Vu, enregistrée à son secrétariat le 7 mars 1997, la lettre par laquelle le garde des sceaux, ministre de la justice, a transmis au Tribunal le dossier de la procédure opposant la SOCIETE "LES FILS DE MME X..." à la commune de Longjumeau devant le tribunal de grande instance d'Evry ;
Vu le déclinatoire, présenté le 7 février 1995 par le préfet de l'Essonne, tendant à voir déclarer la juridiction de l'ordre judiciaire incompétente par les motifs que le contrat confiant à la société l'exploitation des marchés publics communaux est un contrat de droit public faisant participer la société à l'exécution du service public ;
Vu le jugement du 24 mai 1996 par lequel le tribunal de grande instance d'Evry a rejeté le déclinatoire de compétence ;
Vu l'arrêté du 19 juin 1996 par lequel le préfet de l'Essonne a élevé le conflit ;
Vu le jugement du 27 septembre 1996 par lequel le tribunal de grande instance d'Evry a sursis à toute procédure ;
Vu, enregistré le 7 mars 1997, le mémoire, présenté pour la SOCIETE "LES FILS DE MME X...", tendant d'une part, à l'annulation de l'arrêté de conflit, par les motifs que la question de compétence a déjà été tranchée par le Tribunal des Conflits dans sa décision du 10 avril 1995 ; que l'attribution de compétence à la juridiction judiciaire est conforme aux principes qui lui attribuent la connaissance des litiges relatifs aux droits indirects, et à l'article 136 du décret du 17 mai 1809 sur les octrois municipaux ; que le contrat n'attribue pas à la société la gestion d'un service public et ne lui confère aucune prérogative de puissance publique, d'autre part, à la condamnation de l'Etat à verser à la société une somme de100 000 F sur le fondement de l'article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu, enregistré le 4 avril 1997, le mémoire, présenté par le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation, tendant à la confirmation de l'arrêté de conflit, par les motifs que l'article 136 du décret du 17 mai 1809 est frappé de désuétude et n'a qu'une portée subsidiaire ; que le litige porte sur les conséquences de la décision de résiliation, qui ressortit à la compétence du juge administratif ; qu'en tout état de cause, le contrat investit la société d'une mission de service public et lui confère des prérogatives de puissance publique ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III ;
Vu la loi du 24 mai 1872 ;
Vu l'ordonnance du 1er juin 1828 modifiée ;
Vu l'ordonnance des 12-21 mars 1831 modifiée ;
Vu le décret du 26 octobre 1849 modifié ;
Vu l'article 1er du décret-loi du 17 juin 1938 ;
Vu l'article 136 du décret du 17 mai 1809 ;
Vu l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Leclerc, membre du Tribunal,
- les conclusions de M. Sainte Rose, Commissaire du gouvernement ;
Sur la compétence :
Considérant que s'il est de principe, selon le décret-loi du 17 juin 1938, que les litiges relatifs aux contrats comportant occupation du domaine public passés par les collectivités publiques relèvent de la compétence des juridictions administratives, l'article 136 du décret du 17 mai 1809, relatif aux octrois municipaux et applicable aux droits de place perçus dans les halles et marchés, attribue spécialement compétence aux tribunaux judiciaires pour statuer sur toutes les contestations qui pourraient s'élever entre les communes et les fermiers de ces taxes indirectes, sauf renvoi préjudiciel à la juridiction administrative sur le sens des clauses contestées des baux ;
Considérant qu'en l'espèce, la SOCIETE "LES FILS DE MME X...", concessionnaire de l'exploitation des marchés de la commune de Longjumeau en vertu d'un contrat lui confiant la perception des droits de place et la location du matériel aux commerçants, a saisi le tribunal de grande instance d'une demande tendant à l'indemnisation du préjudice qu'elle estime avoir subi du fait de la réduction par la commune du nombre des marchés et de son refus de faire application de la clause de révision des tarifs ;
Considérant que le litige, portant sur l'assiette et le tarif des droits de place, relève de la compétence de la juridiction de l'ordre judiciaire, sous réserve pour celle-ci de renvoyer à la juridiction administrative, par voie de question préjudicielle, les contestations relatives à l'interprétation des clauses contractuelles ; qu'ainsi, c'est à tort que le conflit a été élevé ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel :
Considérant que ces conclusions doivent être regardées comme tendant à l'application de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 ; qu'il y a lieu sur le fondement de ces dispositions de condamner l'Etat à verser à la SOCIETE "LES FILS DE MME X..." une somme de 5 000 F ;
Article 1er : L'arrêté de conflit pris le 19 juin 1996 par le préfet de l'Essonne est annulé.
Article 2 : L'Etat versera à la SOCIETE "LES FILS DE MME X..." une somme de 5 000 F en application de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991.
Article 3 : La présente décision sera notifiée au garde des sceaux, ministre de la justice, qui est chargé d'en assurer l'exécution.