T R I B U N A L
D E GRANDE
I N S T A N C E
D E P A R I S
3ème chambre 2ème section
No RG :
06/05970
No MINUTE :
Assignation du :
14 Avril 2006
JUGEMENT
rendu le 11 Juillet 2008
DEMANDERESSES
S.A.S BERNARD AYACHE, "
...
92100 BOULOGNE BILLANCOURT
Société VCR (Intervention volontaire)
...
75009 PARIS
S.A.S SOCIETE GD INTERIM VCR
...
75009 PARIS
représentées par Me Joël WILLER, avocat au barreau de PARIS, vestiaire E1206
DÉFENDERESSE
S.A.R.L. SOCIETE GMD INTERIM
...
75008 PARIS
représentée par Me Claude COHEN-MIZRAHI, avocat au barreau de Paris, Vestiaire E.1295
COMPOSITION DU TRIBUNAL
Véronique Y..., Vice-Président, signataire de la décision
Sophie CANAS, Juge
Guillaume MEUNIER, Juge
assistée de Marie-Aline PIGNOLET, Greffier, signataire de la décision
DEBATS
A l'audience du 06 Juin 2008
tenue en audience publique
JUGEMENT
Prononcé par remise de la décision au greffe
Contradictoire
en premier ressort
Faits et procédure
La société BERNARD AYACHE a pour objet social la "participation à toutes entreprises, GIE ou sociétés françaises ou étrangère, l'achat vente de tout matériels et produits informatiques ainsi que toutes activités de décoration et de marchand de biens".
Elle justifie être titulaire :
- de la marque verbale française "GD INTERIM", déposée le 29 avril 2005, enregistrée sous le no05 3 356 496,
- de la marque verbale française "GRANDE DISTRIBUTION INTERIM", déposée le 29 avril 2005, enregistrée sous le no05 3 356 499,
- de la marque verbale française "GRAND DEVELOPPEMENT INTERIM", déposée le 29 avril 2005, enregistrée sous le no05 3 356 498.
Ces trois marques désignent, en classe 35, le "recrutement de personnel".
Sa filiale, la société VCR, ayant débuté son activité le 26 avril 2005, a pour objet social, notamment"l'embauche de personnel intérimaire de toutes catégories et de tout échelon". Elle exerce son activité sous l'enseigne GD Intérim. Elle bénéficie depuis le 26 mars 2007 d'une licence portant sur les trois marques précitées.
Les sociétés BERNARD AYACHE et VCR exposent que la seconde a embauché Madame Virginie Z..., après son licenciement par une société METASOFT. Le gérant de cette dernière, Monsieur Sultan A..., serait l'ancien époux de B... Z..., et aurait procédé, le 13 octobre 2005, à l'immatriculation d'une société dénommée GMD Interim, ayant pour activité le placement de personnel.
Jugeant qu'il était ainsi porté atteinte à ses droits, la société BERNARD AYACHE, par acte d'huissier de justice en date du 12 avril 2006, a assigné la société GMD Intérim devant le Tribunal de grande instance de Paris en contrefaçon de la marque "GD INTERIM" no05 3 356 496, aux fins d'obtenir, notamment, outre la réparation du préjudice subi, des mesures d'interdiction et de publication.
Parallèlement, le 19 avril 2006, la société VCR a assigné la société GMD Intérim devant le Tribunal de commerce de Paris pour actes de concurrence déloyale, avant d'intervenir volontairement, par conclusions signifiées le 2 mai 2007, à l'instance introduite devant le Tribunal de grande instance.
Par jugement du 12 février 2008, la juridiction consulaire s'est déclarée incompétente au profit du Tribunal de céans, le dossier de l'affaire étant transmis au greffe de cette dernière, conformément aux dispositions de l'article 97 du Code de procédure civile.
Les procédures ont été jointes par mention au dossier.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 6 juin 2008, l'affaire étant renvoyée pour plaidoiries le même jour.
Prétentions des parties
Par conclusions récapitulatives signifiées le 29 mai 2008, la société BERNARD AYACHE et la société VCR, réfutant les moyens de défense de la partie adverse, soutiennent que la dénomination sociale "GMD Intérim" et le nom commercial "GMD SBC Intérim Grande Distribution" utilisés par la société GMD Intérim constituent une imitation de la marque "GD INTERIM" no05 3 356 496, et portent atteinte aux droits de la "société GD Intérim - VCR" sur son enseigne et sur son nom commercial.
Elles demandent en conséquence au Tribunal :
- de les juger recevables en leurs demandes,
- de juger la société GMD Intérim coupable de contrefaçon de la marque française "GD INTERIM" no05 3 356 496,
- de juger que la société GMD Intérim a porté atteinte au nom commercial et à l'enseigne de la société GD Intérim - VCR, et que cette atteinte relève d'actes de concurrence déloyale,
- d'interdire à la société GMD Intérim la poursuite des actes incriminés sous quelque forme, de quelque manière et à quelque titre que ce soit, et ce sous astreinte de 1.500 € par jour de retard à compter de la signification du jugement à intervenir,
- d'ordonner la destruction de tous documents commerciaux et/ou publicitaires portant la dénomination GMD Intérim, et ce sous astreinte de 1.500 € par jour de retard à compter de la signification du jugement à intervenir,
- de dire qu'il se réservera la liquidation de l'astreinte,
- de condamner la défenderesse à verser à la société BERNARD AYACHE la somme de 80.000 € en réparation du préjudice résultant des actes de contrefaçon,
- de condamner la société GMD Intérim à payer à la société VCR la somme de 150.000 € en réparation des actes de concurrence déloyale,
- de débouter la société GMD Intérim de toutes ses demandes, fins, moyens et prétentions,
- d'ordonner l'exécution provisoire du jugement à intervenir, nonobstant appel et sans constitution de garantie, en raison des atteintes portées aux droits et intérêts de la société BERNARD AYACHE, qui ne sauraient se perpétuer sans lui causer un grave préjudice,
- d'autoriser la publication du jugement à intervenir dans deux journaux ou revues aux choix de la société BERNARD AYACHE et aux frais de la défenderesse, le coût de chaque publication étant fixé à la somme maximale de 6.000 € HT, à titre de complément de dommages et intérêts,
- de condamner la société GMD Intérim au paiement d'une indemnité de 20.000 € en application de l'article 700 du Code de procédure civile,
- de condamner la société GMD Intérim aux entiers dépens, dont distraction au profit du conseil des demanderesses.
En réponse, dans ses dernières conclusions signifiées le 15 mai 2008, la société GMD Intérim, après avoir conclu à l'irrecevabilité de l'intervention volontaire de la société VCR, expose que cette dernière a été créée par Madame Z..., que le Tribunal de commerce de Paris, par décision du 17 février 2006, aurait qualifiée de gestionnaire de fait. La juridiction consulaire aurait par ailleurs condamné Madame Z... et la société VCR, notamment, pour concurrence déloyale, en relevant l'existence d'un important transfert de clientèle et de personnels intérimaires de la société METASOFT, ancien employeur de Madame Z..., vers la société VCR. La société GMD Intérim soutient que la marque revendiquée est nulle pour défaut de distinctivité ou, à tout le moins, pour avoir été déposée en fraude de ses droits. Elle formule également une demande de nullité s'agissant de la marque "GRANDE DISTRIBUTION INTERIM" no05 3 356 399. Elle conclut subsidiairement à l'absence de contrefaçon et de préjudice en résultant. Elle prétend également n'avoir commis aucun acte de concurrence déloyale, et que la société VCR, au contraire, a repris certains de ses éléments de communication.
Elle demande dès lors au Tribunal :
- de prendre acte de la constitution en défense de son conseil sur l'action en concurrence déloyale menée par la société VCR,
- de juger la société VCR irrecevable en sa demande visant à ce qu'il lui soit donné acte de ce qu'elle entend reprendre l'intégralité de ses demandes formulées devant le Tribunal de commerce,
- de juger l'intervention volontaire de la société VCR irrecevable,
- de débouter les sociétés BERNARD AYACHE et VCR de l'intégralité de leurs demandes,
- de prononcer la nullité de la marque "GD Intérim" no05 3 356 496,
- de prononcer la nullité de la marque "GRANDE DISTRIBUTION INTERIM" no05 3 356 399,
- de dire que la décision sera transmise au registre national des marques,
- de condamner solidairement la société BERNARD AYACHE et la société VCR à payer à la société GMD Intérim la somme de 30.000 € à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive,
- de condamner solidairement la société BERNARD AYACHE et la société VCR à payer à la société GMD Intérim la somme de 50.000 € à titre de dommages et intérêts sur le fondement des articles 1382 et suivants du Code civil,
- d'ordonner la publication du jugement à intervenir aux frais avancés de la société demanderesse dans 2 journaux et/ou magazines, au choix de la défenderesse et ce, sans que le coût de chaque insertion ne puisse excéder la somme de 6.000 € HT,
- d'ordonner l'exécution provisoire,
- de condamner les demanderesses à lui payer la somme de 15.000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,
- de condamner la société BERNARD AYACHE aux entiers dépens, dont distraction au profit de son conseil.
Motifs de la décision
Attendu, à titre liminaire, qu'il convient de relever qu'est désormais sans objet la demande de la société GMD Intérim tendant à juger la société VCR irrecevable en sa demande visant à ce qu'il lui soit donné acte de ce qu'elle entend reprendre l'intégralité de ses demandes formulées devant le Tribunal de commerce, une telle demande n'étant pas reprise dans les dernières conclusions de la demanderesse;
Qu'il convient de prendre acte de la constitution en défense de Me COHEN-MIZRAHI sur l'action en concurrence déloyale engagée par la société VCR ;
Attendu que la défenderesse conclut à l'irrecevabilité de l'intervention volontaire de la société VCR ; qu'elle fait valoir que le licencié non exclusif d'une marque n'est pas recevable à intervenir à l'action en contrefaçon engagée par le titulaire sauf pour obtenir réparation d'un préjudice qui lui est propre ;
Mais attendu qu'en l'absence de demandes formulées par la société VCR sur le fondement de la contrefaçon, et la recevabilité de l'action en concurrence déloyale menée par la société VCR n'étant pas contestable, ainsi que le souligne elle-même la société GMD Intérim, la fin de non-recevoir opposée par cette dernière ne saurait prospérer ;
I. Sur l'action en contrefaçon
A. Sur les demandes en nullité
Attendu que pour s'opposer à l'action en contrefaçon, la société GMD Intérim entend voir le Tribunal prononcer la nullité des marques "GD INTERIM" no05 3 356 496, et "GRANDE DISTRIBUTION INTERIM" no05 3 356 499, à raison de leur absence de distinctivité et du caractère frauduleux de leur dépôt ;
1. Sur la validité de la marque "GRANDE DISTRIBUTION INTERIM" no05 3 356 499
Attendu qu'il convient de relever que la marque "GRANDE DISTRIBUTION INTERIM" no05 3 356 499 n'est pas invoquée par la société BERNARD AYACHE au soutien de son action en contrefaçon ;
Qu'il en résulte que la société GMD Intérim n'est pas recevable à en solliciter l'annulation.
2.Sur la validité de la marque "GD INTERIM" no05 3 356 496
a. Sur la distinctivité de la marque
Attendu qu'aux termes de l'article L. 711-2, alinéa 2 a) du Code de la propriété intellectuelle, le caractère distinctif d'un signe de nature à constituer une marque s'apprécie à l'égard des produits ou services désignés ; que sont dépourvus de caractère distinctif les signes ou dénominations qui, dans le langage courant ou professionnel, sont exclusivement la désignation nécessaire, générique ou usuelle du produit ou service ;
Qu'en se fondant sur ces dispositions, la société GMD Intérim soutient que le signe "GD INTERIM" constitue dans le langage courant ou professionnel la désignation de l'intérim dans le secteur de la grande distribution ;
Mais attendu qu'il résulte de l'article L. 711-2 du Code de la propriété intellectuelle pris en son premier alinéa que le caractère distinctif d'un signe de nature à constituer une marque s'apprécie à l'égard des produits ou services désignés ;
Qu'en l'espèce, comme le souligne elle-même la défenderesse, si le signe litigieux a initialement fait l'objet d'un enregistrement à titre de marque aux fins de désigner les "bureaux de placement - conseils pour les entreprises en placement de personnel - consultation pour les questions de personnel", suite à une déclaration de retrait effectuée le 11 octobre 2005 par la société BERNARD AYACHE, il ne désigne plus désormais que le "recrutement de personnel", sans aucune référence à l'intérim ou la grande distribution ;
Qu'il en résulte que l'usage avéré de "GD" d'une part et "INTERIM" d'autre part sur des sites en lien avec la grande distribution, est indifférent ; qu'en réalité, "GD INTERIM" n'apparaît nullement comme la désignation nécessaire des services de "recrutement de personnel", mais comme la combinaison arbitraire et fantaisiste non seulement du mot "INTERIM", certes descriptif d'un certain mode de recrutement de personnel, mais également d'initiales dépourvues de signification propre ; qu'il doit en effet être relevé que la société GMD Intérim, entendant démontrer que les initiales "GD" désignent couramment la "Grande Distribution", produit un extrait de l'encyclopédie en ligne www.wikipedia.fr dont il ressort que ces lettres peuvent tout autant désigner, par exemple, l'élément chimique Gadolinium ou le groupe de punk rock californien "Green Day" ;
Attendu, dès lors, que le signe examiné constitue une marque valable au regard des dispositions de l'article L. 711-2 du Code de la propriété intellectuelle.
b. Sur le dépôt frauduleux
Attendu qu'aux termes de l'article L. 712-6 du Code de la propriété intellectuelle, si l'enregistrement d'une marque a été demandé soit en fraude des droits d'un tiers, soit en violation d'une obligation légale ou conventionnelle, la personne qui estime avoir un droit sur la marque peut revendiquer sa propriété en justice ; qu'à moins que le déposant soit de mauvaise foi, l'action en revendication se prescrit par trois ans à compter de la publication de la demande d'enregistrement ;
Attendu que pour se prévaloir de ces dispositions, la société GMD Intérim affirme que la société BERNARD AYACHE a frauduleusement déposé la marque "GD Intérim", alors qu'elle ne pouvait ignorer que sa holding, la société METASOFT, ancien employeur de Madame Z..., utilisait déjà le signe "GD" pour désigner son activité dans la grande distribution ;
Attendu qu'elle produit, au soutien de son argumentation :
- la photocopie d'une brochure intitulée "Groupe SBC Francintérimaire", mentionnant l'existence d'une agence"Paris SBC Francintérimaire Commerce Grande distribution et Animation" sise rue d'Anjou, décrite comme "notre département grande distribution",
- une plaquette du "groupe METASOFT" mentionnant l'existence d'agences"SBC Intérim" traitant de "Grande et Moyenne Distribution",
- un original et des copies de cartes de visites au nom de Virginie Z..., comprenant les termes "Grande Distribution",
Attendu, ainsi que le soulignent les demanderesses, qu'aucune de ces pièces n'est datée ; que ces documents ne permettent pas en tout état de cause de démontrer un usage, par la société GMD Intérim, du signe "GD INTERIM" antérieur au 29 avril 2005, date de dépôt de la marque litigieuse ;
Que de ce point de vue, est dépourvu de portée le "rapport d'enquête" dressé le 23 août 2006 par le "cabinet FARALICQ" à la demande de la société METASOFT, versé aux débats par la défenderesse, et attestant tout au plus de la mise en place d'une surveillance destinée à établir la preuve d'une "communauté de vie et d'intérêts"entre Madame Z... et Monsieur Bernard AYACHE, gérant de la société du même nom ;
Attendu qu'en l'état, la société GMD Intérim échoue à rapporter la preuve du caractère frauduleux du dépôt de la marque litigieuse ; qu'elle sera donc déboutée de sa demande en nullité ;
Que la société BERNARD AYACHE est dès lors recevable à agir en contrefaçon de marque.
B. Sur le bien fondé de l'action en contrefaçon
Attendu que la société BERNARD AYACHE fait valoir que l'utilisation, par la défenderesse, de la dénomination sociale "GMD Intérim" et du nom commercial "GMD SBC Intérim Grande Distribution" constitue une imitation de la marque verbale française "GD INTERIM", déposée le 29 avril 2005, enregistrée sous le no05 3 356 496, dont elle est titulaire ;
Attendu que le signe protégé et les signes argués de contrefaçon étant différents, c'est au regard de l'article L. 713-3 du Code de la propriété intellectuelle, qui prohibe, sauf autorisation du propriétaire, s'il peut en résulter un risque de confusion dans l'esprit du public, l'imitation d'une marque et l'usage d'une marque imitée, pour des produits ou services identiques ou similaires à ceux désignés dans l'enregistrement, qu'il convient d'apprécier le bien-fondé de la demande en contrefaçon ;
Qu'il convient particulièrement de rechercher au regard d'une appréciation des degrés de similitude entre la marque et les signes litigieux, et entre les produits désignés, s'il existe un risque de confusion dans l'esprit du public ;
Attendu que la similitude entre les produits et les services dont la société BERNARD AYACHE s'est réservée l'exclusivité sous la marque "GD INTERIM" et ceux proposés par la société GMD Intérim doit s'apprécier par rapport au libellé du dépôt et non par rapport à ceux effectivement exploités sous la marque ; que sont de ce point de vue dépourvus de portée les développements consacrés par la société GMD Intérim à l'activité des entreprises en cause ;
Attendu, en l'espèce, que la marque revendiquée désigne le "recrutement de personnel" ; que contrairement à ce que soutient la défenderesse, le "recrutement de personnel" constitue un service identique, et à tout le moins similaire, aux activités de"la délégation de personnel intérimaire", de "placement", "de prestation de services pour l'emploi ouverte par la loi aux entreprises de travail temporaire" visées par son objet social, qui n'en constituent qu'une variante ;
Attendu, ainsi que le souligne la défenderesse, que l'appréciation de la similitude visuelle, auditive et conceptuelle des signes doit être fondée sur l'impression d'ensemble produite par ceux-ci, en tenant compte, notamment, de leurs éléments distinctifs et dominants ;
Attendu que la marque "GD Intérim" et la dénomination sociale "GMD Intérim" comportent la même lettre d'attaque, "G", ainsi qu'une finale identique, "INTERIM", qui par la référence au travail temporaire crée entre les signes examinés une indiscutable similitude sur le plan intellectuel ; que conceptuellement, contrairement à ce que prétend la société GMD Intérim, les lettres "GD" présentes dans la marque première ne renvoient pas nécessairement à la grande distribution, ainsi qu'il a été rappelé plus haut ; que "GMD Intérim" ne se distingue en réalité de la marque revendiquée que par l'adjonction, entre les lettres "G" et "D", de la lettre "M" dans le groupe d'initiales précédant le terme "Intérim" ; que la lettre "M" est difficilement décelable par le consommateur d'attention moyenne entendant les signes en présence, compte tenu de la reprise, dans la dénomination arguée de contrefaçon, de la première syllabe et de la finale de la marque revendiquée ;
Qu'il résulte de ces éléments que l'identité ou la similarité des services concernés, alliée à la forte similitude entre les signes en cause pris dans leur ensemble, entraîne un risque de confusion, susceptible de conduire le consommateur à attribuer aux services proposés une origine commune ou, à tout le moins, à associer la société défenderesse à la marque antérieure ; qu'ainsi, l'adoption de "GMD Intérim" à titre de dénomination sociale, sans le consentement de la société BERNARD AYACHE, pour exercer une activité similaire aux services pour lesquels la marque revendiquée est enregistrée, outre qu'elle s'inscrit dans la vie des affaires, porte atteinte à la fonction essentielle de la marque "GD INTERIM", qui est de garantir au consommateur l'origine des services en cause ;
Que la contrefaçon par imitation de la marque verbale française "GD INTERIM", déposée le 29 avril 2005, enregistrée sous le no05 3 356 496, se trouve ainsi caractérisée, sans que la défenderesse puisse utilement se prévaloir de l'absence d'usage de la dénomination en cause à titre de marque ;
Attendu, en revanche, que ne peut être considérée comme contrefaisante la dénomination "GMD SBC Intérim Grande Distribution", utilisée par la défenderesse à titre de nom commercial ainsi qu'il ressort d'un extrait kbis en date du 19 mai 2006 produit au soutien de la demande ;
Qu'en effet, la marque revendiquée ne comporte que deux éléments verbaux, "GD" et "INTERIM", contre cinq pour le signe argué de contrefaçon ; que ce dernier se distingue de la marque première par l'ajout, non seulement de la lettre "M" entre les initiales "G" et "D", mais également du signe "SBC", de pure fantaisie, ainsi que de la finale "Grande Distribution" ; qu'à ces différences visuelles et phonétiques s'ajoute une différence d'ordre conceptuel, la référence, dans le signe litigieux, à la "Grande Distribution" suggérant une idée de spécialisation de la défenderesse dans ce secteur de l'intérim, absente de la marque première ; que de telles différences écartent tout risque de confusion dans l'esprit du consommateur d'attention moyenne, de sorte que la contrefaçon ne saurait être retenue de ce chef.
II. Sur l'atteinte à l'enseigne et au nom commercial
Attendu que la société VCR fait grief à la société GMD Intérim d'avoir adopté une dénomination sociale portant atteinte à son nom commercial et à son enseigne ;
Que les développements consacrés par la société GMD Intérim à sa propre enseigne sont à cet égard indifférents ;
Attendu qu'aux termes d'un extrait kbis en date du 31 août 2005, la société VCR est immatriculée au registre du commerce depuis le 13 mai 2005, sous le nom commercial "GD INTERIM - GRANDE DISTRIBUTION INTERIM" et sous l'enseigne "GD INTERIM", et a pour objet social "l'embauche de personnel intérimaire de toutes catégories et de tout échelon, comprenant le personnel de gardiennage, de sécurité, de nettoyage et d'entretien général", "la délégation de ce personnel auprès de toutes entreprises, sociétés, groupements, associations et collectivités publiques ou privées", "l'activité de placement telle que définie par les textes en vigueur et plus généralement toutes activités de prestation de services pour l'emploi ouverte par la loi aux entreprises de travail temporaire", "l'étude, les conseils et toutes prestations de services dans tous ces différents domaines", services identiques ou, à tout le moins, similaires aux activités de"la délégation de personnel intérimaire", de "placement", "de prestation de services pour l'emploi ouverte par la loi aux entreprises de travail temporaire" de la société défenderesse ;
Que la défenderesse produit elle-même un constat d'huissier de justice dressé à Paris le 27 octobre 2006 confirmant qu'il est fait, par la demanderesse, un usage effectif de l'enseigne "GD INTERIM" ; qu'il importe peu que cet usage se traduise par l'emploi d'une calligraphie particulière suivie d'une mention "Des professionnels à votre service", la dite enseigne demeurant parfaitement identifiable ; que contrairement à ce que soutient la défenderesse, ainsi qu'il a été dit plus haut, le signe "GD INTERIM", dont la société GMD Intérim ne justifie pas avoir fait usage antérieurement à l'immatriculation de la société VCR, ne peut être considéré comme purement descriptif des services en cause ;
Qu'en outre, il convient de relever qu'au sein du nom commercial revendiqué, l'ensemble "GD INTERIM" résulte de l'association purement arbitraire, non seulement d'un terme commun, certes évocateur de l'objet social de la demanderesse, mais également d'initiales dépourvues d'une signification propre ;
Qu'ont déjà été relevées les similitudes visuelles, phonétiques et intellectuelles existant entre "GD INTERIM" et la dénomination sociale litigieuse, ainsi que le risque de confusion pouvant en résulter dans l'esprit du public, qui sera amené à croire en l'existence de liens économiques entre les parties ;
Attendu, dès lors, qu'en adoptant "GMD Intérim" à titre de dénomination sociale lors de son immatriculation au registre du commerce et des sociétés le 13 octobre 2005, la défenderesse a porté atteinte aux droits antérieurs de la société VCR sur son enseigne, lui causant ainsi un préjudice ; qu'elle a donc engagé sa responsabilité sur le fondement de l'article 1382 du Code civil ;
Que n'est pas de nature à écarter la responsabilité de la défenderesse la circonstance, au demeurant non démontrée, selon laquelle des actes de détournement de clientèle, pour lesquels Madame Z... a été condamnée dans le cadre d'une précédente instance l'opposant à la société METASOFT, seraient à l'origine des erreurs commises par certains clients les ayant conduit à payer à la société GMD Intérim des sommes dues à la société VCR en paiement de prestations de placement.
III. Sur les mesures réparatrices
Attendu que les faits de contrefaçon commis au préjudice de la société BERNARD AYACHE, et d'atteinte à l'enseigne et au nom commercial de la société VCR conduisent le Tribunal à faire droit aux mesures d'interdiction sollicitées, dans les limites édictées par le dispositif de la présente décision ;
Attendu que la société VCR se prévaut d'un "préjudice considérable", la confusion induite par les agissements de la défenderesse ayant notamment causé des retards de règlements, et par voie de conséquence des besoins de trésorerie supérieurs à la réalité de ses besoins ;
Qu'il n'est pas démontré que les confusions dont la société VCR se prévaut sont entièrement dues aux actes d'usurpation dont elle a été victime, pas plus qu'il n'est rapporté la preuve de la dégradation d'image dont les deux demanderesses entendent se prévaloir ;
Que le Tribunal trouve cependant en la cause suffisamment d'éléments pour évaluer le préjudice subi par la société VCR à la somme de 15.000 € ;
Attendu que le préjudice de la société BERNARD AYACHE résulte de l'atteinte portée aux droits qu'elle détient sur sa marque, laquelle se trouve dévalorisée par les actes de contrefaçon précédemment caractérisés ;
Qu'il lui sera alloué, en réparation, la somme de 10.000 € à titre de dommages-intérêts ;
Attendu qu'afin d'assurer la réparation intégrale du préjudice subi, il convient de faire droit à la demande de publication, dans les termes fixés ci-dessous.
IV. Sur les demandes reconventionnelles
Attendu que la société GMD Intérim, succombant, ne saurait voir prospérer sa demande reconventionnelle fondée sur le caractère abusif de la procédure initiée par les sociétés BERNARD AYACHE et VCR ;
Attendu par ailleurs que la défenderesse entend voir le Tribunal condamner la société VCR sur le fondement de l'article 1382 du Code civil, aux motifs qu'elle utiliserait, sur sa documentation commerciale, la locution "des professionnels à votre service", slogan déjà utilisé et exploité par la société METASOFT ;
Mais attendu qu'en se bornant à produire un document intitulé "Dossier Grande Distribution et Animation", contenant un paragraphe "Le recrutement - Des équipes de professionnels à votre service", mais non daté, la société GMD Intérim échoue à rapporter la preuve de ses droits antérieurs sur l'expression "des professionnels à votre service" ; qu'en toute hypothèse elle ne saurait utilement se prévaloir de l'usage, par une société tierce, de la locution litigieuse, de sorte qu'elle sera déboutée de sa demande reconventionnelle.
V. Sur les autres demandes
Attendu que la nature de l'espèce et l'ancienneté du litige justifient d'ordonner l'exécution provisoire du présent jugement ;
Attendu que la société GMD Intérim, succombant, sera condamnée aux entiers dépens ;
Qu'il serait inéquitable de laisser à la charge des demanderesses la totalité des frais irrépétibles ; qu'il convient, en conséquence, de leur allouer ensemble la somme globale de 4.000 € au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
Par ces motifs
Le Tribunal,
Statuant publiquement, par mise à disposition du présent jugement au greffe, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues par le deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile,
Par jugement contradictoire, rendu en premier ressort,
- REJETTE la fin de non-recevoir opposée par la société GMD Intérim à l'intervention volontaire de la société VCR,
- DECLARE irrecevable la demande de la société GMD Intérim tendant à l'annulation de la marque verbale française "GRANDE DISTRIBUTION INTERIM", déposée le 29 avril 2005, enregistrée sous le no05 3 356 499, dont la société BERNARD AYACHE est titulaire,
- DEBOUTE la société GMD Intérim de ses demandes tendant à l'annulation de la
marque verbale française "GD INTERIM", déposée le 29 avril 2005, enregistrée sous le no05 3 356 496, dont la société BERNARD AYACHE est titulaire,
- DECLARE recevable l'action en contrefaçon de la société BERNARD AYACHE,
- DIT qu'en adoptant sa dénomination sociale, la société GMD Intérim a commis un acte de contrefaçon par imitation de la marque verbale française "GD INTERIM", déposée le 29 avril 2005, enregistrée sous le no05 3 356 496, dont la société BERNARD AYACHE est titulaire,
- DIT que la société GMD Intérim, en adoptant cette dénomination sociale, a porté atteinte aux droits de la société VCR sur son nom commercial et son enseigne et engagé sa responsabilité sur le fondement de l'article 1382 du Code civil,
- INTERDIT à la société GMD Intérim la poursuite de l'ensemble de ces agissements, sous astreinte de 500 € par jour de retard, passé un délai d'un mois à compter de la signification de la présente décision, le Tribunal se réservant la liquidation de l'astreinte,
- CONDAMNE la société GMD Intérim à payer à la société BERNARD AYACHE une somme de 10.000 € de dommages-intérêts en réparation du préjudice résultant de la contrefaçon,
- CONDAMNE la société GMD Intérim à payer à la société VCR une somme de 15.000 € de dommages-intérêts en réparation du préjudice résultant de l'atteinte à son nom commercial et à son enseigne,
- AUTORISE la publication du dispositif de la présente décision dans deux journaux ou revues au choix de la société BERNARD AYACHE, aux frais avancés de la société GMD Intérim, dans la limite de 3.500 € hors taxes par insertion,
- DEBOUTE les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,
- ORDONNE l'exécution provisoire de la présente décision, sans qu'il y ait lieu à constitution de garantie,
- CONDAMNE la société GMD Intérim à payer aux sociétés BERNARD AYACHE et VCR, ensemble, la somme globale de 4.000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,
- CONDAMNE la société GMD Intérim aux entiers dépens, qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.
Fait et jugé à Paris le 11 Juillet 2008
Le Greffier Le Président