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20/06/2005 | FRANCE | N°05-03454

France | France, Tribunal des conflits, 20 juin 2005, 05-03454


Vu l'expédition de l'ordonnance du 15 décembre 2004 par laquelle le Conseil d'Etat statuant au contentieux, saisi de la demande présentée sur le fondement de l'article R. 541-1 du Code de justice administrative par M. X... tendant à la condamnation solidaire de la société Gan-Vie et de la société de gestion de garanties et de participations (SGGP) à lui payer une provision sur les sommes qui lui sont dues au titre du complément de pension dont il bénéficiait en qualité d'ancien président du conseil d'administration de la société centrale du groupe des assurances nationales (GA

N), a renvoyé au Tribunal, par application de l'article 35 du dé...

Vu l'expédition de l'ordonnance du 15 décembre 2004 par laquelle le Conseil d'Etat statuant au contentieux, saisi de la demande présentée sur le fondement de l'article R. 541-1 du Code de justice administrative par M. X... tendant à la condamnation solidaire de la société Gan-Vie et de la société de gestion de garanties et de participations (SGGP) à lui payer une provision sur les sommes qui lui sont dues au titre du complément de pension dont il bénéficiait en qualité d'ancien président du conseil d'administration de la société centrale du groupe des assurances nationales (GAN), a renvoyé au Tribunal, par application de l'article 35 du décret du 26 octobre 1849 modifié, le soin de décider sur la question de compétence ;

Vu l'arrêt du 25 mai 2004 par lequel la Cour de cassation (1re chambre civile) a déclaré les juridictions de l'ordre judiciaire incompétentes pour connaître du litige et renvoyé les parties à mieux se pourvoir ;

Vu le mémoire présenté pour M. X... tendant à ce que la juridiction de l'ordre judiciaire soit déclarée compétente pour connaître du litige, par les motifs que les sociétés Gan-Vie et SGGP sont des personnes morales de droit privé et ne sont pas investies d'une mission de service public, que sa qualité de président d'une société d'assurance alors nationale, étrangère à sa qualité de fonctionnaire de l'Etat, ne lui a pas conféré la qualité d'agent public et que le litige n'oppose que des personnes de droit privé ;

Vu le mémoire présenté pour la société de gestion de garanties et de participations ;

Vu le mémoire présenté pour la société Gan-Vie tendant à ce que la juridiction administrative soit déclarée compétente pour connaître du litige dans lequel, d'une part, elle conclut à la nullité de l'acte administratif constitué par une lettre du 4 mars 1980 du directeur des assurances du ministère de l'économie et des finances sur le fondement de laquelle était versé à M. X... le complément de retraite dont il demande la poursuite du paiement et, d'autre part, elle fait valoir que la contestation concerne le dirigeant d'une entreprise publique ;

Vu les observations par lesquelles le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie conclut à la compétence des juridictions de l'ordre judiciaire ;

Vu les observations complémentaires présentées pour M. X... ;

Vu les observations présentées pour la société Gan-Vie qui maintient ses précédentes conclusions ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III ;

Vu la loi du 24 mai 1872 ;

Vu le décret du 26 octobre 1849 modifié ;

Considérant que M. X..., inspecteur général des finances, a été placé en position de détachement puis hors cadre pour exercer les fonctions de président des conseils d'administration de la société centrale du groupe des assurances nationales (GAN) et de la société Gan-Vie, auxquelles il a été nommé par décret du Président de la République du 24 juillet 1986 ; qu'il a été rémunéré par la société Gan-Vie ; qu'en sa qualité de dirigeant de sociétés nationales d'assurances il entrait dans le champ d'application du régime de prévoyance institué par celles-ci et créant un complément de retraite ; que ce complément de retraite lui a été servi par la société Gan-Vie à compter de la liquidation de sa retraite en 1996 ; que ladite société ayant cessé le versement de l'avantage à compter du 4e trimestre 2000, au motif que l'avantage en cause aurait été servi à tort postérieurement à la privatisation, en 1996, des sociétés d'assurance, M. X... a saisi le juge des référés du tribunal de grande instance de Paris pour avoir paiement par la société Gan-Vie et la société de gestion de garanties et de participations (SGGP), qui vient aux droits de la société Gan, d'une provision sur les sommes dont il s'estime privé ; que le juge des référés, rejetant l'exception d'incompétence opposée par les défenderesses et décidant n'y avoir lieu à référé sur les demandes dirigées contre la SGGP, a condamné, par son ordonnance du 19 avril 2001, la société Gan-Vie à verser la provision sollicitée ; que la cour d'appel de Paris a confirmé cette ordonnance par l'arrêt qu'elle a rendu le 31 octobre 2001 ; que, par arrêt du 25 mai 2004, la Cour de cassation a cassé et annulé la décision des juges du second degré, déclaré les juridictions de l'ordre judiciaire incompétentes pour connaître du litige et renvoyé les parties à mieux se pourvoir ;

Considérant, d'abord, que si, en vertu de la loi no 46-835 du 25 avril 1946 relative à la nationalisation de certaines sociétés d'assurances et à l'industrie des assurances en France, les sociétés du groupe des assurances nationales avaient le statut d'entreprises nationales dont l'Etat était l'unique actionnaire, elles étaient néanmoins des personnes morales de droit privé, constituées sous la forme de sociétés anonymes et soumises aux lois applicables aux sociétés commerciales ;

Considérant, ensuite, que la circonstance qu'un fonctionnaire de l'Etat, placé en position de détachement puis hors cadre, soit nommé président du conseil d'administration de sociétés nationales constituées sous la forme de sociétés anonymes par un décret du Président de la République conformément aux dispositions législatives qui, sans déroger à leur nature de personnes morales de droit privé, instituaient des règles particulières pour leur administration, n'a pas pour effet de conférer à ce mandataire de sociétés commerciales la qualité d'agent public ;

Considérant, enfin, que quand bien même elle ferait l'objet d'une approbation par l'autorité administrative, la décision par laquelle une entreprise régie par les lois sur les sociétés commerciales prévoit, comme en l'espèce, le versement d'un avantage de retraite à certains de ses dirigeants, cependant reste celle d'un organisme de droit privé et n'est pas un acte administratif ;

Considérant qu'il s'ensuit que le litige engagé par M. X... contre les sociétés Gan-Vie et SGGP, qui ne met en cause que des personnes de droit privé dans leurs rapports entre elles, ressortit à la compétence des juridictions de l'ordre judiciaire ;

DECIDE :

Article 1er : La juridiction de l'ordre judiciaire est compétente pour connaître du litige opposant M. X... aux sociétés Gan-Vie et SGGP.


Synthèse
Numéro d'arrêt : 05-03454
Date de la décision : 20/06/2005

Analyses

SEPARATION DES POUVOIRS - Compétence judiciaire - Domaine d'application - Litige relatif à un contrat conclu entre personnes privées - Applications diverses.

SOCIETE ANONYME - Statut - Statut d'entreprise nationale - Portée

SOCIETE ANONYME - Président du conseil d'administration - Qualité - Fonctionnaire de l'Etat nommé par décret - Qualité d'agent public (non)

SOCIETE ANONYME - Président du conseil d'administration - Rémunération - Complément de retraite - Litige - Compétence - Détermination

PERSONNE MORALE - Personne morale de droit privé - Cas - Sociétés commerciales - Statut d'entreprise nationale - Absence d'influence

Si en vertu de la loi n° 46-835 du 25 avril 1945 relative à la nationalisation de certaines sociétés d'assurances et à l'industrie des assurances en France, les sociétés d'un groupe d'assurances avaient le statut d'entreprises nationales dont l'Etat était l'unique actionnaire, elles étaient néanmoins des personnes morales de droit privé, constituées sous la forme de sociétés anonymes et soumises aux lois applicables aux sociétés commerciales. La circonstance qu'un fonctionnaire de l'Etat, placé en position de détachement puis hors cadre, soit nommé président du conseil d'administration de sociétés nationales constituées sous forme de sociétés anonymes, par un décret du président de la République conformément aux dispositions législatives qui, sans déroger à leur nature de personne morale de droit privé, instituaient des règles particulières pour leur administration, n'a pas pour effet de conférer à ce mandataire de sociétés commerciales la qualité d'agent public. Quand bien même elle ferait l'objet d'une approbation par l'autorité administrative, la décision par laquelle une entreprise régie par les lois sur les sociétés commerciales prévoit le versement d'un avantage de retraite à certains de ses dirigeants, reste cependant celle d'un organisme de droit privé et n'est pas un acte administratif. Il s'ensuit que le litige engagé par un ancien dirigeant contre de telles sociétés qui ne met en cause que des personnes de droit privé dans leurs rapports contre elles, ressortit à la compétence des juridictions de l'ordre judiciaire.


Références :

Loi du 16 août 1790

Décision attaquée : Conseil d'Etat, 15 décembre 2004

Sur la nature des rapports personnels entre dirigeants d'entreprises publiques et la société qu'il dirige, en sens contraire : Chambre civile 1, 2004-05-25, Bulletin 2004, I, n° 153, p. 125 (cassation).


Composition du Tribunal
Président : Mme Mazars.
Avocat général : Commissaire du Gouvernement : Mme Roul
Rapporteur ?: M. Chagny.
Avocat(s) : SCP Tiffreau, SCP Devolvé, SCP Waquet, Farge et Hazan.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:TC:2005:05.03454
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