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17/12/2001 | FRANCE | N°01-03267

France | France, Tribunal des conflits, Chambre civile 1, 17 décembre 2001, 01-03267


Vu l'expédition de l'arrêt du 6 mars 2001 par lequel la Cour de cassation (1re chambre civile), saisie du pourvoi formé par la Société des autoroutes Paris-Rhin-Rhône, contre un arrêt rendu par la cour d'appel de Bourges le 30 novembre 1998, au profit de Mme Line X... et de la société Matmut, a renvoyé au Tribunal, par application de l'article 35 du décret du 26 octobre 1849 modifié, le soin de décider sur la question de compétence ;

Vu le mémoire présenté par le ministre de l'Equipement, des Transports et du Logement, tendant à ce que les juridictions de l'ordre admi

nistratif soient reconnues compétentes pour connaître de la demande rec...

Vu l'expédition de l'arrêt du 6 mars 2001 par lequel la Cour de cassation (1re chambre civile), saisie du pourvoi formé par la Société des autoroutes Paris-Rhin-Rhône, contre un arrêt rendu par la cour d'appel de Bourges le 30 novembre 1998, au profit de Mme Line X... et de la société Matmut, a renvoyé au Tribunal, par application de l'article 35 du décret du 26 octobre 1849 modifié, le soin de décider sur la question de compétence ;

Vu le mémoire présenté par le ministre de l'Equipement, des Transports et du Logement, tendant à ce que les juridictions de l'ordre administratif soient reconnues compétentes pour connaître de la demande reconventionnelle formée par Mme X... à l'encontre de la Société des autoroutes Paris-Rhin-Rhône à raison des dommages subis par son véhicule sur le fondement d'un défaut d'entretien de l'ouvrage public dont l'exploitation a été concédée à la société au motif que l'article 5 de la loi du 5 juillet 1985, qui dispose que la faute commise par la victime a pour effet de limiter ou d'exclure l'indemnisation des dommages aux biens qu'elle a subis, ne saurait prévaloir sur les dispositions de la loi du 28 pluviôse an VIII faisant ressortir à la compétence de la juridiction administrative les litiges relatifs à l'exécution de travaux publics ou au défaut d'entretien d'un ouvrage public ;

Vu le mémoire présenté pour Mme X... et pour la société Matmut tendant à ce que la juridiction administrative soit déclarée seule compétente pour statuer sur la demande reconventionnelle dirigée contre la Société des autoroutes Paris-Rhin-Rhône au motif qu'une demande reconventionnelle constitue une demande distincte de la demande initiale et en aucune façon un élément de discussion du recours principal ; que c'est d'ailleurs dans un souci de cohérence contentieuse que les exposants ont saisi le tribunal administratif d'Orléans aux fins d'obtenir remboursement des frais occasionnés au véhicule automobile accidenté par la présence d'une flaque de gasoil ou de liquide de refroidissement sur la voie publique autoroutière ;

Vu le mémoire présenté pour la Société des autoroutes Paris-Rhin-Rhône, tendant à ce que la juridiction administrative soit déclarée seule compétente pour apprécier l'existence d'un défaut de conception, d'aménagement ou d'entretien normal de l'ouvrage public et l'imputabilité d'un tel défaut au maître de l'ouvrage, ce dont il résulte que les juridictions judiciaires ne sont pas compétentes pour apprécier l'existence d'une " faute " commise par le maître de l'ouvrage, au sens des dispositions de l'article 5 de la loi du 5 juillet 1985, lorsque le maître de l'ouvrage a saisi les juridictions de l'ordre judiciaire d'une action principale tendant à la réparation du dommage causé à un ouvrage public par une personne privée, à la suite d'un accident de la circulation dans lequel est impliqué un véhicule terrestre à moteur ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III ;

Vu la loi du 24 mai 1872 ;

Vu le décret du 26 octobre 1849 modifié, notamment ses article 35 et suivants ;

Vu l'article 4 du titre II de la loi du 28 pluviôse an VIII ;

Vu la loi n° 57-1424 du 31 décembre 1957 ;

Vu la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985 ;

Vu l'article L. 116-1 du Code de la voirie routière ;

Considérant que le véhicule automobile de Mme X... qui circulait sur l'autoroute A 71, a dérapé sur une nappe de liquide répandu sur la chaussée et endommagé les glissières centrales de sécurité ; que la Société des autoroutes Paris-Rhin-Rhône, agissant en qualité de concessionnaire chargé de l'exploitation de la section de l'autoroute où s'est produit l'accident, a fait assigner la conductrice ainsi que son assureur, la société Matmut, devant la juridiction judiciaire sur le fondement de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985 aux fins d'obtenir réparation du dommage causé par ce véhicule ; que Mme X... s'est opposée à cette demande en excipant d'un défaut d'entretien de l'ouvrage public autoroutier imputable au concessionnaire et a sollicité devant le juge judiciaire, l'indemnisation des dommages occasionnés à son véhicule ; qu'elle a également mis en cause devant la juridiction administrative la responsabilité du concessionnaire sur le même fondement juridique ;

Considérant que le juge compétent pour connaître de la demande principale ne peut connaître de conclusions reconventionnelles ou d'une défense au fond, que si leur examen n'excède pas sa propre compétence ;

Considérant qu'en application de l'article 1er de la loi n° 57-1424 du 31 décembre 1957, il appartient aux tribunaux de l'ordre judiciaire de connaître des actions en responsabilité délictuelle ou quasi délictuelle tendant à la réparation des dommages de toute nature causés par un véhicule quelconque ; que si cette dernière loi ne s'applique pas aux dommages occasionnés au domaine public ainsi que le précise le dernier alinéa de son article 1er, cette exception est privée d'effet en ce qui concerne la répression des infractions à la police de la conservation du domaine public routier en vertu de l'article L. 116-1 du Code de la voirie routière qui attribue compétence en la matière au juge judiciaire ;

Considérant cependant que la compétence ainsi dévolue ne s'étend pas aux actions en responsabilité engagées contre une personne morale de droit public ou un concessionnaire de travaux publics, sur un fondement juridique autre que ceux visés par la loi du 31 décembre 1957 ou l'article L. 116-1 du Code de la voirie routière ; qu'ainsi, relèvent de la compétence de la juridiction administrative, par application de l'article 4 du titre II de la loi du 28 pluviôse an VIII, les actions en réparation du fait de dommages de travaux publics, y compris dans le cas où l'entretien d'un ouvrage public incombe à une société concessionnaire ; que les dispositions de l'article 5 de la loi du 5 juillet 1985 en vertu desquelles la faute commise par la victime d'un accident de la circulation où est impliqué un véhicule terrestre à moteur " a pour effet de limiter ou d'exclure l'indemnisation des dommages aux biens qu'elle a subis ", énoncent une règle de fond qui n'a ni pour objet ni pour effet de déroger aux règles de répartition des compétences entre les juridictions des deux ordres ; qu'il s'ensuit que lorsque l'appréciation à porter sur l'existence d'une faute de la victime et sur son incidence sur la responsabilité encourue est conditionnée par la reconnaissance de la responsabilité d'une personne publique ou d'un de ses concessionnaires à raison de dommages imputables à des travaux publics, il appartient au juge judiciaire, si une difficulté sérieuse se présente, de surseoir à statuer à titre préjudiciel sur ces questions qui relèvent de la compétence exclusive de la juridiction administrative ;

Considérant qu'il suit de là que les juridictions de l'ordre administratif sont seules compétentes pour connaître des conclusions formées par Mme X... et la société Matmut à l'encontre de la Société des autoroutes Paris-Rhin-Rhône dès lors que celles-ci conduisent nécessairement à rechercher l'existence et l'incidence éventuelle d'un défaut d'entretien normal d'un ouvrage public qui serait imputable à cette société en sa qualité de concessionnaire de travaux publics et qu'une difficulté sérieuse se présente de ce chef ;

DECIDE :

Article 1er : la juridiction de l'ordre administratif est compétente pour connaître des conclusions de Mme X... et de la société Matmut dirigées contre la Société des autoroutes Paris-Rhin-Rhône.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 01-03267
Date de la décision : 17/12/2001
Type d'affaire : Civile

Analyses

SEPARATION DES POUVOIRS - Domaine public - Concession - Autoroute - Entretien défectueux - Usager - Dommage - Action en réparation - Loi du 5 juillet 1985 - Portée .

En application de l'article 1er de la loi n° 57-1424 du 31 décembre 1957, il appartient aux tribunaux de l'ordre judiciaire de connaître des actions en responsabilité délictuelle ou quasi délictuelle tendant à la réparation des dommages de toute nature causés par un véhicule quelconque, et si cette loi ne s'applique pas aux dommages occasionnés au domaine public ainsi que le précise le dernier alinéa de son article 1er, cette exception est privée d'effet en ce qui concerne la répression des infractions à la police de la conservation du domaine public routier en vertu de l'article L. 116-1 du Code de la voirie routière qui attribue compétence en la matière au juge judiciaire. Cependant, la compétence ainsi dévolue ne s'étend pas aux actions en responsabilité engagées contre une personne morale de droit public ou un concessionnaire de travaux publics, sur un fondement juridique autre que ceux visés par la loi du 31 décembre 1957 ou l'article L. 116-1 du Code de la voirie routière. Ainsi, relèvent de la compétence de la juridiction administrative, par application de l'article 4 du titre II de la loi du 28 pluviôse an VIII, les actions en réparation du fait de dommages de travaux publics, y compris dans le cas où l'entretien d'un ouvrage public incombe à une société concessionnaire, et les dispositions de l'article 5 de la loi du 5 juillet 1985 en vertu desquelles la faute commise par la victime d'un accident de la circulation où est impliqué un véhicule terrestre à moteur " a pour effet de limiter ou d'exclure l'indemnisation des dommages aux biens qu'elle a subis ", énoncent une règle de fond qui n'a ni pour objet ni pour effet de déroger aux règles de répartition des compétences entre les juridictions des deux ordres. Il s'ensuit que lorsque l'appréciation à porter sur l'existence d'une faute de la victime et sur son incidence sur la responsabilité encourue, est conditionnée par la reconnaissance de la responsabilité d'une personne publique ou d'un de ses concessionnaires à raison de dommages imputables à des travaux publics, il appartient au juge judiciaire, si une difficulté sérieuse se présente, de surseoir à statuer à titre préjudiciel sur ces questions qui relèvent de la compétence exclusive de la juridiction administrative.


Références :

Code de la voirie routière L116-1
Loi 85-677 du 05 juillet 1985
Loi 28 pluviôse AN VIII, titre II, art. 4
Loi 57-1424 du 31 décembre 1957 art. 1

Décision attaquée : Cour de cassation (1re Chambre civile), 06 mars 2001


Composition du Tribunal
Président : M. Waquet .
Avocat général : Commissaire du Gouvernement : M. Duplat
Rapporteur ?: M. Genevois.
Avocat(s) : M. Hemery, la SCP Boré, Xavier et Boré.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:TC:2001:01.03267
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