Vu la lettre par laquelle le Garde des Sceaux, ministre de la Justice, a transmis au Tribunal le dossier de la procédure opposant devant le tribunal de grande instance de Pontoise d'une part, la commune de Courdimanche, la compagnie Groupama Ile-de-France et le syndicat d'agglomération nouvelle de Cergy-Pontoise et, d'autre part, Me Bleriot pris en sa qualité d'administrateur judiciaire au redressement judiciaire de la société SEJ, la compagnie AGF assurances, la société Sade et la compagnie La Winterthur, en présence de Mlle Geneviève Cavan, intervenante ;
Vu le déclinatoire, présenté le 11 août 1997 par le préfet du Val-d'Oise qui tend à voir déclarer la juridiction judiciaire incompétente au motif que le dommage dont il est demandé réparation à l'Etat a le caractère d'un dommage de travaux publics ;
Vu l'ordonnance du 8 septembre 2000 par laquelle le juge de la mise en état du tribunal de grande instance de Pontoise a rejeté l'exception d'incompétence soulevée par l'agent judiciaire du Trésor, la société Sade et la compagnie La Winterthur, assureur de cette dernière, en ce qui concerne les demandes présentées par la commune de Courdimanche et le Groupama assurances ;
Vu l'arrêté du 20 septembre 2000 par lequel le préfet du Val-d'Oise a élevé le conflit ;
Vu l'ordonnance du 16 octobre 2000 par laquelle le juge de la mise en état a ordonné la radiation de l'affaire ;
Vu le mémoire présenté pour la société Sade et la compagnie La Winterthur tendant à la confirmation de l'arrêté de conflit par les motifs que l'effondrement du mur de la propriété de Mlle Cavan lié à l'utilisation d'un outil mécanique fixé sur un engin constitue un dommage de travaux publics et non un accident entrant dans le champ des prévisions de la loi du 31 décembre 1957 ;
Vu le mémoire présenté pour la commune de Courdimanche et la compagnie Groupama Ile-de-France tendant à l'annulation de l'arrêté de conflit par les motifs retenus par le tribunal de grande instance de Pontoise ;
Vu le mémoire présenté pour la compagnie La Winthertur et la société Sade, tendant à la confirmation de l'arrêté de conflit par les motifs que la loi du 31 décembre 1957 ne concerne que les actions en responsabilité extracontractuelle et est, par suite, inapplicable à un litige où est recherchée la responsabilité de l'Etat à raison de l'exécution d'un marché de travaux publics dont il est maître d'oeuvre ;
Vu le mémoire présenté pour Mlle Cavan, tendant à l'annulation de l'arrêté de conflit par les motifs que le dommage causé au mur de soutènement de sa propriété a été provoqué par un engin de chantier qui a le caractère d'un véhicule au sens de la loi du 31 décembre 1957 ;
Vu les autres pièces du dossier et notamment le rapport de l'expertise ordonnée en référé ;
Vu la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III ;
Vu la loi du 24 mai 1872 ;
Vu l'ordonnance du 1er juin 1828 modifiée ;
Vu l'ordonnance des 12-21 mars 1831 modifiée ;
Vu le décret du 26 octobre 1849 modifié ;
Vu la loi du 28 pluviôse an VIII ;
Vu la loi n° 57-1424 du 31 décembre 1957 ;
Considérant qu'après avoir obtenu le concours de la direction départementale de l'Equipement du Val-d'Oise agissant comme maître d'oeuvre, la commune de Courdimanche a chargé par contrat la société SEJ de la réalisation de travaux d'assainissement sur plusieurs voies communales dont l'une longe pour partie la propriété de Mlle Cavan ; que, quelques jours après leur commencement, les travaux ont dû être interrompus en raison de la présence d'une nappe d'eau ; qu'afin de surmonter cet obstacle les services de l'Etat ont préconisé la pose d'un rideau de palplanches ; qu'à cette fin l'entreprise SEJ a procédé à une opération de battage ; que, toutefois, celle-ci a dû être arrêtée par suite de l'apparition de fissures dans le dallage du garage appartenant à Mlle Cavan ; que la semaine suivante, des travaux visant à retirer les palplanches au moyen d'un vibreur ont dû eux aussi être interrompus en raison de désordres affectant le mur de soutènement et le jardin de la propriété de Mlle Cavan ; que, postérieurement au déroulement d'opérations d'expertise confiées au même expert tant par le tribunal administratif de Versailles que par le tribunal de grande instance de Pontoise, un " protocole d'accord " a été conclu entre la commune de Courtemanche, le Groupama Ile-de-France agissant en qualité d'assureur de la commune et Mlle Cavan aux fins de définir les modalités de réparation du mur de soutènement endommagé ; que la commune, en sa qualité de maître de l'ouvrage, et son assureur, ont alors assigné devant le tribunal de grande instance de Pontoise l'Etat pris en la personne de l'agent judiciaire du Trésor, l'entreprise SEJ en la personne de l'administrateur à son redressement judiciaire ainsi que la compagnie Assurances générales de France en sa qualité d'assureur de l'entreprise, aux fins d'être condamnés solidairement à réparer, non seulement ceux des dommages pris en compte dans le " protocole d'accord " passé avec Mlle Cavan, mais également le préjudice propre de la commune qui résulterait du surcoût des travaux liés au sinistre ;
Sur la régularité de la procédure de conflit :
Considérant que le préfet du Val-d'Oise a fait présenter en temps utile son déclinatoire de compétence à la juridiction saisie ; que si le juge de la mise en état a omis de mentionner ce déclinatoire et s'est borné à le rejeter implicitement en écartant les conclusions ayant partiellement le même objet présentées dans l'instance par l'agent judiciaire du Trésor, c'est à juste titre que le préfet, lorsqu'il a élevé le conflit en ce qui concerne les conclusions mettant en cause l'Etat, a tenu son déclinatoire pour rejeté ;
Sur le bien-fondé de l'arrêté de conflit :
En ce qui concerne l'action engagée par la commune de Courdimanche pour son préjudice propre :
Considérant que, par dérogation à l'article 13 de la loi des 16-24 août 1790, l'article 1er de la loi n° 57-1424 du 31 décembre 1957 a, dans son premier alinéa, attribué compétence aux tribunaux de l'ordre judiciaire " pour statuer sur toute action en responsabilité tendant à la réparation des dommages de toute nature causés par un véhicule quelconque " ; que le deuxième alinéa du même article a prévu qu'en pareille hypothèse, l'action engagée par la victime du dommage " sera jugée conformément aux règles du droit civil, la responsabilité de la personne morale de droit public étant, à l'égard des tiers, substituée à celle de son agent... " ; qu'il résulte du rapprochement de ces dispositions, éclairées par les débats parlementaires qui ont précédé l'adoption de la loi, que le législateur n'a entendu déroger aux règles de compétence découlant du principe de séparation des autorités administratives et judiciaires qu'en ce qui concerne les actions en responsabilité extracontractuelle, en visant à ce titre une action civile qui est soit jointe à l'action pénale, soit exercée séparément ; que n'entre donc pas dans le champ des prévisions de la loi une action en responsabilité qui a pour fondement les liens contractuels existant entre l'auteur présumé du dommage et la victime dès lors que le contrat est soumis, comme c'est le cas notamment pour les marchés de travaux publics en vertu de la loi du 28 pluviôse an VIII, à un régime de droit public, auquel la loi n° 57-1424 n'a nullement pour objet ou pour effet de mettre un terme ;
Considérant qu'il suit de là et pour ce seul motif, que la mise en cause par la commune de Courdimanche, du fait des préjudices propres qu'elle invoque, de la responsabilité de l'Etat en raison de travaux publics exécutés à la suite de la passation d'un contrat de maîtrise d'oeuvre entre ces deux collectivités publiques, ressortit à la compétence de la juridiction administrative ;
En ce qui concerne l'action engagée par la commune subrogée aux droits de Mlle Cavan :
Considérant que l'attribution de compétence donnée aux tribunaux de l'ordre judiciaire par l'article 1er de la loi du 31 décembre 1957 pour les dommages qui sont le fait d'un véhicule appartenant à une personne publique ou un entrepreneur de travaux publics n'est susceptible de recevoir application que pour autant que le dommage invoqué trouve sa cause déterminante dans l'action d'un véhicule ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier et notamment des conclusions de l'expert commis en référé que les dommages dont la commune de Courdimanche et son assureur ont demandé réparation à l'Etat au titre du préjudice subi par Mlle Cavan, sont consécutifs à la réalisation de travaux sans étude préalable de l'état du sous-sol et à l'utilisation, une fois mise en évidence la présence d'une nappe d'eau, de mesures techniques consistant en la pose de palplanches puis ultérieurement dans leur arrachage, l'une et l'autre inappropriées au site géotechnique ; qu'il est constant que les travaux litigieux ont le caractère de travaux publics ; qu'en raison de l'origine du dommage et bien qu'un engin de chantier ayant le caractère de " véhicule " au sens de la loi du 31 décembre 1957 ait été utilisé dans le cadre de ces travaux, la réparation des dommages consécutifs à leur exécution relève de la compétence de la juridiction administrative en vertu de la loi du 28 pluviôse an VIII ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'il y a lieu de confirmer l'arrêté de conflit ;
DECIDE :
Article 1er : L'arrêté de conflit pris par le préfet du Val-d'Oise le 20 septembre 2000 est confirmé ;
Article 2 : Sont déclarées nulles et non avenues la procédure engagée par la commune de Courdimanche et la compagnie Groupama Ile-de-France contre l'agent judiciaire du Trésor devant le tribunal de grande instance de Pontoise et l'ordonnance du juge de la mise en état de cette juridiction en date du 8 septembre 2000 en tant qu'elle concerne cette procédure.