Tribunal judiciaire de Bobigny
Service du contentieux social
Affaire : N° RG 23/01491 - N° Portalis DB3S-W-B7H-YA4L
Jugement du 07 MARS 2024
TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE BOBIGNY
JUGEMENT CONTENTIEUX DU 07 MARS 2024
Serv. contentieux social
Affaire : N° RG 23/01491 - N° Portalis DB3S-W-B7H-YA4L
N° de MINUTE : 24/00464
DEMANDEUR
Madame [K] [G]
[Adresse 1]
[Localité 4]
comparant en personne
DEFENDEUR
*MDPH DE LA SEINE SAINT DENIS
[Adresse 2]
[Localité 3]
représentée par Madame [P] [D]
COMPOSITION DU TRIBUNAL
DÉBATS
Audience publique du 25 Janvier 2024.
M. Cédric BRIEND, Président, assisté de Madame Laurence BONNOT et Monsieur Dominique BIANCO, assesseurs, et de Monsieur Denis TCHISSAMBOU, Greffier.
Lors du délibéré :
Président : Cédric BRIEND,
Assesseur : Laurence BONNOT, Assesseur salarié
Assesseur : Dominique BIANCO, Assesseur employeur
JUGEMENT
Prononcé publiquement, par mise à disposition au greffe, par jugement contradictoire et en premier ressort, par Cédric BRIEND,Juge, assisté de Denis TCHISSAMBOU, Greffier.
Transmis par RPVA à :
Tribunal judiciaire de Bobigny
Service du contentieux social
Affaire : N° RG 23/01491 - N° Portalis DB3S-W-B7H-YA4L
Jugement du 07 MARS 2024
FAITS ET PROCÉDURE
Le 1er novembre 2022, Madame [K] [G] a déposé un dossier à la Maison Départementale des Personnes Handicapées (MDPH) de la Seine-Saint-Denis demandant l’attribution de la Carte Mobilité Inclusion (CMI) mention invalidité ou priorité et stationnement et une reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé (RQTH).
Par décision du 14 février 2023, la commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées (CDAPH) lui a renouvelé une orientation professionnelle vers le marché du travail et lui a attribué une reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé.
Par décision du même jour, le président du conseil départemental lui a refusé l’attribution de la carte mobilité inclusion mention stationnement et a renouvelé la carte mobilité inclusion mention priorité.
Le 17 avril 2023, Madame [K] [G] a déposé un recours administratif à l’encontre de la décision de la CDAPH lui attribuant un taux d’incapacité inférieur à 50%.
Par décision du 11 juillet 2023, la CDAPH a maintenu sa décision de rejet de la CMI mention stationnement.
Par requête reçue le 11 août 2023 au greffe, Madame [K] [G] a saisi le service du contentieux social du tribunal judiciaire de Bobigny d’une contestation de la décision de la CDAPH.
L’affaire a été appelée et retenue à l’audience du 25 janvier 2024, date à laquelle les parties, présentes ou représentées, ont été entendues en leurs observations.
Par observations oralement soutenues à l’audience précitée, Madame [K] [G], comparante en personne, demande au tribunal d’ordonner une expertise médicale aux fins de réévaluation de son taux d’incapacité permanente qu’elle estime supérieur à 80%.
A l’appui de sa demande, elle estime que sa maladie est un handicap, qu’elle est atteinte d’une anémie hémolytique associée à la rectocolite et que ces pathologies ont un retentissement sur l’ensemble de sa vie personnelle et professionnelle.
Par conclusions du 27 novembre 2023 développées oralement à l’audience, la MDPH, régulièrement représentée, demande au tribunal de débouter Madame [G] de toutes ses demandes, confirmer les décisions de la CDAPH du 14 février 2023 et du 11 juillet 2023 et de mettre les dépens à la charge de l’autre partie.
A l’appui de sa demande, elle fait valoir que Madame [K] [G] présente une déficience viscérale chronique entraînant des difficultés notables dans la mobilité, notamment lors de ses déplacements et sur la station debout prolongée, ainsi que dans l’entretien personnel de sorte qu’elle a un taux d’incapacité compris entre 50 et moins de 80% et ne peut donc pas prétendre à la CMI mention invalidité. Elle ajoute que le certificat médical fait état d’une pénibilité relative à la station debout. Madame [G] peut donc bénéficier de la CMI mention priorité.
Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, le tribunal, conformément à l'article 455 du code de procédure civile, renvoie aux écritures de celles-ci.
L’affaire a été mise en délibéré au 7 mars 2024.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la demande d’expertise
Aux termes de l’article L. 241-3 du code de l’action sociale et des familles, “I.-La carte " mobilité inclusion" destinée aux personnes physiques est délivrée par le président du conseil départemental au vu de l'appréciation, sur le fondement du 3° du I de l'article L. 241-6, de la commission mentionnée à l'article L. 146-9. Elle peut porter une ou plusieurs des mentions prévues aux 1° à 3° du présent I, à titre définitif ou pour une durée déterminée.
1° La mention " invalidité " est attribuée à toute personne dont le taux d'incapacité permanente est au moins de 80 % ou qui a été classée dans la catégorie mentionnée au 3° de l'article L. 341-4 du code de la sécurité sociale.
Cette mention permet notamment d'obtenir une priorité d'accès aux places assises dans les transports en commun, dans les espaces et salles d'attente ainsi que dans les établissements et les manifestations accueillant du public, tant pour son titulaire que pour la personne qui l'accompagne dans ses déplacements. Elle permet également d'obtenir une priorité dans les files d'attente. Cette disposition doit être rappelée par un affichage clair et visible dans les lieux dans lesquels ce droit s'exerce. [...]”
Selon l’annexe 2-4 - guide barème pour l’évaluation des déficiences et incapacités des personnes handicapées - du code de l’action sociale et des familles, le taux de 50% correspond à des troubles importants entraînant une gêne notable dans la vie sociale de la personne. L’entrave peut soit être concrètement repérée dans la vie de la personne soit compensée afin que cette vie sociale soit préservée mais au prix d’efforts importants ou de la mobilisation d’une compensation spécifique. Toutefois l’autonomie est conservée pour les actes élémentaires de la vie quotidienne.
Un taux d’au moins 80 % correspond à des troubles graves entraînant une entrave majeure dans la vie quotidienne de la personne avec une atteinte de son autonomie individuelle. Cette autonomie individuelle est définie comme l’ensemble des actions que doit mettre en oeuvre une personne vis-à-vis d’elle-même, dans la vie quotidienne. Dès lors qu’elle doit être aidée totalement ou partiellement, ou surveillée dans leur accomplissement, ou ne les assure qu’avec les plus grandes difficultés, le taux de 80% est atteint. C’est également le cas lorsqu’il y a déficience sévère avec abolition d’une fonction.
Les actes de la vie quotidienne, parfois qualifiés d’élémentaires ou d’essentiels, portent notamment sur les activités suivantes:
- se comporter de façon logique et sensée,
- se repérer dans le temps et les lieux,
- assurer son hygiène corporelle,
- s’habiller et se déshabiller de façon adaptée,
- manger des aliments préparés,
- assumer l’hygiène de l’élimination urinaire et fécale,
- effectuer les mouvements (se lever, s’asseoir, se coucher) et les déplacements (au moins à l’intérieur d’un logement).
Aux termes de l’article R. 142-16 du code de la sécurité sociale, “la juridiction peut ordonner toute mesure d'instruction [...]”.
En l’espèce, il ressort du certificat médical initial complété par le docteur [V] le 21 octobre 2022 que Madame [G] présente plusieurs pathologies notamment “une RCH, une anémie hémolytique associée à la rectocolite et une myocardite (vaccin covid) (...)”. Parmi les signes cliniques invalidants permanents, le médecin fait état d’une accélération du transit, d’une incontinence anale et d’une asthénie suite à la myocardite. Les douleurs articulaires sont notées comme signes cliniques invalidants réguliers. Le médecin souligne un suivi médical spécialisé notamment une coloscopie tous les deux ans et par un kinésithérapeute (incontinence). S’agissant du retentissement fonctionnel et/ou relationnel, le médecin relève un périmètre de marche de 250 mètres. Madame [G] réalise avec ou sans difficulté mais sans aide humaine les actions suivantes : marcher, se déplacer à l’extérieur, faire sa toilette, s’habiller, se déshabiller, manger et boire des aliments préparés, couper ses aliments, assurer l’hygiène de l’élimination urinaire, assurer l’hygiène de l’élimination fécale et faire les courses. Le médecin mentionne un retentissement sur l’aptitude au poste et/ou le maintien dans l’emploi. Il préconise une période de mi-temps thérapeutique et de télétravail.
Au soutien de sa demande, Madame [G] verse aux débats plusieurs éléments médicaux et notamment un compte-rendu de consultation du docteur [L] du 2 décembre 2019 qui retient les diagnostics suivants: “rectocolite hémorragique de topographie pancolique, coloprotectomie avec anastomose iléo-anale en 2012.” ; un compte rendu de consultation de l’hôpital [Localité 5] en date du 10 octobre 2023 indiquant: “je revois ce jour en consultation, (...), pour son problème de prolapsus. Je l’avais vu il y a quelques années et elle avait une élytrocèle gênante. Elle a une incontinence plus marquée et est de plus en plus gênée. Je n’ai pas pu l’examiner car elle refuse le toucher rectal. Au toucher vaginal, il existe une élytrocèle formelle. Je ne veux pas l’opérer sans avoir pu l’examiner au préalable car je ne sais pas sur quoi je dois partir.”
Le certificat médical joint à la demande permet de conclure que l’ensemble des actes de la vie quotidienne peuvent être réalisés sans aide humaine de telle sorte que l’évaluation d’un taux d’incapacité supérieur à 80% sollicitée par la demanderesse n’apparait pas conforme à ces constatations.
Aucun des éléments versés au débat contemporains de la demande ne permet de contredire l’évaluation du taux d’incapacité faite par la MDPH compris entre 50 et 79 % à savoir un taux d'incapacité de sévérité importante selon le guide-barème applicable.
Il ressort des derniers éléments produits postérieurs à la demande que les symptômes des pathologies présentées par Madame [G] se sont récemment aggravés, éléments qui ne pourront être pris en compte que dans le cadre d’une nouvelle demande déposée à la MDPH.
Par conséquent, la demande d’expertise formulée par Madame [G] sera rejetée.
Sur les mesures accessoires
Madame [G], partie perdante, supportera les dépens en application de l’article 696 du code de procédure civile.
L’exécution provisoire sera ordonnée en application de l’article R. 142-10-6 du code de la sécurité sociale.
PAR CES MOTIFS
Le Tribunal, statuant publiquement par jugement contradictoire, rendu en premier ressort, par mise à disposition au greffe,
Rejette la demande d’expertise formulée par Madame [K] [G] ;
Met les dépens à la charge de Madame [K] [G] ;
Ordonne l’exécution provisoire ;
Rappelle que la présente décision est susceptible d’appel dans un délai d’un mois à compter de sa notification.
Fait et mis à disposition au greffe, la minute étant signée par :
LE GREFFIERLE PRÉSIDENT
Denis TCHISSAMBOUCédric BRIEND