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19/03/2024 | FRANCE | N°22/05735

France | France, Tribunal judiciaire de Bobigny, Chambre 7/section 2, 19 mars 2024, 22/05735


TRIBUNAL JUDICIAIRE
de BOBIGNY

JUGEMENT CONTENTIEUX DU 19 MARS 2024

Chambre 7/Section 2
AFFAIRE: N° RG 22/05735 - N° Portalis DB3S-W-B7G-WN6J
N° de MINUTE : 24/00196

Société AFNOR REUNION
Immatriculée au RCS de Saint Denis (Réunion) sous le n° 821 756 384
[Adresse 2]
[Localité 4]
représentée par Me Elodie CARPENTIER,
avocat au barreau de VAL-DE-MARNE,
vestiaire : PC486

DEMANDEUR

C/

L’ASSOCIATION FRANCAISE DE NORMALISATION (A.F.N.O.R. )
[Adresse 1]
[Localité 3]
représentée par Maître Alban CURRAL d

e la SELARL CARBONNIER LAMAZE RASLE, avocats au barreau de PARIS, vestiaire : P0298

S.A.S. AFNOR DEVELOPPEMENT
Immatriculée au RCS de B...

TRIBUNAL JUDICIAIRE
de BOBIGNY

JUGEMENT CONTENTIEUX DU 19 MARS 2024

Chambre 7/Section 2
AFFAIRE: N° RG 22/05735 - N° Portalis DB3S-W-B7G-WN6J
N° de MINUTE : 24/00196

Société AFNOR REUNION
Immatriculée au RCS de Saint Denis (Réunion) sous le n° 821 756 384
[Adresse 2]
[Localité 4]
représentée par Me Elodie CARPENTIER,
avocat au barreau de VAL-DE-MARNE,
vestiaire : PC486

DEMANDEUR

C/

L’ASSOCIATION FRANCAISE DE NORMALISATION (A.F.N.O.R. )
[Adresse 1]
[Localité 3]
représentée par Maître Alban CURRAL de la SELARL CARBONNIER LAMAZE RASLE, avocats au barreau de PARIS, vestiaire : P0298

S.A.S. AFNOR DEVELOPPEMENT
Immatriculée au RCS de Bobigny sous le n° 479 075 970 000 18
[Adresse 1]
[Localité 3]
représentée par Maître Alban CURRAL de la SELARL
CARBONNIER LAMAZE RASLE,
avocats au barreau de PARIS,
vestiaire : P0298

DEFENDEURS

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Madame Christelle HILPERT, Première Vice-Présidente,statuant en qualité de juge unique, conformément aux dispositions de l article 812 du code de procédure civile, assistée aux débats de Madame Camille FLAMANT, greffier.

DÉBATS

Audience publique du 16 Janvier 2024.

JUGEMENT

Rendu publiquement, par mise au disposition au greffe, par jugement Contradictoire et en premier ressort, par Madame Christelle HILPERT, Première Vice-Présidente, assistée de Madame Camille FLAMANT, greffier.

FAITS - PROCEDURE - PRETENTIONS DES PARTIES.

L’association française de normalisation (AFNOR) est une association régie par la loi du 1er juillet 1901, qui édite des normes et des solutions d’informations professionnelles et réglementaires, à côté de missions d’intérêt général définies par le décret n°2009-697 relatif à la normalisation.

L’association AFNOR exerce ses activités commerciales et concurrentielles au sein de différentes sociétés formant le groupe AFNOR, dont la société AFNOR DEVELOPPEMENT, chargée de gérer les fonds de placement des différentes filiales françaises du groupe.

La société AFNOR REUNION est une société de certification, de formation et de diffusion d’ouvrages techniques créée en 2016, n’appartenant pas au groupe AFNOR, qui a signé le 18 juillet 2017 avec l’association AFNOR un contrat non exclusif intitulé « contrat d’affiliation », par lequel la société AFNOR REUNION s’est engagée à placer sur son site internet un lien hypertexte renvoyant vers les produits de la boutique AFNOR, moyennant un tarif préférentiel.

Par exploit d’huissier en date du 12 août 2020, la société AFNOR REUNION a fait assigner l’association AFNOR et la société AFNOR DEVELOPPEMENT devant le tribunal mixte de commerce de Saint-Denis de la Réunion pour les voir condamner solidairement, sur le fondement des articles 1102, 1211 et 1240 du code civil, ainsi que de l’article 700 du code de procédure civile :
-à lui payer :
1°) la somme de 500.000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation de tous préjudices confondus résultant d’actes de concurrence déloyale et de parasitisme qu’elle reproche à l’association française de normalisation AFNOR,
2°) la somme de 615.000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation de tous préjudices confondus résultant de la rupture abusive du contrat par l’association française de normalisation AFNOR,
3°) la somme de 7.000 euros au titre des frais irrépétibles,
-à publier la décision à intervenir sur un journal d’annonces légales en France métropolitaine et sur l’Île de la Réunion, ainsi que sur leur site internet.
Elle a demandé d’assortir le jugement à intervenir de l’exécution provisoire.

Par jugement en date du 15 octobre 2021, le tribunal mixte de commerce de Saint-Denis de la Réunion s’est déclaré matériellement et territorialement incompétent pour connaître du litige au profit du tribunal judiciaire de Bobigny, auquel le dossier de l’affaire a été transféré le 4 mai 2022 dans les conditions de l’article 82 du code de procédure civile.

Par ordonnance en date du 14 février 2023, le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Bobigny a :
rejeté la fin de non-recevoir tirée du défaut de qualité et d’intérêt à agir de la société AFNOR REUNION à son encontre soulevée par la société AFNOR DEVELOPPEMENT et rejeté en conséquence sa demande de mise hors de cause,rejeté la fin de non-recevoir tirée du défaut d’intérêt à agir de la société AFNOR REUNION à son encontre soulevée par l’association française de normalisation AFNOR,rejeté la fin de non-recevoir de la demande de la société AFNOR REUNION au titre de la responsabilité délictuelle soulevée par l’association AFNOR et la société AFNOR DEVELOPPEMENT , en précisant que l’appréciation de l’existence d’un éventuel cumul des responsabilités délictuelle et contractuelle entre co-contractants relevait du juge du fond, rejeté les demandes respectives formulées par les parties pour procédure abusive, en précisant que ces demandes relevaient du juge du fond.
Par conclusions récapitulatives au fond notifiées par RPVA le 11 juillet 2022, auxquelles il est renvoyé pour un exposé détaillé des moyens et des prétentions, la société AFNOR REUNION a réitéré l’ensemble de ses demandes initiales.

Par conclusions récapitulatives au fond notifiées par RPVA le 20 mars 2023, auxquelles il est renvoyé pour un exposé détaillé des moyens et des prétentions, l’association AFNOR et la société AFNOR DEVELOPPEMENT ont réitéré les fins de non-recevoir soulevées devant le juge de la mise en état et conclu au rejet de l’ensemble des demandes, en expliquant que la preuve des faits de concurrence déloyale et de parasitisme, ainsi que de rupture abusive du contrat n’était pas rapportée, et qu’en tout état de cause, aucun préjudice n’est démontré. Elles ont demandé reconventionnellement que la société AFNOR REUNION soit condamnée à leur verser :
- la somme de 20.000 euros chacune pour procédure abusive,
- la somme de 15.000 euros chacune au titre des frais irrépétibles.
Elles ont demandé que la société AFNOR REUNION soit condamnée aux dépens, dont distraction au profit de leur avocat, qu’elle soit condamnée à payer les éventuels honoraires nécessaires à l’exécution de la décision à intervenir et qu’il soit rappelé que la décision à intervenir est exécutoire de plein droit à titre provisoire.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 13 juin 2023 et l’affaire plaidée à l’audience du 16 janvier 2024.

MOTIFS

Sur les fins de non-recevoir soulevées par l’association AFNOR et la société AFNOR DEVELOPPEMENT

Ces demandes, déjà tranchées par le juge de la mise en état en vertu des dispositions de l’article 789 du code de procédure civile, seront déclarées irrecevables devant le juge du fond.

Sur les faits de concurrence déloyale et de parasitisme allégués par la société AFNOR REUNION

En droit, la concurrence déloyale, fondée sur le principe général de responsabilité édicté par l'article 1240 du code civil, consiste dans des agissements s'écartant des règles générales de loyauté et de probité professionnelles applicables dans la vie des affaires, tels que ceux créant un risque de confusion avec les produits ou services offerts par un autre opérateur, ou encore constitutifs de pratiques commerciales réputées trompeuses altérant ou susceptibles d'altérer de manière substantielle le comportement économique du consommateur normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, à l'égard d'un bien ou d'un service.

Le parasitisme est une forme de concurrence déloyale consistant à profiter de la notoriété et des investissements d’une autre entreprise, sans y participer, pour en tirer profit.

En vertu du principe de licéité du dommage concurrentiel, nul ne peut se plaindre des conséquences de la concurrence qu’il subit sur un marché donné si les pratiques concernées ne sont pas contraires aux usages du commerce.

En l’espèce, la société AFNOR REUNION se plaint que l’association AFNOR aurait commis des agissements fautifs à son égard en ayant d’une part mis en place des moyens déloyaux pour capter sa clientèle et d’autre part multiplié les obstacles pour empêcher son développement.

Pour prouver les fautes alléguées, elle verse aux débats :
-des captures d’écran du site internet du groupe AFNOR, datées du mois de février 2017, faisant état de l’ouverture prochaine d’une antenne AFNOR à [Localité 5]
-le contrat d’affiliation du 18 juillet 2017,
-des factures des sociétés AFNOR DEVELOPPEMENT, AFNOR CERTIFICATION et AFNOR COMPETENCES pour des prestations facturées à la société AFNOR REUNION, datées de 2018 et 2019,
- des échanges de mails entre le gérant de la société AFNOR REUNION et divers membres dirigeants du groupe AFNOR, dans lesquels les sociétés du groupe AFNOR refusent de donner suite à des projets proposés par AFNOR REUNION, et dans lesquelles elles rappellent en substance que le contrat liant AFNOR REUNION avec les entités du groupe AFNOR ne lui permet que de distribuer les produits du groupe AFNOR et non de se substituer aux différentes entités.
- une capture d’écran du site internet de la société ETRE Réunion en date du 15 octobre 2019 duquel il résulte que cette société a conclu un partenariat avec AFNOR CERTIFICATION.
- un document intitulé « historique obstructions/détournement d’activités » rédigé par le gérant de la société AFNOR REUNION dénué de toute force probante.

Force est de conster que ces éléments ne permettent pas de démontrer des actes fautifs qui auraient été commis par l’association AFNOR au détriment de la société AFNOR REUNION, et qui seraient susceptibles de caractériser des actes de concurrence déloyale ou de parasitisme.

Il sera relevé par ailleurs que l’association AFNOR et la société AFNOR DEVELOPPEMENT versent aux débats a contrario un jugement du tribunal judiciaire de Paris du 4 mars 2022, dont il n’est pas indiqué qu’il aurait été relevé appel, et qui a condamné la société AFNOR REUNION à cesser d’utiliser sans autorisation le terme AFNOR dans sa dénomination sociale, afin de faire cesser toute confusion dans l’esprit du consommateur en lui faisant croire que la société AFNOR REUNION ferait partie du groupe AFNOR.

Faute de la démonstration de tout élément fautif, la demande de dommages et intérêts formulée par la société AFNOR REUNION au titre de faits de concurrence déloyale et de favoritisme sera rejetée.

Sur la rupture abusive du contrat alléguée par la société AFNOR REUNION

En vertu de l’article 1211 du code civil, lorsque le contrat est conclu pour une durée indéterminée, chaque partie peut y mettre fin à tout moment, sous réserve de respecter le délai de préavis contractuellement prévu, ou à défaut un délai raisonnable.

En l’espèce, la société AFNOR REUNION allègue qu’il y aurait eu rupture abusive du contrat d’affiliation existant entre elle et l’association AFNOR, cette rupture lui ayant été notifiée par lettre simple du 15 novembre 2019, sans préavis, de façon imprévisible, et avec des conséquences très importantes sur son activité.

Force est de constater cependant que le courrier litigieux, envoyé par AFNOR GROUPE, concerne la fin des négociations de partenariat entre la société AFNOR CERTIFICATION et la société AFNOR REUNION. Cette rupture des négociations est notamment motivée par la confusion entretenue par AFNOR REUNION sur le périmètre de son activité et ses relations avec le groupe AFNOR.

Cette rupture des négociations avec la société AFNOR CERTIFICATION est ainsi indépendante du contrat conclu entre AFNOR REUNION et l’association AFNOR pour la mise à disposition, sur le site internet d’AFNOR REUNION, d’un lien hypertexte renvoyant vers les produits de la boutique AFNOR.

Il s’en suit une absence de contrat entre les sociétés AFNOR CERTIFICATION et AFNOR REUNION et par voie de conséquence l’absence de rupture abusive du contrat liant l’association AFNOR et AFNOR REUNION.

La demande de dommages et intérêts pour rupture abusive du contrat formulée par la société AFNOR REUNION sera par conséquent rejetée.

Sur la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive formulée l’association AFNOR et la société AFNOR DEVELOPPEMENT

Suivant l’article 1241 du code civil, l’exercice d’une action en justice peut constituer un abus lorsque le titulaire de ce droit en fait, à dessein de nuire, un usage préjudiciable à autrui.

En l’espèce, l’association AFNOR et la société AFNOR DEVELOPPEMENT invoquent à l’appui de leur demande le fait d’avoir été contraintes de se défendre devant le tribunal de commerce de Saint-Denis de la Réunion puis devant le tribunal judiciaire de Bobigny et l’existence d’un préjudice distinct des frais engagés pour leur défense.

Toutefois, elles ne démontrent nullement la réalité de ce préjudice ni la mauvaise foi du demandeur.

Elles seront par conséquent déboutées de leurs demandes pour procédure abusive.

Sur les demandes accessoires

Aux termes de l'article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie.

Il convient par conséquent de condamner la société AFNOR REUNION aux entiers dépens, dont distraction au profit de la SELARL CARBONNIER LAMAZE RASLE et ASSOCIES, en application de l’article 699 du code de procédure civile.

Aux termes de l’article 700 du code de procédure civile, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a lieu à condamnation.

Il convient par conséquent de condamner la société AFNOR REUNION à payer à l’association AFNOR et la société AFNOR DEVELOPPEMENT, pour chacune d’entre elles, la somme de 5000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

La société AFNOR REUNION sera déboutée de sa demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile précité.

Enfin, il convient de rappeler qu’aux termes de l'article 514 du code de procédure civile, dans sa rédaction applicable aux assignations délivrées à compter du 1er janvier 2020, les décisions de première instance sont de droit exécutoires à titre provisoire, à moins que la loi ou la décision rendue n’en dispose autrement. En l’espèce, l’exécution provisoire n’étant pas incompatible avec la nature de l’affaire, il n’y a pas lieu de l’écarter.

PAR CES MOTIFS,

Le tribunal,

DIT que les fins de non-recevoir soulevées devant le juge du fond par l’association française de normalisation (AFNOR) et la société DEVELOPPEMENT sont irrecevables,

DEBOUTE la société AFNOR REUNION de l’ensemble de ses demandes,

DEBOUTE l’association française de normalisation (AFNOR) et la société AFNOR DEVELOPPEMENT de leurs demandes de dommages et intérêts pour procédure abusive,

CONDAMNE la société AFNOR REUNION à verser à l’association française de normalisation (AFNOR) et à la société AFNOR DEVELOPPEMENT la somme de 5000 euros chacune, au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE la société AFNOR REUNION aux entiers dépens, dont distraction au profit de la SELARL CARBONNIER LAMAZE RASLE et ASSOCIES, en application de l’article 699 du code de procédure civile,

RAPPELLE que le présent jugement est assorti de plein droit de l’exécution provisoire.

Le présent jugement ayant été signé par le Président et le Greffier.

Le Greffier Le Président
Camille FLAMANT Christelle HILPERT


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Bobigny
Formation : Chambre 7/section 2
Numéro d'arrêt : 22/05735
Date de la décision : 19/03/2024
Sens de l'arrêt : Déboute le ou les demandeurs de l'ensemble de leurs demandes

Origine de la décision
Date de l'import : 31/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-03-19;22.05735 ?
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