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08/07/2008 | FRANCE | N°99/04901

France | France, Tribunal de grande instance de Paris, Chambre civile 3, 08 juillet 2008, 99/04901


3ème chambre 1ère section
No RG : 99 / 04901

No MINUTE :

Assignation du : 25 Février 1999

JUGEMENT rendu le 08 Juillet 2008

DEMANDEUR

FRANCOIS X... es qual. adm. succession E. F...... 75007 PARIS

représenté par Me Jean Jacques NEUER, avocat au barreau de PARIS, vestiaire C. 362

DÉFENDEURS

S. A. R. L. D'ART Y... 14 rue CARDINALE 13100 AIX EN PROVENCE

représentée par Me DELPHINE ROBLIN-LAPPARRA, avocat au barreau de PARIS, vestiaire E. 705, Me Elsa FOURRIER-MOALLIC, avocat au barreau de MARSEILLE,
STE TRENTE

ET UN anciennement dénommée AU 47 31 Rue de Seine 75006 PARIS

représenté par Me Jean-Pierre SPITZER de la SCP CHA...

3ème chambre 1ère section
No RG : 99 / 04901

No MINUTE :

Assignation du : 25 Février 1999

JUGEMENT rendu le 08 Juillet 2008

DEMANDEUR

FRANCOIS X... es qual. adm. succession E. F...... 75007 PARIS

représenté par Me Jean Jacques NEUER, avocat au barreau de PARIS, vestiaire C. 362

DÉFENDEURS

S. A. R. L. D'ART Y... 14 rue CARDINALE 13100 AIX EN PROVENCE

représentée par Me DELPHINE ROBLIN-LAPPARRA, avocat au barreau de PARIS, vestiaire E. 705, Me Elsa FOURRIER-MOALLIC, avocat au barreau de MARSEILLE,
STE TRENTE ET UN anciennement dénommée AU 47 31 Rue de Seine 75006 PARIS

représenté par Me Jean-Pierre SPITZER de la SCP CHAMPETIER DE RIBES-SPITZER, avocats au barreau de PARIS, vestiaire P218

La MUTUELLE DU MANS ASSURANCES IARD 10 boul. Alexandre Oyon 72030 LE MANS

représentée par Me Philippe BOCQUILLON, avocat au barreau de PARIS, vestiaire E1085
Monsieur Eric C... intervention forcée... 75001 PARIS

représenté par SCP BERNARD et YVAN BARTHOMEUF, avocats au barreau de PARIS, vestiaire P. 407
S. N. C. PHILIPPE et A... 25 Galerie Véro-dodat 75001 PARIS

représentée par Me Yvan BARTHOMEUF, avocat au barreau de PARIS, vestiaire P. 407
Monsieur Jean Y... (intervention forcée)... 13100 AIX EN PROVENCE

représenté par Me DELPHINE ROBLIN-LAPPARRA, avocat au barreau de PARIS, vestiaire E. 705
Monsieur Jacques D...... 75008 PARIS

représenté par Me Mireille FAMCHON, avocat au barreau de PARIS, vestiaire R. 128

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Marie-Christine COURBOULAY, Vice Présidente Guillaume MEUNIER, Juge Sylvie LEFAIX, Juge placée, déléguée au Tribunal de Grande Instance de Paris en vertu d'une ordonnance du 1er Président de la Cour d'Appel de Paris en date du 31 Mars 2008, et déléguée à la 3ème chambre en vertu d'une ordonnance du Président du Tribunal de Grande Instance de Paris en date du 31 Mars 2008,

assistée de Léoncia BELLON, Greffier, lors des débats et de Marie-Aline PIGNOLET Greffier, lors du prononcé
DÉBATS
A l'audience du 5 Mai 2008, tenue publiquement, devant Marie-Chritine COURBOULAY, Sylvie LEFAIX, juges rapporteurs, qui, sans opposition des avocats, ont tenu seules l'audience, et, après avoir entendu les conseils des parties, en ont rendu compte au Tribunal, conformément aux dispositions de l'article 786 du Code de Procédure Civile
JUGEMENT
Prononcé par remise de la décision au greffe Contradictoire en premier ressort

FAITS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES.
La SOCIÉTÉ AU 47 exploite une galerie d'art spécialisée dans l'art Déco à l'enseigne l'Arc en Seine.
Elle a organisé une exposition des oeuvres de l'artiste décorateur Emilio F... intitulé " Emilio F... à Clavary ", reconstituant pour l'occasion l'entrée du Château de Clavary à la décoration duquel l'artiste a participé dans les années 1925-1926. Elle a édité un catalogue de l'exposition tiré à 1000 exemplaires, a fait réaliser une affiche ainsi qu'une plaquette et a lancé des cartons d'invitation reproduisant une oeuvre de l'artiste.
L'exposition devait se tenir du 15 septembre 1998 au 28 novembre 1998. Elle a été interrompue en raison des réclamations des ayants droits de l'artiste tant sur la reproduction des oeuvres de leur auteur sans leur autorisation que sur l'exposition d'oeuvres qu'ils ont arguées de faux.
Par jugement en date du 25 octobre 2000, ce tribunal a dit qu'en faisant reproduire sur divers supports des oeuvres de Emilio F..., sans autorisation des ayants droits de l'auteur, la SOCIÉTÉ AU 47 a commis des actes de contrefaçon, interdit, sous astreinte, à la société de poursuivre ces agissements, condamné la SOCIÉTÉ AU 47 à payer à Monsieur François X..., es qualités d'administrateur de la succession De Emilio F..., la somme de 100. 000 francs à titre de dommages intérêts, avant dire droit sur la demande relative aux oeuvres arguées de faux, ordonné une expertise.
Le jugement du 26 février 2003 a ordonné une contre expertise confiée à Madame Marie-Aline G... épouse H... et à Monsieur Ghislain I... J....
Le 13 octobre 2003, Mme H... a été remplacée par M. Gilles K....

Par assignation du 6 mai 2003, la SOCIÉTÉ AU 47 a fait assigner M. Eric C... en sa qualité de vendeurs des obélisques litigieux afin que les opérations d'expertise lui soient opposables.

Par ordonnance du 30 mars 2004, le juge de la mise en état a rendu les opérations d'expertise communes à M. Jacques Casimir D....
Par acte du 13 mai 2003, la société TRENTE ET UN a fait assigner M. Jean Y... en intervention forcée afin de lui rendre communes les opérations d'expertise.
Le 28 juin 2004, le juge de la mise en état a rendu communes à la société MMA, assignée à son tour par ce dernier, les opérations d'expertise.
Le 11 avril 2005, M. Gilles K... et M. Ghislain I... J... déposaient leur rapport au greffe du tribunal duquel il ressort que l'absence de preuve d'authenticité, de traçabilité ainsi que la médiocre qualité d'exécution de ces objets (deux obélisques et deux piétements de table) conduisent à refuser la paternité de ces oeuvres à Emilio F....
Par exploit en date du 24 mai 2006, la SOCIETE AU 47 dénommée depuis la société TRENTE ET UN, a fait assigner M. Jacques Casimir D....
Par acte du 29 novembre 2006, M. Jacques Casimir D... a fait assigner en intervention forcée la SNC PHILIPPE-BRANCILHON.
Par acte du 22 janvier 2007, la société TRENTE ET UN a fait assigner en intervention forcée la société d'art Y... pour la garantir de toute condamnation venant à être prononcée à son encontre.
Toutes les instances ont été jointes.
Dans ses dernières conclusions en date du 26 septembre 2007, M. François X..., agissant en qualité d'administrateur de la succession de Emilio F..., a contesté la fin de non recevoir pour prescription soulevée par la société TRENTE ET UN, répondu aux moyens soulevés par celle-ci et relatifs à l'honnêteté des experts, rappelé que deux expertises judiciaires successives ont dit que les oeuvres litigieuses étaient des contrefaçons et demandé au tribunal de :- ordonner la destruction des tables et obélisques, à savoir les deux tables de en fer forgé et cuivre ornées d'une frise grecque ainsi que la paire d'obélisques socle en marbre surmonté de quatre tortues en bronze que la société TRENTE ET UN, exploitant sous l'enseigne ARC EN CIEL, a présentée comme étant l'oeuvre de Emilio F....- condamner la société TRENTE ET UN à payer à M. François X..., agissant en qualité d'administrateur de la succession de Emilio F..., la somme de 600. 000 euros pour réparation du préjudice patrimonial et moral et ce avec intérêts au taux légal à compter du jour de l'exploit introductif d'instance.- ordonner la publication du jugement à intervenir dans sept journaux ou revues professionnels au choix du demandeur et aux frais de la société TRENTE ET UN.- dire que la publication devra mentionner clairement l'enseigne de la galerie L'ARC EN CIEL.- condamner la société TRENTE ET UN à payer à M. François X..., agissant en qualité d'administrateur de la succession de Emilio F..., la somme de 50. 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens dont distraction au profit de Mo Jean-Jacques NEUER, avocat aux offres de droit.- débouter la société TRENTE ET UN de sa demande reconventionnelle.- ordonner l'exécution provisoire de la décision à intervenir.

Par conclusions en date du 27 novembre 2007, la société TRENTE ET UN a soulevé l'irrecevabilité de l'action en contrefaçon de M. François X..., agissant en qualité d'administrateur de la succession de Emilio F..., fondée sur les tables et les obélisques au motif que l'action en contrefaçon se prescrit par dix ans, que le demandeur n'a formé ces demandes à l'encontre de ces objets que dans des conclusions du 7 février 2000, la demande initiale ne portant que sur le décor reconstitué du Château de Clavary, que M. X... avait connaissance de l'existence des obélisques par M. Eric C... depuis 1991 et par M. Jacques Casimir D... depuis 1997. Elle a soulevé d'autres fins de non recevoir fondées sur le fait que Emilio F... n'aurait pas réalisé lui-même les oeuvres litigieuses et se serait contenté de les dessiner et sur le fait que la loi de 1895 et l'article L 335-2 du Code de la propriété intellectuelle ne permet pas à un auteur ou à ses ayant droits de revendiquer une atteinte à son droit moral au seul motif que son nom aurait été apposé sur une oeuvre. Elle a contesté la validité de l'expertise de MM I... J... et K... et a produit au débat attestations et avis d'experts au soutien de sa thèse. A titre subsidiaire, elle a fait valoir sa bonne foi et l'absence de préjudice des demandeurs, a formé des appels en garantie à l'encontre des experts et / ou vendeurs et invoqué la nullité des ventes des objets litigieux pour dol.

La société TRENTE ET UN a sollicité du tribunal de : Lui donner acte de son changement de dénomination sociale de société 47 en société TRENTE ET UN. A titre principal Vu les dispositions de l'article 2270-1 du Code civil, Dire que l'action en contrefaçon de M. François X... est prescrite. En conséquence, Débouter M. François X... de l'ensemble de ses demandes. En tout état de cause, Dire M. François X..., agissant en qualité d'administrateur de la succession de Emilio F..., irrecevable en ses prétentions. Enjoindre à M. François X..., agissant en qualité d'administrateur de la succession de Emilio F..., de communiquer l'extrait du testament de Emilio F... concernant les agendas ; A titre subsidiaire Dire que les oeuvres incriminées doivent être considérées comme pouvant être de Emilio F... à tout le moins à défaut de preuve contraire.

En conséquence, débouter M. François X..., agissant en qualité d'administrateur de la succession de Emilio F..., de l'ensemble de ses demandes. A titre infiniment subsidiaire Condamner M. Eric C... es qualité d'expert ayant authentifié les obélisques, M. Jacques Casimir D... vendeur des obélisques et M. Jean Y... es qualité d'expert ayant authentifié les tables, la société d'Art Y... vendeur des tables, à relever indemne la société TRENTE ET UN de toute condamnation pouvant être prononcée à son encontre. Si par impossible le tribunal estimait tout ou partie des oeuvres comme ne pouvant être de Emilio F..., Prononcer la nullité des ventes des obélisques et des tables pour erreur voire pour dol en ce qui concerne la vente des obélisques et condamner M. Jacques Casimir D... et la société d'Art Y... à lui rembourser le prix de vente, soit 21. 342, 86 euros (140. 000F) pour les obélisques et 30. 489, 90 euros (200. 000F) pour les tables, assorti d'intérêts au taux légal à compter des ventes litigieuses ; A titre reconventionnel, Condamner M. François X..., agissant en qualité d'administrateur de la succession de Emilio F..., à verser à la société TRENTE ET UN la somme de 30. 000 euros à titre de dommages et intérêts. En tout état de cause, Condamner M. François X..., agissant en qualité d'administrateur de la succession de Emilio F..., à payer à la société TRENTE ET UN la somme de 15. 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile. Condamner le même aux entiers dépens en ce compris les frais d'expertise dont distraction au profit de la SCP CHAMPETIER de RIBES, SPITZER, avocat aux offres de droit.

Dans ses conclusions du 29 juin 2007, M. Jacques Casimir D... a demandé au tribunal de : Lui donner acte qu'il s'en remet au tribunal quant à l'authenticité de l'oeuvre. Pour le cas où le tribunal considérerait que les obélisques ont été attribuées par erreur à Emilio F.... En ce qui concerne l'appel en garantie de M. Jacques Casimir D... par la société TRENTE ET UN. Constater la parfaite bonne foi de M. Jacques Casimir D... et dire que l'imputation de dol éventuel formulée dans l'assignation en intervention forcée qui lui a été délivrée et confirmée dans les conclusions de la société TRENTE ET UN est erronée, gratuite et diffamatoire. En conséquence, Condamner à ce titre la société TRENTE ET UN au paiement de la somme de 1. 000 euros à titre de dommages et intérêts et ordonner la publication de cette condamnation au même titre et dans les mêmes conditions que celle qui serait éventuellement accordée à M. François X.... Dire que les expertises judiciaires auxquelles il n'était pas partie ne sont pas opposables à M. Jacques Casimir D.... Constater en conséquence que la société TRENTE ET UN ne rapporte pas la preuve à l'égard de M. Jacques Casimir D..., que les obélisques ne seraient pas authentiques. Dire que la société TRENTE ET UN n'est pas fondée à prétendre qu'elle aurait été trompée sur les qualités intrinsèques de l'oeuvre alors qu'elle est spécialiste de la période et du décorateur auquel celle-ci est attribuée. Dire qu'elle ne peut prétendre avoir commis une erreur inexcusable en acquérant de M. Jacques Casimir D... les obélisques litigieux. En conséquence, débouter la société TRENTE ET UN de son appel en garantie et de sa demande en annulation de la vente et la dire mal fondée en toutes ses demandes. A titre subsidiaire, Constater que la société TRENTE ET UN a engagé sa responsabilité en assignant M. Jacques Casimir D... plus de dix ans après la date de l'achat de M. Jacques Casimir D... à la SNC PHILIPPE-BRANCILHON dont elle avait connaissance et la condamner à régler à M. Jacques Casimir D..., par compensation avec le prix de la vente, des dommages et intérêts pour un montant égal au prix de la vente. A titre plus subsidiaire, Dire qu'en tout état de cause, une éventuelle condamnation ne pourrait porter intérêts qu'à compter de la date de l'assignation. Condamner la société TRENTE ET UN en tous les dépens et à des dommages et intérêts au titre de l'article 700 du Code de procédure civile qui pourront être évalués à 5. 000 euros. En ce qui concerne les appels en garantie par M. Jacques Casimir D... à l'encontre de M. Eric C... et de la SNC PHILIPPE-BRANCILHON. Dire M. Jacques Casimir D... bien fondé en son appel en garantie. Condamner M. Eric C... à garantir M. Jacques Casimir D... de toutes conséquences dommageables qui pourraient résulter pour lui de l'action en intervention engagée à son encontre par la société TRENTE ET UN et notamment d'une éventuelle annulation de la vente des obélisques. Ordonner la jonction à l'instance principale de l'appel en garantie à l'égard de la SNC PHILIPPE-BRANCILHON formalisé par exploit séparé en date du 29 novembre 2006. Dire que cette action n'est pas atteinte par la prescription. Condamner la SNC PHILIPPE-BRANCILHON à garantir solidairement avec M. Eric C..., M. Jacques Casimir D... de toutes conséquences dommageables pouvant résulter de la présente affaire.

Dans ses dernières conclusions en date du 4 septembre 2007, M. Jean Y... a sollicité du tribunal de :- constater que M. Jean Y... n'est pas le vendeur des tables litigieuses et n'est pas expert en matière d'arts décoratifs des années 1930 et en peut donc être attrait en cette qualité. En conséquence, mettre hors de cause M. Jean Y.... Débouter les demandeurs de toutes leurs demandes à son encontre. A titre reconventionnel, Condamner tout succombant à payer à M. Jean Y... la somme de 15. 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice matériel et moral. Ordonner l'exécution provisoire de la décision à intervenir. Condamner tout succombant à lui payer la somme de 5. 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile outre les dépens qui pourront être distraits au profit de Mo Delphine L..., avocat aux offres de droit.

Par conclusions du même jour, la société d'Art Y... a demandé au tribunal de : Dire que les opérations d'expertise ne lui sont pas opposables. Débouter les demandeurs de toutes leurs prétentions à son encontre. En tout état de cause, Constater que M. François X... ne rapporte pas la preuve du caractère apocryphe des oeuvres litigieuses. Dire qu'au vu des éléments du débat, les tables vendues par la société TRENTE ET UN doivent être considérées comme pouvant être attribuées à Emilio F..., à tout le moins à défaut de preuve contraire. Constater que le préjudice n'est démontré ni dans son quantum, ni dans son principe et qu'il ne peut en aucun cas résulter du préjudice moral inhérent au droit d'auteur. débouter M. François X... de sa demande de destruction des objets litigieux sur le fondement de la loi du 9 février 1895.

A titre subsidiaire, Réduire à de plus justes proportions la demande de dommages et intérêts au titre du préjudice subi par les demandeurs. Débouter la société TRENTE ET UN de son appel en garantie à l'encontre de la société d'Art Y.... Prononcer la condamnation conjointe de la société TRENTE ET UN avec la société d'Art Y.... Débouter la société TRENTE ET UN de sa demande de nullité de la vente pour erreur du fait de son caractère inexcusable voire pour dol et par voie de conséquence de sa demande de restitution du prix des tables. A titre reconventionnel, Condamner tout succombant à payer à la société d'Art Y... la somme de 15. 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral et matériel subi. Ordonner l'exécution provisoire de la décision à intervenir. Condamner tout succombant à payer à la société d'Art Y... la somme de 10. 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens dont distraction au profit de Mo Delphine L..., avocat aux offres de droit.

Dans leurs conclusions en date du 27 février 2007, M. Eric C... et la SNC PHILIPPE-BRANCILHON ont demandé au tribunal de : Dire la société TRENTE ET UN, M. Jacques Casimir D... et la MMA irrecevables et en toute hypothèse mal fondés en toutes leurs demandes formées à leur encontre et les en débouter. Subsidiairement, Condamner la MMA à relever et garantir M. Eric C... de toutes condamnations en principal, intérêts, indemnités au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et dépens qui pourraient être prononcées contre lui et au profit de la société TRENTE ET UN, de M. Jacques Casimir D... ou de toute autre partie à l'instance. Condamner la MMA à payer à M. Eric C... et à la SNC PHILIPPE-BRANCILHON la somme de 10. 000 euros et 2. 000 Euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ; Condamner M. Jacques Casimir D... à payer à la SNC PHILIPPE-BRANCILHON la somme de 2. 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile. Ordonner l'exécution provisoire de la décision à intervenir. Condamner in solidum la société TRENTE ET UN, M. Jacques Casimir D... et la société MMA aux entiers dépens de l'instance qui comprendront les frais d'expertise et qui pourront être recouvrés par Mo Yvan BARTHOMEUF, avocat associé de la société d'avocats Bernard et Yvan BARTHOMEUF, par application des dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.

Dans ses conclusions récapitulatives en date du 28 novembre 2007, la société MUTUELLES DU MANS ASSURANCES IARD dénommée MMA a sollicité du tribunal de : dire l'appel en garantie de la société TRENTE ET UN à l'encontre de M. Eric C... irrecevable et mal fondé. En conséquence, Dire l'appel en garantie de M. Eric C... à l'encontre des MMA recevable mais dénué d'objet. Subsidiairement, Vu les termes de la police d'assurances et l'article 1694 du Code civil, Dire que la société MMA ne saurait être tenue à garantir et la mettre hors de cause. Débouter M. Eric C... de ses demandes dirigées à son encontre. A titre encore plus subsidiaire, Condamner la SNC PHILIPPE-BRANCILHON à garantir la société MMA de toute condamnation qui pourrait être prononcée à son encontre. Condamner tous succombants in solidum et plus particulièrement M. Eric C... et la SNC PHILIPPE-BRANCILHON à lui payer une somme de 4. 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux dépens dont distraction au profit de Mo Philippe BOCQUILLON, avocat aux offres de droit.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 20 février 2008.
MOTIFS DE LA DÉCISION :
- sur la recevabilité des demandes de M. François X..., agissant en qualité d'administrateur de la succession de Emilio F....
*sur la prescription
La société TRENTE ET UN, galerie connue sous l'enseigne L'ARC EN CIEL et spécialisée dans les meubles et les objets art déco, a organisé du 16 septembre 1998 au 28 novembre 1998, une exposition consacrée à Emilio F....
M. François X..., agissant en qualité d'administrateur de la succession de Emilio F..., a engagé une action en contrefaçon fondée d'une part sur la reproduction, sans l'accord des ayant-droit de Emilio F..., du décor installé au Château de Clavary par l'auteur et, dans des conclusions ultérieures de février 2000, sur la contrefaçon de deux obélisques et de deux tables.
La société TRENTE ET UN prétend que M. François X... aurait eu connaissance bien avant l'exposition de l'existence des deux obélisques qui étaient détenues par M. Eric C... puis par M. Jacques Casimir D..., soit dès 1991 ; que le délai de 10 ans prévu à l'article L 331-1 du Code de la propriété intellectuelle, était donc écoulé au jour des demandes.
Il ressort des pièces versées au débat que M. François X... n'a eu connaissance des obélisques détenus par M. Jacques Casimir D... qu'à l'occasion d'une dégustation de vins organisée chez lui par ce dernier le 5 novembre 1997 ; que le délai de 10 ans invoqué n'est pas écoulé au jour de la signification des conclusions en février 2000.
Il n'est pas rapporté la preuve que M. François X... ait reçu les catalogues que M. Eric C... prétend lui avoir adressés en 1991.
Enfin, il convient de rappeler que M. François X..., agissant en qualité d'administrateur de la succession de Emilio F..., agit en réparation de l'atteinte au droit moral de Emilio F.... dont il est l'ayant-droit ; que ce droit est imprescriptible et peut être mis en action à tout moment ; que seule la réparation peut être limitée dans le temps.
En conséquence, la fin de non recevoir du fait de la prescription est mal fondée et sera rejetée.
*sur l'article L 335-2 du Code de la propriété intellectuelle
La société TRENTE ET UN invoque la loi de 1895 qui n'a pas vocation à s'appliquer, seul l'article L 335-2 du Code de la propriété intellectuelle étant applicable à l'espèce.
Dans son jugement du 25 octobre 2000, le tribunal a déjà rappelé à la société TRENTE ET UN que la bonne foi était inopposable en matière de contrefaçon ; elle l'est d'autant moins que la société TRENTE ET UN est une professionnelle de l'art et de surcroît de l'art mobilier de cette période.
Cette fin de non recevoir sera également rejetée.
*sur le fait que Emilio F... ne serait que l'auteur intellectuel des oeuvres litigieuses.
La société TRENTE ET UN soutient au visa de l'arrêt de la cour de Cassation du 15 novembre 2005 que Emilio F... ne peut être considéré que comme l'auteur intellectuel des oeuvres litigieuses, qu'il n'a fait que les dessiner car il était incapable de les réaliser.
La décision de la Cour de Cassation a été rendue au visa de l'article 3 du décret du 3 mars 1981 dans une espèce relative à la vente aux enchères d'un tableau qui n'avait pas été peint par l'artiste et pour lequel le commissaire priseur n'avait pas pris la peine de mentionner une réserve expresse sur l'authenticité.
Il a donc été statué non pas sur la qualité d'auteur, mais sur l'authenticité d'une oeuvre attribuée à un auteur et sur les réserves qu'il convient qu'un professionnel de la vente d'oeuvres d'art fasse quand il existe un doute sur ladite authenticité.
Pour ce qui est des oeuvres telles que la sculpture ou les meubles, l'auteur est celui qui est à l'origine de leur création c'est-à-dire celui qui les conçoit, les dessine et choisit le matériau de réalisation ; en effet, il est fréquent que le sculpteur ou le designer ne soit pas capable de réaliser lui-même l'oeuvre dans le matériau choisi et ait besoin de l'assistance d'un technicien qui réalise l'oeuvre sous son contrôle et son impulsion.
En tout état de cause, la société TRENTE ET UN est mal fondée à contester la recevabilité de M. François X..., agissant en qualité d'administrateur de la succession de Emilio F..., à agir en défense des oeuvres de Emilio F..., alors qu'elle a elle-même écrit dans son catalogue que les obélisques et les piétements de table étaient les oeuvres de Emilio F... et qu'elle a tenté de les vendre comme telles.
La société TRENTE ET UN sera déboutée de sa fin de non recevoir.
- sur le rapport d'expertise.
La société TRENTE ET UN et les autres défendeurs contestent la validité du rapport d'expertise de MM K... et I... J... au motif que ces derniers manquaient d'honnêteté intellectuelle, ne seraient pas des spécialistes de cette période et auraient utilisé des documents fournis non contradictoirement par M. François X....
Les parties ont attendu le dépôt du rapport et la signification de leurs conclusions pour contester la compétence des experts et se plaindre de leur méthode sans jamais saisir le juge chargé de l'expertise de ces questions au moment où celles-ci pouvaient utilement être résolues, ce qui démontre le caractère dilatoire des contestations élevées dans le seul but de gagner du temps ou d'obtenir une nouvelle expertise alors que le procès n'a que trop duré.
Ainsi, faute d'avoir contesté la compétence des experts en temps utile et la méthode suivie qui a été acceptée par les parties lors des opérations d'expertise, ces contestations sont sans objet d'autant que les recherches effectuées par MM. I... J... et K... démontrent au contraire le sérieux de leur travail.
Il convient de rappeler que les deux experts désignés sont pour M. I... J..., expert en tableaux et sculptures du 20o siècle, et pour M. K... expert en meubles anciens, tapis, tapisseries, objets d'art et qu'ils ont fait suite à Mme N..., experte en dessins sculptures et tableaux du 20o siècle ; que leur spécialité les désignaient pour remplir la mission que le tribunal entendait leur confier.
Le fait enfin qu'ils aient consulté tous les carnets de Emilio F... détenus par M. François X..., (soit 45 agendas et 16. 000 pages) sans les soumettre tous aux parties mais en retenant les agendas pertinents, ne peut priver à lui seul les opérations d'expertise de leur caractère impartial ; en effet, les parties avaient accepté ce principe et avaient délégué aux experts le travail de recherches.

Ils ont de plus complété leur recherche en allant voir des oeuvres de Emilio F... chez des particuliers ou chez Christie's.

Les allégations sur la probité des experts qui ne sont sous-tendues par aucun élément dans le cadre de cette expertise sont inopérantes car totalement hors débat, étant précisé qu'un des experts, M. K..., a dû porter plainte le 23 juin 2005, pour outrage à personne chargée d'une mission de service public contre deux personnes demeurant à la société TRENTE ET UN qui ont craché sur sa plaque
En conséquence, la demande tendant à écarter le rapport d'expertise de MM I... J... et K... sera rejetée et le tribunal statuera notamment au regard des rapports de Mme N... et de MM I... J... et K....
Enfin, M. Jean Y..., la société d'Art Y... et M. Jacques Casimir D... soutiennent que l'expertise leur est inopposable faute d'avoir participé aux opérations d'expertise en tant que partie.
En tout état de cause, l'expertise de MM I... J... et K... de même que celle de Mme N... sont des pièces du débat ; elles ont été produites au débat et régulièrement communiquées aux défendeurs qui ont pu y répondre.
En conséquence, le caractère inopposable de l'expertise est sans objet puisque du fait de la production de cette pièce, les défendeurs ont pu organiser leur défense.
- sur la contrefaçon.
*des deux obélisques.
Mme N... a contesté la paternité de Emilio F... sur ces deux obélisques au motif qu'il y manquait l'élan des dessins habituels de Emilio F..., que l'échantillonnage de couleurs et de formes différentes que présentent les oeuvres litigieuses leur retire toute rigueur et ne se retrouve dans aucun des obélisques dessinés par l'auteur, que l'élément végétal du haut de l'obélisque ajoute à cette disgrâce de par la mollesse des feuilles qui retombent alors que tous les exemples en référence tendent au contraire à donner une dynamique au monument, que l'attache de ce végétal dont nul ressaut en vient affiner la tige est contraire au style de Emilio F..., que la base des obélisques est trop étroite, que les tortues sont en bronze non doré ce qui n'est jamais apparu chez Emilio F....
Elle a ajouté que le manque de provenance établi (puisqu'aucun dessin de création de ces obélisques n'a jamais été retrouvé) conforte sa position.
Les deux experts MM I... J... et K... ont repris les mêmes observations en les étayant des comparaisons effectuées avec les obélisques de M. O... et ceux de la société Christie's, avec les agendas de l'artiste et les publications relatives à l'oeuvre de l'artiste.
Ils ont indiqué que la profusion d'effets décoratifs des obélisques litigieux est loin des réalisations de Emilio F..., et ne reflète pas son raffinement et sa sobriété habituelle.
Ils ont noté que les tortues ne sont pas ne bronze doré.
Les attestations de M. P... ne sont pas celles d'un expert puisque ce dernier qui n'est inscrit sur aucune liste d'experts, connaît certes l'oeuvre de Emilio F... mais est également une relation de la société TRENTE ET UN. Elles seront donc appréciées avec la circonspection nécessaire.
Il se contente d'ailleurs d'affirmer que les oeuvres sont de Emilio F... en indiquant qu'il n'existe pas de preuve contraire à leur authenticité.
Le problème réside justement dans le fait que ces oeuvres ne sont pas signées, n'apparaissent sur aucun dessin répertorié de l'artiste ni dans aucun inventaire ; que leur authenticité ne réside que dans l'affirmation de marchands certes spécialisés mais qui ont intérêt à ce que les oeuvres soient déclarées comme étant de Emilio F....
Or, faute de preuve sérieuse de leur création par Emilio F... ressortant de dessins, notes ou publications et faute de traçabilité des oeuvres dans leur parcours d'un individu à l'autre, il parait nécessaire au contraire de s'assurer de la paternité des oeuvres par la mise en avant d'éléments précis et indiscutables.
A défaut, l'oeuvre ne peut être déclarée comme étant de l'auteur comme l'a rappelé la Cour de Cassation dans sa décision du 15 novembre 2005 d'ailleurs citée par les défendeurs.
Le fait que la société TRENTE ET UN indique que M. Jean Y... a déclaré que Emilio F... avait créé des choses plus communes et moins bien réalisée notamment du mobilier de jardin est inopérant quant à l'appréciation de l'authenticité des obélisques qui sont eux des objets auxquels l'artiste a toujours porté le plus grand soin et la plus grande rigueur.
En conséquence, les deux obélisques litigieux ne sont pas des oeuvres de Emilio F... et leur détention et offre à la vente sous son nom lors l'exposition de septembre 1998 constituent une contrefaçon.
*des deux piétements de table.
Il convient de rappeler que seuls les piétements des deux tables sont déclarés comme étant de Emilio F... et que les plateaux sont de facture récente.
Mme N... précise que la fabrication a été faite de façon fort médiocre et que la restauration n'a eu que pour but de se rapprocher des oeuvres originales de Emilio F... ; que pourtant le manque de raffinement de ces deux pieds de table est en contradiction totale avec le travail de Emilio F... même pour des meubles plus sobres ; elle ajoute que Emilio F... ne créait pas de fausse paire, qu'aucun exemple n'est donné dans son oeuvre et que les deux pieds de table sont illogiques car inversés, ils sont trop lourds et sans rapport avec les dessins de table déjà dessinés par l'artiste. Elle s'étonne de la date fantaisiste de la création des tables et du manque de traçabilité des deux meubles dont l'authenticité ne repose que sur des affirmations orales des vendeurs sans source certaine.

MM I... J... et K... ont quant à eux relevé également les flagrantes anomalies visibles dans la technique, l'esthétique et le style qui interdit toute attribution à Emilio F....
Les attestations de M. P... et de M. Jean Y... ont pour seul objet de prétendre que Emilio F... a réalisé des oeuvres plus médiocres avec des flèches croisées ou des flèches pointées vers le bas et qu'il s'agit ici d'oeuvres plus faibles, sans imagination et sans originalité ;
Elles ne permettent d'attribuer sans contestation possible les deux piétements de tables à Emilio F....
L'attestation de Mme Q... établit qu'elle a vu une paire de tables de jardin dessinées par Emilio F... chez Hubert de Z... mais cette affirmation n'a pas pour effet d'identifier les piétements exposés et de retracer le parcours des tables de jardin de M. De Z....
En conséquence, là encore, faute de preuve sérieuse de leur création par Emilio F... ressortant de dessins, notes ou publications et faute de traçabilité des oeuvres dans leur parcours d'un individu à l'autre, il convient de dire que les piétements de table ne sont pas de Emilio F....
En offrant à la vente ces deux piétements de table sous le nom de Emilio F..., la société TRENTE ET UN a commis un acte de contrefaçon.
- sur les mesures réparatrices.
La détention et la mise sur le marché des deux obélisques et des deux piétements de table faussement attribués à Emilio F... par la société TRENTE ET UN, galerie spécialisée en meubles art déco sont des actes qui constituent une contrefaçon de l'oeuvre de Emilio F....
L'attribution fautive de ces objets dont au moins pour les obélisques la réalisation a été reconnue comme grossière, porte atteinte au droit moral de l'auteur et inévitablement à la cote des objets de Emilio Terry, les faux décrits par les défendeurs dont la société TRENTE ET UN qui les offrait à la vente comme des oeuvres de qualité médiocre, étant proposés à des sommes élevées (500. 000F pour les obélisques et 280. 000F pour les piétements de table).
En conséquence au regard de ces circonstances et de la durée exceptionnellement longue de la procédure, il sera alloué à M. François X..., agissant en qualité d'administrateur de la succession de Emilio F..., la somme de 50. 000 euros en réparation du préjudice moral subi par les ayants-droit de l'auteur.
S'agissant de dommages et intérêts, les intérêts courront à compter du jour de la décision, celle-ci étant rendue contradictoirement.
Il sera également ordonné la publication du présent jugement, une fois celui-ci devenu définitif, dans les termes du dispositif, afin de permettre une large information des professionnels et du public.
En revanche, il ne sera pas fait droit à la demande de destruction des objets, dans la mesure où ceux-ci ne sont pas identifiés comme étant de Emilio F....
- sur la nullité de la vente des obélisques et les appels en garantie formés contre M. Jacques Casimir D... et contre M. Eric C....
La société TRENTE ET UN forme une demande de garantie à l'encontre de M. Eric C... au motif que ce dernier a signé un certificat d'expertise des obélisques le 3 novembre 1992 lors de l'achat des obélisques par M. Jacques Casimir D... et à l'encontre de M. Jacques Casimir D... en raison de l'erreur sur la chose lors de l'achat des obélisques en juillet 1998.
M. Eric C... répond que la demande en garantie formée par la société TRENTE ET UN est prescrite sur le fondement de l'article L 110-4 du Code de commerce qui prévoit une prescription de dix ans pour les obligations nées à l'occasion de leur commerce entre commerçants ou entre commerçants et non commerçants, si elles ne sont pas soumises à des prescriptions spéciales plus courtes ; que la demande a été formée à son encontre dans des conclusions du 6 mai 2006 soit plus de dix ans après la délivrance du certificat d'expertise.
La société TRENTE ET UN fait valoir que seul l'article 2270-1 du Code civil est applicable et que le point de départ du délai est le jour où le dommage s'est manifesté et non le jour où la faute qui a entraîné le préjudice a été commise ; qu'elle n'a eu connaissance du fameux certificat que le 20 juillet 1998 quand elle a acquis les obélisques auprès de M. Jacques Casimir D....

Il convient de dire que s'agissant de contrefaçon, l'article 2270-1 du Code civil est applicable et que le point du départ du délai est le jour où le dommage s'est réalisé soit le jour où la société TRENTE ET UN a eu connaissance de la contestation de la paternité de Emilio F... par M. François X....

En conséquence, les demandes formées par la société TRENTE ET UN à l'encontre de M. Jacques Casimir D... et de M. Eric C... sont recevables.
Il convient de rappeler que la société TRENTE ET UN est elle-même spécialiste des meubles art déco et qu'à ce titre elle a organisé l'exposition consacrée à Emilio F..., que le certificat délivré le 3 novembre 1992 n'a pas déterminé son achat des obélisques puisqu'elle avait elle-même qualité pour les apprécier et qu'elle ne démontre aucune manoeuvre dolosive qu'aurait faite M. Jacques Casimir D... ou M. Eric C... pour l'inciter à acheter ces objets.
Elle prétend encore que le contrat de vente doit être annulé pour erreur sur la chose.
Le fait que ces obélisques sont une oeuvre de Emilio F... est certes une qualité substantielle de la chose objet du contrat puisque la société TRENTE ET UN a reconnu et affirmé elle-même que les objets sont par ailleurs assez grossiers, que sans l'attribution à Emilio F... ces objets sont de bien moindre valeur.
Cependant, comme il a déjà été dit plus haut, la société TRENTE ET UN était dotée d'une connaissance plus grande des objets art déco que son vendeur puisqu'elle est spécialiste de cette période et qu'elle ne peut arguer s'être méprise sur la chose. Elle a estimé en toute connaissance de cause que ces objets étaient de Emilio F... et a assumé son choix tout au long de la procédure ;
En conséquence tant son appel en garantie formé à l'encontre de M. Jacques Casimir D... et M. Eric C... que sa demande de nullité de la vente des obélisques sont mal fondés et seront rejetés.
- sur l'appel en garantie contre M. Jean Y....
La société TRENTE ET UN forme une demande à l'encontre de M. Jean Y... en sa qualité d'expert agréé près de l'Assemblée Plénière des sociétés d'assurances en matière d'oeuvre d'art et de consultant de la société Sotheby's au motif qu'il n'a jamais dévoilé l'origine de propriété des 6 oeuvres (2 obélisques en plâtre, deux consoles en plâtre, et les 2 tables litigieuses) qui lui ont été vendues et dont seule l'origine des tables a été contestée.
M. Jean Y... s'est bien revendiqué tout au long de l'expertise judiciaire à laquelle il a participé comme un connaisseur avisé de l'oeuvre de Emilio F... et donc comme au moins comme un spécialiste à défaut d'un expert ; la société d'art qu'il anime porte d'ailleurs son nom auquel seul est attaché la renommée.
Cependant, il n'est pas le vendeur des dites tables qui ont été proposées à la vente par la société d'art Y... et société TRENTE ET UN n'explique pas en quoi l'expertise de M. Jean Y... a été un facteur qui a déterminé son achat ou qui l'a incité à organiser l'exposition sur Emilio F....
En conséquence, il sera fait droit à la demande de mise hors de cause de M. Jean Y....
- sur la demande de nullité de la vente des deux piétements de table.
La société TRENTE ET UN prétend que le contrat de vente des deux piétements de table doit être annulé pour erreur sur la chose.
Le fait que ces deux tables sont une oeuvre de Emilio F... est certes une qualité substantielle de la chose objet du contrat puisque la société TRENTE ET UN a reconnu et affirmé elle-même que les objets dont nul ne connaît l'origine comme l'écrit la société défenderesse elle-même, sont par ailleurs assez grossiers, que sans l'attribution à Emilio F... ces objets sont de bien moindre valeur.
Cependant, comme il a déjà été dit plus haut, la société TRENTE ET UN était dotée d'une connaissance aussi grande des objets art déco que son vendeur puisqu'elle est spécialiste de cette période, qu'elle a choisi seule d'organiser une exposition consacrée à Emilio F... et qu'elle ne peut arguer s'être méprise sur la chose. Elle a estimé en toute connaissance de cause que ces objets étaient de Emilio F... et a assumé son choix tout au long de la procédure.
En conséquence la demande de nullité de la vente des piétements de table formée à l'encontre de la société d'art Y... est mal fondée et sera rejetée.
- sur les demandes reconventionnelles.
La demande de dommages et intérêts formée par la société TRENTE ET UN à l'encontre de M. François X... est sans objet du fait de la teneur même de la présente décision.
L'appel en garantie formée par M. Jacques Casimir D... à l'encontre de M. Eric C... et de la SNC C... ET A... est sans objet de même que celui de M. Eric C... et de la SNC C... ET A... à l'encontre de la société MMA.
La société d'art Y... et M. Jean Y... ne démontrent pas subir un préjudice autre que celui généré par les frais exposés dans la présente instance, ils seront déboutés de leur demande de dommages et intérêts.
M. Jacques Casimir D... forme une demande de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait de l'allégation de dol formée à son encontre par la société TRENTE ET UN, dans des termes qu'il estime diffamatoires.
Or, M. Jacques Casimir D... ne reprend pas dans ses écritures les propos tenus par la société TRENTE ET UN qui seraient diffamatoires si bien que le tribunal est dans l'incapacité de qualifier ces propos ; de la même façon, les délais de prescription de la diffamation n'ont pas été respectés.
En conséquence, la demande de dommages et intérêts pour propos diffamatoires formée par M. Jacques Casimir D... est irrecevable et mal fondée.
- sur les autres demandes.
L'exécution provisoire est compatible avec la nature de l'affaire, elle sera ordonnée sauf pour la mesure de publication judiciaire.
Les conditions sont remplies pour allouer la somme de 20. 000 euros à M. François X..., agissant en qualité d'administrateur de la succession de Emilio F..., sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.
Les conditions sont remplies pour allouer à la société d'art Y..., à M. Jean Y..., à M. Jacques Casimir D..., à M. Eric C... et à la SNC PHILIPPE-BRANCILHON la somme de 3. 000 euros chacun à la charge de la société TRENTE ET UN sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.
M. Eric C... et la SNC C... ET A... seront condamnés à payer la somme de 1. 500 euros à la société MMA sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS,
Le Tribunal, statuant par remise au greffe et par jugement contradictoire et en premier ressort ;
- Déclare recevables les demandes de M. François X..., agissant en qualité d'administrateur de la succession de Emilio F....
- Dit que l'expertise réalisée par MM I... J... et K... est une pièce régulièrement mise au débat par la société TRENTE ET UN et en tant que telle opposable aux défendeurs.
- Dit que les deux obélisques et les deux piétements de table exposés et offerts à la vente par la société TRENTE ET UN anciennement dénommée SOCIETE AU 47, lors de l'exposition organisée en septembre 1998 dans sa galerie L'ARC EN CIEL constituent une contrefaçon de l'oeuvre de Emilio F....
En conséquence,
- Condamne la société TRENTE ET UN à payer à M. François X..., agissant en qualité d'administrateur de la succession de Emilio F..., la somme globale de 50. 000 euros en réparation du préjudice lié à la contrefaçon de l'oeuvre de Emilio F... et la somme de 20. 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.
Ordonne la publication judiciaire de l'extrait suivant du jugement "- Dit que les deux obélisques et les deux piétements de table mis sur le marché en septembre 1998 par la société TRENTE ET UN exerçant à l'enseigne L'ARC EN CIEL constitue une contrefaçon de l'oeuvre de Emilio F.... " dans 3 journaux ou périodiques au choix du demandeur et aux frais de la société TRENTE ET UN, le coût de chaque insertion étant fixé à la somme de 4. 000 euros HT, une fois le jugement devenu définitif.

- Déboute M. François X..., agissant en qualité d'administrateur de la succession de Emilio F..., de sa demande de destruction des objets litigieux.
- Met hors de cause M. Jean Y....
- Déboute la société TRENTE ET UN de sa demande d'appel en garantie formée à l'encontre de la société d'Art Y..., de M. Jacques Casimir D..., de M. Eric C... et de la SNC PHILIPPE-BRANCILHON.
- Déboute la société TRENTE ET UN de sa demande de nullité de la vente des deux obélisques formée à l'encontre de M. Jacques Casimir D... et des deux piétements de tables formée à l'encontre de la société d'Art Y....
- Dit sans objet l'appel en garantie de M. Jacques Casimir D... à l'encontre de M. Eric C... et de la SNC PHILIPPE-BRANCILHON.
- Dit sans objet l'appel en garantie de M. Eric C... et de la SNC PHILIPPE-BRANCILHON à l'encontre de la société MMA.
- Déboute la société d'Art Y... et M. Jean Y... de leurs demandes de dommages et intérêts.
- Déclare irrecevable et mal fondée la demande de dommages et intérêts pour propos diffamatoires formée par M. Jacques Casimir D... à l'encontre de la société TRENTE ET UN.
- Condamne la société TRENTE ET UN à payer à la société d'Art Y..., M. Jean Y..., M. Jacques Casimir D..., M. Eric C..., la SNC PHILIPPE-BRANCILHON la somme de 3. 000 euros chacun sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.
- Condamne in solidum M. Eric C... et la SNC PHILIPPE-BRANCILHON à payer à la société MMA la somme de 1. 500 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.
- Déboute les parties du surplus de leurs demandes.
- Ordonne l'exécution provisoire de la présente décision, sauf en ce qui concerne la mesure de publication.
- Condamne la société TRENTE ET UN aux dépens qui comprendront les frais d'expertise de Mme N... d'une part et de MM I... J... et K... d'autre part et qui pourront être recouvrés directement par les avocats qui en font fait la demande conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.

Fait et jugé à PARIS, le HUIT JUILLET DEUX MIL HUIT. /.

LE GREFFIERLE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Tribunal de grande instance de Paris
Formation : Chambre civile 3
Numéro d'arrêt : 99/04901
Date de la décision : 08/07/2008
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.grande.instance.paris;arret;2008-07-08;99.04901 ?
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