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16/05/2008 | FRANCE | N°07/03444

France | France, Tribunal de grande instance de Paris, Chambre civile 3, 16 mai 2008, 07/03444


T R I B U N A L

D E GRANDE

I N S T A N C E

D E P A R I S

3ème chambre 2ème section

No RG :

07/03444

No MINUTE :

Assignation du :

06 Mars 2007

JUGEMENT

rendu le 16 Mai 2008

DEMANDERESSE

Société CRAFTMASTER MANUFACTURING INC

500West Monroe Street Suite 2010,60661

CHICAGO

ETATS UNIS d'AMERIQUE

représentée par Me Helga PERNEZ, avocat au barreau de PARIS, vestiaire D355

DÉFENDERESSE

S.A.S DINAC

Zone Industrielle des MARAIS

38350 LA MURE
>représentée par Me Abeille COUVRAT DESVERGNES THIL, avocat au barreau de PARIS, vestiaire B800 et LA SELARL DELSART-TESTON, Avocat au Barreau de Lyon,

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Véroniq...

T R I B U N A L

D E GRANDE

I N S T A N C E

D E P A R I S

3ème chambre 2ème section

No RG :

07/03444

No MINUTE :

Assignation du :

06 Mars 2007

JUGEMENT

rendu le 16 Mai 2008

DEMANDERESSE

Société CRAFTMASTER MANUFACTURING INC

500West Monroe Street Suite 2010,60661

CHICAGO

ETATS UNIS d'AMERIQUE

représentée par Me Helga PERNEZ, avocat au barreau de PARIS, vestiaire D355

DÉFENDERESSE

S.A.S DINAC

Zone Industrielle des MARAIS

38350 LA MURE

représentée par Me Abeille COUVRAT DESVERGNES THIL, avocat au barreau de PARIS, vestiaire B800 et LA SELARL DELSART-TESTON, Avocat au Barreau de Lyon,

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Véronique RENARD, Vice-Président, signataire de la décision

Sophie CANAS, Juge

Guillaume MEUNIER, Juge

assistée de Marie-Aline PIGNOLET, Greffier, signataire de la décision

DÉBATS

A l'audience du 21 Mars 2008 Prononcé par remise de la décision au greffe, devant Sophie CANAS , Guillaume MEUNIER, juges rapporteurs, qui, sans opposition des avocats, ont tenu seuls l'audience, et, après avoir entendu les conseils des parties, en ont rendu compte au Tribunal, conformément aux dispositions de l'article 786 du Code de Procédure Civile

JUGEMENT

Prononcé par remise de la décision au greffe

Contradictoire

en premier ressort

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

La société américaine organisée selon les lois de l'Etat de Delaware CRAFTMASTER MANUFACTURING INC (ci-après dénommée la société CRAFTMASTER) a pour activité la fabrication et la commercialisation de matériaux de construction, et notamment d'une gamme de portes moulées d'intérieur désignées sous les appellations CLASSIQUE, CARMELLE, COLONIST, CLERMONT, CARRARA, CREMONA, CASPIAN, COVENTRY ou encore CAIMAN.

Elle est ainsi notamment titulaire :

- de la marque française verbale "CLASSIQUE" déposée le 13 octobre 1987, enregistrée sous le numéro 1 430 455, et régulièrement renouvelée depuis pour désigner, en classe 19, les "Matériaux de construction et notamment portes et parements de portes, panneaux de fibres, panneaux composites, panneaux de particules, panneaux durs et bois synthétique pour la construction",

- de la marque communautaire verbale "CLASSIQUE" déposée le 01er avril 1996 et enregistrée sous le numéro 000094631 pour désigner, en classe 19, les "Matériaux de construction non métalliques ; tuyaux rigides non métalliques pour la construction ; asphalte, poix et bitume ; constructions transportables non métalliques , monuments non métalliques".

Elle indique avoir eu connaissance de la demande d'enregistrement de la marque communautaire verbale "CLASSIC" no 002580090, visant notamment en classe 19 les "profilés non métalliques (bois et plastique), seuils de porte non métalliques, nez de marches non métalliques, profils non métalliques pour parquets, stratifiés, carrelages et sols souples", déposée le 06 février 2002 par la société par actions simplifiée DINAC, sous priorité de la marque française verbale "CLASSIC" no 01 3 138 011 déposée le 19 décembre 2001, et publiée le 07 juillet 2003, et avoir formé opposition à son encontre le 06 octobre 2003.

Faisant valoir que la société DINAC a procédé le 02 août 2004 au retrait de sa demande d'enregistrement communautaire tout en l'informant qu'elle n'entendait pas renoncer à sa marque française antérieure, la société CRAFTMASTER a, selon acte d'huissier en date du 06 mars 2007, fait assigner la société DINAC devant le Tribunal de Grande Instance de PARIS en contrefaçon de marque, sur le fondement des articles L.713-2 et L.713-3 du Code de la Propriété Intellectuelle, aux fins de voir prononcer la nullité de la marque française no 01 3 138 011 et aux fins d'obtenir, outre des mesures d'interdiction sous astreinte réservée de 1.500 euros par infraction constatée, de confiscation aux fins de remise et de destruction sous contrôle d'huissier de tout produit contrefaisant, ainsi que de tous tarifs et prospectus montrant ces produits, et de publication du jugement à intervenir dans cinq journaux ou revues de son choix aux frais de la défenderesse dans la limite de 8.000 euros hors taxes par insertion, la condamnation de cette dernière à lui payer la somme de 100.000 euros à titre de dommages-intérêts ainsi que la somme de 15.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile, le tout sous le bénéfice de l'exécution provisoire.

Dans ses dernières conclusions signifiées le 13 février 2008, la société CRAFTMASTER, après avoir réfuté les arguments présentés en défense, a repris, en les développant, l'ensemble des moyens et prétentions contenus dans son acte introductif d'instance, sauf en ce qu'elle sollicite en réparation de son préjudice l'allocation de la somme de 100.000 euros à titre d'indemnité provisionnelle et en ce qu'elle demande au Tribunal d'ordonner, en application de l'article L.716-7-1 du Code de la Propriété Intellectuelle et sous astreinte de 1.500 euros par jour de retard passé le délai d'un mois à compter de la signification du jugement à intervenir, la production de tous documents ou informations détenus par la défenderesse ou par toute personne qui a été trouvée en possession de produits contrefaisants ou encore qui a été signalée comme intervenant dans la production, la fabrication ou la distribution de ces produits, notamment en ce qui concerne les quantités produites, commercialisées, livrées, reçues ou commandées ainsi que sur le prix obtenu pour les produits en cause.

Dans le dernier état de ses écritures en date du 24 janvier 2008, la société DINAC conclut principalement au débouté de la société CRAFTMASTER de l'ensemble de ses demandes, sollicite à titre subsidiaire la réduction du montant des sommes réclamées, et entend en tout état de cause voir la société CRAFTMASTER condamnée à lui payer la somme de 10.000 euros à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive ainsi que celle de 10.000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile. Elle fait en substance valoir que la contrefaçon par reproduction ne saurait être retenue s'agissant de signes différents et de produits non pas identiques, mais similaires, que la contrefaçon par imitation n'est pas plus constituée en l'absence de risque de confusion, le faible pouvoir distinctif de la marque opposée limitant sa protection à une reproduction à l'identique, et qu'enfin la société CRAFTMASTER ne rapporte la preuve ni de l'existence, ni de l'étendue du préjudice qu'elle prétend avoir subi.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 21 mars 2008 et l'affaire a été plaidée ce même jour.

A l'issue des plaidoiries, une mesure de médiation judiciaire a été proposée aux parties, mais n'a pas reçu une suite favorable.

MOTIFS DE LA DÉCISION

- Sur la contrefaçon

Attendu qu'il a été précédemment exposé que la société CRAFTMASTER est titulaire de la marque française verbale "CLASSIQUE" no 1 430 455 déposée le 13 octobre 1987 pour désigner, en classe 19, les "Matériaux de construction et notamment portes et parements de portes, panneaux de fibres, panneaux composites, panneaux de particules, panneaux durs et bois synthétique pour la construction" et de la marque communautaire verbale "CLASSIQUE" no 000094631 déposée le 01er avril 1996 pour désigner, également en classe 19, les "Matériaux de construction non métalliques ; tuyaux rigides non métalliques pour la construction ; asphalte, poix et bitume ; constructions transportables non métalliques , monuments non métalliques";

Qu'il est établi que la société DINAC a procédé le 19 décembre 2001 au dépôt auprès de l'INPI de la marque verbale "CLASSIC" enregistrée sous le numéro 01 3 138 011 pour désigner, en classes 6 et 19, les produits et services suivants : "Profilés métalliques, seuils de portes métalliques, nez de marches métalliques, profils métalliques pour parquets, stratifiés, carrelages et sols souples. Profilés non métalliques (bois et plastique), seuils de porte non métalliques, nez de marches non métalliques, profils non métalliques pour parquets, stratifiés, carrelages et sols souples" ;

Qu'ainsi que le relève justement la société défenderesse, les signes en présence ne sauraient être considérés comme identiques faute pour la marque "CLASSIC" arguée de contrefaçon de reproduire sans modification, ni ajout tous les éléments constituant les marques "CLASSIQUE", les différences entre les signes, à savoir un terme de langue anglaise pour le premier et un terme de langue française pour les seconds, étant aisément perceptibles pour le consommateur d'attention moyenne ;

Que c'est donc au regard des dispositions de l'article L.713-3, b) du Code de la Propriété Intellectuelle, qui prévoit que "sont interdits, sauf autorisation du propriétaire, s'il peut en résulter un risque de confusion dans l'esprit du public, l'imitation d'une marque et l'usage d'une marque imitée, pour des produits ou services identiques ou similaires à ceux désignés dans l'enregistrement", et des dispositions de l'article de l'article 9, 1.b) du règlement (CE) n° 40/94 du 20 décembre 1993, selon lesquelles " la marque communautaire confère à son titulaire un droit exclusif. Le titulaire est habilité à interdire à tout tiers, en l'absence de son consentement, de faire usage dans la vie des affaires d'un signe pour lequel, en raison de son identité ou de sa similitude avec la marque communautaire et en raison de l'identité ou de la similitude des produits ou services couverts par la marque communautaire et le signe, il existe un risque de confusion dans l'esprit du public ; le risque de confusion comprend le risque d'association entre le signe et la marque", qu'il convient d'apprécier la demande en contrefaçon ;

Que la société DINAC ne peut pour s'y opposer soutenir que la protection accordée aux marques invoquées est limitée du fait de leur faible pouvoir distinctif aux seules hypothèses de reproduction à l'identique, toute marque valablement enregistrée pouvant prétendre, quel que soit son degré de distinctivité, au bénéfice des dispositions susvisées dès lors que sa validité n'est pas contestée ;

Qu'il y a lieu dès lors de rechercher si, au regard d'une appréciation des degrés de similitude entre les signes et entre les produits désignés, il existe un risque de confusion dans l'esprit du public ;

Que les produits visés dans l'enregistrement de la marque contestée, ci-dessus rappelés, sont similaires aux "Matériaux de construction" désignés par la marque première, les seuils de porte métalliques et non métalliques étant au surplus des produits similaires par complémentarité aux "portes et parements de portes", dont ils constituent le complément nécessaire ;

Que l'appréciation de la similitude visuelle, auditive et conceptuelle des signes doit être fondée sur l'impression d'ensemble produite par ceux-ci, en tenant compte, notamment, de leurs éléments distinctifs et dominants ;

Que d'un point de vue visuel, le signe opposé comporte neuf lettres tandis que la dénomination litigieuse en comprend sept, les signes en présence ayant cependant en commun les six lettres "CLASSI" placées en position d'attaque ;

Que phonétiquement, les deux termes "CLASSIQUE" et "CLASSIC" sont strictement identiques ;

Que sur le plan intellectuel, les signes en cause évoquent l'un et l'autre des produits empreints d'un certain classicisme dans leur forme et les matériaux utilisés ;

Qu'il résulte de l'ensemble de ces éléments que la similarité des produits désignés alliée à la très forte similitude entre les signes en cause pris dans leur ensemble entraîne un risque de confusion, le consommateur d'attention moyenne étant amené à attribuer aux produits proposés une origine commune ;

Que le fait pour la société défenderesse de justifier d'un usage relativement courant, dans le domaine des matériaux de construction, des termes "CLASSIQUE" ou "CLASSIC" pour désigner diverses gammes de produits est sans portée dans le cadre du présent litige dès lors qu'elle ne conteste pas la validité des marques premières ;

Attendu que la contrefaçon par imitation est ainsi caractérisée ;

Qu'il y a lieu en conséquence, par application combinée des articles L.711-4 a) et L.714-3 du Code de la Propriété Intellectuelle et par application de l'article 52 du règlement (CE) n° 40/94 du 20 décembre 1993, de déclarer nul l'enregistrement no 01 3 138 011 de la marque verbale française "CLASSIC" déposée le 19 décembre 2001 par la société DINAC.

- Sur les mesures réparatrices

Attendu qu'il sera fait droit à la demande d'interdiction dans les conditions énoncées au dispositif de la présente décision ;

Qu'une telle mesure étant suffisante à faire cesser la poursuite des actes incriminés, il n'y a pas lieu d'ordonner les mesures de confiscation, de remise et de destruction sollicitées ;

Attendu qu'il convient d'allouer à la société CRAFTMASTER la somme de 10.000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi du fait des actes de contrefaçon commis à son encontre, ce sans qu'il soit besoin d'ordonner la production par la défenderesse ou des tiers des pièces sollicitées dans les dernières écritures de la demanderesse sur le fondement de l'article L.716-7-1 nouveau du Code de la Propriété Intellectuelle ;

Qu'en effet, outre le fait que celle-ci n'a pas jugé utile de recourir préalablement à l'introduction de la présente instance à une mesure de saisie-contrefaçon et qu'il n'appartient pas au Tribunal de suppléer la carence des parties dans l'administration de la preuve, il apparaît que le préjudice de la demanderesse se limite, comme elle l'indique elle-même dans ses conclusions, à l'atteinte portée à ses droits privatifs ;

Attendu que le préjudice étant ainsi intégralement réparé, il n'y a pas lieu d'autoriser la publication de la présente décision.

- Sur la demande reconventionnelle de dommages-intérêts pour procédure abusive

Attendu que la société défenderesse ne pourra qu'être déboutée de sa demande à ce titre, l'action engagée par la société CRAFTMASTER ayant prospéré.

- Sur les autres demandes

Attendu qu'il y a lieu de condamner la société DINAC, partie perdante, aux dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile ;

Qu'en outre, elle doit être condamnée à verser à la société CRAFTMASTER, qui a dû exposer des frais irrépétibles pour faire valoir ses droits, une indemnité au titre de l'article 700 du Code de procédure civile qu'il est équitable de fixer à la somme de 3.000 euros ;

Qu'elle ne saurait dès lors prétendre à aucune indemnisation à ce titre ;

Attendu que les circonstances de l'espèce justifient le prononcé de l'exécution provisoire, qui est en outre compatible avec la nature du litige.

PAR CES MOTIFS

Le Tribunal, statuant publiquement, par mise à disposition au greffe, par jugement contradictoire et rendu en premier ressort,

- DIT qu'en déposant et en utilisant la marque française "CLASSIC" no 01 3 138 011, la société DINAC a commis des actes de contrefaçon de la marque française "CLASSIQUE" no 1 430 455 et de la marque communautaire "CLASSIQUE" no 000094631 dont la société CRAFTMASTER MANUFACTURING INC est titulaire ;

En conséquence,

- DECLARE nul l'enregistrement no 01 3 138 011 de la marque française verbale "CLASSIC" déposée le 19 décembre 2001 par la société DINAC ;

- DIT que la présente décision, une fois devenue définitive, sera transmise, par les soins du greffier saisi à la requête de la partie la plus diligente, à Monsieur le Directeur Général de l'Institut National de la Propriété Industrielle pour inscription au Registre National des Marques;

- FAIT INTERDICTION à la société DINAC de poursuivre de tels agissements, et ce sous astreinte de 500 euros par infraction constatée à compter de la signification du présent jugement ;

- DIT que le Tribunal se réserve la liquidation de l'astreinte ;

- CONDAMNE la société DINAC à payer à la société CRAFTMASTER MANUFACTURING INC la somme de 10.000 euros à titre de dommages-intérêts;

- DEBOUTE la société DINAC de sa demande de dommages-intérêts pour procédure abusive ;

- CONDAMNE la société DINAC à payer à la société CRAFTMASTER MANUFACTURING INC la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- REJETTE toutes demandes plus amples ou contraires ;

- CONDAMNE la société DINAC aux dépens, qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile ;

- ORDONNE l'exécution provisoire.

Fait et jugé à PARIS le 16 mai 2008.

Le Greffier Le Président


Synthèse
Tribunal : Tribunal de grande instance de Paris
Formation : Chambre civile 3
Numéro d'arrêt : 07/03444
Date de la décision : 16/05/2008
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.grande.instance.paris;arret;2008-05-16;07.03444 ?
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