétibles

Aux termes de l’article 700 1° du code de procédure civile, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
Dans tous les cas, le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à ces condamnations. Néanmoins, s'il alloue une somme au titre du 2° du présent article, celle-ci ne peut être inférieure à la part contributive de l'Etat.

En l’espèce, la SARL PUGLIA FRANCE qui a pourtant constitué avocat n’a formulé aucune demande à ce titre, de sorte que le juge de l’expropriation ne se prononcera pas sur ce point.

PAR CES MOTIFS

Le juge de l’expropriation, statuant publiquement par jugement contradictoire, rendu en premier ressort et par mise à disposition au greffe,

ANNEXE à la présente décision le procès-verbal du transport judiciaire sur les lieux expropriés du 04 octobre 2023 ;

FIXE à 0 € (zéro euro), l’indemnité totale d’éviction due par la société d’économie mixte SEQUANO AMENAGEMENT à la SARL PUGLIA FRANCE dans le cadre de l’opération d’expropriation des locaux commerciaux /d’activité situés [Adresse 1] (93) ;

CONDAMNE la société anonyme d’économie mixte SEQUANO AMENAGEMENT aux dépens de la présente procédure ;

Cécile PUECH

Greffier
Charlotte THIBAUD

Vice-Présidente


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Bobigny
Formation : Expropriations 1
Numéro d'arrêt : 23/00120
Date de la décision : 27/03/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à l'ensemble des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 02/04/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-03-27;23.00120 ?
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