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01/07/2008 | FRANCE | N°07/04824

France | France, Tribunal de grande instance de Paris, Chambre civile 3, 01 juillet 2008, 07/04824


T R I B U N A L

D E GRANDE

I N S T A N C E

D E P A R I S

3ème chambre 1ère section

No RG : 07/04824

No MINUTE :

JUGEMENT

rendu le 01 Juillet 2008

DEMANDERESSE

S.A.S. ETABLISSEMENTS DARTY ET FILS

129 avenue Galliéni

93140 BONDY

représentée par Me Marc SABATIER, avocat au barreau de PARIS, vestiaire D.1840

DÉFENDEURS

S.A. ZLIO anciennement dénommée S.A. CENTRAL CAST

55 rue Servan

75011 PARIS

Monsieur Jérémie X...

16/18 avenue du Général de Gaulle


94160 SAINT MANDE

représentés par Me Jean Philippe HUGOT - HUGOT AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, vestiaire C.2501

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Marie-Christine COURBOULAY, V...

T R I B U N A L

D E GRANDE

I N S T A N C E

D E P A R I S

3ème chambre 1ère section

No RG : 07/04824

No MINUTE :

JUGEMENT

rendu le 01 Juillet 2008

DEMANDERESSE

S.A.S. ETABLISSEMENTS DARTY ET FILS

129 avenue Galliéni

93140 BONDY

représentée par Me Marc SABATIER, avocat au barreau de PARIS, vestiaire D.1840

DÉFENDEURS

S.A. ZLIO anciennement dénommée S.A. CENTRAL CAST

55 rue Servan

75011 PARIS

Monsieur Jérémie X...

16/18 avenue du Général de Gaulle

94160 SAINT MANDE

représentés par Me Jean Philippe HUGOT - HUGOT AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, vestiaire C.2501

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Marie-Christine COURBOULAY, Vice Présidente

Guillaume MEUNIER, Juge

Sylvie LEFAIX, Juge placée, déléguée au Tribunal de Grande Instance de Paris en vertu d'une ordonnance du 1er président de la Cour d'Appel de Paris en date du 31 mars 2008, et déléguée à la 3e chambre en vertu d'une ordonnance du président du Tribunal de Grande Instance de Paris en date du 31 mars 2008,

assistés de Léoncia BELLON, Greffier

DÉBATS

A l'audience du 03 Juin 2008 tenue publiquement devant Marie-Christine COURBOULAY et Sylvie LEFAIX , juges rapporteurs, qui, sans opposition des avocats, ont tenu seules l'audience, et, après avoir entendu les conseils des parties, en ont rendu compte au Tribunal, conformément aux dispositions de l'article 786 du Code de Procédure Civile.

JUGEMENT

Prononcé par remise au greffe

Contradictoire

en premier ressort

FAITS ET PROCÉDURE

La société ETABLISSEMENTS DARTY et FILS dénommée a débuté son exploitation en 1947 et a été immatriculée le 15 novembre 1954.

Elle dispose de nombreux magasins (plus de 213) situés dans la France entière dans lesquels sont vendus des appareils électroménagers, des caméras, des produits informatiques, téléphoniques des appareils hi-fi, etc... ; d'un site internet accessible aux adresses www.darty.fr et www.darty.com , d'une marque communautaire "DARTY" no 3 196 888 déposée le 26 mai 2003 enregistrée le 11 mai 2005 et visant les produits suivants : produits électroménagers, appareils photographiques, imprimantes, téléphones, caméras, services de télécommunications, rregroupement pour le compte de tiers de produits audiovisuels, promotion de sélection ; de conseils à l'achat dans les domaines de l'horlogerie, la bureautique, l'électroménager, promotion de sélection de conseils à l'achat dans le domaine de la téléphonie, de la télématique, l'électroménager.

Elle est connue sous la dénomination et l'enseigne DARTY depuis plus de cinquante ans et réalise de forts investissements publicitaires dans la presse écrite, à la radio et à la télévision (budget 21,5 millions d'euros).

S'étant aperçue qu'un site internet était exploité à l'adresse darti.zlio.com, elle a fait dresser procès-verbal de constat par huissier le 16 mars 2007, puis un second constat le 20 mars 2007 desquels il ressort que le site ZLIO est géré par la société CENTRAL CAST et que des appareils électroménagers, des téléviseurs, des appareils téléphoniques, hi-fi, vidéo et informatiques sont proposés à la vente.

La société ZLIO anciennement dénommée CENTRAL CAST a été créée en 1997 par M. Jérémie X... qui est titulaire du site www.zlio.com. Ce site offre la possibilité aux internautes de créer leur propre boutique virtuelle ou "zlioshop" en choisissant dans un catalogue de produits de sites marchands partenaires les produits qu'ils souhaitent mettre en vente dans leur boutique.

La société ZLIO permet aux abonnés membres de créer un espace sur internet à une adresse dédiée sous forme de boutique en ligne sur lesquels les internautes référencent les produits de leur choix parmi un réseau de boutiques en ligne ; elle revendique 248.533 membres en mai 2008.

Chaque membre dispose d'une adresse propre qu'il choisit pour nommer sa boutique ; il choisit l'habillage qu'il souhaite parmi un panel qui lui est proposé lors de son inscription et qui peut être modifié par la suite.

Le 22 mars 2007, une saisie-contrefaçon était réalisée dans les locaux de la société CENTRAL CAST.

Le 25 mars 2007, M. Jérémie X... a adressé un mail à la société DARTY lui indiquant que la boutique DARTI n'existait plus et que les termes DARTI et DARTY avaient été interdits d'utilisation.

Le 26 mars 2007, un nouveau procès-verbal de constat démontrait qu'une boutique DARTY EN LIGNE était accessible sur le site ZLIO.

Les 27 et 30 mars 3007, l'huissier a renouvelé ses constatations, de même que les 5 et 6 avril 2007.

Par acte en date du 4 avril 2007, la société DARTY a fait assigner La société ZLIO et M. Jérémie X... pour en contrefaçon de sa marque, pour atteinte à sa dénomination sociale, à son enseigne, et à ses noms de domaine, en concurrence déloyale et pour voir prononcer les mesures d'interdiction et de confiscation aux fins de destruction d'usage, des mesures de publication judiciaire et une condamnation solidaire de la société ZLIO et de M. Jérémie X... à lui payer la somme de 150.000 euros en réparation de l'atteinte à sa marque, la somme de 150.000 euros en réparation de l'atteinte à sa dénomination sociale, son enseigne, et ses noms de domaine, la somme de 150.000 euros en réparation du préjudice subi du fait des actes de concurrence déloyale.

Dans ses dernières conclusions en date du 20 mai 2008, la société DARTY a fait valoir que la mise en cause de M. Jérémie X... était justifiée par le fait qu'il est le seul titulaire du nom de domaine zlio.com, que la société ZLIO est éditeur et non hébergeur de ce site dont elle détermine le contenu, l'architecture et qu'elle contrôle, qu'en conséquence M. Jérémie X... et la société ZLIO sont responsables des atteintes commises sur ce site car ils doivent effectuer un contrôle préalable de tous les contenus qui s'y trouvent.

Elle a ajouté que les défendeurs ont refusé de communiquer le nom et l'adresse des internautes qui exploitaient les boutiques virtuelles à des adresses composées avec le terme DARTI ou DARTY ce qui laisse à penser que ces internautes n'existent pas et que la société ZLIO et M. Jérémie X... sont les seules titulaires de ces adresses.

Elle a rappelé que les produits vendus à ces adresses étaient les mêmes que ceux vendus par elle et sous sa marque et qu'en conséquence, il existait une atteinte à la marque par reproduction pour les sites DARTI et DARTY et par imitation pour le site DARTY EN LIGNE.

Elle a indiqué que les défendeurs avaient entendu se placer dans son sillage pour bénéficier sans bourse délier de ses investissements publicitaires et de la renommée qui en résulte.

La société DARTY a demandé au tribunal de :

Valider la saisie-contrefaçon pratiquée le 22 mars 2007 au siège de la société ZLIO conformément aux dispositions de l'article L 716-7 du Code de la propriété intellectuelle.

Dire que l'exploitation des dénominations DARTI et DARTY constitue une contrefaçon par reproduction ou à défaut par imitation de la marque communautaire DARTY no 3 196 888 au sens des dispositions L 713-1 et L 713-3 du Code de la propriété intellectuelle.

Dire que l'exploitation des dénominations DARTI.ZLIO et DARTY EN LIGNE constitue une contrefaçon par imitation de la marque communautaire DARTY no 3 196 888 au sens des dispositions L 713-1 et L 713-3 du Code de la propriété intellectuelle.

Dire que les dénominations DARTI, DARTY et DARTY EN LIGNE constituent une usurpation de la dénomination sociale, du nom commercial et de l'enseigne DARTY au sens de l'article 8 de la convention d'Union de Paris et de l'article 1382 du Code civil.

Dire que les dénominations DARTI, DARTY et DARTY EN LIGNE constituent une usurpation du nom de domaine darty.fr au sens de l'article 1382 du Code civil.

Dire que les agissements des défendeurs sont constitutifs de faits de concurrence déloyale et parasitaire au sens de l'article 1382 du Code civil.

Ordonner la cessation immédiate de tout usage des dénominations DARTI, DARTY et DARTY EN LIGNE aux frais solidaires des défendeurs et ce sous astreinte définitive et non comminatoire de 800 euros par jour de retard à compter de la signification du jugement à intervenir.

Interdire aux défendeurs de reproduire, de faire reproduire, de fabriquer et de faire fabriquer, d'offrir en vente et de faire offrir en vente, d'exposer et de faire exposer, de vendre et de faire vendre, d'exporter et de faire exporter, des articles sous les dénominations DARTI, DARTY et DARTY EN LIGNE, à quelque titre que ce soit et sous quelque forme que ce soit, et ce sous astreinte définitive et non comminatoire de 800 euros par jour de retard à compter de la signification du jugement à intervenir.

Ordonner la confiscation et la destruction des supports et produits portant les dénominations DARTI, DARTY et DARTY EN LIGNE sous contrôle d'un huissier de justice, choisi par la requérante aux frais solidaires des défendeurs et ce sous astreinte définitive et non comminatoire de 800 euros par jour de retard à compter de la signification du jugement à intervenir.

Se réserver la liquidation des astreintes.

Condamner les défendeurs à payer solidairement à la société DARTY la somme de 150.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de l'atteinte portée à la marque DARTY.

Condamner les défendeurs à payer solidairement à la société DARTY la somme de 150.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de l'atteinte portée à la dénomination sociale, au nom commercial, à l'enseigne et aux noms de domaine de la société DARTY.

Condamner les défendeurs à payer solidairement à la société DARTY la somme de 150.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation des faits de concurrence déloyale.

Ordonner la publication du jugement à intervenir dans dix journaux ou revues au choix de la société DARTY et aux frais solidaires de la société ZLIO et de M. Jérémie X... , dans la limite de 4.000 Euros HT par insertion,

Rejeter l'ensemble des demandes des défendeurs.

Ordonner la publication du jugement à intervenir durant un mois à compter de sa signification, sur la page d'accueil du site zlio.com aux frais solidaires des défendeurs et ce, à titre de supplément de dommages et intérêts.

Ordonner l'exécution provisoire de la décision à intervenir.

Condamner les défendeurs à payer solidairement à la société DARTY la somme de 10.000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

Condamner solidairement la société ZLIO et M. Jérémie X... aux dépens qui comprendront les frais des procès-verbaux de constat et qui pourront être recouvrés directement par Mo SABATIER, avocat, par application des dispositions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.

Par conclusions en date du 30 mai 2008, la société ZLIO et M. Jérémie X... ont soutenu que M. Jérémie X... devait être mis hors de cause car il met le nom de domaine dont il est titulaire à la disposition de sa société et qu'il n'est titulaire qu'en sa qualité de président de la société ZLIO.

Ils ont prétendu que le site ZLIO n'était que l'hébergeur des internautes auxquels ils offraient la possibilité de créer une boutique virtuelle, que l'abonnement était gratuit, que la société ZLIO négociait des partenariats avec de grandes marques qui mettaient à la disposition des internautes les produits qu'elles distribuaient, les argumentaires de vente et la possibilité d'utiliser leur marque, que les internautes choisissaient eux-mêmes le nom de leur boutique et donc de leur adresse internet au sein de la société ZLIO ; que celle-ci n'avait donc aucune obligation de surveillance générale des contenus de son site et qu'elle avait agi promptement à compter du moment où la société DARTY avait porté les faits à sa connaissance ; qu'elle ne peut donc être tenue d'une quelconque faute tant au regard de la marque que des noms de domaine que de la dénomination sociale.

Ils ont formé des demandes reconventionnelles estimant la procédure abusive car aucune mise en demeure n'avait été faite avant le procès-verbal de saisie-contrefaçon et avant la délivrance de l'assignation.

M. Jérémie X... et la société ZLIO ont sollicité du tribunal de :

dire la société DARTY infondée en toutes ses demandes.

Constater l'absence de contrefaçon.

Constater l'absence de concurrence déloyale et parasitaire.

Constater que la société DARTY a détourné la présente procédure.

Constater que la société DARTY par son comportement a causé un préjudice dont elle demande réparation.

Par conséquent,

Rejeter les demandes de la société DARTY concernant la contrefaçon de marque.

Rejeter les demandes de la société DARTY concernant l'usurpation de sa dénomination sociale, de son nom commercial et de ses noms de domaine.

Rejeter les demandes de la société DARTY concernant les agissements déloyaux et parasitaires.

Rejeter l'ensemble des demandes de la société DARTY.

Condamner la société DARTY à payer à M. Jérémie X... la somme de 15.000 euros et à la société ZLIO la somme de 30.000 euros au titre de l'article 32-1 du Code de procédure civile.

Ordonner l'exécution provisoire de la décision à intervenir.

Condamner la société DARTY à payer à M. Jérémie X... la somme de 5.000 euros t à la société ZLIO la somme de 10.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

Condamner la société DARTY aux entiers dépens.

La clôture a été prononcée à l'audience le 3 juin 2008.

MOTIFS

-sur la mise hors de cause de M. Jérémie X....

La fiche WHOIS du site zlio.com montre que le site est enregistré le 2 mai 2002 au nom de M. Jérémie X... qui s'est déclaré webmaster ; que la société ZLIO n'est indiquée que comme contact administratif, technique et payeur.

L'extrait K bis de la société ZLIO indique qu'elle a la forme d'une SA créée le 8 juillet 1997 et a plusieurs administrateurs ; que M. Jérémie X... en est le président du conseil d'administration et directeur général.

Aucun document n'est versé pour établir que M. Jérémie X... aurait cédé le nom de domaine à la société ZLIO ; que cette dernière exploite le nom de domaine de M. Jérémie X... avec son accord mais de façon informelle.

En conséquence, M. Jérémie X... doit être maintenu dans la cause en sa qualité de titulaire personnel du nom de domaine.

-sur la qualité d'éditeur de la société ZLIO.

La société DARTY a fait dresser différents procès-verbaux dont il ressort que le site ZLIO propose à des internautes de créer des boutiques virtuelles situées en son sein à des adresses dédiées qui sont construites à partir du préfixe "zlio".

Il est constant que l'activité du site ZLIO qui exploite le nom de domaine de M. Jérémie X..., participe du e-commerce et est régie par les dispositions de la LCEN

L'article 6-1-2o définit les hébergeurs comme étant des personnes qui "mettent à la disposition du public par les services de communication au public en ligne, le stockage de signaux d'écrits, d'images, de son ou de messages de toute nature fournis par des destinataires de ces services".

Les éditeurs sont définis comme étant "la personne qui détermine les contenus qui doivent être mises à la disposition du public sur le service qu'il a créé ou dont il a la charge."

L'article 6-3-1o de la LCEN vise le cas de personnes éditeurs à titre professionnels et non professionnels.

Il ressort des pièces versées au débat et des explications données par les parties que les internautes ont la possibilité de créer au sein du site ZLIO des boutiques virtuelles, qu'ils doivent emprunter l'habillage qu'ils souhaitent parmi un panel limité mis à leur disposition par le site.

Au regard des dispositions de la LCEN, ne constitue un choix éditorial que le choix des contenus des fichiers mis en ligne.

Le fait de structurer les fichiers mis à la disposition du public selon un classement choisi par le seul créateur du site et dans un graphisme défini par lui ne donne pas à ce dernier la qualité d'éditeur tant qu'il ne détermine pas les contenus des fichiers mis en ligne.

Le fait que l'architecture du site soit conçue et contrôlée par le titulaire du site, en l'espèce le fait que les boutiques aient un habillage choisi parmi ceux offerts par le site ZLIO n'implique pas sa qualité d'éditeur.

Les internautes peuvent ensuite vendre à l'adresse qu'ils créent au sein du site ZLIO, des produits qui se trouvent dans le catalogue que détient la société ZLIO (catalogue produit prédéfini édité par la société Central Cast dans le préambule des conditions générales) et seulement ceux-là.

Les produits sont fournis par les partenaires marchands de la société ZLIO qui les a négociés pour les internautes et qui a obtenu pour eux la possibilité d'utiliser les marques de ces partenaires ainsi que leur argumentaire de vente.

S'agissant d'une activité de e-commerce, celui qui définit le contenu des boutiques virtuelles est l'éditeur.

En l'espèce, les internautes n'opèrent qu'un choix extrêmement limité parmi l'éventail des 3.000.000 de produits proposés par le titulaire du site qui contrôle ainsi totalement le contenu des boutiques.

Ainsi, à la différence d'autres sites permettant à des internautes de vendre en ligne leurs propres produits aux conditions qu'ils fixent eux mêmes ou qui laissent une liberté totale à leurs abonnés de mettre en ligne les vidéos ou les images qu'ils souhaitent et non celles contenues dans une vidéothèque propre au site, la société ZLIO sélectionne l'ensemble des produits offerts à la vente aux adresses des boutiques virtuelles qui sont des exclusivités ZLIO.

Elle interdit la vente d'autres produits, elle peut retirer d'office du catalogue un produit disponible sur le catalogue, produit qui ne peut plus alors être référencé par l'internaute ; elle a inclus dans les conditions générales qu'elle a édictées, une clause permettant la résiliation sans faute de l'abonnement de l'internaute qui ne vend pas assez de produits pendant une période d'un mois ; elle touche directement les commissions versées par les partenaires marchands à l'occasion d'une vente effectuée à partir d'une "zlioshop" ou à partir des clics effectués par les visiteurs des boutiques vers les sites des partenaires marchands ; même si elle se définit comme simple dépositaire des sommes versées par les partenaires marchands aux abonnés, elle s'est autorisée, par une clause insérée dans les conditions générales, lors du versement à son nom des sommes dues aux internautes, à prélever la commission qu'elle s'alloue, soit d'après ses conclusions, 25 à 50% des commissions reversées par les partenaires marchands.

De l'analyse de tous ces éléments, il ressort que la société ZLIO ne fait pas que stocker des informations mises en ligne par des internautes dans leurs boutiques virtuelles mais qu'elle contrôle le contenu du site de chaque boutique.

La société ZLIO a en fait mis en place un réseau complètement fermé de vendeurs qui démarchent pour elle la clientèle et qui offre à cette dernière les seuls produits du catalogue ZLIO aux conditions fixées par ZLIO, au prix fixé par ZLIO ; les vendeurs ne percevant leur rétribution que comme une rétrocession de la commission principale versée à la société ZLIO.

Il s'agit en quelque sorte d'un système de vente par leasing en ligne par des personnes qui ne disposent d'aucune autonomie réelle et en tous les cas pas sur les produits et donc sur le contenu de la boutique qui est prédéfini par la société ZLIO.

Il importe peu que les contenus litigieux pour lesquels la société DARTY a engagé l'action ne soient pas constitués des produits du catalogue car à cette étape de l'analyse, n'est envisagée que la qualité d'éditeur ou d'hébergeur de la société ZLIO. Pour déterminer cette qualité, il convient de se rapporter au contenu diffusé sur le site et sur le site des adresses dédiées des internautes et au contrôle que la société qui offre des adresses dédiées aux internautes effectue sur le contenu des fichiers mis en ligne.

Il est inopérant que les conditions générales édictées par la société ZLIO fassent supporter la totalité de la responsabilité aux abonnés ; cette dernière ne peut s'exonérer de la responsabilité qui lui incombe en choisissant de se présenter comme un simple hébergeur alors qu'il apparaît à la suite de l'analyse du fonctionnement du site qu'elle agit comme maitre d'oeuvre du site et de la quasi totalité de son contenu ; elle a mis en place un système qui semble donner la possibilité aux internautes de créer une boutique alors que la seule option qui leur est offerte en réalité, est de drainer, via leurs adresses dédiées, une clientèle pour la société ZLIO.

Les abonnés ne sont que le réseau commercial de la société ZLIO qui a donné à son site une apparence de société d'hébergement.

Il convient d'ailleurs de constater que la société ZLIO qui prétend avoir demandé à ses abonnés de remplir une fiche mentionnant nom, prénom, adresse et numéro de téléphone, ne les a pas communiquées à la société DARTY quand elle a appris le caractère illicite des contenus ; elle a par ailleurs garanti à ses abonnés qu'elle ne céderait ou ne communiquerait pas à des tiers leurs données personnelles collectées sauf si elle en était contrainte par des dispositions légales ou par décision de justice.

En conséquence, la société ZLIO et M. Jérémie X... sont les maîtres d'oeuvre du site www.zlio.com, et du contenu qui y est offert à titre principal au sein de chaque adresse dédiée offerte aux abonnés, ont bien la qualité d'éditeur et l'obligation de surveiller a priori la licéïté de toutes les informations diffusées sur l'intégralité du site.

-sur l'atteinte à la marque.

Trois adresses dédiées sont incriminées :

*la boutique située à l'adresse URL www.darti.zlio.com, créée le xxxxdont le titulaire est Philippe B....

*la boutique située à l'adresse URL www.darty0382.zlio.com créée le 29 mars 2007 dont le titulaire est Richard C...

*la boutique dont l'enseigne est DARTY EN LIGNE créée le 27 juillet 2006 par mr.fikry.

Au sein des ces boutiques, du matériel équivalent à celui distribué par la société DARTY est proposé aux clients internautes.

La marque communautaire "DARTY" no 3 196 888 a été déposée le 26 mai 2003 et enregistrée le 11 mai 2005 pour les produits suivants : produits électroménagers, appareils photographiques, imprimantes, téléphones, caméras, services de télécommunications, regroupement pour le compte de tiers de produits audiovisuels, promotion de sélection,; de conseils à l'achat dans les domaines de l'horlogerie, la bureautique, l'électroménager, promotion de sélection de conseils à l'achat dans le domaine de la téléphonie, de la télématique, l'électroménager.

La société DARTY fonde toutes ses demandes en contrefaçon sur les dispositions du Code de la propriété intellectuelle et non sur celles du Règlement communautaire du 20 décembre 1993 de telle sorte que l'ensemble de ses demandes de contrefaçon de marque est mal fondé et qu'elle en sera déboutée.

-sur l'atteinte à la dénomination sociale, à l'enseigne et aux noms de domaine.

La société DARTY verse au débat le K bis de la société et la preuve de la titularité de ses noms de domaine.

La société demanderesse est connue de façon notoire depuis plus de cinquante ans sous cette dénomination sociale et exerce son activité sous cette enseigne depuis plus de soixante ans ; ses noms de domaine en ".fr" et ".com" sont également fort connus de sa clientèle puisqu'ils sont désormais son plus gros magasin de vente.

Le signe DARTY ou DARTI a été utilisé par les défendeurs pour vendre des produits similaires à ceux vendus par la société DARTY au sein de son système de distribution sous son enseigne.

En conséquence, l'utilisation des termes DARTY ou DARTI au sein des adresses dédiées et comme titre de la boutique en ligne constituent des atteintes fautives à la dénomination sociale, à l'enseigne et aux noms de domaine de la société DARTY.

-sur la concurrence déloyale et parasitaire

Au sein des boutiques virtuelles, des slogans ont été utilisés pour attirer le chaland tel que "DARTI cherche les prix pour vous".

La communication commerciale de la société DARTY est basée sur le fait qu'elle offre les prix les moins chers et ce depuis longtemps comme en attestent les pièces régulièrement mises au débat.

Ainsi, des actes de concurrence déloyale et parasitaire ont été commis sur les sites litigieux qui ont, par la diffusion de messages publicitaires rédigés dans le même style que celui utilisé par la société DARTY pour ses campagnes publicitaires, tenté de se mettre dans son sillage de sorte

à bénéficier des investissements faits par elle pour développer sa clientèle et se faire connaître ; les clients internautes ont pu croire que les sites litigieux étaient dérivés de la société DARTY ou étaient développés avec son consentement.

-sur les mesures réparatrices.

La société ZLIO indique qu'elle a retiré l'adresse url de la première boutique 3 jours après en avoir eu connaissance, à la suite d'une mise en demeure et les adresses et titres des boutiques 2 et 3, 2 jours après en avoir eu connaissance lors de la délivrance de l'assignation.

S'il est vrai que les atteintes sont constituées du seul fait de la parution des termes DARTY sur le site "zlio.com" dont la société ZLIO est l'éditeur, la rapidité de retrait est un élément dont il sera tenu compte dans l'appréciation des indemnisations.

La société DARTY ne démontre pas que l'atteinte à sa dénomination sociale, à son enseigne et à ses noms de domaine et les actes de concurrence déloyale ont duré plus de 21 jours.

Elle prétend que la société ZLIO n'établit pas qu'aucun site ne comporte plus le terme "darty" mais alors qu'elle a dressé de fréquents procès-verbaux de constat tant que duraient les atteintes, elle a cessé de les faire pratiquer à la date où la société ZLIO dit les avoir fait cesser.

La société ZLIO qui avait indiqué dans sa lettre postérieure à la mise en demeure adressée par la société DARTY, avoir fait en sorte d'interdire l'utilisation du terme DARTY ou DARTI , n'a en réalité pas empêché ses abonnés de réitérer un emploi fautif de ce terme comme l'ont démontré les procès-verbaux de constats postérieurs dressés à la requête de la société demanderesse.

De plus, la société ZLIO s'est contenté de transmettre les adresses mail de ses abonnés mais n'a pas communiqué les coordonnées qui permettraient de les joindre ; elle a versé au débat les courriers qu'elle leur a envoyés qui démontrent qu'elle les a autorisés à ouvrir une boutique virtuelle alors qu'ils n'avaient pas renseigné la fiche visée dans les conditions générales.

En ne respectant l'obligation légale de collecter les coordonnées des internautes qui ont choisi d'ouvrir une boutique en son sein, la société ZLIO a commis une faute supplémentaire.

Enfin, la société ZLIO indique que l'activité commerciale générée par les boutiques virtuelles s'élève à 1,2 millions d'euros par mois sans énoncer le montant des commissions qu'elle touche, seule sa part sur les commissions des internautes a été précisée.

Au vu de ces circonstances, la société ZLIO éditeur et M. Jérémie X... titulaire du nom de domaine, seront condamnés à payer solidairement à la société DARTY la somme de 5.000 euros en réparation de l'atteinte à la dénomination sociale, à l'enseigne et aux noms de domaine et la somme de 5.000 euros en réparation du préjudice subi du fait des actes de concurrence déloyale, sans qu'il soit nécessaire d'ordonner une mesure de publication judiciaire et de publication sur le site internet zlio.com à titre de réparation complémentaire.

Il sera ordonné aux défendeurs, en tant que de besoin, de cesser tout usage des dénominations DARTI, DARTY et DARTY EN LIGNE et ce sous astreinte provisoire de 150 euros par jour de retard, dans les termes que fixera le dispositif.

Il sera fait interdiction à la société ZLIO et à M. Jérémie X... de reproduire, de faire reproduire, de fabriquer et de faire fabriquer, d'offrir en vente et de faire offrir en vente, d'exposer et de faire exposer, de vendre et de faire vendre, d'exporter et de faire exporter, des articles sous les dénominations DARTI, DARTY et DARTY EN LIGNE, à quelque titre que ce soit et sous quelque forme que ce soit, et ce sous astreinte provisoire de 150 euros dans les termes que fixera le dispositif.

S'agissant du prononcé d'une première astreinte, celle-ci ne peut être que provisoire.

Le tribunal se réserve la liquidation de l'astreinte.

La demande de confiscation et de destruction formée par la société DARTY est sans objet s'agissant des supports et produits portant les dénominations DARTI, DARTY et DARTY EN LIGNE car ce sont des supports virtuels, la mesure ordonnant de cesser toute utilisation des signes étant suffisante.

-sur les autres demandes.

L'exécution provisoire est compatible avec la nature de l'affaire, elle est nécessaire et sera ordonnée.

Les conditions sont réunies pour condamner solidairement M. Jérémie X... et la société ZLIO à payer à la société DARTY la somme de 10.000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

Les demandeurs qui succombent supporteront solidairement les dépens de la présente instance.

PAR CES MOTIFS

Statuant par remise au greffe et par jugement contradictoire et en premier ressort,

Dit que la société ZLIO a la qualité d'éditeur du site www.zlio.com.

Dit que les adresses noms de boutique "darti.zlio.com", "darty0382.zlio.com" et DARTY EN LIGNE constituent des atteintes à la dénomination sociale, à l'enseigne et aux noms de domaine darty.fr et darty.com dont la société DARTY est titulaire.

Dit que la société ZLIO a commis des actes de concurrence déloyale à l'encontre de la société DARTY.

En conséquence

Condamne solidairement la société ZLIO et M. Jérémie X... à payer à la société DARTY la somme de 5.000 euros en réparation de l'atteinte à la dénomination sociale, à l'enseigne et aux noms de domaine et la somme de 5.000 euros en réparation du préjudice subi du fait des actes de concurrence déloyale et parasitaire.

Ordonne la cessation immédiate de tout usage des dénominations DARTI, DARTY et DARTY EN LIGNE aux frais solidaires des défendeurs et ce sous astreinte provisoire de 150 euros par jour de retard, ladite astreinte prenant effet passé le délai de 8 jours à compter de la signification du présent jugement.

Interdit aux défendeurs de reproduire, de faire reproduire, de fabriquer et de faire fabriquer, d'offrir en vente et de faire offrir en vente, d'exposer et de faire exposer, de vendre et de faire vendre, d'exporter et de faire exporter, des articles sous les dénominations DARTI, DARTY et DARTY EN LIGNE, à quelque titre que ce soit et sous quelque forme que ce soit, et ce sous astreinte provisoire de 150 euros par jour de retard ladite astreinte prenant effet passé le délai de 8 jours à compter de la signification du présent jugement.

Se réserve la liquidation des astreintes.

Déboute la société DARTY de sa demande de contrefaçon de la marque communautaire DARTY no 3 196 888, de sa demande de publication judiciaire et de publication sur le site internet zlio.com et de sa demande de confiscation et destruction des supports et produits portant les dénominations DARTI, DARTY et DARTY EN LIGNE.

Ordonne l'exécution provisoire de la présente décision.

Condamne solidairement la société ZLIO et M. Jérémie X... à payer à la société DARTY la somme de 10.000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

Déboute les parties du surplus de leurs demandes.

Condamne solidairement la société ZLIO et M. Jérémie X... aux dépens qui comprendront les frais des procès-verbaux de constat et qui pourront être recouvrés directement par Mo SABATIER, avocat, par application des dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.

FAIT ET RENDU A PARIS LE PREMIER JUILLET DEUX MIL HUIT./.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Tribunal de grande instance de Paris
Formation : Chambre civile 3
Numéro d'arrêt : 07/04824
Date de la décision : 01/07/2008
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.grande.instance.paris;arret;2008-07-01;07.04824 ?
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