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27/06/2008 | FRANCE | N°07/07482

France | France, Tribunal de grande instance de Paris, Chambre civile 3, 27 juin 2008, 07/07482


T R I B U N A L

D E GRANDE

I N S T A N C E

D E P A R I S

3ème chambre 2ème section

No RG :

07/07482

No MINUTE :

Assignation du :

21 Décembre 2005

JUGEMENT

rendu le 04 Juillet 2008

DEMANDEURS

Monsieur François X...

...

92210 ST CLOUD

Monsieur François Y...

...

91750 CHAMPCUEIL

représentés par Me Antoine GITTON, avocat au barreau de PARIS, vestiaire L96

DÉFENDERESSES

Société ELLIPSANIME

15, ...

75018 PARIS

Société

CITEL VIDEO

...

75018 PARIS

représentées par Me Jean-Michel CATALA, avocat au barreau de PARIS, vestiaire R183

Société STUDIO EXPAND

1 place du spectacle

92130 ISSY LES MOULINEAUX

représentée par ...

T R I B U N A L

D E GRANDE

I N S T A N C E

D E P A R I S

3ème chambre 2ème section

No RG :

07/07482

No MINUTE :

Assignation du :

21 Décembre 2005

JUGEMENT

rendu le 04 Juillet 2008

DEMANDEURS

Monsieur François X...

...

92210 ST CLOUD

Monsieur François Y...

...

91750 CHAMPCUEIL

représentés par Me Antoine GITTON, avocat au barreau de PARIS, vestiaire L96

DÉFENDERESSES

Société ELLIPSANIME

15, ...

75018 PARIS

Société CITEL VIDEO

...

75018 PARIS

représentées par Me Jean-Michel CATALA, avocat au barreau de PARIS, vestiaire R183

Société STUDIO EXPAND

1 place du spectacle

92130 ISSY LES MOULINEAUX

représentée par Me Marie-Hélène VIGNES, avocat au barreau de PARIS, vestiaire P.135

SACEM

...

92528 NEUILLY SUR SEINE

Société S.D.R.M.

...

92528 NEUILLY SUR SEINE

représentées par Me Jacques MARCHAND, avocat au barreau de PARIS, vestiaire C.1414

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Véronique RENARD, Vice-Président, signataire de la décision

Sophie CANAS, Juge

Guillaume MEUNIER, Juge

assistée de Marie-Aline PIGNOLET, Greffier, signataire de la décision

DEBATS

A l'audience du 23 Mai 2008

tenue en audience publique

JUGEMENT

Prononcé par remise de la décision au greffe

Contradictoire

en premier ressort

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

La société ELLIPSE PROGRAMME est une société de production audiovisuelle spécialisée dans les films d'animation.

Elle a notamment produit entre 1989 et 1991 et au cours de l'année 2000 deux séries d'animation intitulées BABAR, composées d'un total de 78 épisodes chacun d'une durée de 26 minutes et qui ne sont pas en cause dans le cadre de la présente procédure.

A l'issue de la diffusion de la première série d'animation sur France 3, ELLIPSE PROGRAMME a décidé de produire une série d'oeuvres audiovisuelles constituées de comptines, chacune d'une durée d'une minute, intitulée BONJOUR BABAR et destinée à une première exploitation télévisuelle.

Elle a confié, en sa qualité de producteur, l'écriture des paroles de 205 comptines à Monsieur François Y... par contrats de commande successifs des 11 mai 1994 relatif à 60 comptines, 13 décembre 1994 relatif à 5 comptines de Noël, 27 décembre 1994 relatif à 40 comptines, 27 juin 1995 relatif à 25 comptines, 31 juillet 1995 relatif à 25 comptines et 9 janvier 1996 relatif à 40 comptines.

Par plusieurs contrats du même jour, la société ELLIPSE PROGRAMME a confié la composition de la musique des 205 comptines à Monsieur François X....

La société ELLIPSE PROGRAMME a confié concomitamment à Monsieur Y... la réalisation audiovisuelle des comptines par contrats séparés en date du 11 mai 1994 relatif à 60 comptines, 13 décembre 1994 relatif à 5 comptines de Noël, 27 décembre 1994 relatif à 40 comptines, 30 juin 1995 relatif à 25 comptines, 31 juillet 1995 relatif à 25 comptines et 29 décembre 1995 relatif à 40 comptines.

Les comptines ont été diffusées en première exploitation télévisuelle dans le cadre d'un programme pour la jeunesse sur la chaîne FR 3 d'une durée d'une heure et demie environ, intitulé BONJOUR BABAR.

La société ELLIPSE PROGRAMME, en sa qualité d'éditeur musical, s'est en outre vue céder les droits d'édition musicale des paroles et musiques des comptines par les deux coauteurs, par contrats respectifs en date du 19 mai 1994 relatif à 60 comptines, 13 décembre 1994 relatif à 5 comptines de Noël, 27 décembre 1994 relatif à 40 comptines , 26 juin 1995 relatif à 25 comptines , 31 juillet 1995 relatif à 25 comptines et 9 janvier 1996 relatif à 40 comptines.

Elle a également produit d'autres programmes audiovisuels et confié par contrats de commande successifs à Monsieur Y... l'écriture des paroles, du générique de l'émission BONJOUR LES PETITS LOUPS, de comptines CHANSON D'ÉTÉ ET D'HIVER et de comptines LES PETITES COMPTINES.

La composition de la musique de ces oeuvres a été confiée à Monsieur François X....

ELLIPSE PROGRAMME, en sa qualité d'éditeur musical, s'est également vu céder par les deux coauteurs les droits d'édition musicale des paroles et musiques de ces oeuvres .

Monsieur François Y... a enfin procédé à la réalisation des oeuvres audiovisuelles.

A l'issue de différentes restructurations, la société ELLIPSE PROGRAMME est devenue la société STUDIO EXPAND et a conservé en qualité d'éditeur musical l'ensemble des droits et obligations provenant des contrats de cession et d'édition musicale.

En revanche, les droits et obligations résultant de la qualité de producteur audiovisuel des séries en cause ont été transférés à ELLIPSE ANIMATION (devenue après ELLIPSANIME), puis à ELLIPSANIME PRODUCTIONS, qui vient aux droits d'ELLIPSANIME.

Par un premier contrat de licence en date du 6 décembre 1999, les droits d'édition vidéographique de la série d'animation BABAR ont été concédés à la société CITEL qui a procédé à une première édition sous forme de VHS de la série d'animation.

Par un avenant à ce contrat en date du 25 octobre 2004, la société CITEL s'est également vue concéder les droits d'édition vidéographique des séries de comptines BONJOUR BABAR et LES COMPTINES DE NOËL .

La société CITEL a alors procédé à un " remastering" de l'ensemble de ces oeuvres audiovisuelles et a édité une collection de 38 DVD nommés LES AVENTURES DE BABAR , chaque DVD étant composé de 2 ou 3 épisodes des séries originales BABAR et de 4 comptines des séries BONJOUR BABAR ou LES COMPTINES DE NOËL.

Une collection similaire a également été exploitée sur les réseaux des kiosques à compter du 25 décembre 2004.

Invoquant en substance une absence d'édition graphique des oeuvres musicales, une absence d'autorisation et de rémunération de l'adaptation audiovisuelle à l'occasion de leur reproduction sur des supports vidéo des oeuvres musicales crées "en vue des séries télé", une édition fragmentée des comptines de BABAR sous forme de DVD sans leur autorisation, une absence de paiement de la rémunération conventionnelle du contrat d'édition, et qui serait également affectée de nullité, ainsi qu'une atteinte à leur droit moral d'auteurs, Monsieur François X... et Monsieur François Y..., demandeurs à l'instance, ont, selon actes d'huissier en date des 21 et 22 décembre 2005 fait assigner la société ELLIPSANIME Productions Audiovisuelles, la société d'Editions musicales STUDIO EXPAND, la SACEM, la SDRM et la société CITEL VIDEO devant le Tribunal au visa de l article L 132-17 du Code de la Propriété Intellectuelle aux fins de voir notamment dire et juger que l'ensemble des contrats d'édition les liant à la société STUDIO EXPAND sont résiliés au terme du délai imparti par la mise en demeure, soit au 7 décembre 2005, surseoir à statuer sur le quantum de leurs préjudices dans l'attente de la communication des comptes, obtenir une provision égale au montant moyen annuel des redevances perçues par la SACEM pour leur compte lors de l'exploitation télévisuelle des séries au cours des années 1994 à 1996, l'exécution provisoire de la décision à intervenir, ainsi qu'une indemnité de 20.000 euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

L'affaire a été radiée et retirée du rôle du Tribunal par ordonnance du juge de la mise en état en date 12 janvier 2007 avant d'être rétablie le 11 mai 2007 à la demande de Messieurs X... et Y....

Par dernières écritures signifiées le 26 février 2008, Messieurs X... et Y... demandent au Tribunal, au visa des contrats de cession et d'édition musicale et des articles L.131-4 L.132-11 à L.132-14, L.132-17 et L.215-1 alinéa 3 ainsi que L.331-1-3 du Code de la propriété intellectuelle, de :

- juger que l'éditeur ne justifie pas de la fabrication des oeuvres musicales selon les conditions, dans la forme et suivants les modes d'expression prévus aux contrats,

- juger que l'éditeur, ne justifie pas d'une exploitation permanente et suivie et d'une diffusion commerciale de l'ensemble de leurs oeuvres musicales conformes aux usages de l'édition musicale,

- juger que l'éditeur, n'a pas justifié annuellement de ses comptes auprès des auteurs,

- juger que l'éditeur n'a jamais fourni les justificatifs propres à établir l'exactitude de ses comptes,

- juger que l'ensemble des contrats d'édition et de cession du droit d'adaptation audiovisuelle les liant à STUDIO EXPAND sont résiliés au terme du délai imparti par la mise en demeure, soit le 7 décembre 2005,

- juger que les oeuvres connues sous le nom de BONJOUR BABAR 1, 2 et 3, BONJOUR LES PETITS LOUPS , LES COMPTINES DE NOËL, initialement conçues pour la télévision, sont des oeuvres musicales,

En conséquence,

- annuler la cession des vidéogrammes intervenue entre l'éditeur STUDIO EXPAND et le producteur ELLIPSANIME,

- constater que les adaptations des oeuvres musicales sous la forme d'une collection de DVD comme accessoires en bonus à des séquences audiovisuelles intitulées LES AVENTURES DE BABAR n'ont jamais été soumises à autorisation du compositeur et du parolier, en infraction aux dispositions de l'article IV des contrats de cession du droit d'adaptation audiovisuelle,

- juger que l'exploitation par l'éditeur STUDIO EXPAND, par le producteur ELLIPSANIME et par le diffuseur CITEL VIDEO, des adaptations audiovisuelles des oeuvres musicales BONJOUR BABAR 1, 2 et 3, BONJOUR LES PETITS LOUPS et LES COMPTINES DE NOËL constitue le délit de contrefaçon,

- juger que les clauses des contrats d'édition musicale et des contrats de réalisateur stipulant une rémunération assise sur les recettes nettes part producteur sont illégales,

- ordonner le paiement solidairement à la charge de l'éditeur STUDIO EXPAND, du producteur ELLIPSANIME et du diffuseur CITEL VIDEO, d'une indemnité égale à 250.000 euros,

- constater la violation de leur droit de paternité et au respect de leurs oeuvres musicales,

- condamner solidairement l'éditeur STUDIOEXPAND, le producteur ELLIPSANIME et le diffuseur CITEL VIDEO au paiement d'une indemnité de 150.000 euros en réparation des préjudices à ce titre,

- au titre des contrats de réalisateur, condamner le producteur ELLIPSANIME au paiement de la rémunération de 0.33 %, en deniers ou quittance, à François Y..., sur le fondement des recettes brutes d'exploitation d'ELLIPSANIME perçues depuis la première exploitation de chacune des séquences audiovisuelles,

- déclarer le jugement à intervenir commun et opposable à la SACEM et à la SDRM,

- ordonner l'exécution provisoire,

- condamner solidairement l'éditeur STUDIOEXPAND, le producteur ELLIPSANIME et le diffuseur CITEL VIDEO au paiement de la somme de 15.000 euros à chacun d'entre eux , ainsi qu'aux entiers dépens dont distraction au profit de leur conseil.

Par dernières écritures signifiées le 27 septembre 2007, la Société des Auteurs, Compositeurs et Editeurs de Musique, dite SACEM et la Société pour L'Administration du Droit de Reproduction Mécanique des Auteurs, Compositeurs et Editeurs, dite SDRM s'en rapportent à justice sur le point de savoir si les compositions musicales ont été spécialement réalisées pour les oeuvres en cause eu égard notamment aux contrats de commande communiqués aux débats et si dès lors, les autres auteurs de l'oeuvre de collaboration que constituent les oeuvres audiovisuelles dont s'agit doivent être appelés en cause ainsi que sur les demandes de constatation de la résiliation des contrats de cession et d'édition d'oeuvres musicales, les demandes formées au titre du droit moral par Messieurs X... et Y... et les demandes formées au titre des droits voisins par Monsieur X... qui sont relatives à des droits qu'elle ne gère pas ; elle entend voir, pour le surplus,

- dire et juger que la cession des droits d'exploitation vidéographique d'une oeuvre audiovisuelle par un producteur indépendamment des droits d'édition musicale ne constitue pas une cession séparée au sens de l'article L.215-1 alinéa 3 du Code de la Propriété Intellectuelle,

- faire injonction à Messieurs X... et Y... de verser aux débats les enregistrements des versions originales comportant les comptines "ludo-éducative" de la série "LES COMPTINES DE BABAR" ou "LES COMPTINES DE NOEL", ainsi que les 38 DVD qui comporteraient lesdites comptines reproduites sous forme de bonus,

- dire et juger en toute hypothèse que l'incorporation d'une oeuvre musicale dans une oeuvre audiovisuelle, la télédiffusion de celle-ci ou sa reproduction sur vidéogrammes, ne constituent pas, par principe et en elles-mêmes, des adaptations,

- dire et juger qu'en l'espèce, l'incorporation des comptines de Messieurs X... et Y... aux oeuvres audiovisuelles litigieuses, et leur télédiffusion et reproduction sur vidéogrammes ne constituent pas des adaptations,

- dire et juger qu'en conséquence, seuls sont en cause les droits de représentation et de reproduction mécanique des oeuvres, dont Messieurs X... et Y... ont fait apport à la SACEM,

- dire et juger qu'étant elle-même titulaire des droits, Messieurs X... et Y... n' ont nullement qualité et/ ou intérêt pour agir et former une demande au titre de l'exploitation de ces droits en ses lieu et place,

- débouter en conséquence Messieurs X... et Y... de toutes leurs demandes,

- condamner Messieurs X... et Y... en tous les dépens dont distraction au profit de son conseil.

Par dernières écritures signifiées le 26 mars 2008, la société STUDIO EXPAND demande au Tribunal, à titre principal et au visa des articles L 113-3 du Code de la Propriété intellectuelle et 1304 du Code Civil, de déclarer Messieurs François Y... et François X... irrecevables en toutes leurs demandes, faute de mise en cause des co-auteurs des oeuvres audiovisuelles litigieuses, et prescrits en toutes leurs demandes portant sur la nullité de l'assiette des rémunérations prévues par les contrats de cession et d'édition d'oeuvres musicales et les contrats de réalisateur, à titre subsidiaire de constater que les demandeurs ne satisfont pas aux dispositions de l'article 9 du Code de Procédure Civile et de les débouter de l'ensemble de leurs demandes, et en toute hypothèse de les condamner in solidum à lui payer la somme de 10.000 euros à titre de dommages intérêts pour procédure abusive ainsi que celle de 20.000 euros par application des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

Par dernières écritures signifiées le 27 mars 2008, la société ELLIPSANIME PRODUCTIONS et la société CITEL concluent à titre principal et au visa des articles L. 113-3 et L. 131-4 du Code de la Propriété Intellectuelle à l' irrecevabilité de toutes les demandes de Messieurs Y... et X..., et à titre subsidiaire au rejet de l'ensemble de leurs demandes formulées à leur encontre, la société CITEL entendant se voir donner acte de sa volonté de mentionner les noms et qualité de Messieurs X... et Y... sur les jaquettes des DVD dans l'éventualité d'une réimpression et la société ELLIPSANIME PRODUCTIONS de sa volonté de payer à Monsieur François Y... la somme de 187,80 euros ; elles sollicitent en tout état de cause, la condamnation solidaire de Messieurs X... et Y... à leur payer la somme de 10.000 euros en application de l'article 700 du Code de Procédure Civile ainsi qu'aux dépens.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 16 mai 2008.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Sur l'irrecevabilité des demandes de Messieurs X... et Y... pour défaut de mise en cause de l'ensemble des coauteurs

Attendu que les défendeurs concluent à l'irrecevabilité des demandes de Messieurs X... et Y... aux motifs que ces derniers n'auraient pas appelé en cause les co-auteurs des oeuvres audiovisuelle litigieuses ;

que Messieurs X... et Y... répliquent que les comptines en cause qui correspondent à une formule chantée ou parlée dont la dimension animée importe peu, sont des oeuvres musicales qui conservent leur autonomie face à l'oeuvre audiovisuelle finale, que la destination d'une oeuvre n'ayant pas vocation à en modifier la nature, il ne s'agit pas d'oeuvres audiovisuelles de sorte que les dispositions des articles L 113-7 et L 113-3 du Code de la Propriété Intellectuelle n'ont pas vocation à s'appliquer en l'espèce ;

Attendu qu'aux termes de l'article L 113-7 du Code de la Propriété Intellectuelle, ont la qualité d'auteur d'une oeuvre audiovisuelle la ou les personnes qui réalisent la création intellectuelle de cette oeuvre et sont présumés, sauf preuve contraire, co-auteurs d'une oeuvre audiovisuelle réalisée en collaboration (...) 4o l'auteur des compositions musicales avec ou sans paroles spécialement réalisées pour l'oeuvre ;

qu'en l'espèce, il résulte expressément des contrats de commande versés aux débats, que la société ELLIPSE, producteur d'une série de 60 comptines d'une durée d'une minute environ, intitulée provisoirement ou définitivement BONJOUR BABAR , a confié la composition et la réalisation de la musique originale de la série, en ce compris le générique, à Monsieur François X... et l'écriture des paroles en ce compris le générique, à Monsieur François Y... ;

que ledit contrat de commande du 11 mai 1994 conclu avec Monsieur X... stipule que "le présent contrat a pour objet de déterminer les conditions dans lesquelles ELLIPSE confie au Compositeur qui accepte, la composition de la partition originale des comptines de la Série ainsi que sa fixation sur support magnétique DA T prêt à mixer sur le support image" ;

que de même, le contrat de commande conclu également le 11 mai 1994 avec Monsieur Y... indique que "le présent contrat a pour objet de déterminer les conditions dans lesquelles ELLIPSE confie au Parolier qui accepte, l'écriture des comptines de la série."

Le parolier s'engage à céder (... ) le droit de reproduire les enregistrements des textes des comptines, associés aux images de la série en vue d'établir tous originaux, doubles et copies, sur tous supports, notamment pellicule film, bande vidéo ou tout autre inconnu à ce jour...

qu'il en résulte que Messieurs François X... et François Y... ont donc spécialement écrit et composé les textes et les musiques des comptines et qu'ils sont coauteurs des oeuvres audiovisuelles au sens des dispositions susvisées ;

qu'en effet il ne peut être valablement soutenu que les comptines litigieuses sont des oeuvres musicales qui ont ensuite été fixées sur vidéogrammes dès lors que les contrats sus-indiqués précisent dès l'origine le cadre de la commande puis de la réalisation de ces oeuvres audiovisuelles ; que les demandeurs ne peuvent pas plus tirer profit d'un courrier électronique de la SACEM en date du 11 septembre 2006 qui ne peut avoir qu'une portée générale ;

Attendu qu'aux termes de l'article L. 113-3 du Code de la Propriété Intellectuelle, l'oeuvre de collaboration est la propriété commune des auteurs. Les coauteurs doivent exercer leurs droits d'un commun accord ;

qu'il en résulte que Messieurs X... et Y... ne pouvaient valablement introduire la présente action sans mettre dans la cause l'ensemble des coauteurs de ces oeuvres ; qu'à défaut il y a lieu de déclarer irrecevables l'ensemble des demandes tendant à la défense de leurs droits patrimoniaux ;

Sur la violation du droit moral des auteurs

Attendu que Messieurs François X... et François Y... font valoir à ce titre que les comptines ont été incorporées dans la collection de DVD dans des conditions dénaturantes liées à un contexte accessoire aux séquences audiovisuelles et à une rupture de l'exploitation; qu'ils ajoutent qu'aucune mention de leur nom ne figure sur les jaquettes des DVD édités par la société CITEL ;

Attendu que le premier argument ne peut prospérer dès lors qu'il a été dit que les comptines en cause sont des oeuvres audiovisuelles réalisées à partir des images de la série BABAR ;

que par ailleurs les demandeurs font valoir que l'exploitation des comptines en série a été rompue alors que l'oeuvre musicale originaire a été conçu de façon linéaire dans un dessin pédagogique ; que toutefois en ne procédant dans leurs écritures à aucune démonstration de cette affirmation et en ne communiquant pas les éléments sur lesquels ils se fondent, notamment l'ensemble des DVD incriminés, Messieurs X... et Y... ne mettent pas le tribunal en mesure d'apprécier le grief de dénaturation qu'ils allèguent ;

Attendu que la société ELLIPSANIME PRODUCTIONS reconnaît que lors de la première édition, les jaquettes des DVD ne comportaient pas les noms de Messieurs X... et Y... ; que l'atteinte au droit à la paternité des auteurs est ainsi constituée, la défenderesse ne pouvant par ailleurs se retrancher derrière des usages, au demeurant non établis, pour s'opposer à toute indemnisation des demandeurs à ce titre ;

Attendu que les défenderesses indiquent sans être contestées que la première exploitation des comptines a porté sur 38 DVD ;

que dès lors le Tribunal trouve en la cause les éléments suffisants pour allouer à Messieurs X... et Y..., ensemble, la somme de 30.000 euros en réparation de leur préjudice moral ;

Attendu que la société EXPAND STUDIO, en sa qualité l'éditeur, sera tenue in solidum au paiement de cette indemnisation au même titre que la société CITEL qui, en sa qualité de professionnelle d'éditeur vidéographique, ne saurait soutenir qu'elle ignorait les noms des auteurs, d'autant plus qu'elle mentionnera les noms et qualité de Messieurs X... et Y... sur les jaquettes des DVD dans l'éventualité d'une réimpression ;

Sur la demande reconventionnelle en dommages-intérêts pour procédure abusive

Attendu que le droit d'agir en justice ne dégénère en abus qu'en cas de mauvaise foi révélatrice d'une intention de nuire dont la preuve n'est pas rapportée en l'espèce ;

qu'en conséquence la société STUDIO EXPAND sera déboutée de sa demande de dommages-intérêts formulée de ce chef ;

Sur les autres demandes

Attendu qu'il n'y a pas lieu de déclarer le jugement commun à la SACEM et à la SDRM qui sont parties à l'instance ;

Attendu que la nature de l'affaire et l'ancienneté du litige justifient l'exécution provisoire de la présente décision.

Attendu qu'il serait inéquitable de laisser à la charge de Messieurs X... et Y... la totalité des frais irrépétibles et qu'il convient de leur allouer à chacun la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

PAR CES MOTIFS :

Le Tribunal, statuant publiquement, par mise à disposition au greffe, par jugement contradictoire et en premier ressort,

- Déclare irrecevable l'ensemble des demandes de Monsieur François X... et de Monsieur François Y... tendant à la défense de leurs droits patrimoniaux à défaut de mise cause de l'ensemble des coauteurs de l'oeuvre audiovisuelle intitulé LES AVENTURES DE BABAR.

- Dit qu'en ne mentionnant pas les noms de Monsieur François X... et de Monsieur François Y... sur 38 DVD de la série intitulée LES AVENTURES DE BABAR, la société ELLIPSANIME PRODUCTIONS, la société CITEL et la société STUDIO EXPAND ont porté atteinte au droit à la paternité de ces derniers.

- En conséquence, condamne in solidum la société ELLIPSANIME PRODUCTIONS, la société CITEL et la société STUDIO EXPAND à payer à Messieurs François X... et François Y..., ensemble, la somme de 30.000 euros en réparation de leur préjudice moral.

- Ordonne l'exécution provisoire.

- Rejette les demandes reconventionnelles.

- Rejette le surplus des demandes.

- Condamne in solidum la société ELLIPSANIME PRODUCTIONS, la société CITEL et la société STUDIO EXPAND à payer à Messieurs François X... et François Y... la somme de 2.000 euros chacun au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

- Condamne in solidum la société ELLIPSANIME PRODUCTIONS, la société CITEL et la société STUDIO EXPAND aux dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau Code de Procédure Civile.

Fait et jugé à Paris, le 4 juillet 2008.

Le Greffier Le Président


Synthèse
Tribunal : Tribunal de grande instance de Paris
Formation : Chambre civile 3
Numéro d'arrêt : 07/07482
Date de la décision : 27/06/2008
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.grande.instance.paris;arret;2008-06-27;07.07482 ?
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