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25/06/2008 | FRANCE | N°07/02517

France | France, Tribunal de grande instance de Paris, Chambre civile 3, 25 juin 2008, 07/02517


T R I B U N A L D E GRANDE I N S T A N C E D E P A R I S

3ème chambre 3ème section
No RG : 07 / 02517
No MINUTE :

Assignation du : 16 Mai 2006

JUGEMENT rendu le 25 Juin 2008

DEMANDEUR
Monsieur Michel X...... 75006 PARIS
représenté par Me Patricia MOYERSOEN, avocat au barreau de PARIS, vestiaire B. 609

DÉFENDERESSE
Société J. KAMPHAUSEN VERLAG et DISTRIBUTION GMBH BuddestraBe 9-15 D 33602 BIELEFELD ALLEMAGNE

représentée par Me Antoine GAUTIER SAUVAGNAC, avocat au barreau de PARIS, vestiaire P. 10
COMPOSITION DU TRI

BUNAL
Elisabeth BELFORT, Vice- Président, signataire de la décision Agnès THAUNAT, Vice- Président Sophie CAN...

T R I B U N A L D E GRANDE I N S T A N C E D E P A R I S

3ème chambre 3ème section
No RG : 07 / 02517
No MINUTE :

Assignation du : 16 Mai 2006

JUGEMENT rendu le 25 Juin 2008

DEMANDEUR
Monsieur Michel X...... 75006 PARIS
représenté par Me Patricia MOYERSOEN, avocat au barreau de PARIS, vestiaire B. 609

DÉFENDERESSE
Société J. KAMPHAUSEN VERLAG et DISTRIBUTION GMBH BuddestraBe 9-15 D 33602 BIELEFELD ALLEMAGNE

représentée par Me Antoine GAUTIER SAUVAGNAC, avocat au barreau de PARIS, vestiaire P. 10
COMPOSITION DU TRIBUNAL
Elisabeth BELFORT, Vice- Président, signataire de la décision Agnès THAUNAT, Vice- Président Sophie CANAS, Juge
assistée de Marie- Aline PIGNOLET, Greffier, signataire de la décision
DÉBATS
A l'audience du 13 Mai 2008, tenue publiquement, devant Elisabeth BELFORT, Agnès THAUNAT, juges rapporteurs, qui, sans opposition des avocats, ont tenu seules l'audience, et, après avoir entendu les conseils des parties, en ont rendu compte au Tribunal, conformément aux dispositions de l'article 786 du Code de Procédure Civile
JUGEMENT
Prononcé par remise de la décision au greffe Contradictoire en premier ressort
RAPPEL DES FAITS ET PROCEDURE
M. Michel X..., auteur d'un livre intitulé " Dis- moi où tu as mal, je te dirai pourquoi mettant en oeuvre les principes de médecine traditionnelle chinoise, a signé un contrat d'édition avec les EDITIONS DERVY.
M. X... expose que ce livre qui s'adresse plus particulièrement à des praticiens et patients avertis présente des théories qui font l'objet de débats au sein de la communauté à laquelle il s'adresse.
Par contrat du 17 avril 2000, les EDITIONS DERVY ont cédé à la société AURUM VERLAG GMBH la faculté exclusive de traduire et de publier en langue allemande l'ouvrage sus- visé.
Courant 2002, à la suite de la publication de l'édition allemande, M. X... a reçu un courrier de Mlle B...lectrice germanophone lui faisant part d'erreurs qu'elle avait pu constater.
C'est ainsi que Mlle B..., naturopathe allemande a constaté " une erreur de traduction, à savoir : dans le tableau de la version allemande concernant les douze méridiens de base et les organes qui leur sont associés, les organes correspondant au Yin et Yang ont été inversés par erreur (page 87 version française et page 91 version allemande)
En outre, alors que dans la version française M. X... indiquait " il existe douze méridiens organiques... et deux méridiens complémentaires qui concernent la face du corps pour les énergies Yin et le dos pour les énergies Yang ", Mlle B...a relevé que " la traduction allemande dit exactement le contraire ".
M. X... estime que ces erreurs et inversions sur des éléments fondamentaux dénaturent ses propos et font perdre toute cohérence à son travail, qu'en effet, en la matière il existe deux écoles qui s'opposent : l'une dite Ecole Psychologique pour laquelle il convient de situer le " Yin " à gauche et le " Yang " à droite, et l'autre dite Ecole Energétique dont il est un précurseur, selon laquelle cette latéralité doit être inversée.
Le 3 janvier 2003, M. X... a pris contact avec les Editions ALBIN MICHEL qui venait aux droits des EDITIONS DERVY afin de leur signaler ces anomalies.
Par courrier du 8 janvier 2003, la société EDITIONS ALBIN MICHEL a indiqué qu'elle s'" adresserait bien sûr à l'éditeur allemand pour lui faire part de (leur) mécontentement et du fait qu'une erreur de ce type porte atteinte au droit moral et aux intérêts commerciaux de l'auteur ".

La société KAMPHAUSEN VERLAG ET DISTRIBUTION, venant aux droits de la société AURUM VERLAG indique qu'elle a donné mission dans les meilleurs délais à la société d'imprimerie ISB pour qu'elle procède à l'insertion d'un erratum dans les exemplaires restant en stock et s'est engagée à corriger l'ouvrage lors de sa réimpression. M. X... en a été informé par les éditions ALBIN MICHEL le 5 mars 2004.
La société EDITIONS ALBIN MICHEL a dans le cadre d'un accord transactionnel en date du 15 septembre 2004, relatif à un litige plus large portant sur plusieurs oeuvres, accepté de restituer à M. X... le droit que ce dernier lui " avait cédé de traduire en toutes langues tout ou partie de ses oeuvres et de ses adaptations et le droit de reproduire ces traductions sur tout support graphique actuel ou futur. " L'article 2 dudit protocole prévoyait que les Editions Albin Michel préviendraient " l'ensemble des cessionnaires étrangers de ce que M. X... vient désormais à leurs droits et que tous les droits d'auteur devront lui être directement versés à dater de la signature du présent accord ".
Le 15 septembre 2005 (sic), le conseil de M. X... a pris contact avec la société AURUM VERLAG en lui faisant part des erreurs grossières émaillant la traduction et estimant que l'erratum ne suffisait pas à réparer l'atteinte au droit moral de son client et le préjudice d'image et commercial qu'il subissait, lui a indiqué qu'il allait procéder à une demande de résiliation judiciaire du contrat.
Par acte d'huissier de justice en date du 16 mai 2006, M. X... a assigné la société J. KAMPHAUSEN VERLAG et DISTRIBUTION GMBH devant le tribunal de grande instance de Paris en résiliation du contrat d'édition et en réparation.
Par dernières conclusions communiquées le 21 septembre 2007, M. Michel X... demande principalement au tribunal de :
Vu le contrat d'édition en date du 17 avril 2000 et notamment ses articles 8 et 14 ; Constater la résiliation de plein droit du contrat d'édition conclu le 17 avril 2000 au profit de la société AURUM VERLAG GMBH aux droits de laquelle vient la société J. KAMPHAUSEN VERLAG et DISTRIBUTION A titre subsidiaire, Vu le contrat d'édition en date du 17 avril 2000 et notamment son article 8 ; Vu les articles L 121-1 et suivants du Code de la Propriété Intellectuelle ; Vu les articles L 132-11 et suivants du Code de la Propriété intellectuelle ;
Ordonner la production aux débats par la société 1. KAMPHAUSEN VERLAG et DISTRIBUTION d'un bordereau comptable récapitulant d'une part le nombre d'exemplaires fabriqués depuis la signature du contrat litigieux, le nombre de réédition, le nombre d'exemplaire vendus et le stock existant au 31111 / 2006.
Prononcer la résiliation judiciaire du contrat d'édition conclu le 17 avril 2000 au profit de la société AURUM VERLAG GMBH, aux droits de laquelle vient la société J. KAMPHAUSEN VERLAG et DISTRIBUTION ;
Condamner la société J. KAMPHAUSEN VERLAG et DISTRIBUTION à payer à Monsieur X... la somme de 10. 000 euros en réparation de son préjudice moral ;
Condamner la société J. KAMPHAUSEN VERLAG et DISTRIBUTION à payer à Monsieur X... la somme de 15. 000 euros en réparation de son préjudice financier ;
Débouter la société J. KAMPHAUSEN VERLAG et DISTRIBUTION de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;
Condamner la société J. KAMPHAUSEN VERLAG et DISTRIBUTION à payer à Monsieur X... la somme de 5. 000 euros sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;
Condamner la société J. KAMPHAUSEN VERLAG et DISTRIBUTION aux entiers dépens ;
Par dernières conclusions communiquées le 18 septembre 2007, la société J. KAMPHAUSEN VERLAG et DISTRIBUTION demande principalement au tribunal de :
au visa des article L121-1 et suivants et L132-11 et suivants du code de propriété intellectuelle Débouter M. X...,
Condamner M. X... à lui payer la somme de 3000 euros en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile,
Condamner M. X... aux entiers dépens.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur la résiliation du contrat d'édition
L'article 8 du contrat d'édition conclu le 17 avril 2000 entre la société EDITIONS DERVY et la société AURUM VERLAG GMBH au sujet du livre de M. Michel X... intitulé " Dis moi où tu as mal et je te dirais pourquoi " stipule que : " la traduction de l'ouvrage devra être précise et conforme à l'original : les abréviations, additions ainsi que toute autre modification du texte ne seront autorisées qu'avec le consentement écrit du propriétaire ".

La société J. KAMPHAUSEN VERLAG soutient tout d'abord qu'étant venue aux droits de la société AURUM VERLAG qu'en 2003, soit postérieurement à la publication en langue allemande de l'ouvrage dont s'agit qui a débuté en 2001 elle ne peut être reconnue comme responsable des erreurs commises et notamment d'un éventuel non respect de l'article 8 dudit contrat d'édition.
Il est constant que l'ouvrage traduit contient les deux fautes de traduction relevées initialement ainsi qu'une troisième faute découverte postérieurement à la page 91 de l'ouvrage (quelques lignes au- dessus du tableau affecté d'une erreur), qui en altèrent le sens puisqu'elles constituent un contresens de la pensée de l'auteur.
Les deux première erreurs dès qu'elles ont été signalées par l'intermédiaire de l'éditeur français ont fait l'objet le 28 mars 2003 d'une facture de la société ISB à la société J. KAMPHAUSEN pour impression d'un erratum.
Dès lors, le tribunal considère que ces erreurs ont été suffisamment réparées par l'adjonction de cet addendum et l'engagement d'une correction lors de la prochaine réimpression et ne justifient pas le prononcé d'une résiliation du contrat d'édition.
En revanche la faute commise est à l'origine d'un dommage pour M. X... dont il doit recevoir réparation en application de l'article 1382 du code civil.
S'agissant de la troisième faute, elle paraît insignifiante puisqu'elle n'a été relevée par l'auteur que postérieurement. En conséquence, l'engagement d'une rectification lors de la prochaine impression apparaît suffisante.
Le tribunal observe que la société J. KAMPHAUSEN qui reconnaît venir aux droits de la société AURUM VERLAG, sans préciser selon quelles modalités, ce qui laisse penser qu'il ne s'agit pas d'une cession de fonds mais plutôt d'une fusion de société, est mal fondée à soutenir que la faute commise lors de la première traduction du livre en allemand par la société aux droits de laquelle elle vient, ne lui serait pas opposable. Dans ces conditions, il convient de la déclarer responsable du dommage causé par la faute dont s'agit.
Sur les mesures réparatrices
Les fautes de traductions relevées dans l'ouvrage de M. X..., même si elles sont peu nombreuses, ont porté atteinte à son droit moral dans la mesure où elles ont affecté le sens du propos tenus par l'auteur dans un ouvrage destiné notamment à ses pairs.

M. X... soutient qu'il a subi un préjudice financier qu'il évalue à 15. 000 euros, puisque le volume des ventes de son ouvrage est resté très limité en Allemagne alors qu'il a atteint 400 000 exemplaires en France et qu'il ya lieu de contraindre la société défenderesse un état récapitulatif établissant le nombre d'exemplaires vendus ainsi que le nombre d'exemplaires en stocks.
C'est à juste titre que la société défenderesse fait valoir qu'un autre ouvrage de M. X... " cheveu, parle moi de moi " n'a pas rencontré davantage de succès en Allemagne, probablement car M X... est plus connu en France qu'en Allemagne. Il convient d'observer que M. X... ne produit qu'une seule lettre d'une lectrice allemande se plaignant de la traduction, antérieurement à la diffusion de l'erratum. Dès lors, M. X... n'établit pas avoir subi un préjudice financier du fait de ces erreurs de traduction.
Le tribunal possède suffisamment d'éléments pour fixer à la somme de 5000 euros le préjudice subi par M. X... en raison de l'atteinte à son droit moral.
Sur l'application de l'article 700 du code de procédure civile
Il parait inéquitable de laisser à la charge de M. X... les frais irrépétibles et non compris dans les dépens. Il convient de lui allouer à ce titre une indemnité de 5000 euros.
Sur l'exécution provisoire
Il parait nécessaire en l'espèce et compatible avec la nature de l'affaire d'ordonner l'exécution provisoire de la présente décision.
Sur les dépens
La société défenderesse succombant dans ses prétentions doit être condamnée aux dépens ;
PAR CES MOTIFS
Le tribunal statuant contradictoirement, en premier ressort et par décision remise au greffe,
Dit qu'en publiant la traduction allemande de l'ouvrage de M. X... intitulé " Dis- moi où tu as mal Je te dirai pourquoi " affectée de trois erreurs de traduction, la société J. KAMPHAUSEN VERLAG aux droits de la société AURUM VERLAG a commis une faute ouvrant droit à des dommages- intérêts,
Condamne la société J. KAMPHAUSEN VERLAG à payer à M. X... une somme de 5000 euros en réparation de l'atteinte à son droit moral,
Condamne la société défenderesse à verser à M. X... la somme de 5000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
Ordonne l'exécution provisoire,
Déboute M. X... pour le surplus de ses demandes,
Condamne la société défenderesse aux entiers dépens.
Fait à Paris, le 25 juin 2008

LE GREFFIER LE PRESIDENT

Marie- Aline PIGNOLET Elisabeth BELFORT


Synthèse
Tribunal : Tribunal de grande instance de Paris
Formation : Chambre civile 3
Numéro d'arrêt : 07/02517
Date de la décision : 25/06/2008
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.grande.instance.paris;arret;2008-06-25;07.02517 ?
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