Vu, enregistrée à son secrétariat le 6 décembre 2018, l'expédition de l'ordonnance du 4 décembre 2018 par laquelle le juge de la mise en état du tribunal de grande instance de Paris, saisi d'une demande de l'E.U.R.L. La Joly, représentée par son liquidateur judiciaire Me B...A..., et de M. C...tendant au paiement de la somme de 5 473 453 euros à la société La Joly et de la somme de 300 000 euros à M. C..., a renvoyé au Tribunal, en application de l'article 32 du décret n° 2015-233 du 27 février 2015, le soin de décider sur la question de compétence ;
Vu l'arrêt du 14 novembre 2017 par lequel la cour administrative d'appel de Bordeaux s'est déclaré incompétente pour connaître du litige ;
Vu, enregistré le 11 janvier 2019, le mémoire présenté par le ministre des outre-mer, tendant à ce que la juridiction administrative soit déclarée compétente, par les motifs que l'opération du 28 juillet 2004, effectué sur réquisitions du procureur de la République sur le fondement de l'article 140 du code minier, n'était pas constitutive d'une voie de fait ;
Vu, enregistré le 14 janvier 2019, le mémoire présenté pour l'agent judiciaire de l'Etat, tendant à ce que la juridiction administrative soit déclarée compétente, par les motifs que l'opération du 28 juillet 2004 n'a pas été constitutive d'une voie de fait et ne constituait pas essentiellement une opération de police judiciaire, qu'elle n'est pas détachable de l'appréciation de la légalité des titres d'exploitation minière et de leur retrait ;
Vu les pièces desquelles il résulte que la saisine du Tribunal des conflits a été notifiée à l'E.U.R.L. La Joly, représentée par son liquidateur judiciaire Me B...A..., à M. C..., au ministre de l'économie et des finances, qui n'ont pas produit de mémoire ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III ;
Vu la loi du 24 mai 1872 ;
Vu le décret n°2015-233 du 27 février 2015 ;
Vu le code minier ;
Après avoir entendu en séance publique :
- Le rapport de M. Jacques-Henri Stahl, membre du Tribunal,
- les observations de la SCP Foussard-Froger pour l'Agent judiciaire de l'Etat ;
- Les conclusions de Mme Bénédicte Vassallo-Pasquet, rapporteur public ;
Considérant qu'après que le préfet de la Guyane eut retiré, par un arrêté du 14 janvier 2004, les trois autorisations d'exploitation pour or qui avaient été délivrées à la société La Joly pour les sites de la Boue Ouest, la Boue Est et de Wapa, sur le territoire de la commune de Régina, des forces de gendarmerie ont procédé, le 28 juillet 2004, à la destruction de matériels appartenant à la société La Joly découverts sur le site de la Boue ; que la société La Joly et M. C..., son associé unique et gérant, ont demandé l'indemnisation par l'Etat du préjudice résultant de ces destructions ; que, par un arrêt du 14 novembre 2017, la cour administrative d'appel de Bordeaux a rejeté leur demande indemnitaire comme portée devant une juridiction incompétente pour en connaître ; que, par une ordonnance du 4 décembre 2018, le juge de la mise en état du tribunal de grande instance de Paris, ultérieurement saisi de la demande indemnitaire, a renvoyé au Tribunal, sur le fondement de l'article 32 du décret du 27 février 2015, le soin de décider sur la question de compétence ;
Considérant qu'il n'y a voie de fait de la part de l'administration, justifiant, par exception au principe de séparation des autorités administratives et judiciaires, la compétence des juridictions de l'ordre judiciaire pour en ordonner la cessation ou la réparation, que dans la mesure où l'administration soit a procédé à l'exécution forcée, dans des conditions irrégulières, d'une décision, même régulière, portant atteinte à la liberté individuelle ou aboutissant à l'extinction d'un droit de propriété, soit a pris une décision qui a les mêmes effets d'atteinte à la liberté individuelle ou d'extinction d'un droit de propriété et qui est manifestement insusceptible d'être rattachée à un pouvoir appartenant à l'autorité administrative ;
Mais considérant qu'aux termes du troisième alinéa de l'article 140 du code minier, applicable à la date des faits en cause : " Le procureur de la République peut ordonner la destruction des matériels ayant servi à commettre la ou les infractions constatées par procès-verbal lorsqu'il n'existe pas de mesures techniques raisonnablement envisageables pour empêcher définitivement le renouvellement de cette ou de ces infractions " ;
Considérant que si les destructions à raison desquelles a été formée la demande indemnitaire en litige ont abouti à l'extinction d'un droit de propriété de la société La Joly, elles sont intervenues en application des dispositions précitées de l'article 140 du code minier ; qu'elles ne peuvent, par suite, être qualifiées de voie de fait ;
Considérant, toutefois, qu'il ressort des pièces du dossier que ces destructions ont été ordonnées, sur le fondement de l'article 140 du code minier, par réquisitions du procureur de la République en date du 27 juillet 2004 et sur instructions données sur place par le substitut du procureur de la République le 28 juillet 2004 ; que la demande indemnitaire met ainsi en cause des actes se rattachant directement à une procédure judiciaire et relève, dès lors, de la compétence de la juridiction judiciaire ;
D E C I D E :
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Article 1er : La juridiction judiciaire est compétente pour connaître de la demande de la société La Joly et de M.C....
Article 2 : L'ordonnance du 4 décembre 2018 du juge de la mise en état du tribunal de grande instance de Paris est déclarée nulle et non avenue. La cause et les parties sont renvoyées devant ce tribunal.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à l'E.U.R.L. La Joly, représentée par son liquidateur judiciaire Me B...A..., à M.C..., à l'agent judiciaire de l'Etat, au ministre de l'économie et des finances et au ministre des outre-mer.