TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE VERSAILLES
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
PREMIERE CHAMBRE
JUGEMENT DU 25 JANVIER 2008
DOSSIER No : 2006 / 10915
PHN
COMPOSITION DU TRIBUNAL :
Magistrats lors du délibéré :
Madame MENARD, Vice-Présidente
Monsieur NAVARRI, Juge
Monsieur DUVAL, Juge
DEBATS :
en Chambre du Conseil à l'audience du 21 décembre 2007, devant Madame MENARD, Vice-Présidente et Monsieur NAVARRI, Juge, siégeant en qualité de juges rapporteurs, en application de l'article 786 du Nouveau Code de Procédure Civile.
PRONONCÉ :
en Chambre du Conseil par mise à disposition au greffe le 25 janvier 2008.
GREFFIER LORS DES DÉBATS :
Monsieur RÉAUX
MINISTERE PUBLIC :
Monsieur RAIMBAULT, Vice-Procureur
Présent aux débats, à qui la procédure a été préalablement communiquée.
RECOURS CONTRE UNE DECISION DU JUGE DES TUTELLES du Tribunal d'Instance de RAMBOUILLET, en date du 20 octobre 2006.
Exercé par : Monsieur Jean-Michel Z...
né le 23 février 1933 à NANCY (54)
demeurant ....
AIDE JURIDICTIONNELLE PARTIELLE No2007 / 003845 DU 3 MAI 2007
DU TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE VERSAILLES.
Comparant en personne, assisté de Maître MELOIS (148), avocat au Barreau de VERSAILLES.
En présence de :
1o) Madame Corinne Z..., demeurant ....
Non comparante.
2o) Monsieur Laurent Z..., demeurant ....
Comparant en personne, assisté de Maître MEKOUAR, avocat au Barreau de PARIS, substitué par Maître AGAOUA, avocat au Barreau de PARIS.
3o) Madame Jeannette D..., demeurant ....
4o) Madame Zahra E... épouse Z..., demeurant ....
Comparantes en personne.
***
EXPOSÉ DU LITIGE :
Par Jugement du 20 octobre 2006, le juge des tutelles du Tribunal d'Instance de Rambouillet a placé sous curatelle renforcée Jean-Michel Z... né le 23 février 1933 à Nancy, demeurant ...et désigné Mme D... afin d'exercer la mesure.
Cette décision a été régulièrement notifiée à l'intéressé le 28 octobre 2006 qui a formé appel par courrier expédié le 30 octobre 2006.
Dans son avis écrit, le Procureur de la République de ce Tribunal a conclu au rejet du recours.
Par jugement du 26 octobre 2007, le recours était déclaré recevable et, en raison des documents médicaux contradictoires qui étaient versés aux débats, une contre-expertise était ordonnée, confiée au Docteur F..., médecin spécialiste figurant sur la liste de M. le Procureur de la république.
Le rapport a été déposé le 13 décembre 2007.
L'audience s'est déroulée le 21 décembre 2007.
Monsieur Z..., sans contester les constatations de l'expert, a maintenu sa demande de suppression de la mesure de protection, en soulignant qu'il recevait l'aide de son épouse.
Son conseil a précisé qu'elle n'était que le conseil du mari et non de son épouse, et qu'elle avait pu le recevoir seul, afin de se convaincre qu'il ne souhaitait pas de mesure de protection et qu'elle n'était pas nécessaire, l'expert ne relevant aucun problème cognitif.
Madame Z... a également soutenu que son mari n'avait pas besoin de mesure de protection dans la mesure où elle était là pour l'aider. Elle a précisé que lorsqu'elle l'avait rencontré, il avait des difficultés, mais qu'elle avait pu tout remettre en route et combler le découvert ; qu'elle était ainsi en mesure de gérer seul les biens du couple.
Laurent Z..., fils de l'intéressé, a soutenu que son père avait besoin d'être protégé, et ce d'autant que depuis que son épouse était rentré dans sa vie, les liens familiaux s'étaient distendus, entraînant notamment la rupture entre le père et sa fille Corinne.
Madame D... a indiqué que la mesure était difficile à gérer, compte tenu du climat de suspicion, mais elle a souligné que Monsieur Z... avait effectivement besoin d'être aidé.
L'affaire a été mise en délibéré au 25 janvier 2008.
MOTIFS DE LA DÉCISION :
Le rapport du Docteur G... mentionne que Jean-Michel Z... présente un déficit visuel important, lié à un diabète insulinodépendant. Il ne peut plus lire, à part de très grosses lettres d'au moins 5 centimètres de hauteur. Il rencontre de grosses difficultés pour écrire. Sa mémoire présente des défaillances, ainsi il ignore dans quel département se trouve son domicile et pense que Mme H... est le Premier Ministre.
Si l'utilisation de concepts simples ne pose pas de difficultés, en revanche dès qu'il aborde des questions plus complexes, comme le compte de la succession de sa mère, ses réponses sont plus évasives et il fait souvent appel à son fils pour qu'il trouve une solution. Ainsi il rencontre des difficultés importantes chaque fois qu'il doit remplir des formalités administratives et financières : la vente de son restaurant, son divorce, la vente en viager de sa maison, les travaux d'installation du chauffage, l'absence de règlement de la succession suite au décès de sa mère. Tous ces événements ont été réalisés avec une certaine impréparation, imprécision et une tonalité persécutive.
Sur le plan psychiatrique, il semble que le patient voie resurgir, à l'occasion de ces formalités de gestion des biens, des traumatismes psychiques très enfouis dans le passé, tels que son statut d'enfant naturel jusqu'au mariage de sa mère ainsi que la souffrance et la culpabilité liées au décès de ses deux premiers enfants.
Sur le plan physique, le déficit visuel lié à une rétine diabétique constitue une gêne importante pour la lecture et l'écriture et l'oblige à solliciter l'aide d'une tierce personne pour toutes les formalités nécessitant la lecture d'un texte.
Sur le plan psychique, les difficultés que ce patient rencontre lorsqu'il doit assumer les actes de gestion administrative ou financière sont importantes et renforcées par les situations où il est confronté à son origine, à son passé et à sa place dans la famille. Ces troubles témoignent d'une névrose post-traumatique liée à des traumatismes anciens enfouis dans son passé personnel et familial. Les traumatismes anciens conduisent ce patient à vivre des situations de gestion des biens comme systématiquement conflictuelles et difficiles. Des réactions d'angoisse sont alors réactivées et entraînent une perplexité massive, dans un contexte de désarroi affectif et de dépendance.
L'expert conclut que cette pathologie place Jean-Michel Z... dans l'incapacité d'assurer la gestion de ses biens et nécessite qu'il soit assisté, conseillé et contrôlé dans les actes de la vie civile en faisant l'objet d'une mesure de protection des biens de type curatelle.
Lors de l'audience, Jean-Michel Z... a déclaré qu'il était d'accord avec le rapport de l'expert, sauf en ce qui concerne la conclusion puisque malgré les difficultés, il estime ne pas avoir besoin d'une mesure de protection.
Son épouse a déclaré qu'elle s'opposait à la mesure de curatelle. Elle a précisé qu'elle percevait l'allocation adulte handicapé.
Laurent Z... a déclaré que son père avait besoin d'une mesure de curatelle.
Mme D... a fait état des difficultés qu'elle rencontrait dans l'exercice de la mesure. Des problèmes doivent encore être réglés comme l'installation du chauffage au domicile de Maurepas. Il est également difficile financièrement d'assumer les charges de l'appartement loué à Nanterre et celles de la maison de Maurepas.
Compte tenu de la situation médicale décrite par le docteur G..., il y a lieu de maintenir la mesure de curatelle renforcée de Jean-Michel Z.... Compte tenu d'une part des conflits existant dans la famille, et d'autre part du handicap de l'épouse de l'intéressé, il parait opportun de maintenir la désignation d'un curateur extérieur en la personne de Madame D....
PAR CES MOTIFS :
Le Tribunal, statuant hors la présence du public, après débats en chambre du conseil, par décision réputée contradictoire et en dernier ressort,
Confirme le Jugement du 20 octobre 2006 du juge des tutelles du Tribunal d'Instance de Rambouillet ;
Condamne Jean-Michel Z... aux dépens.
Prononcé par mise à disposition au greffe le 25 janvier 2008, et signé par Madame MENARD, Vice-Présidente, et Monsieur RÉAUX, greffier.
Cinquième et dernière page.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT