Vu la lettre par laquelle le Garde des Sceaux, ministre de la Justice, a transmis au tribunal le dossier de la procédure opposant la société DSDB représentée par Me Segard, ès qualités d'administrateur judiciaire de la société, Me X..., ès qualités de représentant des créanciers au redressement judiciaire de la société, la société Bloc Matériaux, la perception de Venarey-les-Laumes et l'hôpital d'Alise-Sainte-Reine ;
Vu le déclinatoire, présenté le 6 mars 1997 par le préfet de la Côte-d'Or, tendant à voir déclarer la juridiction de l'ordre judiciaire incompétente en ce qui concerne l'action dirigée par la société anonyme Bloc Matériaux contre l'Etat pris en la personne du percepteur de Venarey-les-Laumes et celle par laquelle la même société demande que l'hôpital d'Alise-Sainte-Reine soit condamné à lui payer directement la créance qu'elle détient à l'encontre de la société DSDB ;
Vu l'arrêt du 1er avril 1999 par lequel la cour d'appel de Dijon a rejeté le déclinatoire de compétence ;
Vu l'arrêté du 12 avril 1999 par lequel le préfet a élevé le conflit ;
Vu l'ordonnance du 11 mai 1999 du conseiller de la mise en état de la cour d'appel de Dijon ordonnant le sursis à statuer dans l'attente de la décision du Tribunal des Conflits ;
Vu le mémoire présenté pour Me Segard, ès qualités d'administrateur judiciaire de la société DSDB et Me X..., ès qualités de représentant des créanciers au règlement judiciaire de ladite société tendant à l'annulation de l'arrêté de conflit par les motifs que le litige porté devant le juge judiciaire porte en réalité sur le privilège dont le fournisseur d'un entrepreneur de travaux publics peut se prévaloir et sur sa concurrence avec les droits des autres créanciers de la société DSDB ;
Vu le mémoire présenté par le ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie tendant à la confirmation de l'arrêté de conflit par les motifs que le litige se rattache à un marché ayant pour objet l'exécution d'un travail public, que seule la juridiction administrative est compétente pour condamner un établissement public de santé, à savoir l'hôpital d'Alise-Sainte-Reine, maître de l'ouvrage et son comptable, qui a la qualité de comptable direct du Trésor ; qu'au surplus, la responsabilité pécuniaire d'un comptable public ne peut être mise en jeu que par le ministre dont il relève, le ministre des Finances ou le juge des comptes en vertu de l'article 60-V de la loi du 23 février 1963 ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III ;
Vu la loi du 24 mai 1872 ;
Vu l'ordonnance du 1er juin 1828 modifiée ;
Vu l'ordonnance des 12-21 mars 1831 modifiée ;
Vu le décret du 26 octobre 1849 modifié ;
Vu la loi du 28 pluviôse an VIII ;
Vu l'article L. 143-6 du Code du travail ;
Vu le Code des marchés publics, notamment ses articles 193 à 195 ;
Vu l'article 60 de la loi n° 63-156 du 23 février 1963 ;
Vu la loi n° 75-1334 du 31 décembre 1975 modifiée ;
Vu la loi n° 81-1 du 2 janvier 1981 modifiée ;
Considérant que, dans le cadre d'une opération de rénovation de l'équipement hospitalier, l'hôpital d'Alise-Sainte-Reine (Côte-d'Or) a confié par contrat la réalisation du lot " maçonnerie " à la société DSDB ; que le béton nécessaire à la réalisation de l'opération a été livré à cette dernière par la société Bloc-Matériaux ; que, postérieurement à l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire à l'encontre de la société DSDB, la société Bloc-Matériaux, agissant, non au titre des dispositions de la loi du 31 décembre 1975 relative à la sous-traitance, mais en qualité de fournisseur, après avoir fait opposition auprès de l'hôpital pour avoir paiement de la somme correspondant au béton livré, a assigné devant le tribunal de grande instance de Dijon, outre la société DSDB et le CEPME bénéficiaire d'une cession de créance de la part de cette dernière, l'hôpital d'Alise-Sainte-Reine et le percepteur de Venarey-les-Laumes, en sa qualité de comptable de l'hôpital, aux fins de dire qu'en application " du décret du 26 pluviôse an II " l'hôpital devra lui régler directement le montant de la créance qu'elle détient à l'encontre de la société DSDB, augmentée des intérêts ;
Considérant que l'article L. 143-6 du Code du travail, dont l'origine remonte au décret du 26 pluviôse an II modifié par la loi du 25 juillet 1891, dispose, dans son premier alinéa, que " les sommes dues aux entrepreneurs de tous travaux ayant le caractère de travaux publics ne peuvent être frappées de saisie-arrêt ni d'opposition au préjudice soit des ouvriers auxquels des salaires sont dus, soit des fournisseurs qui sont créanciers, à raison de fournitures de matériaux et d'autres objets servant à la construction des ouvrages " ; que le second alinéa du même article spécifie que " les sommes dues aux ouvriers sont payées de préférence à celles dues aux fournisseurs " ;
Considérant que ces dispositions ont pour effet de conférer, notamment aux fournisseurs des entreprises titulaires d'un marché de travaux publics, un droit de paiement préférentiel, à raison des créances qu'ils détiennent sur ces dernières au titre des fournitures et matériaux qu'ils apportent pour l'exécution du marché ; que la revendication du privilège par le fournisseur d'une entreprise titulaire d'un tel marché tend ainsi à obtenir de la personne publique maître de l'ouvrage, le paiement, en lieu et place du titulaire du marché défaillant, de la créance que détient le fournisseur sur celui-ci, par prélèvement sur les sommes dues au titulaire au titre de l'exécution du marché ;
Considérant que les litiges nés de l'exécution d'un marché de travaux publics et opposant des participants à l'exécution de ces travaux ressortissent, en principe, à la compétence de la juridiction administrative en vertu des dispositions de l'article 4 du titre 2 de la loi du 28 pluviôse an VIII ;
Considérant toutefois qu'il en va différemment lorsque les parties en cause sont unies par un contrat de droit privé ou lorsque s'élève une contestation sur l'étendue d'un privilège ; que tel est le cas s'agissant du privilège régi par l'article L. 143-6 du Code du travail, nonobstant la circonstance que le fournisseur réclame le montant de la créance qu'il détient sur l'entrepreneur de travaux publics à la personne publique maître de l'ouvrage ou à son comptable ; que cette compétence n'est pas davantage mise en échec par les dispositions de l'article 60-V de la loi du 23 février 1963, qui régissent uniquement l'hypothèse où est recherchée, à l'initiative des autorités administratives ou du juge des comptes, la responsabilité pécuniaire personnelle d'un comptable public et sont étrangères à l'exercice par les particuliers de leurs droits ;
Considérant qu'il suit de là que l'arrêté par lequel le préfet de la Côte-d'Or a élevé le conflit doit être annulé ;
DECIDE :
Article 1er : L'arrêté de conflit pris le 12 avril 1999 par le préfet de la Côte-d'Or est annulé.