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09/07/2008 | FRANCE | N°07/06464

France | France, Tribunal de grande instance de Paris, Chambre civile 3, 09 juillet 2008, 07/06464


T R I B U N A L

D E GRANDE

I N S T A N C E

D E P A R I S

3ème chambre 3ème section

No RG :

07/06464

No MINUTE :

Assignation du :

02 Mai 2007

JUGEMENT

rendu le 09 Juillet 2008

DEMANDERESSE

S.A. CHRISTIAN DIOR COUTURE- représentée par son PDG Mr Sidney TOLEDANO

30 avenue Montaigne

75008 PARIS

représentée par Me Pierre DEPREZ et Emmanuel BOUTTIER, avocat au barreau de PARIS, vestiaire P 221

DÉFENDERESSES

Société BAZAR CHIC- représentée par son Président Mr

Verny LIBERTY

8 rue Petit

92110 CLICHY

représentée par Me Jean-Paul MONTENOT, avocat au barreau de PARIS, vestiaire L 150

S.A.R.L. SIBOSIBEL

17 Place du Général d...

T R I B U N A L

D E GRANDE

I N S T A N C E

D E P A R I S

3ème chambre 3ème section

No RG :

07/06464

No MINUTE :

Assignation du :

02 Mai 2007

JUGEMENT

rendu le 09 Juillet 2008

DEMANDERESSE

S.A. CHRISTIAN DIOR COUTURE- représentée par son PDG Mr Sidney TOLEDANO

30 avenue Montaigne

75008 PARIS

représentée par Me Pierre DEPREZ et Emmanuel BOUTTIER, avocat au barreau de PARIS, vestiaire P 221

DÉFENDERESSES

Société BAZAR CHIC- représentée par son Président Mr Verny LIBERTY

8 rue Petit

92110 CLICHY

représentée par Me Jean-Paul MONTENOT, avocat au barreau de PARIS, vestiaire L 150

S.A.R.L. SIBOSIBEL

17 Place du Général de Gaulle

93100 MONTREUIL

représentée par Me Jean-Luc LASCAR, avocat au barreau de PARIS, vestiaire K 0029

Société ALTA MODA

66 avenue des Champs Elysées

75008 PARIS

défaillante

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Elisabeth BELFORT, Vice-Président, signataire de la décision

Agnès THAUNAT, Vice-Président

Sophie CANAS, Juge

assistée de Marie-Aline PIGNOLET, Greffier, signataire de la décision

DÉBATS

A l'audience du 27 Mai 2008, tenue publiquement, devant Elisabeth BELFORT , Agnès THAUNAT, juges rapporteurs, qui, sans opposition des avocats, ont tenu seules l'audience, et, après avoir entendu les conseils des parties, en ont rendu compte au Tribunal, conformément aux dispositions de l'article 786 du Code de Procédure Civile

JUGEMENT

Prononcé par remise de la décision au greffe

Réputé Contradictoire

en premier ressort

La société CHRISTIAN DIOR COUTURE, maison de haute couture et de prêt-à-porter de luxe renommée est titulaire de nombreuses marques et notamment :

-de la marque semi-figurative déposée le 13 mars 1986, enregistrée sous le numéro 13 46 410 pour les produits des classes 18, 24 et 25, composée de l'initiale "D"en caractère majuscule beaucoup plus gros que le reste des lettres formant le mot Dior inscrit à sa base en arc de cercle,

-de la marque verbale DIOR déposée le 27 décembre 1087, enregistrée sous le numéro no13 16 850 pour les produits et services des classes 6 à 33,

-de la marque "Christian Dior", déposée le 22 février 1988, enregistrée sous le numéro 14 51 018 pour les produits et services des classes 6, 8, 9, 11 à 16, 18 à 37 et 40 à 42.

La société CHRISTIAN DIOR COUTURE exploite notamment ces marques depuis plusieurs années pour désigner des articles de lingerie relevant de la classe 25.

La société CHRISTIAN DIOR COUTURE a eu connaissance d'une "vente privée" de produits de lingerie griffés Dior ou Christian Dior sur le site internet accessible à l'adresse "www.bazarchic.com", édité par la société BAZAR CHIC, soldeur sur internet, les 11 et 12 novembre 2006.

Sur le site, était diffusé un film publicitaire montrant des mannequins revêtus de sous-vêtements Dior et les marques DIOR et Christian Dior étaient reproduites.

La société Christian Dior Couture souligne que les produits vendus sur le site provenaient d'un "déstockage" non autorisé en violation du réseau de distribution sélective.

Autorisée par le Président du tribunal de grande instance de Nanterre, la société CHRISTIAN DIOR COUTURE a fait procéder à un constat d'huissier au sein de a société BAZAR CHIC le 21 novembre 2006. Il en résulte que la société BAZAR CHIC a fait l'acquisition de 440 articles de lingerie griffés "DIOR" auprès de la société SIBOSIBEL qui les avait acquis de la société ALTA MODA laquelle avait remis une attestation ainsi libellée:

"Par la présente, nous vous confirmons que les articles de lingerie Dior que vous venez d'acquérir ne font l'objet d'aucune restriction de vente de nos fournisseurs et n'exclut pas la diffusion par cyber-commerce ou autre moyen de vente en ligne.

Vous pouvez donc les diffuser directement ou indirectement par le biais d'un revendeur, distributeur ou client par tous les moyens de vente légaux et autorisés en France et à l'étranger.

Compte tenu toutefois du positionnement haut de gamme de la marque DIOR, nous vous recommandons d'un point de vue marketing et commercial d'utiliser des moyens, des outils et des manifestations de standing comme vous savez faire afin d'une part de cibler la clientèle de la marque et d'autre part de conclure un maximum de ventes coup de coeur pour la clientèle au comportement d'achat impulsif."

La société CHRISTIAN DIOR COUTURE a alors été autorisée à faire procéder à des constats auprès des sociétés SIBOSIBEL et ALTA MODA.

Par acte d'huissier de justice en date des 2 et 4 mai 2007, la société CHRISTIAN DIOR COUTURE a fait assigner la société BAZAR CHIC, la société SIBOSIBEL et la société ALTA MODA devant le tribunal de grande instance de Paris en contrefaçon et concurrence déloyale.

Il est demandé au Tribunal de :

DIRE et JUGER que la société BAZARCHIC s'est rendue coupable d'actes de contrefaçon des marques «Christian Dior» et «Dior» de la société CHRISTIAN DIOR COUTURE,

DIRE et JUGER que les sociétés ALTA MODA, SIBOSIBEL et BAZARCHIC ont commis des actes de contrefaçon et des actes distincts de concurrence déloyale et parasitaire ;

En conséquence:

1o) CONDAMNER la société BAZARCHIC à payer à CHRISTIAN DIOR COUTURE la somme de 150.000 euros à titre dommages et intérêts pour contrefaçon de ses marques;

CONDAMNER la société BAZARCHIC à payer à CHRISTIAN DIOR COUTURE la somme de 100.000 euros à titre dommages et intérêts pour l'atteinte causée à son image de marque ;

CONDAMNER la société BAZAR CHIC à payer à CHRISTIAN DIOR COUTURE la somme de 50.000 euros à titre dommages et intérêts en raison de la publicité trompeuse liée à de prétendues « réductions de prix» non-conformes à la réglementation,

2o) CONDAMNER in solidum les sociétés ALTA MODA, SIBOSIBEL et BAZARCHIC à payer à CHRISTIAN DIOR COUTURE la somme de 150.000 euros à titre dommages et intérêts en raison de l'atteinte portée à ses marques du fait de ventes non autorisées de produits marqués,

CONDAMNER in solidum les sociétés ALTA MODA, SIBOSIBEL et BAZARCHIC à payer à CHRISTIAN DIOR COUTURE la somme de 50.000 euros à titre dommages et intérêts en raison de l'atteinte causée à son réseau de distribution sélective,

ORDONNER la destruction sous contrôle d'huissier de l'ensemble des articles de lingerie «DIOR» et/ou «Christian Dior» encore détenus par les sociétés ALTA MODA, SrnOSIBEL et BAZARCHIC et ce, à leurs frais, et sous astreinte de 1.000 euros par jour de retard à compter de la signification du jugement à intervenir;

FAIRE INTERDICTION aux sociétés ALTA MODA, SIBOSIBEL et BAZARCHIC de poursuivre de tels agissements, sous astreinte de 10.000 euros par jour de retard ou par infraction constatée dans les deux mois à compter de la signification du jugement;

ORDONNER la publication du Jugement à intervenir sur la première page des sites internet «www.bazarchic.com/www.bazarchic.fr» ainsi que dans quatre journaux ou magazines au choix de CHRISTIAN DIOR COUTURE et aux frais in solidum des défenderesses à hauteur de 5.000 euros hors taxe par publication.

ORDONNER l'exécution provisoire du Jugement à intervenir dans toutes ses dispositions.

CONDAMNER in solidum les sociétés ALTA MODA. SrnOSIBEL et BAZARCHIC à payer à CHRISTIAN DIOR COUTURE la somme de 30.000 euros sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile et aux entiers dépens en ce compris les frais de constat qui pourront être recouvrés directement par la SCP DEPREZ. DIAN. GUIGNOT. conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau code de procédure civile .

Par dernières conclusions signifiées le 29 avril 2008, la société CHRISTIAN DIOR COUTURE demande au tribunal principalement de :

au visa des articles L. 713-2 et suivants du Code de la Propriété Intellectuelle, de l'article 1382 du Code Civil, de l'article L.442-6 du Code de Commerce, de l'arrêté no 77-105/P du 2 septembre 1977 et de l'article L.121-1 du Code de la Consommation,

DEBOUTER les sociétés BAZARCHIC et SIBOSIBEL de leurs demandes, fins et conclusions;

DIRE et JUGER que la société BAZAR CHIC s'est rendue coupable d'actes de contrefaçon des marques «Christian Dior" et « Dior » de la société CHRISTIAN DIOR COUTURE,

DIRE et JUGER que les sociétés ALTA MODA, SIBOSIBEL et BAZAR CHIC ont commis des faits distincts de concurrence déloyale et parasitaire;

En conséquence:

1o) CONDAMNER la société BAZAR CHIC à payer à CHRISTIAN DIOR COUTURE la somme de 150.000 euros à titre dommages et intérêts pour contrefaçon de ses marques;

CONDAMNER la société BAZAR CHIC à payer à CHRISTIAN DIOR COUTURE la somme de 100.000 euros à titre dommages et intérêts pour l'atteinte causée à son image de marque;

ORDONNER la destruction sous contrôle d'huissier de l'ensemble des articles de lingerie «DIOR» et/ou «Christian Dior» encore détenus par les sociétés ALTA MODA, SIBOSIBEL et BAZAR CHIC et ce, à leurs frais, et sous astreinte de 1.000 euros par jour de retard à compter du jugement à intervenir;

2o) CONDAMNER in solidum les sociétés ALTA MODA, SIBOSIBEL et BAZAR CHIC à payer à CHRISTIAN DIOR COUTURE la somme de 50.000 euros à titre dommages et intérêts en raison de l'atteinte causée à son réseau de distribution sélective,

CONDAMNER la société BAZAR CHIC à payer à CHRISTIAN DIOR COUTURE la somme de 50.000 euros à titre dommages et intérêts en raison de la publicité trompeuse liée à de prétendues «réductions de prix» non-conformes à la réglementation,

FAIRE INTERDICTION aux sociétés ALTA MODA, SIBOSIBEL et BAZAR CHIC de poursuivre de tels agissements, sous astreinte de 10.000 euros par jour de retard ou par infraction constatée dans les deux mois à compter de la signification du jugement;

ORDONNER la publication du Jugement à intervenir sur la première page des sites internet « www.BAZAR CHIC.com/www.BAZAR CHIC.fr» ainsi que dans quatre journaux ou magazines au choix de CHRISTIAN DIOR COUTURE et aux frais in solidum des défenderesses à hauteur de 5.000 euros hors taxe par publication,

ORDONNER l'exécution provisoire du Jugement à intervenir dans toutes ses dispositions.

CONDAMNER in solidum les sociétés ALTA MODA, SIBOSIBEL et BAZAR CHIC à payer à CHRISTIAN DIOR COUTURE la somme de 30.000 euros HT sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile et aux entiers dépens en ce compris les frais de constat qui pourront être recouvrés directement par la SCP DEPREZ, DIAN, GUIGNOT, conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau code de procédure civile .

Par dernières conclusions signifiées le 12 mars 2008, la société BAZAR CHIC demande au tribunal principalement de :

REJETER l'ensemble des demandes de la société CHRISTIAN DIOR COUTURE et de les déclarer infondées ;

A titre subsidiaire, si une publication de la décision était ordonnée, de la limiter au seul site Internet de la requérante et de la rendre seulement accessible à ses membres pendant 48h.

- CONDAMNER la société CHRISTIAN DIOR COUTURE au paiement de 10.000 euros au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;

- CONDAMNER la société CHRISTIAN DIOR COUTURE aux entiers dépens.

Par dernières conclusions signifiées le 14 septembre 2007, la société SIBOSIBEL demande au tribunal principalement de :

au visa des articles L.713-4 du CPI, et L.442-6 I du Code de Commerce, de l'attestation de non restriction de vente délivrée à la société ALTA MODA à la société SIBOSIBEL, des droits de distribution détenus par la société SIBOSIBEL,

Dire la société SIBOSIBEL recevable et bien fondée en ses moyens, et arguments,

Donner acte à la société CHRISTIAN DIOR COUTURE de ce qu'elle ne sollicite aucune reconnaissance de responsabilité à l'égard de la société SIBOSIBEL, ni aucune condamnation au titre de l'utilisation de ses marques et produits sur le site Bazarchic.com ainsi qu'au titre de la publicité trompeuse,

Constater que c'est à bon droit que la société SIBOSIBEL s'est approvisionnée auprès de la société ALTA MODA,

Constater que la société SIBOSIBEL titulaire d'une attestation de non restriction de vente, a régulièrement revendu les produits marqués CHRISTIAN DIOR et DIOR mis dans le commerce par la société CHRISTIAN DIOR COUTURE à la société BAZAR CHIC,

Dire et juger que ces faits d'approvisionnement et de revente ne sont pas constitutifs d'acte de contrefaçon du fait de vente non autorisée, ni du fait de vente de produits marqués en dehors du réseau de distribution sélective.

En conséquence,

Débouter la société CHRISTIAN DIOR COUTURE de l'intégralité de ses demandes formulées à l'encontre de la société SIBOSIBEL.

A titre reconventionnel,

Dire la société SIBOSIBEL recevable et bien fondée en sa demande reconventionnelle,

Condamner la société CHRISTIAN DIOR COUTURE à verser à la société SIBOSIBEL la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 nouveau code de procédure civile ,

La condamner enfin aux entiers dépens dont distraction faite au profit de la SELAFA SOPEJ représentée par Maître Jean-Luc LASCAR conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau code de procédure civile ,

A titre subsidiaire,

au visa de l'attestation de non restriction de vente délivrée à la société ALTA MODA à la société SIBOSIBEL,

Constater que la société ALTA MODA a délivré le 2 octobre 2006 une attestation de non restriction de vente à la société SIBOSIBEL pour les produits CHRISTIAN DIOR et DIOR,

Dire et juger que la société ALTA MODA a, par ce document, garanti la société SIBOSIBEL contre toutes revendications et/ou actions de la société CHRISTIAN DIOR COUTURE titulaire des marques concernées du fait de la distribution sur le site BAZARCHIC.COM,

En conséquence,

Condamner la société ALTA MODA à garantir la société SIBOSIBEL contre toutes sommes quelles qu'elles soient ( article 700 nouveau code de procédure civile et dépens inclus ) auxquelles eette pourrait être condamnée à verser à la société CHRISTIAN DIOR COUTURE au titre des actes de contrefaçon du fait de vente non autorisée et/ou de vente en dehors d'un réseau de distribution sélective sur le site BAZARCHIC.COM,

Condamner la société AL TA MODA à verser à la société SIBOSIBEL la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 nouveau code de procédure civile ,

La condamner enfin aux entiers dépens dont distraction faite au profit de la SELAF A SOPEJ représentée par Maître Jean-Luc LASCAR conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau code de procédure civile .

La société ALTA MODA, citée le 4 mai 2007 par acte remis à l'étude de l'huissier, n'a pas constitué avocat. Le présent jugement sera en conséquence rendu de manière réputé contradictoire l'instance étant suceptible d'appel.

Les différentes conclusions échangées entre les parties n'ayant pas été signifiées à la société ALTA MODA, défaillante, le tribunal n'est saisi en ce qui la concerne que des termes de l'assignation ci dessus-reproduite.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la contrefaçon par reproduction et modification

L'article L713-2 du code de propriété intellectuelle dispose que :

sont interdits, sauf autorisation du propriétaire :

a) la reproduction, l'usage ou l'apposition d'une marque même avec l'adjonction de mots tels que :"formule (...)" ainsi que l'usage d'une marque reproduite, pour des produits ou services identiques à ceux désignés dans l'enregistrement ;

b) la suppression ou la modification d'une marque régulièrement apposée."

La société CHRISTIAN DIOR COUTURE se plaint d'actes de contrefaçon par reproduction et par modification des marques dont elle est titulaire.

En ce qui concerne la reproduction, il est constant que la société BAZAR CHIC a reproduit les marques Dior et Christian Dior sur la page d'accueil de son site internet, qu'elle a même ajouté sa propre marque à la marque Christian Dior dans le syntagme "Christian Dior by Bazar Chic", susceptible d'accréditer dans l'esprit du consommateur final l'idée d'un partenariat avec la société demanderesse.

Par ailleurs, la société BAZAR CHIC diffusait sur son site un film dans lequel les marques Dior et Christian Dior étaient utilisées sous une forme modifiée par effacement progressif des lettres les composant.

Dans ces conditions, il est prouvé que la société BAZAR CHIC a reproduit sans autorisation du titulaire les marques opposées, à l'identique et sous une forme modifiée, le grief de contrefaçon, est donc établi., les produits vendus sur le site étant des vêtements, produits visés dans l'enregistrement des marques en cause.

Sur l'utilisation de marques d'appel

Le tribunal relève que la société BAZAR CHIC commercialisait environ 400 produits griffés Dior et Christian Dior, dans ces conditions on ne saurait retenir qu'elle a utilisé les dites marques comme marques d'appel.

Sur l'épuisement du droit des marques

L'article L713-4 du code de la propriété intellectuelle dispose que "le droit conféré par la marque ne permet pas à son titulaire d'interdire l'usage de celle-ci pour des produits qui ont été mis dans le commerce dans la Communauté européenne ou dans l'espace économique européen sous cette marque par le titulaire ou avec son consentement."

La société BAZAR CHIC soutient qu'elle est en droit de reproduire les marques DIOR et CHRISTIAN DIOR dès lors que tous les vêtements qu'elle proposait à la vente avaient été acquis auprès de la société SIBOSIBEL qui les avait elle même acquis auprès de la société ALTA MODA laquelle avait remis une attestation ainsi rédigée :

"Par la présente, nous vous confirmons que les articles de lingerie Dior que vous venez d'acquérir ne font l'objet d'aucune restriction de vente de nos fournisseurs et n'exclut pas la diffusion par cyber-commerce ou ou autre moyen de vente en ligne.

Vous pouvez donc les diffuser directement ou indirectement par le biais d'un revendeur, distributeur ou client par tous les moyens de vente légaux et autorisés en France et à l'étranger (...)."

La société ALTA MODA, bien que régulièrement assignée n'a pas comparu. Dans ces conditions, la preuve n'est pas rapportée que les produits qu'elle a revendus ont été régulièrement acquis dans l'espace économique européen.

Dès lors, les sociétés défenderesses n'apportent pas la preuve d'un épuisement des droits de la demanderesse.

Sur la réalisation d'un film publicitaire portant atteinte à l'image de marque de la société CHRISTIAN DIOR COUTURE

La société CHRISTIAN DIOR COUTURE soutient que le film publicitaire diffusé par la société BAZAR CHIC sur son site aurait mis en scène de façon dégradante les produits griffés DIOR et CHRISTIAN DIOR en montrant une jeune femme juste vêtue d'un slip en tissu "monogrammé" reproduisant la marque et en mettant en scène des "jeunes femmes juchées sur des chaises dactylo qui vont et viennent de façon lascive."

Le tribunal considère, que si le caractère lascif de la communication de la société BAZARCHIC est discutable, d'autant que la société défenderesse verse aux débats des photographies publicitaire réalisées à la demande de la société demanderesse ayant elles même un caractère volontairement provocateur, il n'en demeure pas moins que le titulaire de la marque est libre de maîtriser sa communication et qu'une autre société ne saurait communiquer à ce sujet. Dès lors, en diffusant ce film la société BAZAR CHIC a commis une faute à l'origine d'un dommage pour la société demanderesse, dont la société BAZAR CHIC doit réparation en application de l'article 1382 du code civil.

Sur la publicité trompeuse

Il est encore reproché à la société BAZAR CHIC d'avoir mis en avant ses prix accompagnés de la mention barrée d'anciens prix plus élevés dits "prix constatés" Exemple: Culotte Butterfly 92 euros (barré) 38 euros.

La société demanderesse fait valoir que les produits offerts à la vente sont issus de la collection 2001, que dès lors ces produits n'étant plus à la vente, il ne peut être fait mention de prix généralement pratiqués.

Dès lors, le grief de publicité trompeuse est établi.

Sur la vente en dehors d'un réseau de distribution sélective

La société CHRISTIAN DIOR COUTURE reproche aux défenderesses d'avoir effectué des actes de concurrence déloyale et parasitaire en vendant en dehors d'un réseau de distribution sélective.

L'article L442-6 I du code de commerce dispose que :"engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commercçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers :

6)o de participer directement ou indirectement à la violation de l'interdiction de revente hors Réseau faite au distributeur lié par un accord de distribution séléctive ou exclusive exemptée au titre des règles applicables du droit de la concurrence."

En l'espèce, la société CHRISTIAN DIOR COUTURE a organisé la commercialisation de ses produits de lingerie de façon à ce qu'elle obéisse à certaines modalités particulières indiquées dans la "Charte de distribution sélective de lingerie"(personnel et environnement particulier interdiction de vente en porte à porte) et par des distributeurs agrées.

La société CHRISTIAN DIOR COUTURE souligne que ni la société SIBOSIBEL ni la société ALTA MODA ne font parties de ses distributeurs agrées.

Dès lors, les société BAZAR CHIC et SIBOSIBEL ont fait preuve de négligence en omettant de se renseigner sur l'origine des produits qui leur étaient revendus.

La société ALTA MODA qui ne comparaît pas reste défaillante a établir la régularité de son approvisionnement.

Sur les responsabilités

La société BAZAR CHIC s'est rendue coupable d'acte de contrefaçon par reproduction ainsi que d'actes de concurrence déloyale.

La société SIBOSIBEL et la société ALTA MODA se sont, pour leur part, rendues coupables d'actes de concurrence déloyale.

Sur les mesures réparatrices

Les mesures d'interdictions doivent être ordonnées selon des modalités prévues au dispositif.

Le tribunal possède les éléments suffisants pour fixer à la somme de 40 000 euros le montant des dommages-intérêts en raison de l'atteinte aux marques dont est titulaire la société demanderesse, à la somme de 1000 euros la réparation de l'atteinte à l'image de marque et à la somme de 50 000 euros le montant des dommages-intérêts destinés à compenser le préjudice né des actes de concurrence déloyale.

A titre de complément de dommages-intérêts, il convient d'autoriser la publication du jugement selon des modalités prévues au dispositif.

Sur l'appel en garantie formée par la société SIBOSIBEL à l'encontre de la société ALTA MODA

Le tribunal constate que cet appel en garantie faute d'avoir été régulièrement signifié à la société ALTA MODA, ne peut prospérer.

Sur l'application de l'article 700 du code de procédure civile

Il parait inéquitable de laisser à la charge de la société demanderesse les frais irrépétibles et non compris dans les dépens. Il convient de lui allouer à ce titre une indemnité de 10. 000 euros.

Sur l'exécution provisoire

Il parait nécessaire en l'espèce et compatible avec la nature de l'affaire d'ordonner l'exécution provisoire de la présente décision.

Sur les dépens

Les sociétés défenderesses succombant dans leurs prétentions doivent être condamnées aux dépens avec distraction au profit de la SCP DEPREZ, DIA, GUINOT, avocat en application de l'article 699 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal statuant par jugement réputé contradictoire, mis à disposition au greffe et en premier ressort,

Dit que la société BAZAR CHIC, en reproduisant les marques Dior et Christian Dior sur son site internet de vente, de vêtements s'est rendue coupable d'actes de contrefaçon desdits marques au préjudice de la société CHRISTIAN DIOR COUTURE,

Dit que la société BAZAR CHIC en diffusant sur son site un film publicitaire assoviant à son activitét les marques DIOR et Christian Dior, a porté atteinte à l'image de marque de la société CHRISTIAN DIOR COUTURE,

Dit que les sociétés ALTA MODA, SIBOSIBEL et BAZAR CHIC, en portant atteinte au réseau de distribution collective de la société CHRISTIAN DIOR COUTURE et en diffusant une publicité trompeuse sur les prix, ont commis des faits distincts de concurrence déloyale et parasitaire;

En conséquence:

Condamne la société BAZAR CHIC à payer à CHRISTIAN DIOR COUTURE la somme de 40.000 euros à titre dommages et intérêts pour contrefaçon de ses marques;

Condamne la société BAZAR CHIC à payer à CHRISTIAN DIOR COUTURE la somme de 1000 euros à titre dommages et intérêts pour l'atteinte causée à son image de marque;

Condamne in solidum les sociétés ALTA MODA, SIBOSIBEL et BAZAR CHIC à payer à CHRISTIAN DIOR COUTURE la somme de 50.000 euros à titre dommages et intérêts en raison des actes de concurrence déloyale,

Fait interdiction aux sociétés ALTA MODA, SIBOSIBEL et BAZAR CHIC de poursuivre de tels agissements, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ou par infraction constatée dans les deux mois à compter de la signification du présent jugement;

Ordonne la destruction sous contrôle d'huissier de l'ensemble des articles de lingerie «DIOR» et/ou «Christian Dior» encore détenus par les sociétés ALTA MODA, SIBOSIBEL et BAZAR CHIC et ce, à leurs frais, et sous astreinte de 150 euros par jour de retard à compter du délai de deux mois suivant la signification du présent jugement ;

Ordonne la publication du Jugement à intervenir sur la première page des sites internet des défenderesses « www.BAZAR CHIC.com et www.BAZARCHIC.fr» pendant un mois

Condamne in solidum les sociétés ALTA MODA, SIBOSIBEL et BAZAR CHIC à payer à la société CHRISTIAN DIOR COUTURE la somme de 10.000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile,

Déboute la société CHRISTIAN DIOR COUTURE pour le surplus de ses demandes,

Déclare irrecevable l'appel en garantie de la société SIBOSIBEL,

Ordonne l'exécution provisoire du Jugement

Condamne in soldium les défenderesses aux entiers dépens en ce compris les frais de constat qui pourront être recouvrés directement par la SCP DEPREZ, DIAN, GUIGNOT, conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau code de procédure civile .

Fait et jugé à Paris le 9 juillet 2008

LE GREFFIER LE PRESIDENT

Marie-Aline PIGNOLET Elisabeth BELFORT


Synthèse
Tribunal : Tribunal de grande instance de Paris
Formation : Chambre civile 3
Numéro d'arrêt : 07/06464
Date de la décision : 09/07/2008
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.grande.instance.paris;arret;2008-07-09;07.06464 ?
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