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14/12/2021 | FRANCE | N°19/8769

France | France, Tribunal de grande instance de Paris, Chambre civile 3, 14 décembre 2021, 19/8769


TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS

3ème chambre
3ème section

No RG 19/08769 -
No Portalis 352J-W-B7D-CQMAP

No MINUTE :

Assignation du :
18 et 19 Juillet 2019

JUGEMENT
rendu le 14 Décembre 2021
DEMANDERESSE

S.A.R.L. GAIATREND
[Adresse 4]
[Localité 7]

représentée par Maître Pierre GREFFE, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #E0617

DÉFENDEURS

S.A. CHARABOT
[Adresse 3]
[Localité 1]

Société GROUP DATA
[Adresse 8]
[Localité 2]

Monsieur [X] [M]
[Adresse 8]
[Locali

té 2]

représentés par Maître Nicolas MONNOT de la SELARL GASTAUD LELLOUCHE HANOUNE MONNOT, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #G0430

Société ATA PRODUCTION
[Adresse ...

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS

3ème chambre
3ème section

No RG 19/08769 -
No Portalis 352J-W-B7D-CQMAP

No MINUTE :

Assignation du :
18 et 19 Juillet 2019

JUGEMENT
rendu le 14 Décembre 2021
DEMANDERESSE

S.A.R.L. GAIATREND
[Adresse 4]
[Localité 7]

représentée par Maître Pierre GREFFE, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #E0617

DÉFENDEURS

S.A. CHARABOT
[Adresse 3]
[Localité 1]

Société GROUP DATA
[Adresse 8]
[Localité 2]

Monsieur [X] [M]
[Adresse 8]
[Localité 2]

représentés par Maître Nicolas MONNOT de la SELARL GASTAUD LELLOUCHE HANOUNE MONNOT, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #G0430

Société ATA PRODUCTION
[Adresse 5]
[Localité 6]

représentée par Maître Mathieu DAVY, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #E0233

____________________________

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Nathalie SABOTIER, 1ère vice-présidente adjointe
Laurence BASTERREIX, vice-présidente
Arthur COURILLON-HAVY, juge

assisté de Lorine MILLE, greffière,

DÉBATS

A l'audience du 29 Septembre 2021 tenue en audience publique devant Nathalie SABOTIER et Arthur COURILLON-HAVY, juges rapporteurs, qui, sans opposition des avocats, ont tenu seuls l'audience, et, après avoir entendu les conseils des parties, en ont rendu compte au Tribunal, conformément aux dispositions de l'article 805 du Code de Procédure Civile. Avis a été donné aux avocats que le jugement serait rendue le 30 Novembre 2021, à cette date la décision a fait l'objet d'une prorogation au 14 Décembre 2021.

JUGEMENT

Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe
Contradictoire
En premier ressort

____________________________

Exposé du litige

La société Gaïatrend, qui commercialise des liquides aromatisés pour cigarettes électroniques, sous la marque « Alfaliquid » à laquelle s'ajoute, pour certains de ses produits, la marque « Malawia », reproche aux sociétés défenderesses une contrefaçon de cette seconde marque (constituant également selon elle des faits de concurrence déloyale et parasitaire pour la période antérieure au dépôt de la marque).

Cadre du litige

Elle est ainsi titulaire d'une licence exclusive, concédée par acte du 23 décembre 2015 avec effet rétroactif au 1er janvier 2015, et inscrite à l'EUIPO le 30 mai 2019, sur la marque verbale de l'Union européenne « Malawia », no013842794, déposée le 17 mars 2015 (et enregistrée le 27 août suivant) pour désigner des produits en classes 10 et 34, dont des « arômes ou additifs pour les cartouches de cigarettes électroniques », « liquides et e-liquides pour dispositifs électroniques d'inhalation, cigarettes électroniques », mais indique avoir exploité le signe Malawia dès le 8 janvier 2012.

Elle dit avoir constaté d'une part, en mai 2019, que la société Group data, qui commercialise des liquides destinés aux cigarettes électroniques, proposait à la vente sur son site internet un « e-liquide » et un concentré d'arômes pour cigarettes électroniques sous la marque « Le Malawia », puis, à partir de juin 2019, sous la marque « Le Malawi » sans pour autant abandonner l'usage de « Malawia », et découvert, grâce à une saisie-contrefaçon le 3 juillet 2019, que cette société se fournissait auprès de la société Charabot, laquelle fabrique des arômes.

Et avoir constaté, d'autre part, en mai 2019 également, que la société Ata production, qui commercialise aussi des liquides pour cigarettes électroniques, proposait à la vente sur son site internet des « e-liquides » sous la marque « Malawia », et découvert, lors d'une saisie-contrefaçon le 6 aout 2019, que cette société se fournissait elle aussi auprès de la société Charabot, affirmant employer le terme « Malawia » car son fournisseur lui vendait un arôme sous cette appellation. La société Ata production a cessé de faire usage de la marque sur son site internet après la saisie-contrefaçon.

Par ailleurs, le 9 mai 2019, M. [X] [M], gérant de la société Group data, a déposé la marque française « Le Malawi », no4549944, pour désigner, en classe 34, des « cigarettes électroniques ; solutions liquides pour cigarettes électroniques ». Elle a été enregistrée le 27 septembre 2019. M. [M] y a toutefois entièrement renoncé le 16 mars 2021.

La société Gaïatrend a ainsi assigné en contrefaçon les sociétés Group data et Charabot les 18 et 19 juillet 2019 d'une part, Ata production le 20 aout 2019 d'autre part, puis M. [M] en nullité de sa marque le 27 juillet 2020 ; les trois instances ont été jointes.

Prétentions des parties

Dans ses dernières conclusions signifiées par voie électronique le 15 juin 2021, la société Gaïatrend résiste aux prétentions adverses et demande au tribunal, ?invoquant une contrefaçon de la marque européenne « Malawia », subsidiairement une concurrence déloyale et parasitaire, de :
?interdire aux sociétés Group data, Charabot et Ata production, sous astreinte de 500 euros par infraction constatée à compter de la signification du jugement, d'importer, exporter, faire fabriquer, fabriquer, offrir à la vente et/ou commercialiser sur le territoire de l'Union européenne des produits marqués « Malawia » et/ou « Malawi » et/ou « Le Malawia » et/ou « Le Malawi »
?ordonner le rappel des produits contrefaisants et leur destruction aux frais de ces sociétés, sous astreinte de 1 500 euros par jour
?enjoindre aux mêmes sociétés de communiquer toutes les factures d'achat et de vente, certifiées par expert-comptable, concernant les produits contrefaisants, sous astreinte de 500 euros par jour, en vertu du droit d'information ;
?les condamner solidairement à lui verser la somme provisionnelle de 9 037 132,33 euros (dans la limite de 180 723,78 euros pour Group data et de 134 940,51 euros pour Ata production) à titre de dommages et intérêts, sauf à parfaire en fonction des éléments comptables qui seront fournis par Charabot ;
?condamner en outre la société Group data à lui verser la somme provisionnelle de 75 000 euros à titre de dommages et intérêts pour les actes commis postérieurement à l'assignation, sauf à parfaire en fonction des éléments comptables qu'elle fournira ;
?ordonner la publication du jugement dans cinq journaux ou revues à son choix et aux frais « conjoints et solidaires » des sociétés défenderesses ;
?invoquant des actes distincts de concurrence déloyale et parasitaire par l'usage de la dénomination « Malawia » pour leurs produits avant le dépôt de la marque no013842794, de :
?condamner solidairement les sociétés Group data, Charabot et Ata production à lui verser 100 000 euros de dommages et intérêts ;
?invoquant contre M. [M] une atteinte à la marque « Malawia » par le dépôt de la marque « Le Malawi » (no 4549944) le 9 mai 2019 jusqu'à son abandon le 16 mars 2021, de :
? le condamner à lui payer 20 000 euros de dommages et intérêts,
?enfin de condamner solidairement les sociétés Group data, Charabot, Ata production et M. [M] au paiement de la somme de 30 000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile, ce compris les frais d'huissiers relatifs aux procès-verbaux de constat et de saisie-contrefaçon précités (pièce 12), outre les dépens « conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile », et l'exécution provisoire.

Dans ses dernières conclusions signifiées par voie électronique le 14 juin 2021, la société Group data demande au tribunal :
?à titre principal, de
?déclarer les demandes de la société Gaïatrend irrecevables pour la période antérieure au 31 mai 2019 pour défaut de qualité et d'intérêt à agir,
?annuler la marque Malawia (pour défaut de caractère distinctif et pour fraude),
?condamner la société Gaïatrend à lui payer 50 000,00 euros de dommages et intérêts ;
?subsidiairement, de rejeter les demandes adverses
?condamner la société Gaïatrend à lui payer 50 000 euros à titre de dommages intérêts (en plus des autres 50 000, donc) pour procédure abusive,
?outre 10 000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens recouvrés par son avocat « sous sa due affirmation »

Dans ses dernières conclusions signifiées par voie électronique le 14 juin 2021, la société Charabot formule des prétentions exactement identiques à celles de la société Group data, à ceci près qu'elle estime la société Gaïatrend irrecevable et infondée pour la période antérieure au 30 mai 2019 (et non 31 mai).

Dans ses dernières conclusions signifiées par voie électronique le 14 juin 2021, M. [M]
?soulève l'irrecevabilité des demandes de la société Gaïatrend à son égard et y résiste au fond,
?subsidiairement
?soulève l'irrecevabilité des demandes en ce qu'elles portent sur la période antérieure au 31 mai 2019,
?soulève la nullité de la marque « Malawia » no013842794 enregistrée le 17 mars 2015 en classe 34, pour fraude, et réclame 50 000 euros de dommages et intérêts à ce titre,
?et réclame 50 000 euros de dommages et intérêts pour procédure abusive, outre 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi que les dépens recouvrés par son avocat « sous sa due affirmation ».

Dans ses dernières conclusions signifiées par voie électronique le 26 mars 2021, la société Ata production demande de :
?annuler la marque « Malawia »,
?rejeter les demandes indemnitaires de la société Gaïatrend, subsidiairement écarter la solidarité et limiter sa condamnation à une somme forfaitaire comprise entre 200 et 3 300 euros pour la contrefaçon et de même pour la concurrence déloyale ;
?rejeter les demandes d'interdiction, de rappel et destruction et de publication (l'interdiction étant sans objet, le rappel et la publication inutiles pour la réparation du préjudice)
?5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens (subsidiairement rejeter la demande de la société Gaïatrend à ce titre),
?et s'oppose à l'exécution provisoire.

L'instruction est close depuis le 17 juin 2021, l'affaire a été plaidée le 29 septembre et le jugement mis en délibéré.

MOTIFS

1o) Recevabilité des demandes de la société Gaïatrend fondées sur la marque Malawia

Moyens des parties

Les sociétés Charabot et Group data estiment que la demanderesse est irrecevable à agir en contrefaçon pour des faits antérieurs à l'inscription de la licence à l'EUIPO, faute d'opposabilité de celle-ci aux tiers, l'arrêt de la Cour de justice invoqué par la société Gaïatrend étant selon elle contestable et non transposable aux marques nationales.

La société Gaïatrend expose être recevable même pour les actes antérieurs à l'inscription de licence conformément à la jurisprudence européenne et notamment de l'arrêt C-163/15

Réponse du tribunal

Il est constant que la société Gaïatrend s'est vue concéder une licence exclusive sur la marque en cause, et le principe de sa qualité à agir n'est pas contesté, seul l'étant la date à compter de laquelle cette qualité pourrait être invoquée.

À cet égard, interprétant l'article 23, paragraphe 1 du règlement 207/2009, recodifié à l'article 27, paragraphe 1 du règlement 2017/1001 du 14 juin 2017 sur la marque de l'Union européenne, applicable au présent litige (ci-après « le règlement »), et qui régit l'opposabilité aux tiers des actes concernant une marque, la Cour de justice de l'Union européenne a dit pour droit que le licencié peut agir en contrefaçon de la marque communautaire faisant l'objet d'une licence bien que cette dernière n'ait pas été inscrite au registre des marques communautaires (CJUE, 4 février 2016, Breiding, C-163/15).

L'existence d'une inscription de la licence de la marque de l'Union européenne Malawia consentie à la société Gaïatrend est donc indifférente, de sorte que la fin de non-recevoir tirée de la date de cette inscription doit être écartée.

2o) Demandes reconventionnelles en nullité de la marque « Malawia » et dommages et intérêts pour dépôt frauduleux

Moyens des parties

Les sociétés Charabot et Group data, et M. [M], soutiennent que la marque est descriptive car elle renverrait au gout de tabac brun Virginia cultivé au Malawi et serait de ce fait devenue la dénomination usuelle de ce gout, précisant à cet égard que le suffixe « a » crée une sonorité proche des noms anglais de tabacs classiques, que le Malawi est un des producteurs de tabac les plus connus, que la société Gaïatrend emploie même le drapeau de ce pays dans son catalogue, que plusieurs professionnels emploient ce terme pour désigner cette saveur, que la demanderesse utilise la marque seulement pour désigner une saveur et non en tant que marque, la présence d'une marque ombrelle étant sur ce point, selon elles, un indice décisif, enfin que la société Gaïatrend cherche à s'approprier plusieurs références communes du marché, par exemple « Latakia », déposée en tant que marque en 2020 ; et concluent que pour ces raisons le dépôt de la marque est frauduleux. Ils réclament chacun 50 000 euros de dommages et intérêts à ce titre.

La société Gaïatrend fait valoir que le signe « Malawia » n'est pas un nom géographique, que le pays du Malawi est inconnu du public pertinent, à savoir le grand public, et qu'en toute hypothèse ses produits sont issus de l'industrie chimique et non du tabac fabriqué au Malawi, lequel n'aurait au demeurant, selon elle, aucune saveur identifiée. Elle ajoute que les défendeurs n'apportent que la preuve d'un usage par la société Charabot avec ses clients, que la marque est d'autant plus distinctive qu'elle serait notoire, enfin que le dépôt a seulement eu pour but de sécuriser l'usage de ce signe qu'elle a été la première à utiliser.

Réponse du tribunal

En vertu de l'article 52, paragraphe 1 du règlement 207/2009 du 26 février 2009 sur la marque communautaire (applicable à raison de la date de dépôt de la marque), la nullité d'une marque est déclarée sur demande reconventionnelle dans une action en contrefaçon,
a) lorsqu'elle a été enregistrée contrairement aux dispositions de l'article 7
b) lorsque le demandeur était de mauvaise foi lors du dépôt de la demande de marque.

L'article 7 dispose ainsi que

« 1. Sont refusés à l'enregistrement :
( ...)
b) les marques qui sont dépourvues de caractère distinctif ;

c) les marques qui sont composées exclusivement de signes ou d'indications pouvant servir, dans le commerce, à désigner l'espèce, la qualité, la quantité, la destination, la valeur, la provenance géographique ou l'époque de la production du produit ou de la prestation du service, ou d'autres caractéristiques de ceux-ci ;

d) les marques qui sont composées exclusivement de signes ou d'indications devenus usuels dans le langage courant ou dans les habitudes loyales et constantes du commerce ;
(...)

2. Le paragraphe 1 est applicable même si les motifs de refus n'existent que dans une partie de la Communauté. »

Caractère descriptif de la marque (article 7 paragraphe 1 sous c)

L'article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement (de même que les dispositions, en substance identiques, de la directive 2008/95, qui sont interprétées de manières uniforme) poursuit un but d'intérêt général, lequel exige que les signes ou indications descriptives des catégories de produits ou services pour lesquelles l'enregistrement est demandé puissent être librement utilisés par tous, y compris en tant que marques collectives ou dans des marques complexes ou graphiques. Cette disposition empêche, dès lors, que de tels signes ou indications soient réservés à une seule entreprise en raison de leur enregistrement en tant que marque (CJUE, 4 mai 1999, Windsurfing chiemsee, C-108/97, point 25).

S'agissant plus particulièrement des signes ou indications pouvant servir pour désigner la provenance géographique des catégories de produits pour lesquelles l'enregistrement de la marque est demandé, en particulier les noms géographiques, il existe un intérêt général à préserver leur disponibilité en raison notamment de leur capacité non seulement de révéler éventuellement la qualité et d'autres propriétés des catégories de produits concernées, mais également d'influencer diversement les préférences des consommateurs, par exemple en rattachant les produits à un lieu qui peut susciter des sentiments positifs (même arrêt, point 26).

Sont ainsi interdits les signes qui désignent des lieux qui présentent, aux yeux des milieux intéressés, un lien avec la catégorie de produits concernée, mais aussi des lieux qui sont susceptibles d'être utilisés dans l'avenir par les entreprises intéressées, ce qui s'apprécie alors en prenant plus particulièrement en compte la connaissance plus ou moins grande que les milieux intéressés ont du nom géographique en cause, ainsi que ses caractéristiques et la catégorie de produits concernée (CJUE, 4 mai 1999, Windsurfing chiemsee, dispositif ; voir aussi pour une application récente, CJUE, 6 septembre 2018, Bundesverband souvenir (Neuschwanstein), C-488/16 P, points 36 à 39).

Et, à l'inverse, cette disposition ne s'oppose pas à l'enregistrement des noms géographiques qui sont inconnus dans les milieux intéressés ou, à tout le moins, inconnus en tant que désignation d'un lieu géographique ou encore des noms pour lesquels, en raison des caractéristiques du lieu désigné, il n'est pas vraisemblable que les milieux intéressés puissent envisager que la catégorie de produits concernée provienne de ce lieu (Windsurfing, point 33, Bundesverband souvenir, point 39).

En l'espèce, les produits pour lesquels la marque est contestée sont les arômes, additifs et liquides pour cigarettes électroniques. Il s'agit de produits de consommation courante.

Pour démontrer le lien entre le Malawi et la production de tabac, les défendeurs produisent des extraits de sites internet, que la demanderesse ne conteste pas (pièce Charabot no25), dont il ressort que cet État était, en 2013, le 7e producteur mondial de tabac, puis était passé, en 2016, au 9e rang, pour une production de 133 000 tonnes en 2013 et 109 000 tonnes en 2016, ce qui était dans le même ordre de grandeur que les 5e à 14e pays producteurs (qui produisaient entre 82 000 et 171 000 tonnes par an), mais sans commune mesure avec la production des 3 premiers pays producteurs, la Chine, l'Inde et le Brésil, produisant chacun, respectivement, 2 574 000, 783 000 et 677 000 tonnes, le total de la production mondiale s'élevant à 6 400 000 tonnes. Ainsi le Malawi, pays du sud de l'Afrique dont la production déclinait et ne représentait que 1,8% de la production mondiale en 2016, n'était pas, à la date du dépôt de la marque, un producteur de tabac important, en volume, du point de vue de l'Union européenne. Le fait que pour ce pays le tabac représente 60% du montant total des exportations est sans incidence dès lors que s'agissant d'un petit pays dont rien, dans les débats, n'indique qu'il serait particulièrement connu du grand public, cette importance relative de la production du tabac dans son économie interne est inconnue des milieux intéressés dans l'Union européenne. Enfin, si le Malawi est cité parmi des listes de producteurs de tabac dans deux extraits de sites internet (pièce Charabot no25, site la-cigarette.com ; sa pièce no30, site fumeursdepipe.net), il s'agit de sites spécialisés, dont on ne connait pas le nombre de visiteurs, tandis qu'un autre site invoqué par les défendeurs eux-mêmes (pièce Charabot no30, tabacshop.ch) mentionne l'Afrique en général et pas le Malawi en particulier. Il en résulte que les entreprises intéressées sont certes susceptibles d'utiliser le nom du Malawi pour désigner la provenance de tabacs puisqu'il s'agit d'un pays producteur, mais que le lien fait par les consommateurs est particulièrement faible.

La faiblesse d'un tel lien permet alors d'écarter l'utilité de l'emploi du nom du Malawi (et a fortiori du signe Malawia qui s'en distingue légèrement), par les entreprises intéressées, pour désigner l'origine géographique ou une qualité particulière d'un arôme de cigarette électronique. En effet, la marque Malawia est contestée non pas pour des produits à base de tabac, mais pour des produits issus de l'industrie chimique qui imitent ou s'inspirent de la saveur du tabac. Ce lien indirect entre le tabac et les produits en cause implique que seul le nom d'un territoire producteur de tabac particulièrement réputé serait susceptible d'être associé d'emblée par les consommateurs à des arômes pour cigarettes électroniques. Il vient d'être démontré que tel n'était pas le cas du Malawi.

Un tel lien pourrait, en outre, provenir de l'association entre le nom du territoire producteur et une saveur particulière de tabac, que les liquides pour cigarettes électroniques pourraient reproduire. Mais, à cet égard, les défendeurs n'apportent aucun élément tendant à démontrer que le Malawi serait connu, dans les milieux intéressés, pour une saveur particulière de tabac. Au contraire, le seul article sur le tabac du Malawi qu'ils invoquent pour démontrer que ce pays est connu (pièce Charabot no25) ne décrit pas les qualités de la production locale mais la dépendance de ce pays au tabac et l'empoisonnement des enfants qui travaillent dans les plantations (« Tabac, le ‘pétrole vert' du Malawi, bloqué par les douanes américaines », sur le site francetvinfo.fr). L'allégation selon laquelle ce pays serait l'origine particulière d'un « tabac blond virginia » n'est pas étayée, les pièces des défendeurs elles-mêmes démontrant au contraire que ce type de tabac provient d'un grand nombre de pays différents, et en premier lieu de l'État de Virginie aux États-Unis, mais aussi d'Inde, 2e producteur mondial de tabac (pièce Charabot no30, extrait d'un site internet fumeursdepipe.net /plantstabacs.htm). Les autres documents de cette pièce no30 évoquent plusieurs « variétés » et « mélanges » de tabac, parmi lesquels aucun n'est associé au Malawi. Le nom de cet État ne décrit donc manifestement pas une saveur identifiée des liquides aromatisés pour cigarette électronique.

Par suite, le nom du Malawi ne désigne pas l'origine géographique des produits en cause, ni leur saveur, ni aucune autre caractéristique identifiée par les parties. Il est dès lors indifférent que la société Gaïatrend associe un tel produit à cet État par un nom évocateur, même en faisant figurer le drapeau de celui-ci sur le catalogue présentant le produit. Quant au moyen selon lequel le suffixe « a » serait identique à celui de variétés de tabac existantes, il n'est pas plus opérant, « Malawia » n'étant précisément pas une variété existante.

Signes ou indications usuels (article 7, paragraphe 1 sous d)) et dépôt de mauvaise foi (article 52, paragraphe 1, sous b)

La société Gaïatrend affirme sans être contredite avoir été la première à utiliser le signe Malawia, dès 2012. La société Charabot revendique quant à elle un usage débuté à l'été 2013, avec une prospection commerciale, des envois d'échantillons, puis l'intégration pleine et entière du produit ainsi dénommé dans son « boarding pass », liste de références, en 2014.

Pour le reste, les seules preuves d'usage du signe Malawia que les défendeurs communiquent concernent l'usage par la seule société Charabot envers ses clients, à l'exception d'un extrait du site internet « Juice bar Xtra », mais qui n'est pas antérieur au dépôt de la marque et est donc inopérant.

Or l'usage du signe Malawia, à la date du dépôt de la marque (17 mars 2015), par un unique acteur économique autre que la société Gaïatrend, est très loin de caractériser le caractère usuel de ce signe dans le domaine considéré.

Et la société Gaïatrend qui était la première à avoir utilisé ce signe avait un intérêt légitime à s'en réserver l'usage, la volonté d'empêcher un concurrent de s'en servir faisant partie de cet intérêt légitime et relevant d'une stratégie commerciale normale, ne caractérisant donc pas une mauvaise foi dès lors que ce concurrent ne disposait d'aucun droit propre sur ce signe, imitant au contraire la société Gaïatrend, et que ce signe n'était pas devenu usuel. Le fait que la société Gaïatrend ait déposé en 2020 une marque « Latakia » alors qu'il s'agirait d'une saveur connue de tabac est dès lors sans incidence.

Caractère distinctif (paragraphe 1, sous b)) et autres moyens de nullité

Au-delà des cas d'interdictions énumérés à l'article 7 et dont il vient d'être démontré qu'aucun ne s'applique en l'espèce, le signe Malawia est manifestement apte, pour les consommateurs, à désigner l'origine déterminée de liquides aromatisés pour cigarettes électroniques.

Quant au fait, invoqué par les défendeurs, que la marque ne serait pas utilisée en tant que marque, il ne s'agit pas d'un cas de nullité prévu par les textes.

Par conséquent, les demandes en nullité de la marque Malawia sont rejetées.

3o) Demande en nullité de la marque « Le Malawi » et en dommages et intérêts

a. recevabilité de la demande à l'encontre de M. [M]

M. [M] estime que la société Gaïatrend est irrecevable à agir contre lui à titre personnel car il aurait procédé au dépôt de la marque en qualité de représentant de la société Group data. De plus, il expose avoir renoncé au dépôt de la marque litigieuse, privant la procédure de tout objet selon lui.

Toutefois, comme le souligne la société Gaïatrend, il ressort du certificat de la marque « Le Malawi » (sa pièce no18) que celle-ci est inscrite comme ayant été déposée par M. [M] en son nom propre. Il ne s'agit manifestement pas d'une erreur de l'Inpi, le récapitulatif de la demande d'enregistrement (pièce [M] no1) mentionnant bien, à la rubrique « déposant » : « Monsieur [X] [M] », et pas la société Group data. Il n'est donc pas sérieux de prétendre que le dépôt ait été fait au nom d'une personne morale que celui-ci aurait représentée.

Enfin, la demande de nullité de la marque fonde une demande en dommages et intérêts. Elle n'a donc pas perdu son objet du fait de la renonciation à la marque par M. [M].

b. bienfondé de la demande en nullité

L'article L. 711-3 du code de la propriété intellectuelle prévoit que « ne peut être valablement enregistrée et, si elle est enregistrée, est susceptible d'être déclarée nulle une marque portant atteinte à des droits antérieurs ayant effet en France, notamment :

1o Une marque antérieure :
(...)

b) Lorsqu'elle est identique ou similaire à la marque antérieure et que les produits ou les services qu'elle désigne sont identiques ou similaires à ceux pour lesquels la marque antérieure est protégée, s'il existe, dans l'esprit du public, un risque de confusion incluant le risque d'association avec la marque antérieure »

M. [M] ne conteste pas que la marque Le Malawi soit nulle.

Cette marque a été enregistrée pour des cigarettes électroniques et solutions liquides pour cigarettes électroniques, soit des produits respectivement très similaires et identiques aux produits pour lesquels la marque Malawia a été enregistrée.

Il a été démontré que le nom de l'État du Malawi ne désignait aucune caractéristique de ces produits. La proximité de la marque Malawia avec ce nom géographique n'affecte donc pas la distinctivité du signe, et donc l'étendue de sa protection.

Or la marque Le Malawi ne se distingue de Malawia que par l'ajout de l'article « le », qui tend à indiquer une unicité ou à revendiquer la possession du terme qui suit mais ne s'en distingue pas, et par la suppression du suffixe « a ». Ainsi, visuellement, les signes sont très proches, l'article « le » n'attirant pas particulièrement le regard ; phonétiquement, les syllabes les plus déterminantes (ma-la-wi) sont communes, la proximité est donc également très forte ; enfin, conceptuellement, les deux signes renvoient à l'État du Malawi.

Une si grande proximité, pour des produits très similaires, entraine un fort risque de confusion pour le consommateur de produits de consommation courante vendus à prix modique, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé.

La marque Le Malawi porte donc atteinte à la marque antérieure Malawia, et sa nullité doit être prononcée.

c. réparation

Le dépôt d'une marque n'est pas en soi un acte dans la vie des affaires. Selon les circonstances, il est susceptible de causer un préjudice moral au titulaire de la marque, mais la société Gaïatrend n'a pas cette qualité et ne justifie pas avoir été autorisée à agir en réparation de ce préjudice. Et elle n'allègue pas en quoi le dépôt dans les circonstances particulières de l'espèce lui aurait causé un préjudice personnel. Par conséquent, sa demande à ce titre est rejetée.

4o) Demandes fondées sur la contrefaçon de la marque Malawia

a. contrefaçon de marque

Moyens des parties

La société Gaïatrend expose que la marque est utilisée par les défenderesses dans la vie des affaires en ce qu'elle est reproduite de manière apparente sur les bidons de la société Charabot, et sur les flacons et les sites internet des sociétés Groupdata et Ata production accessibles aux consommateurs et qu'il ne s'agit dès lors aucunement d'une référence interne entre professionnels. Elle soutient que le consommateur d'attention moyenne ne peut que considérer que les signes « Malawia » et « Malawi » sont une déclinaison de la marque Malawia de Gaïatrend, leur attribuant une origine commune. Elle fait valoir que les signes sont reproduits à l'identique ou sont à tout le moins très similaires, et pour des produits identiques, causant un risque de confusion accru du fait de sa forte notoriété, et que la présence de marques ombrelles est indifférente.

La société Charabot fait valoir qu'elle vend l'arôme utilisé pour composer le produit final, donc un produit différent de celui pour lequel la marque est enregistrée ; que ses clients sont des professionnels insusceptibles de confondre l'origine de ces produits. Les sociétés Group data et Charabot soutiennent ensemble que le signe Malawia (et/ou Malawi) est utilisé par elles et par la demanderesse comme une indication de la saveur des produits et non comme une indication d'origine ; et que la confusion serait également impossible car l'élément dominant des emballages, eux-mêmes différents, serait leur propre marque ombrelle.

La société Ata production ne conteste pas le principe de la contrefaçon.

Réponse du tribunal

Cadre juridique

Aux termes de l'article 9 du règlement :

« 1. L'enregistrement d'une marque de l'Union européenne confère à son titulaire un droit exclusif.

« 2. Sans préjudice des droits des titulaires acquis avant la date de dépôt ou la date de priorité d'une marque de l'Union européenne, le titulaire de cette marque de l'Union européenne est habilité à interdire à tout tiers, en l'absence de son consentement, de faire usage dans la vie des affaires d'un signe pour des produits ou services lorsque:

a) ce signe est identique à la marque de l'Union européenne et est utilisé pour des produits ou des services identiques à ceux pour lesquels la marque de l'Union européenne est enregistrée;

b) ce signe est identique ou similaire à la marque de l'Union européenne et est utilisé pour des produits ou services identiques ou similaires aux produits ou services pour lesquels la marque de l'Union européenne est enregistrée, s'il existe un risque de confusion dans l'esprit du public; le risque de confusion comprend le risque d'association entre le signe et la marque;

(...)

« 3. Il peut notamment être interdit, en vertu du paragraphe 2:

a) d'apposer le signe sur les produits ou sur leur conditionnement;

b) d'offrir les produits, de les mettre sur le marché ou de les détenir à ces fins sous le signe, ou d'offrir ou de fournir des services sous le signe;
(...)
e) d'utiliser le signe dans les papiers d'affaires et la publicité »

L'article 17 du règlement dispose que les atteintes à une marque de l'Union européenne sont régies par le droit national applicable aux atteintes à une marque nationale conformément aux dispositions du chapitre X, lequel prévoit notamment (article 129) que le droit applicable est le droit national pour toutes les questions qui n'entrent pas dans le champ d'application du règlement, et que les règles de procédures sont celles applicables au même type d'actions relatives à une marque nationale.

Et en vertu de l'article L. 717-1 du code de la propriété intellectuelle, constitue une contrefaçon engageant la responsabilité civile de son auteur la violation des interdictions prévues aux articles 9, 10, 13 et 15 du règlement.

Faits en cause

Il est constant que la société Charabot produit un arôme, mais pas des liquides aromatisés pour cigarettes électroniques, et qu'elle utilise le signe Malawia dans ses factures, sa communication avec ses clients, et l'étiquette de l'emballage de son produit, qu'elle désigne par « arôme tabac Malawia ».

La société Group data admet également vendre des « e-liquides », c'est-à-dire des liquides aromatisés pour cigarette électronique, dans des flacons tels que celui-ci reproduit ci-dessous à gauche (pièce Gaïatrend no9, saisie-contrefaçon du 3 juillet 2019), avec le signe « Le Malawia » jusqu'en mai 2019, et « Le Malawi » ensuite (après la première saisie-contrefaçon, pratiquée le 6 mai 2019).

La société Ata production ne conteste pas avoir vendu des liquides aromatisés pour cigarette électronique sous le nom « Malawia » via son site internet, et dans des flacons tels que ci-dessous à droite (pièce Gaïatrend no9, saisie-contrefaçon du 6 aout 2019).

Identité ou similarité des produits

La société Gaïatrend ne conteste pas que les arômes destinés à être dilués dans les liquides aromatisés pour cigarettes électroniques ne sont pas des produits identiques à ces liquides aromatisés. Il faut donc examiner de manière distincte, d'une part les usages de la marque pour des liquides aromatisés, produits identiques à ceux pour lesquels la marque est enregistrée, et d'autre part son usage pour les arômes.

À cette fin, il faut apprécier le degré de similitude entre ces produits. Il est constant que les arômes vendus par la société Charabot entrent dans la composition des liquides aromatisés, et qu'ils en sont l'ingrédient qui donne audit liquide sa saveur. Si la société Charabot affirme que son arôme n'est pas exclusivement destiné aux cigarettes électroniques, elle n'apporte aucun élément susceptible de le prouver, outre qu'il serait surprenant qu'un arôme dénommé « arôme tabac » entre dans la composition d'un autre type de produit. Or un produit dont le seul objet est d'être l'ingrédient déterminant d'un autre, et en est ainsi le complément nécessaire, a évidemment avec celui-ci un très grand degré de similarité.

Quant aux produits vendus par les sociétés Group data et Ata production, il est constant qu'ils sont identiques à ceux pour lesquels la marque est enregistrée.

Identité ou similarité des signes

Un signe est considéré comme identique à la marque s'il reproduit, sans modification ni ajout, tous les éléments constituant la marque ou si, considéré dans son ensemble, il recèle des différences si insignifiantes qu'elles peuvent passer inaperçues aux yeux du consommateur moyen, le principe étant néanmoins que la notion d'identité entre un signe et une marque doit être interprétée strictement (CJCE, 20 mars 2003, Ltj diffusion, C-291-00, points 50 et 54).

Ainsi, l'ajout de l'article défini « le » devant « Malawia » est un ajout insignifiant, sauf à renforcer l'accent sur le signe lui-même, qui le suit. Aux yeux du consommateur moyen, une telle différence entre « Le Malawia » et « Malawia » est donc totalement transparente, et peut donc passer inaperçue, de sorte que le signe utilisé par la société Group data est identique à la marque.

Quant au signe Le Malawi, il est différent mais très similaire, ainsi qu'il a été dit.

Nécessité d'une atteinte à la fonction de la marque

Les sociétés Charabot et Group data contestent la possibilité d'une contrefaçon dès lors que le signe serait utilisé sous une marque ombrelle pour désigner une saveur, et de ce fait ne serait pas utilisé en tant que marque, par elles comme par la demanderesse. Ce moyen impose de rappeler la portée du critère de l'atteinte à la fonction de la marque, et d'examiner alors l'incidence sur ce critère de la circonstance que la marque est utilisée (par son titulaire ou par les tiers) sous une marque ombrelle et pour désigner la saveur du produit.

La Cour de justice a précisé que le droit exclusif du titulaire de la marque, qui n'est pas absolu, ne l'autorise à s'opposer à l'usage d'un signe par un tiers en vertu de l'article 9, dans les conditions énumérées au paragraphe 2, sous a) et b), que si cet usage porte atteinte ou est susceptible de porter atteinte aux fonctions de la marque et notamment à sa fonction essentielle qui est de garantir aux consommateurs la provenance du produit ou du service (CJCE, 12 novembre 2002, Arsenal football club, C-206/01, point 51).

Plus précisément, dans le cas où l'article 9, paragraphe 2, sous a) est applicable (double identité de signe et de produits ou services), il peut s'agir d'une atteinte à l'une quelconque des fonctions de la marque : non seulement la fonction essentielle (garantie de provenance), mais aussi celle qui consiste « à garantir la qualité de ce produit ou de ce service, ou celles de communication, d'investissement ou de publicité » (CJCE, 18 juin 2009, L'Oréal, C-487/07, point 58).

Dans le cas prévu au paragraphe 2, sous b) (similitude de signe et de produits ou services), la condition spécifique de la protection est « le risque de confusion et donc une possibilité d'atteinte à la fonction essentielle de la marque » (L'Oréal précité, point 59). Ainsi, alors que dans le cas d'une double identité prévu au paragraphe 2, sous a), le risque d'atteinte à une fonction de la marque est une condition supplémentaire de la protection, dans le cas prévu au paragraphe 2, sous b) le risque d'atteinte à la fonction essentielle de la marque est associé au risque de confusion, le premier découlant du second : le signe doit en effet porter atteinte à la fonction d'indication d'origine « en raison d'un risque de confusion dans l'esprit du public » (CJCE, 12 juin 2008, O2 holdings, C-533/06, point 57 ; voir aussi CJUE, 3 mars 2016, Daimler, C-179/15, point 27).

Ce critère doit, en l'espèce, être appliqué au cas où la marque est employée pour une sous-catégorie de produits ayant une saveur déterminée, et en association avec une marque principale.

Incidence de l'emploi d'une marque sous une marque ombrelle pour des produits ayant une saveur déterminée

La société Gaïatrend ne conteste pas employer sa marque Malawia exclusivement pour des produits qui ont en commun une saveur déterminée, que les défenderesses décrivent comme « le gout du tablac blond virginia ». La provenance des produits de la société Gaïatrend étant déjà indiquée par la marque Alfaliquid figurant en grand format sur les flacons, la marque Malawia n'aurait, selon les défenderesses, aucun autre rôle que d'indiquer leur saveur, la gamme Alfaliquid contenant par ailleurs des liquides aux arômes nombreux et variés, tous indiqués exactement de la même manière que Malawia.

Cependant, il n'est pas interdit d'indiquer la provenance d'un produit ou d'un service par plusieurs indications, de sorte que la coexistence de plusieurs marques sur un même produit n'implique pas que l'une ou l'autre marque n'est pas exploitée en tant que marque (ainsi, une marque exploitée en tant que partie d'une autre marque ou en combinaison avec elle peut même devenir distinctive par l'usage, CJCE, 7 juillet 2005, Société des produits Nestlé, C-353/03, dispositif et nota. points 26-27).

Il n'est pas davantage interdit d'exploiter une marque pour une sous-catégorie de produits ; par rapport à l'ensemble de la gamme, cette sous-catégorie a par définition une particularité, dont rien n'empêche qu'elle corresponde à une caractéristique essentielle du produit, et rien n'empêche que cette caractéristique soit la saveur de celui-ci. Le titulaire de la marque peut ainsi l'utiliser pour identifier, au sein de l'ensemble de ses produits, ceux qui partagent une même saveur, de la même manière qu'il pourrait rassembler ses produits sous des marques secondaires selon leur qualité, leur couleur, leur taille, leur période de fabrication, dès lors que le signe lui-même n'est pas descriptif de la caractéristique qu'il sert à identifier (ce qui relève du débat sur la validité).

Autrement formulé, le droit des marques ne prévoit aucun empêchement à ce qu'un signe arbitraire serve à la fois à indiquer une caractéristique du produit (comme sa saveur) et sa provenance.

En choisissant de désigner une saveur par un signe arbitraire qu'elle a fait enregistrer en tant que marque, une entreprise indique que cette saveur n'est pas une saveur générique (telle que « fraise », selon l'exemple donné par les défenderesses, ou « tabac blond virginia »), mais la sienne, qui lui est propre (sa version du gout fraise ou du tabac blond virginia). Il s'agit bien, à l'évidence, d'une indication d'origine, c'est-à-dire la fonction essentielle de la marque.

Il en résulte que l'emploi de la marque, par son titulaire, même sous une marque ombrelle, comme indication de la saveur des produits qu'elle revêt, est bien un usage en tant que marque de la part de son titulaire (et serait ainsi insusceptible de justifier une déchéance) et n'a pas d'incidence sur la protection accordée par l'article 9 contre les usages faits par des tiers.

Application aux faits d'usage du signe Malawia par la société Ata production

La société Ata production, qui a apposé le signe Malawia, identique à la marque, sur son site internet et des flacons qu'elle a offerts à la vente pour indiquer la saveur du produit, en a fait un usage dans la vie des affaires, pour des produits identiques à ceux pour lesquelles la marque est enregistrée, sans l'accord du titulaire de la marque.

Qu'elle ait cherché à désigner une saveur, plutôt que l'origine du produit déjà indiquée par sa propre marque, est indifférent, dès lors, d'une part, que l'intention de celui qui fait usage d'une marque n'est pas un critère pertinent pour apprécier l'atteinte à la fonction de la marque, et d'autre part, ainsi qu'il vient d'être démontré, que la marque employée pour désigner une saveur renvoie à la fois à une indication d'origine et à une caractéristique du produit, ces deux fonctions étant cumulativement présentes lorsqu'un signe arbitraire désigne la saveur du produit. La reproduction de la marque sur le flacon d'un produit identique porte donc manifestement atteinte à la fonction essentielle de la marque.

Il y a par conséquent atteinte au droit conféré par la marque en vertu de l'article 9, paragraphe 2, sous a), ce qui caractérise une contrefaçon.

Application aux faits d'usage des signes Le Malawia et Le Malawi par la société Group data

La société Group data a apposé un signe identique et un signe très similaire à la marque, sans l'autorisation du titulaire, sur l'emballage de produits qu'elle a vendus et sur son site marchand, donc dans la vie des affaires, pour un produit identique à celui pour lequel la marque est enregistrée.

Comme démontré ci-dessus s'agissant de la société Ata production, l'usage en l'espèce d'un signe identique pour des produits identiques porte atteinte à la fonction essentielle de la marque.

En outre, par la très grande similitude du signe « Le Malawi » avec la marque Malawia (examinée plus haut au sujet de la validité de la marque Le Malawi), son emploi pour des produits identiques entraine manifestement un risque de confusion que la simple différence d'apparence de l'emballage, alléguée par la défenderesse, est loin de suffire à écarter.

Ces faits portent atteinte au droit exclusif que la société Gaïatrend tire de l'article 9, paragraphe 2, sous b) du règlement, et la contrefaçon est caractérisée.

Application aux faits d'usage du signe Malawia par la société Charabot

La société Charabot, qui a apposé le signe Malawia, identique à la marque, sur l'emballage de produits très similaires à ceux pour lesquels la marque est enregistrée, et qu'elle a vendus, en a fait usage dans la vie des affaires, et ce sans l'accord du titulaire de la marque.

Il est constant que ces produits ont été vendus exclusivement à des professionnels fabricants de liquides aromatisés pour cigarettes électroniques. Le public pertinent n'est donc pas le même que le public des produits pour lesquels la marque est enregistrée, et qui est composé des consommateurs de cigarettes électronique (et de leur contenu). Les professionnels ont, en règle générale, une attention supérieure à celle des consommateurs. Il ne peut toutefois pas être présumé que ces professionnels sont insusceptibles de confondre l'origine des produits qui leur sont vendus. À cet égard, si le fait que la société Gaïatrend ne vend aucun arôme pur n'est pas contesté, il n'est pas pour autant démontré que ce fait soit notoire dans le domaine des cigarettes électroniques, ni que la marque Malawia soit si renommée que les professionnels l'associent tous à la société Gaïatrend ; il est ainsi possible pour un professionnel du secteur de croire que la marque Malawia apposée sur un bidon vendu par son fournisseur appartient bien à celui-ci, ou que l'arôme qui lui est fourni émane d'une collaboration entre le fournisseur et le détenteur de la marque Malawia, quel qu'il soit. Au demeurant, la société Ata production allègue précisément avoir cru que la société Charabot était à l'origine de la saveur « Malawia ».

De même, la présence de plusieurs marques sur un même produit ne permet pas d'écarter le risque de confusion, cette pratique pouvant même aggraver la contrefaçon en faisant croire au public pertinent que la marque secondaire contrefaite est détenue par le titulaire de la marque principale. Il en résulte que la présence des marques des défenderesses sur leurs produits n'a pas d'effet en l'espèce sur le risque de confusion.

Il s'ensuit qu'en l'espèce, au regard de la très grande similitude entre les produits en cause et s'agissant de signes strictement identiques, sur un conditionnement où la présence d'une autre marque peut signifier que les deux marques ont le même titulaire ou que leurs titulaires respectifs ont collaboré, sans que rien ne révèle avec certitude que le produit n'émane pas du titulaire de la 2e marque, et alors que le lien entre la marque et une saveur déterminée est sans incidence, le risque de confusion est très élevé, et l'usage litigieux est susceptible de porter atteinte à la fonction essentielle de la marque.

Par conséquent, l'usage que la société Charabot a fait du signe Malawia porte atteinte au droit exclusif que la société Gaïatrend tire de l'article 9, paragraphe 2, sous b) du règlement, et la contrefaçon est caractérisée.

b. préjudice

Moyens des parties

La société Gaïatrend expose qu'au regard des quantités d'arôme que la société Charabot reconnait avoir vendues, et d'un « taux de dilution de 3% », il en résulte l'équivalent de 5 787 654 flacons de produits qu'elle n'aurait pas pu vendre elle-même, au prix de 1,67 euros et avec une marge brute de 85%, soit un préjudice, selon elle, de 8 215 574,85 euros au total. Contre la société Group data, elle fait valoir que celle-ci a acquis 37,5 kg d'arôme de Charabot, ce qui correspondrait à l'équivalent de 115 741 flacons soit un manque à gagner, selon elle, de 164 294,35 euros. Contre la société Ata production, elle invoque 28 kg d'arôme pur acheté à Charabot, correspondant selon elle à 86 420 flacons et 122 673,19 euros de manque à gagner. Elle allègue en outre un préjudice moral tenant à l'atteinte à la notoriété de sa marque alors que ses produits bénéficieraient de certifications prouvant leur qualité ; préjudice correspondant selon elle à environ 1/10 du préjudice matériel, avec l'hypothèse que « un consommateur sur dix non satisfait se détourn[er]ait à jamais du produit Malawia » en raison de la mauvaise qualité des produits contrefaisants.

La société Ata Production soutient que l'évaluation des dommages et intérêts est excessive et disproportionnée ; que la demanderesse, qui ne ferait pas un usage sérieux de sa marque en l'utilisant seulement pour désigner une saveur, ne subirait aucun préjudice à la voir reproduite. Elle fait valoir que les investissements publicitaires allégués concernent l'intégralité de l'activité de la demanderesse et pour une période de 4 ans, et estime que la demanderesse échoue à démontrer l'existence d'un impact négatif sur ses résultats, aucune baisse du chiffre d'affaires n'ayant eu lieu. Elle expose que le chiffre d'affaires à prendre en compte et généré par la société Ata Production sur la période pertinente est seulement de 39 737,25 euros du 23 décembre 2015 au 20 août 2019, pour la gamme portant la référence « Malawia » ; et selon elle, il faut prendre en compte non la marge brute mais le bénéfice, soit 3 300 euros en ce qui la concerne. Elle demande enfin le rejet de la condamnation solidaire.

Les sociétés Charabot et Group data contestent le pourcentage de 3% de dosage allégué et les calculs de la demanderesse. La société Charabot allègue un chiffre d'affaires total de son arôme Malawia entre 2013 et 2019 de 90 562 euros, mais seulement 1 656 euros et 1 655 euros respectivement à l'égard de Group data et Ata production entre 2015 et 2019 ; affirme en outre qu'il s'agit d'un produit différent, que ses clients n'ont pas revendu de produit sous l'appellation « Malawia ». La société Group data allègue pour sa part un chiffre d'affaires total de 24 996,54 euros de produits Malawia à partir du 17 mars 2015, mais que seuls ses produits revendus dans la gamme « Datasmoke » étaient revêtus du signe Malawia, le reste de ses produits étant revendus à des professionnels sous d'autres marques (« classic juice », « James tobacco »), de sorte que, précise-t-elle, que les ventes de e-liquides sous le nom « Malawia » ne s'élèvent qu'à 11 037,78 euros au total. Elles contestent enfin l'atteinte à l'image, les certifications alléguées ayant été obtenues selon elles pour la marque « Alfaliquid » et non « Malawia ». Enfin, elles concluent au rejet des montants demandés au titre de la concurrence déloyale et du parasitisme.

Réponse du tribunal

En vertu de l'article L. 717-2 du code de la propriété intellectuelle, les dispositions des articles L. 716-4-10, L. 716-4-11 et L. 716-8 à L. 716-13 sont applicables aux atteintes portées au droit du titulaire d'une marque de l'Union européenne.

Ainsi, en application du premier de ces textes, pour fixer les dommages et intérêts, la juridiction prend en considération distinctement :

1o Les conséquences économiques négatives de la contrefaçon, dont le manque à gagner et la perte subis par la partie lésée ;

2o Le préjudice moral causé à cette dernière ;

3o Et les bénéfices réalisés par le contrefacteur, y compris les économies d'investissements intellectuels, matériels et promotionnels que celui-ci a retirées de la contrefaçon.

Toutefois (2nd alinéa de l'article L. 716-4-10), la juridiction peut, à titre d'alternative et sur demande de la partie lésée, allouer à titre de dommages et intérêts une somme forfaitaire. Cette somme est supérieure au montant des redevances ou droits qui auraient été dus si le contrefacteur avait demandé l'autorisation d'utiliser le droit auquel il a porté atteinte. Cette somme n'est pas exclusive de l'indemnisation du préjudice moral causé à la partie lésée.

Par ailleurs, les règles régissant de façon générales la réparation d'un préjudice impliquent que lorsque plusieurs personnes ont concouru à la réalisation d'un même préjudice, chacune en est responsable en totalité. Il faut donc examiner en premier lieu si plusieurs défenderesses ont concouru à un préjudice unique.

Préjudices communs ou distincts

En l'espèce, la société Charabot a vendu de l'arôme contrefaisant à plusieurs sociétés dont deux seulement sont parties à la présente procédure (Group data et Ata production), qui ont fabriqué des produits différents, en utilisant le produit de la société Charabot ainsi que d'autres composants pour y diluer l'arôme, et les ont conditionnés (ou fait conditionner) dans des petits flacons, en y apposant à nouveau la marque Malawia.

La société Ata production allègue pour sa part avoir cru que l'usage du signe Malawia par son fournisseur était licite, ce qui est corroboré par le fait que dans l'ensemble des documents attestant de l'usage du signe Malawia dans les relations commerciales entre Charabot et ses partenaires, l'initiative de cet usage revient toujours à cette société (par l'envoi d'un catalogue ou d'une brochure sur laquelle figure le nom et la référence numérique, qui est reprise par les clients, cf courriels invoqués par Charabot elle-même, notamment ses pièces no7, no8, no10). C'est donc induite par la société Charabot que la société Ata production a repris le même signe sur le conditionnement de ses propres produits, pour identifier l'arôme que son fournisseur avait pris l'initiative d'identifier ainsi. Il s'ensuit (notamment) que la première a concouru à la réalisation du préjudice causé par la seconde, de sorte qu'elle en est tenu in solidum avec elle.

En revanche, le comportement de la société Group data, qui a choisi de conserver le signe Le Malawi après s'être vu reprocher l'usage du signe Malawia, indique que c'est volontairement que ces usages ont été réalisés, sans que la société Charabot n'y ait joué un rôle causal. Le préjudice causé par les ventes de liquides par société Group data est donc distinct de celui causé par les ventes d'arômes que lui a faites la société Charabot.

Ainsi, les défenderesses ont causé trois préjudices distincts : le premier au titre de la vente d'arômes Malawia par la société Charabot, et dont celle-ci est seule responsable ; le second au titre de la vente par la société Ata production des produits qu'elle a fabriqués et vendus sous le signe Malawia à partir de l'arôme, et dont elle est responsable in solidum avec la société Charabot ; le troisième au titre des produits fabriqués et vendus par la société Group data sous le signe Malawia, dont celle-ci est seule responsable.

Préjudice causé par les ventes d'arôme de la société Charabot

Il est constant que la société Gaïatrend ne vend pas d'arômes aux fabricants de liquides aromatisés. Ainsi, les ventes effectuées par la société Charabot, qui n'ont pas en elles-mêmes affecté les propres ventes de la demanderesse, ne lui ont causé aucune perte commerciale.

En revanche, la société Charabot a réalisé un bénéfice du fait de la contrefaçon. Elle communique un tableau (sa pièce no22), signé par son directeur financier, listant les ventes d'arôme Malawia par client entre le 17 mars 2015 et le 8 avril 2019, et dont il résulte selon elle un chiffre d'affaires total de 86 044 euros (ses conclusions, p.44, 1er §). La demanderesse, qui se prévaut des chiffres avancés par la défenderesse, ne conteste pas ce tableau. Elle se fonde seulement sur un autre total, celui des ventes depuis 2013 et issu d'un tableau similaire (pièce Charabot no22) ; or la réparation de la contrefaçon de marque ne peut concerner que des faits postérieurs à la publication de la demande d'enregistrement. Le chiffre d'affaires total avancé par la société Charabot peut donc être adopté. En revanche, il ne s'agit que d'un tableau émanant de la défenderesse elle-même, sans aucune certification quant à la véracité de son contenu. Il est donc insuffisant à prouver l'entièreté du préjudice, de sorte qu'il devra être fait droit à la demande de droit d'information et que la condamnation de la société Charabot ne peut être qu'une provision.

La société Charabot ne démontre pas le bénéfice que lui a apporté la vente des produits contrefaisants. Il doit donc être reconstitué selon une hypothèse moyenne d'une marge de 20%, soit un bénéfice de 86 044 * 0,2 = 17 200 euros.

Ce bénéfice permet, conformément à l'article L. 716-4-10, de déterminer un préjudice pour la société Gaïatrend, car si ses droits avaient été respectés, elle aurait pu demander une rémunération pour l'usage de sa marque.

Par ailleurs, l'usage illicite de la marque a contribué à l'affaiblissement de la valeur distinctive de celle-ci, d'autant plus important que le nombre de clients de la société Charabot était élevé (11 fabricants différents selon le tableau pièce Charabot no22). Ce préjudice moral peut dès lors être estimé, s'agissant toutefois d'une marque secondaire, à 20 000 euros.

La société Charabot doit par conséquent être condamnée à payer une provision de 37 200 euros à la société Gaïatrend en réparation de son préjudice causé par les ventes d'arôme Malawia.

Préjudice causé par les ventes de liquides aromatisés de la société Ata production

La société Ata production communique ses bilans (pièces no7 a, b, c) et les factures relatives aux ventes sous le signe Malawia (ses pièces no8 a, b, c). La société Gaïatrend ne les critique pas. Elles peuvent donc être tenues pour l'étendue entière de ces ventes, de sorte que l'indemnisation peut être attribuée à titre définitif et que la demande d'information est sans objet à son égard.

De ces pièces, la société Ata production calcule sans être contredite un chiffre d'affaires sur les produits litigieux de 11 311,70 euros en 2016, 14 195,20 euros en 2018, 6 764,40 euros du 1er janvier au 20 aout 2019. Pour l'année 2017 en revanche, elle explique avoir perdu les factures et avance un montant correspondant à 9% de son chiffre d'affaires total (soit 7 465,95 euros), ce qui n'est pas une estimation valable, dès lors qu'il n'est pas démontré que les produits Malawia représentent chaque année 9% de son chiffre d'affaires. Il faut donc retenir contre elle le montant annuel le plus élevé des années les plus proches, soit 14 200 euros. Il en résulte un chiffre d'affaires total, pour les produits en cause, de 46 471,30 euros.

Elle allègue également sans être contredite un prix unitaire moyen, par flacon, de 1,60 euros (HT), et qui correspond aux factures. Le nombre total de flacons vendus est ainsi d'environ 29 000 (étant précisé que le taux de dilution invoqué par la société Gaïatrend est dénué de tout fondement et sans aucune utilité en l'espèce dès lors que la masse contrefaisante a pu être déterminée par une approche plus fiable).

Cette concurrence directe faite à la société Gaïatrend grâce à la contrefaçon de sa marque lui cause un préjudice économique certain.

Elle ne peut toutefois être suivie, pour déterminer sa perte commerciale, dans son hypothèse selon laquelle un flacon acheté à son concurrent aurait nécessairement été acheté chez elle en l'absence de contrefaçon : la marque n'est pas le seul élément déterminant de l'acte d'achat, d'autant moins en l'espèce que, comme le souligne à juste titre la défenderesse, la marque Malawia cohabite avec d'autres signes distinctifs placés en position dominantes et dont l'influence sur l'acte d'achat est dès lors significative. Il s'ensuit qu'une proportion nécessairement importante des clients de la société Ata production ont choisi son produit non pas pour y retrouver l'arôme Malawia mais parce qu'il s'agissait d'un produit de cette société.

Ainsi, en retenant un report modéré des consommateurs sur le produit concurrent et un taux de marge raisonnable intégrant tous les couts variables (contrairement à la « marge brute » de 85% alléguée par la demanderesse), le chiffre d'affaires de 46 471 euros du contrefacteur a causé un préjudice économique de 5 000 euros à la société Gaïatrend. Ce montant est supérieur au bénéfice réalisé par la société Ata production sur ces ventes contrefaisantes, tel qu'il ressort du taux de marge indiqué à ses comptes de résultat (16% en 2016, 13% en 2017, 0,25% en 2018).

S'y ajoute un préjudice moral de 10 000 euros, au regard de l'atteinte portée à la marque en lien direct avec le public pour lequel celle-ci est exploitée par la société Gaïatrend, mais pondérée par le faible volume des ventes.

La société Ata production et la société Charabot (qui, comme il a été démontré à la partie précédente, a contribué à causer le préjudice en trompant la société Ata production sur la marque) doivent par conséquent être condamnées in solidum à payer 15 000 euros en réparation.

Préjudice causé par les ventes de liquides aromatisés de la société Group data

La société Group data produit des tableaux certifiés par son expert comptable (ses pièces no20 et no21) dont il ressort que le chiffre d'affaires réalisé sur le signe Le Malawi entre 2015 et 2019 s'élève à 11 037,78 euros. Il est en outre constant que le signe Le Malawi a en fait remplacé Le Malawia à compter de 2019 seulement, de sorte que ce document doit être interprété comme désignant la totalité des ventes contrefaisantes qu'elles aient employé « Le Malawi » ou « Le Malawia », et ce depuis 2015. La société Gaïatrend, qui se fonde uniquement sur les volumes d'arôme acheté et non sur les produits vendus, ne conteste toutefois pas ce chiffre d'affaires.

Pour le reste, il ressort de ces pièces que l'arôme Malawia Charabot a aussi été utilisé par la société Group data pour fabriquer des liquides aromatisés vendus sans faire usage de la marque, ce qui n'est pas fautif et ne saurait donc entrer dans la détermination de la masse contrefaisante.

Ainsi, selon le même raisonnement que pour la société Ata production, il en résulte un préjudice commercial de 1 100 euros subi par la société Gaïatrend et un préjudice moral de 2 000 euros, soit 3 100 euros au total, pour la période concernée par ces données, c'est-à-dire jusqu'à l'exercice 2019.

Aucune donnée n'est communiquée pour la période postérieure, alors qu'il ressort d'un constat d'huissier du 21 avril 2020 (pièce Gaïatrend no17, pp. 16-18, 50-58) que des liquides et arômes pour liquides portant les signes Malawia ou Malawi étaient encore proposés à la vente sur le site datasmoke.com, dont il est constant qu'il est exploité par la société Group data. Il faut donc également condamner la société Group data à une provision sur le préjudice causé par ces atteintes à la marque, qui peut être évaluée, sur la base du chiffre d'affaires connu pour la période antérieure, à 1 000 euros de préjudice matériel et 1 000 euros de préjudice moral, soit 2 000 euros de provision au total.

c. droit d'information et caractère définitif (non provisionnel) de certaines condamnations

L'article L. 716-4-9 du code de la propriété intellectuelle, appliquant l'article 8 de la directive 2004/48 relative au respect des droits de propriété intellectuelle, prévoit au bénéfice du demandeur à l'action en contrefaçon un droit d'information en vertu duquel, s'il n'existe pas d'empêchement légitime, la juridiction peut ordonner, au besoin sous astreinte, afin de déterminer l'origine et les réseaux de distribution des produits argüés de contrefaçon qui portent atteinte aux droits du demandeur, la production de tous documents ou informations détenus par le défendeur ou par toute personne qui a été trouvée en possession de produits argués de contrefaçon ou qui fournit des services utilisés dans de prétendues activités de contrefaçon ou encore qui a été signalée comme intervenant dans la production, la fabrication ou la distribution de ces produits ou la fourniture de ces services.

La directive précitée, à son article 8, paragraphe 2, sous b) prévoit que les informations visées peuvent comprendre des renseignements sur les quantités ainsi que sur le prix obtenu pour les marchandises ou services en question. Il s'ensuit que les renseignements sur « l'origine et les réseaux de distribution » incluent ceux portant sur l'étendue du préjudice.

À l'égard des sociétés Ata production et Group data, le préjudice a pu être déterminé dans toute son étendue grâce aux informations déjà débattues par les parties, suffisamment fiables et non contestées (mais seulement jusqu'à l'exercice 2019, s'agissant de la seconde). Les condamnations prononcées contre elles le sont donc à titre définitif, au fond, et non à titre provisionnel, et il n'est pas utile de rechercher des informations supplémentaires, sauf pour la période postérieure au 31 décembre 2019 s'agissant de Group data, pour laquelle, en l'absence de données sur l'étendue du préjudice, il faut faire droit à la demande de la société Gaïatrend, sous astreinte de 200 euros par jour en raison de l'absence de communication spontanée dans le cours de la présente procédure, en tenant compte toutefois de l'ampleur relative des actes déjà connus.

Enfin, l'étendue de la contrefaçon commise par la société Charabot n'est pas pleinement démontrée, cette société n'ayant consenti à communiquer que des tableaux signés de son seul directeur financier. Elle doit, par conséquent, être condamnée à remettre les factures d'achat et de vente demandées, sous une astreinte dont le montant doit s'élever, pour être suffisamment comminatoire, à 500 euros par jour.

d. publication, interdiction et rappel

Publication

Le préjudice étant déjà intégralement réparé par les dommages et intérêts, au regard des circonstances des actes commis par les défenderesses, la demande de publication, qui est une modalité de la réparation, doit être rejetée.

Interdiction et rappel

L'article L. 716-4-11 du code de la propriété intellectuelle dispose qu'en cas de condamnation civile pour contrefaçon, la juridiction peut ordonner, à la demande de la partie lésée, que les produits contrefaisants et les matériaux et instruments ayant principalement servi à leur création ou fabrication soient rappelés des circuits commerciaux, écartés définitivement de ces circuits, détruits ou confisqués au profit de la partie lésée.

Les demandes en interdiction et rappel formées par la société Gaïatrend doivent être accueillie, sous une astreinte de 100 euros par unité commercialisée malgré l'interdiction, et de 500 euros par jour de retard s'agissant du rappel.

5o) Demande en réparation pour des faits distincts de concurrence déloyale et parasitaire

Aux termes des articles 1240 et 1241 du code civil, tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer, et chacun est responsable du dommage qu'il a causé non seulement par son fait, mais encore par sa négligence ou par son imprudence.

Au visa de ces deux textes, il est constamment jugé que la liberté du commerce autorise tout acteur économique à attirer vers lui la clientèle de son concurrent. Aussi, l'imitation d'un concurrent n'est, en tant que telle, pas fautive, à moins que ne soient utilisés des procédés illicites ou contraires aux usages loyaux du commerce.

A cet égard, les procédés consistant, par imitation des signes d'un concurrent, à créer dans l'esprit du public une confusion de nature à tromper la clientèle et la détourner, caractérisent des actes de concurrence déloyale.

L'appréciation de la faute doit résulter d'une approche concrète et circonstanciée des faits en prenant en compte le caractère plus ou moins servile, systématique ou répétitif de l'imitation, l'ancienneté du signe imité, l'originalité ou la notoriété du signe copié.

L'action en concurrence déloyale peut être intentée par celui qui ne peut se prévaloir d'un droit privatif (voir par exemple Cass. Com., 12 juin 2007, no05-17.349).

Est encore fautif, au sens de l'article 1240 du code civil, le fait, pour un agent économique, de se placer dans le sillage d'une entreprise en profitant indûment des investissements consentis ou de sa notoriété, ou encore de ses efforts et de son savoir-faire ; qualifié de parasitisme, il résulte d'un ensemble d'éléments appréhendés dans leur globalité (Cass. Com., 4 février 2014, no13-11.044 ; Cass. Com., 26 janvier 1999, no 96-22.457), et qu'il faut interpréter au regard du principe de liberté du commerce et de l'industrie.

Il incombe donc à celui qui impute à un tiers des actes parasitaires de rapporter ce qui est le fruit d'investissements et efforts humains et financiers de sa part, lesquels ne se déduisent pas de la seule longévité et du succès de la commercialisation de l'objet copié ou imité (Cass. Com. 5 juillet 2016, no14-10.108).

En l'espèce, la société Gaïatrend reproche aux sociétés défenderesses l'usage du signe Malawia avant le dépôt de la marque, y voyant un risque de confusion et de banalisation du signe.

Toutefois, elle n'allègue pas que le signe « Malawia » fût particulièrement connu dès l'année 2013, date à laquelle la société Charabot a commencé à l'utiliser, ni en quoi les défenderesses auraient cherché à entretenir un risque de confusion avec ses propres produits. Au contraire, le signe a toujours été utilisé sous l'une ou l'autre marque ombrelle de la société Gaïatrend (Alfaliquid, ou Alfasiempre), tandis que les concurrents l'ont utilisé sous leur propre marque. La preuve que ceux-ci aient cherché à entretenir la confusion des consommateurs n'est donc pas rapportée.

La société Gaïatrend n'allègue pas davantage les investissements qu'elle aurait réalisés entre 2012 et 2013, pour faire acquérir à ce signe en particulier une notoriété auprès du public, et donc en quoi ce serait indument que la société Charabot aurait choisi d'utiliser le même signe qu'elle, signe qui en définitive n'était qu'une appellation originale pour une saveur de liquide pour cigarette électronique, ce qui ne caractérise pas en soi le droit d'interdire aux concurrents de l'utiliser : en l'absence d'une renommée ou d'investissements particulièrement importants, il appartenait à la société Gaïatrend de déposer le signe en tant que marque, ce qu'elle n'a fait qu'en 2015.

Les actes antérieurs ne sont, par conséquent, pas fautifs, et les demandes formées à ce titre sont rejetées.

6o) Demande reconventionnelle en dommages et intérêts pour procédure abusive

Les demandes principales étant bienfondées, elles n'étaient pas abusives. Les demandes à ce titre sont, par conséquent, rejetées.

7o) Frais, dépens et exécution provisoire

Aux termes de l'article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie. L'article 700 du même code permet au juge de condamner en outre la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l'autre, pour les frais exposés mais non compris dans les dépens, une somme qu'il détermine, en tenant compte de l'équité et de la situation économique de cette partie.

En l'espèce, les quatre défendeurs perdent le procès et sont donc tenus aux dépens. Au regard de l'enjeu de la demande incidente contre M. [M], il n'y a pas lieu à condamner celui-ci aux dépens. Les dépens incombent donc aux trois sociétés défenderesses, conjointement chacune pour un tiers.

La société Gaïatrend perd également en partie le procès en ce que ses demandes indemnitaires ne sont accueillies que pour une fraction infime du montant réclamé et que ses autres demandes sont rejetées ; les sociétés Charabot et Group data ont néanmoins inutilement complexifié le litige par la multiplication de moyens de défense infondés sur la validité de la marque et le principe de la contrefaçon. L'équité impose donc qu'elles indemnisent la demanderesse d'une partie de ses frais, à hauteur de 8 000 euros pour la société Charabot, 3 000 euros pour la société Group data. L'équité permet enfin de rejeter la demande dirigée contre la société Ata production, qui a seulement résisté au montant exagéré des demandes et aux autres prétentions, infondées.

Enfin, vu l'article 515 du code de procédure civile dans sa rédaction antérieure au 1er janvier 2020, l'exécution provisoire, nécessaire et compatible avec la nature de l'affaire, est ordonnée.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal, statuant publiquement en premier ressort par jugement contradictoire mis à disposition au greffe,

Rejette les demandes en nullité de la marque de l'Union européenne Malawia ;

Annule la marque française Le Malawi (no4549944), mais rejette la demande de la société Gaïatrend en réparation à ce titre ;

Ordonne en tant que de besoin la transmission à l'Inpi de la présente décision, une fois passée en force de chose jugée, à l'initiative de la partie la plus diligente aux fins de transcription au registre des marques ;

Condamne la société Charabot à payer une provision de 37 200 euros à la société Gaïatrend à valoir sur la réparation du préjudice causé par la vente d'arômes en contrefaçon de la marque Malawia ;

Condamne en outre la société Charabot, in solidum avec la société Ata production, à payer 15 000 euros à la société Gaïatrend en réparation du préjudice causé par la vente de liquides aromatisés par la société Ata production en contrefaçon de la marque Malawia ;

Condamne la société Group data à payer 3 100 euros à la société Gaïatrend en réparation du préjudice causé les actes de contrefaçon de la marque Malawia antérieurs au 1er janvier 2020 ;

La condamne en outre à payer à la société Gaïatrend une provision de 2 000 euros à valoir sur le préjudice causé par les actes de contrefaçon de la marque Malawia commis depuis le 1er janvier 2020 ;

Condamne la société Charabot à remettre à la société Gaïatrend, au titre du droit d'information, l'intégralité des factures qu'elle a reçues et qu'elle a émises pour l'achat ou la vente de produits dont le nom, la description ou tout autre élément contient « Malawia », depuis le 27 aout 2015, certifiées par expert-comptable ; dans un délai de 15 jours à compter de la signification du jugement puis sous astreinte de 500 euros par jour de retard, qui courra au maximum pendant 180 jours ;

Condamne la société Group data à remettre à la société Gaïatrend, au même titre, l'intégralité des factures qu'elle-même a reçues ou émises pour l'achat ou la vente de produits dont le nom, la description ou tout autre élément contient « Malawia » ou « Malawi », concernant des ventes réalisées depuis le 1er janvier 2020, certifiées par expert-comptable ; dans un délai de 15 jours à compter de la signification du jugement puis sous astreinte de 200 euros par jour de retard, qui courra au maximum pendant 180 jours ;

Rejette la demande de droit d'information pour le surplus ;

Renvoie les parties concernées (Gaïatrend, Charabot et Group data) à la détermination amiable du solde du préjudice ou, à défaut, par le tribunal saisi par nouvelle assignation ;

Interdit aux sociétés Charabot, Group data et Ata production, sous astreinte de 100 euros par infraction constatée passés 15 jours suivant la signification du présent jugement, de faire fabriquer, fabriquer, commercialiser sur le territoire de l'Union européenne des arômes, concentrés d'arômes et liquides aromatisés pour cigarettes électroniques marqués « Malawia » ou « Malawi » (précédés ou non d'un article), chaque unité de produit fabriquée ou offerte à la vente étant une infraction distincte ;

Ordonne le rappel des produits contrefaisants des circuits commerciaux, et leur destruction, par les sociétés Charabot, Group data et Ata production, chacune en ce qui concerne les produits qu'elle a vendus, aux frais de ces sociétés, le tout dans un délai de 30 jours puis sous astreinte de 500 euros par jour de retard (à l'égard de chacune des débitrices de l'obligation) qui courra au maximum pendant 180 jours ;

Se réserve la liquidation des quatre astreintes ;

Rejette la demande de la société Gaïatrend en publication du jugement ;

Rejette les demandes de la société Gaïatrend en dommages et intérêts pour des faits de concurrence déloyale ou de parasitisme ;

Rejette les demandes en dommages et intérêts pour procédure abusive ;

Condamne conjointement les sociétés Charabot, Group data et Ata production aux dépens ;

Condamne à payer à la société Gaïatrend, au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- 8 000 euros par la société Charabot,
- 3 000 euros par la société Group data,

Rejette les autres demandes formées au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Ordonne l'exécution provisoire.

Fait et jugé à Paris le 14 Décembre 2021

La GreffièreLa Présidente


Synthèse
Tribunal : Tribunal de grande instance de Paris
Formation : Chambre civile 3
Numéro d'arrêt : 19/8769
Date de la décision : 14/12/2021
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.grande.instance.paris;arret;2021-12-14;19.8769 ?
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