Tribunal judiciaire de Bobigny
Service du contentieux social
Affaire : N° RG 22/00183 - N° Portalis DB3S-W-B7G-WBTV
Jugement du 26 MARS 2024
TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE BOBIGNY
JUGEMENT CONTENTIEUX DU 26 MARS 2024
Serv. contentieux social
Affaire : N° RG 22/00183 - N° Portalis DB3S-W-B7G-WBTV
N° de MINUTE : 24/00659
DEMANDEUR
Monsieur [R] [J]
[Adresse 3]
[Localité 8]
représenté par Me Arnaud OLIVIER, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : A0476
DEFENDEUR
S.A.S. [9]
[Adresse 2]
[Localité 5]
représentée par Me Fabien LEQUEUX, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : R187
CPAM DE SEINE-SAINT-DENIS
[Adresse 1]
[Localité 7]
représentée par Maître Florence KATO de la SELARL KATO & LEFEBVRE ASSOCIES, avocats au barreau de PARIS, vestiaire : D1901
S.E.L.A.R.L. [10], prise en la personne de Me [E] [M]
[Adresse 4]
[Localité 6]
représentée par Me Fabienne FOURNIER LA TOURAILLE, avocat au barreau de VERSAILLES,
non comparant
COMPOSITION DU TRIBUNAL
DÉBATS
Audience publique du 19 Février 2024.
Madame Pauline JOLIVET, Présidente, assistée de Monsieur Sven PIGENET et Madame Lise LE-THAI, assesseurs, et de Madame Christelle AMICE, Greffier.
Lors du délibéré :
Présidente : Pauline JOLIVET, Première vice-présidente adjointe
Assesseur : Sven PIGENET, Assesseur salarié
Assesseur : Lise LE-THAI, Assesseur employeur
JUGEMENT
Prononcé publiquement, par mise à disposition au greffe, par jugement contradictoire et en premier ressort, par Pauline JOLIVET, Première vice-présidente adjointe, assistée de Christelle AMICE, Greffier.
FAITS ET PROCÉDURE
Par un premier jugement du 12 octobre 2022, auquel il convient de se reporter pour un plus ample exposé des faits et de la procédure antérieure, le tribunal judiciaire de Bobigny a retenu la faute inexcusable de l’employeur de M. [R] [J], la SAS [9], à l'origine de l'accident dont il a été victime le 27 octobre 2017. Le tribunal a notamment :
- fait droit à l’action récursoire de la caisse,
- ordonné la majoration de la rente,
- ordonné une expertise médicale confiée au docteur [V],
- accordé une provision de 5000 euros au demandeur.
L’expert a déposé son rapport le 9 janvier 2023, notifié aux parties par lettre du 10janvier.
Par jugement du 3 juillet 2023, le tribunal a :
fixé l’indemnisation de M. [R] [J] en réparation de ses préjudices résultant de l’accident du travail dont il a été victime le 27 octobre 2017 comme suit :7000 euros au titre des souffrances endurées
3000 euros au titre du préjudice esthétique temporaire
3000 euros au titre du préjudice esthétique permanent
6450 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire
5598 euros au titre de l’assistance temporaire par une tierce personne
1000 euros au titre du préjudice sexuel,
1080 euros au titre des frais divers ;
débouté M. [R] [J] de sa demande au titre du préjudice d’agrément ;dit que la caisse primaire d'assurance maladie de la Seine-Saint-Denis versera les sommes allouées à M. [R] [J] au titre de la réparation de ses préjudices, déduction faite de la provision de 5000 euros accordée par jugement du 12 octobre 2022 ;ordonné un complément d’expertise avant de statuer sur la demande au titre du déficit fonctionnel permanent confié au docteur [V] ;réservé les autres demandes et les dépens.
L’expert a déposé son rapport complémentaire le 13 septembre 2023, notifié aux parties le lendemain.
L’affaire a été appelée à l’audience du 18 décembre 2023, date à laquelle elle a fait l’objet d’un renvoi à la demande du conseil du demandeur. Elle a été appelée et retenue à l’audience du 19 février 2024, date à laquelle les parties, présentes ou représentées, ont été entendues en leurs observations.
Par conclusions en ouverture de rapport n° 2, déposées et soutenues oralement à l’audience, M. [R] [J], présent et assisté par son conseil, demande au tribunal de :
- fixer son préjudice au titre du déficit fonctionnel permanent à 35 220 euros,
- dire que la somme sera avancée par la CPAM,
- condamner la société [9] à lui verser la somme de 3000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Au soutien de sa demande, il fait valoir que l’expert s’est fondé uniquement sur le barème indicatif d’évaluation des taux d’incapacité en droit commun limitant son évaluation à la seule atteinte à l’intégrité physique de la victime sans prise en compte des autres éléments entrant dans la définition du déficit fonctionnel permanent (DFP). Il soutient qu’il convient d’ajouter à son incapacité physique évaluée à 14 %; 6000 euros au titre des souffrances permanentes et 5000 euros au titre de l’atteinte subjective à la qualité de vie et troubles dans les conditions d’existence.
Par conclusions en ouverture de rapport d’expertise n° 2, déposées et soutenues oralement à l’audience, la SAS [9], représentée par son conseil, demande au tribunal de :
- juger à titre principal que l’indemnisation du DFP de M. [R] [J] ne saurait excéder 10 000 euros,
- juger à titre subsidiaire, que l’indemnisation du DFP ne saurait excéder 24 220 euros,
- débouter le demandeur de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Elle fait valoir que l’expert a évalué le DFP dans toutes ses composantes et que le demandeur ne motive pas sa demande.
A titre subsidiaire, elle fait valoir que compte tenu du référentiel indicatif, en appliquant le taux retenu par l’expert, l’indemnisation ne saurait dépasser 24 220 euros.
Sur l’article 700 du code de procédure civile, elle fait valoir que le demandeur a toujours attendu le dernier moment pour conclure imposant ainsi des renvois.
Par conclusions en ouverture de rapport n° 2, déposées et soutenues oralement à l’audience, la caisse primaire d’assurance maladie (CPAM) de Seine-Saint-Denis, représentée par son conseil, demande au tribunal de limiter l’indemnisation du DFP à la somme de 24 220 euros.
Elle indique que cette somme correspond à l’application du référentiel indicatif des cours d’appel.
La SELARL [10] prise en la personne de Maître [E] [M], liquidateur de la société anonyme pour l’habitat, régulièrement convoquée, n’a pas comparu et ne s’est pas fait représenter.
Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, le tribunal, conformément à l'article 455 du code de procédure civile, renvoie aux écritures de celles-ci.
L’affaire a été mise en délibéré au 26 mars 2024.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur l’indemnisation du déficit fonctionnel permanent
Il est désormais admis que la rente ne répare pas le déficit fonctionnel permanent, celui-ci peut par suite être indemnisé spécifiquement selon les conditions de droit commun.
Le déficit fonctionnel permanent est lié à la réduction du potentiel physique, psychosensoriel ou intellectuel. Il s’agit d’un déficit définitif, après consolidation, c’ est à dire que l’état de la victime n’est plus susceptible d’amélioration par un traitement médical adapté. Ce poste de préjudice permet d’indemniser non seulement l’atteinte à l’intégrité physique et psychique au sens strict mais également les douleurs physiques et psychologiques, et notamment le préjudice moral et les troubles dans les conditions d’existence.
L’expert retient, sur la base du barème de droit commun et compte tenu de l’absence d’un état antérieur ou postérieur interférant, un déficit fonctionnel permanent global imputables aux faits de l’instance de 14 % compte tenu de l’atteinte permanente de plusieurs fonctions persistant au moment de la consolidation, des douleurs physiques et morales permanentes, de la qualité de vie et des troubles dans les conditions d’existence que la victime rencontre au quotidien après consolidation (10 % pour la raideur douloureuse du rachis dorsolombaire, la prise de thérapeutique antalgique de pallier 2 et 3 quasi permanente, 4 % pour une raideur globale du pouce gauche non dominant.
Contrairement à ce que soutient le demandeur, l’expert a pris en compte l’ensemble des composantes du DFP.
Au regard des conclusions de l’expert, il convient d’allouer en réparation de ce poste de préjudice la somme de 24 220 euros.
Sur les mesures accessoires
En application de l’article 696 du code de procédure civile, la SAS [9], partie perdante, supportera les dépens.
En application de l’article 700 du même code, la SAS [9] versera à M. [R] [J] la somme de 2000 euros.
L’exécution provisoire sera ordonnée en application des dispositions de l’article R. 142-10-6 du code de la sécurité sociale.
PAR CES MOTIFS
Le tribunal, statuant par jugement contradictoire, rendu en premier ressort, par mise à disposition au greffe,
Fixe l’indemnisation de M. [R] [J] au titre du déficit fonctionnel permanent à 24220euros,
Rappelle que la caisse primaire d'assurance maladie de la Seine-Saint-Denis versera les sommes allouées à M. [R] [J] et qu’elle a la faculté de les récupérer sur l’employeur,
Met les dépens à la charge de la SAS [9],
Condamne la SAS [9] à verser la somme de 2000 euros à M. [R] [J] au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
Ordonne l’exécution provisoire ;
Rappelle que tout appel du présent jugement doit, à peine de forclusion, être interjeté dans le délai d’un mois à compter de sa notification.
Fait et mis à disposition au greffe, la Minute étant signée par :
LA GREFFIÈRELA PRÉSIDENTE
CHRISTELLE AMICEPAULINE JOLIVET