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26/03/2024 | FRANCE | N°23/00184

France | France, Tribunal judiciaire de Bobigny, Expropriations 2, 26 mars 2024, 23/00184


Décision du 26 Mars 2024
Minute n° 24/00047


TRIBUNAL JUDICIAIRE DE BOBIGNY

JURIDICTION DE L’EXPROPRIATION
DE LA SEINE-SAINT-DENIS

JUGEMENT FIXANT INDEMNITÉS

du 26 Mars 2024

:-:-:-:-:-:-:-:-:-:-:-:-:-:-:-:-:-:-:-:-:-:-:-:-:

Rôle n° RG 23/00184 - N° Portalis DB3S-W-B7H-X5UD

Le juge de l’expropriation du département de la SEINE-SAINT-DENIS


DEMANDEUR :


S.A. SOCIÉTÉ DE REQUALIFICATION DES QUARTIERS ANCIENS (SOREQA)
[Adresse 3]
[Localité 2]
représentée par Maître Stéphane DESFORGES de la SELAR

L LE SOURD DESFORGES, avocats au barreau de PARIS

DÉFENDEURS :
Monsieur [W] [E]
[Adresse 1]
[Localité 4]
représenté par Maître Idriss TURCHETT...

Décision du 26 Mars 2024
Minute n° 24/00047

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE BOBIGNY

JURIDICTION DE L’EXPROPRIATION
DE LA SEINE-SAINT-DENIS

JUGEMENT FIXANT INDEMNITÉS

du 26 Mars 2024

:-:-:-:-:-:-:-:-:-:-:-:-:-:-:-:-:-:-:-:-:-:-:-:-:

Rôle n° RG 23/00184 - N° Portalis DB3S-W-B7H-X5UD

Le juge de l’expropriation du département de la SEINE-SAINT-DENIS

DEMANDEUR :

S.A. SOCIÉTÉ DE REQUALIFICATION DES QUARTIERS ANCIENS (SOREQA)
[Adresse 3]
[Localité 2]
représentée par Maître Stéphane DESFORGES de la SELARL LE SOURD DESFORGES, avocats au barreau de PARIS

DÉFENDEURS :
Monsieur [W] [E]
[Adresse 1]
[Localité 4]
représenté par Maître Idriss TURCHETTI, avocat au barreau de SEINE-SAINT-DENIS

Madame [R] [E]
[Adresse 1]
[Localité 4]
représentée par Maître Idriss TURCHETTI, avocat au barreau de SEINE-SAINT-DENIS

Tous deux pris également en la personne de représentants légaux de leurs enfants mineurs :

[T] [E]
[Adresse 1]
[Localité 4]
représenté(e) par Maître Idriss TURCHETTI, avocat au barreau de SEINE-SAINT-DENIS

[C] [E]
[Adresse 1]
[Localité 4]
représenté(e) par Maître Idriss TURCHETTI, avocat au barreau de SEINE-SAINT-DENIS

[V] [E]
[Adresse 1]
[Localité 4]
représenté(e) par Maître Idriss TURCHETTI, avocat au barreau de SEINE-SAINT-DENIS

[J] [E]
[Adresse 1]
[Localité 4]
représenté(e) par Maître Idriss TURCHETTI, avocat au barreau de SEINE-SAINT-DENIS

COMPOSITION DU TRIBUNAL :

Karima BRAHIMI, Vice-Présidente désignée par ordonnance de Monsieur le Premier Président de la cour d’appel de Paris

Cécile PUECH, Greffière présente lors de la mise à disposition

PROCÉDURE :

Date de la visite des lieux : 30 janvier 2024
Date de la première évocation et des débats : 27 février 2024
Date de la mise à disposition : 26 Mars 2024

EXPOSÉ DU LITIGE

Monsieur [W] [E] et Madame [R] [E], pris en leur personne et également en qualité de représentants de leurs quatre enfants mineurs, [T] [E], [C] [E], [V] [E] et [J] [E], sont locataires d’un appartement situé [Adresse 1] à [Localité 4]. La Société de Requalification des Quartiers Anciens (ci-après dénommée “SOREQA”) indique dans ses écritures qu’elle considère Monsieur et Madame [E] comme occupants de bonne foi en vertu d’un bail verbal conclu avec la SCI propriétaire.

Il s’agit d’un appartement de 3 pièces situé au 1er étage. Il est renvoyé au procès-verbal de visite du 30 janvier 2024 (annexé au présent jugement), pour une description plus précise des lieux.

Dans le cadre d’un traité de concession du 24 juin 2015, l’établissement public territorial [Localité 6] a concédé à la SOREQA le traitement de l’habitat dégradé sur le secteur du [Localité 5] à [Localité 4].

Par arrêté préfectoral du 28 novembre 2019 (n°2019-3178), a été déclaré d’utilité publique au profit de la SOREQA, l’acquisition, à l’amiable ou par voie d’expropriation, des immeubles nécessaires à la réalisation de l’opération d’aménagement du secteur [Localité 5] à [Localité 4].

Le bien immobilier en litige fait partie du périmètre déclaré d’utilité publique.

Le projet de la SOREQA nécessite l’éviction des occupants.

La SOREQA a notifié son Mémoire valant offre à Monsieur [W] [E] et à Madame [R] [E] par actes de commissaire de justice délivrés le 15 juillet 2022, selon les dispositions de l’article 656 du code de procédure civile.

Par une requête datée du 10 juillet 2023 et reçue le 13 juillet 2023, la SOREQA a sollicité la fixation de ses obligations à l’égard de Monsieur [W] [E], de Madame [R] [E] et de leurs enfants mineurs comme suit :
- un relogement dans les conditions prévues aux articles L314-2 du code de l’urbanisme ;
- une indemnité d’éviction totale de 4629 euros, composée :
. d’une indemnité d’éviction locative pour 6 personnes d’un montant global de 3402 euros ;
. d’une indemnité de déménagement (T3+cuisine) de 1227 euros.

La SOREQA a notifié la saisine de la juridiction de l’expropriation à Monsieur [W] [E] et à Madame [R] [E] par actes de commissaire de justice délivrés le 13 juillet 2023, selon les dispositions de l’article 656 du code de procédure civile.

Par ordonnance du 30 novembre 2023, le juge de l’expropriation a fixé le transport sur les lieux et l’audition des parties au 30 janvier 2024.

La SOREQA a notifié cette décision à Monsieur [W] [E] et à Madame [R] [E] par actes de commissaire de justice délivrés le 13 décembre 2023, selon les dispositions des articles 654 et 655 du code de procédure civile.

Le jour du transport sur les lieux, Monsieur [W] [E] et Madame [R] [E] étaient présents et non assistés.

Monsieur [W] [E] et Madame [R] [E] ont constitué avocat.

Dans leurs écritures reçues au greffe 22 février 2024, Monsieur [W] [E] et Madame [R] [E] sollicitent :
- une indemnité d’éviction locative de 6000 euros,
- une indemnité de 3720 euros au titre des frais de déménagement,
- une indemnité de 10000 euros au titre de la perte du mobilier sur-mesure de l’appartement,
- 3000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

La SOREQA a transmis de nouvelles écritures reçues au greffe le 26 février 2024. Elle maintient ses offres initiales.

Pour un exposé plus détaillé des moyens et prétentions des parties, il est renvoyé expressément aux écritures déposées conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.

L’affaire a été appelée à l’audience du 27 février 2024 et mise en délibéré au 26 mars 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur les textes applicables

L’article L314-2 du code de l’urbanisme dispose, dans son premier alinéa, que : Si les travaux nécessitent l’éviction définitive des occupants, ceux-ci bénéficient des dispositions applicables en matière d’expropriation. Toutefois, tous les occupants de locaux à usage d’habitation, professionnel ou mixte ont droit au relogement dans les conditions suivantes : il doit être fait à chacun d’eux au moins deux propositions portant sur des locaux satisfaisant à la fois aux normes d’habitabilité définies par application du troisième alinéa de l’article L.322-1du code de la construction et de l’habitation et aux conditions prévues à l’article 13 bis de la loi n° 48-1360 du 1er septembre 1948 (...).

L’article L423-2 du code de l’expropriation précise, dans son premier alinéa, que : S’il est tenu à une obligation de relogement, l’expropriant en est valablement libéré par l’offre aux intéressés d’un local correspondant à leurs besoins et n’excédant pas les normes relatives aux habitations à loyer modéré. L’article L314-3 du code de l’urbanisme précise dans son premier alinéa et dans l’hypothèse d’une éviction provisoire, dans un local compatible avec leurs besoins, leurs ressources (...).

Le code de l’urbanisme, dans le 1er alinéa de l’article L314-1, étend le champ d’application des obligations qu’il définit aux articles suivants à la personne publique qui a pris l’initiative de la réalisation de l’une des opérations d’aménagement définies dans le troisième livre, intitulé Aménagement foncier, et à la personne qui bénéficie d’une expropriation.

Ce même article précise, dans son second alinéa, que les occupants visés s’entendent au sens de l’article L521-1 du code de la construction et de l’habitation, ainsi que des preneurs de baux professionnels, commerciaux et ruraux.

Le juge de l’expropriation connaît, en application des dispositions de l’article L423-3 du code de l’expropriation :
- des contestations relatives au relogement des locataires ou occupants de locaux d’habitation ou à usage professionnel, lesquelles sont instruites et jugées conformément aux dispositions du livre III,
- de la fixation du montant de l’indemnité de déménagement et, s’il y a lieu, de celui d’une indemnité de privation de jouissance.

Sur la détermination des obligations de la SOREQA envers Monsieur [W] [E], Madame [R] [E] et leurs quatre enfants

Sur le relogement

En l’espèce, le droit de relogement des parties défenderesses évincées n’est pas contesté.

Sur l’indemnité de privation de jouissance

La SOREQA offre une somme de 3402 euros pour 6 personnes.

Monsieur et Madame [E] sollicitent la somme de 6000 euros d’indemnité d’éviction locative ainsi que la somme de 10000 euros au titre de la perte du mobilier conçu sur mesure pour cet appartement.

Monsieur et Madame [E] font valoir les désagréments occasionnés à l’ensemble de la famille du fait de l’éviction locative : obligation d’effectuer des recherches de logement alors que Monsieur [E] souffre de nombreuses pathologies l’obligeant à limiter ses efforts ; obligation de quitter la ville où Madame [E] travaille et où sont scolarisés les enfants ; obligation de s’acclimater à un nouvel environnement ; angoisse et inquiétude.

Force est de constater que ces désagréments constituent des préjudices moraux. Or, il est constant que le juge de l' expropriation n'accorde une indemnisation que pour le préjudice matériel, et exclut le préjudice moral.

Ainsi, les préjudices moraux évoqués par les défendeurs ne donneront pas lieu à indemnisation à hauteur de 6000 euros comme demandé.

Monsieur et Madame [E] font également valoir que de nombreux meubles disposés dans l’appartement ont été réalisés sur-mesure : cuisine équipée, meuble de salle de bain, coffrage de la baignoire. Ils soutiennent qu’ils ne pourront pas emporter avec eux ce mobilier et allèguent par conséquent d’une perte financière.

Néanmoins, Monsieur et Madame [E] procèdent par allégation. Ils ne produisent aucun
élément démontrant d’une part que le mobilier évoqué a été conçu sur-mesure et/où ne pourrait pas être démonté au moment du déménagement notamment s’agissant des éléments de cuisine. En outre, ils ne produisent aucun élément permettant de justifier le chiffrage qu’il produise à hauteur de 10000 euros.

Compte tenu de ces éléments, la demande d’indemnisation du préjudice lié à la perte du mobilier ne sera pas accueillie.

En conséquence, l’indemnité sera fixée à hauteur de l’offre de la SOREQA, soit à la somme de 3402 euros.

Sur les frais de déménagement

La SOREQA offre une somme de 1227 euros.

Monsieur et Madame [E] sollicitent une somme de 3720 euros. A l’appui de leur demande, ils produisent un devis établi le 14 février 2024 par la société HKjet

Toutefois, ce devis insuffisamment détaillé, n’est revêtu d’aucune signature ni d’aucun cachet de ladite société. Par ailleurs, comme le soutient la SOREQA, il n’est pas justifié de l’activité de déménageur de ladite société HKJet. Enfin, le prix de 3720 euros semble excessif pour un logement de type T3 avec cuisine et salle de bain.

Compte tenu de ces éléments, l’indemnité de déménagement sera fixée à hauteur de l’offre de la SOREQA, soit à la somme de 1227 euros.

Sur les mesures accessoires

Sur les dépens

L’article L312-1 du code de l’expropriation dispose que l’expropriant supporte seul les dépens de première instance.

Conformément aux dispositions de l’article L312-1 précité la SOREQA, expropriante, supportera seule les dépens.

Sur l’article 700 du code de procédure civile

En l’espèce, il serait inéquitable de laisser à la charge des parties défenderesses les frais engagés pour faire valoir leur défense. La SOREQA sera condamnée à verser la somme de 2000 euros à Monsieur et Madame [E].

PAR CES MOTIFS

Statuant par décision contradictoire, rendue publiquement par mise à disposition au greffe, en premier ressort et susceptible d’appel:

ANNEXE à la présente décision le procès-verbal de visite des lieux en date du 30 janvier 2024,

DIT que la SOREQA a, à l’égard de Monsieur [W] [E], de Madame [R] [E], pris en leur personne et également en qualité de représentants de leurs quatre enfants mineurs, une obligation de relogement qui sera mise en œuvre dans le respect des dispositions des articles L314-2 du code de l’urbanisme, L423-2 du code de l’expropriation, L322-1 du code de la construction et de l’habitation et 13bis de la loi n° 48-1360 du 1er septembre 1948,

FIXE l’indemnité de perte de jouissance due par la SOREQA à Monsieur [W] [E] et à Madame [R] [E], pris en leur personne et également en qualité de représentants de leurs quatre enfants mineurs, à la somme de 3402 euros,

FIXE l’indemnité pour frais de déménagement due par la SOREQA à Monsieur [W] [E] et Madame [R] [E], pris en leur personne et également en qualité de représentants de leurs quatre enfants mineurs, à la somme de 1227 euros,

CONDAMNE la SOREQA à payer la somme de 2000 euros à Monsieur [W] [E] et Madame [R] [E], pris en leur personne et également en qualité de représentants de leurs quatre enfants mineurs, au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

DIT que les dépens de la présente procédure sont à la charge de la SOREQA, au besoin l’y condamne.

Le 26 mars 2024

Cécile PUECH

Greffier
Karima BRAHIMI

Vice-Présidente


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Bobigny
Formation : Expropriations 2
Numéro d'arrêt : 23/00184
Date de la décision : 26/03/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs en accordant des délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 01/04/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-03-26;23.00184 ?
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