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28/03/2008 | FRANCE | N°06/01994

France | France, Tribunal de grande instance de Paris, Chambre civile 3, 28 mars 2008, 06/01994


T R I B U N A L

D E GRANDE

I N S T A N C E

D E P A R I S

3ème chambre 2ème section

No RG :

06/01994

No MINUTE :

Assignation du :

26 Janvier 2006

JUGEMENT

rendu le 28 Mars 2008

DEMANDEURS

Monsieur Robert X...

...

95100 ARGENTEUIL

Monsieur Luc Y...

...

92380 GARCHES

S.A.R.L. PANDORA'S BOX

...

75003 PARIS

représentés par Me Fabrice MOUTON, avocat au barreau de PARIS, vestiaire E1509

DÉFENDERESSES

S.A.R.L. ENERGECYCLE
r>...

94210 LA VARENNE ST HILAIRE

représentée par Me Nathalie BARREAU, avocat au barreau de NANTERRE, vestiaire NAN733, et Me Jean-Luc Z..., avocat au barreau d Montpellier,

E.U.R.L. BRODEMODE

...Un...

T R I B U N A L

D E GRANDE

I N S T A N C E

D E P A R I S

3ème chambre 2ème section

No RG :

06/01994

No MINUTE :

Assignation du :

26 Janvier 2006

JUGEMENT

rendu le 28 Mars 2008

DEMANDEURS

Monsieur Robert X...

...

95100 ARGENTEUIL

Monsieur Luc Y...

...

92380 GARCHES

S.A.R.L. PANDORA'S BOX

...

75003 PARIS

représentés par Me Fabrice MOUTON, avocat au barreau de PARIS, vestiaire E1509

DÉFENDERESSES

S.A.R.L. ENERGECYCLE

...

94210 LA VARENNE ST HILAIRE

représentée par Me Nathalie BARREAU, avocat au barreau de NANTERRE, vestiaire NAN733, et Me Jean-Luc Z..., avocat au barreau d Montpellier,

E.U.R.L. BRODEMODE

...Université

93160 NOISY LE GRAND

représentée par Me Gérard BANCELIN, avocat au barreau de PARIS, vestiaire E 252

S.A.R.L. ABACA ATELIER SELF CREATION, exerçant sous l'

enseigne ATELIER SELF CREATION.

...

75003 PARIS

représentée par Me Jean-Pierre HOCHART, avocat au barreau de PARIS, vestiaire C.1433

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Véronique A..., Vice-Président, signataire de la décision

Sophie CANAS, Juge

Guillaume MEUNIER, Juge

assistée de Marie-Aline PIGNOLET, Greffier, signataire de la décision

DEBATS

A l'audience du 01 Février 2008

tenue en audience publique

JUGEMENT

Prononcé par remise de la décision au greffe

Contradictoire

en premier ressort

Faits et procédure

Le 3 mai 2004, Messieurs Robert X... et Louis B... ont déposé auprès de l'INPI une demande de brevet intitulée "procédé d'inclusion d'un module d'affichage rigide dans un vêtement ou accessoire de mode et effet équipé d'un tel module", publiée le 4 novembre 2005, enregistrée sous le no04 04720. Ils ont en outre procédé, le 3 mai 2005, en compagnie de Monsieur Luc Y..., au dépôt d'une demande internationale PCT, visant notamment la France, publiée le 10 novembre 2005.

Par acte sous seing privé en date du 20 avril 2005, Monsieur B... a cédé à Monsieur Y... ses droits sur la demande de brevet français no04 04720 et sur le brevet qui en serait issu, finalement délivré le 14 juillet 2006.

Afin de commercialiser les produits issus de la mise en oeuvre du brevet français, Messieurs X... et Y... ont signé, le 6 décembre 2005, un contrat de licence avec la société PANDORA'S BOX.

Messieurs X... et Y... exposent avoir constaté fin décembre 2005, dans un magasin à l'enseigne des Galeries Lafayette, la commercialisation d'articles textiles contrefaisants le procédé breveté, fabriqués par la société ENERGECYCLE, avec laquelle Monsieur X... aurait entamé, sans succès, des pourparlers en vue de l'exploitation de l'invention.

Dûment autorisés par une ordonnance du Président du Tribunal de grande instance de Paris du 26 décembre 2005, Monsieur X... et la société PANDORA'S BOX ont fait pratiquer, le 11 janvier 2006, une saisie-contrefaçon dans les locaux de la société ENERGECYCLE, exerçant son activité sous l'enseigne HYPEROBJET (HO!), et exploitant un site internet www.hyperobjets.com. Ont notamment été obtenues des factures attestant de la commande de travaux de broderie ou de transfert auprès d'une société BRODE MODE.

C'est dans ces conditions que par actes d'huissier de justice en date du 26 janvier 2006, Messieurs X... et Y... et la société PANDORA'S BOX ont assigné les sociétés ENERGECYCLE et BRODE MODE devant le Tribunal de grande instance de Paris en contrefaçon de brevet.

La société ABACA ATELIER SELF CREATION (ci-après la société ABACA), ayant commercialisé des vêtements supposés contrefaisants, a été assignée en intervention forcée le 24 février 2006.

Les procédures ont été jointes le 31 mars 2006, par mention au dossier.

Par conclusions signifiées le 25 septembre 2006, la société PANDORA'S BOX a déclaré se désister de son instance à l'encontre des défendeurs. La société ABACA a accepté ce désistement par conclusions du 6 octobre 2006.

La clôture a été prononcée le 31 mai 2007.

Prétentions des parties

Par conclusions récapitulatives signifiées le 9 mai 2007, Messieurs X... et Y... demandent au Tribunal :

- d'ordonner la jonction des procédures visant d'une part les sociétés ENERGECYCLE et BRODE MODE, d'autre part la société ABACA,

- de prendre acte du désistement d'instance de la société PANDORA'S BOX,

- de constater qu'ils renoncent à se prévaloir de la demande internationale de brevet,

- de constater que la société ENERGECYCLE fait fabriquer et commercialise des vêtements équipés du procédé de fixation d'un module d'affichage, copie servile et contrefaisante du procédé objet du brevet français publié le 4 novembre 2005 sous le no2 869 506 et délivré le 14 juillet 2006, pris en ses revendications 1, 2, 3 et 6, de constater que la société BRODE MODE fabrique lesdits procédés contrefaisants, que la société ABACA les distribue, et de constater les faits de contrefaçon commis par les défenderesses,

- de rejeter l'exception de nullité soulevée par les défenderesses,

- de débouter les demanderesses de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions,

- d'ordonner aux défenderesses de cesser toute exploitation de tous produits reproduisant les moyens techniques jugés contrefaisants (et notamment des tee-shirts, casquettes et strings saisis lors de la saisie-contrefaçon) sous astreinte de 15 € par infraction constatée à compter d'un délai de 8 jours passée la signification du jugement à intervenir,

- de condamner à titre solidaire les défenderesses à lui payer les sommes de 21.121,80 € au titre du gain réalisé par les sociétés ENEREGECYCLE et BRODE MODE, de 10.000 € en réparation de la perte subie, de 10.000 € en réparation du préjudice commercial subi,

- d'ordonner la publication du dispositif de la décision à intervenir dans trois journaux ou revues de leur choix, aux frais supportés à titre solidaire par les défenderesses, sans que le coût total de ces insertions ne puisse dépasser 8.000 €,

- d'ordonner la publication du dispositif du jugement sur la première page du serveur de la société ENERGECYCLE accessible à l'adresse www.hyperobjets.com durant un mois, sous astreinte de 1.000 € par jour de retard, à compter d'un délai de 8 jours suivant la signification de la décision à intervenir,

- de condamner à titre solidaire les défenderesses au paiement de la somme de 5.000 e sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,

- d'ordonner l'exécution provisoire,

- de condamner à titre solidaire les défenderesses aux entiers dépens, dont distraction au profit de leur conseil, Me Mouton.

En réponse, la société ENERGECYCLE, par conclusions signifiées le 16 mars 2007, demande au Tribunal :

- de dire Monsieur Y... irrecevable en sa demande pour défaut de droit à agir, et de le condamner à lui verser la somme de 3.000 € sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,

- de donner acte à la société ENERGECYCLE de son acceptation du désistement d'instance de la société PANDORA'S BOX,

- de juger que la société PANDORA'S BOX conservera à sa charge les dépens par elle exposés,

Au fond,

- de juger que le procédé inclus dans les revendications 1, 2, 3 et 6 du brevet no04 04720 délivré le 14 juillet 2006 a fait l'objet de divulgations antérieures,

- de juger que les revendications 1, 2, 3 et 6 du brevet ne sont pas nouvelles, et, à défaut, de juger qu'elles ne sont pas inventives,

- d'annuler, en conséquence, le brevet invoqué, de dire que la décision d'annulation sera notifiée au Directeur de l'INPI aux fins d'inscription au Registre national des brevets,

- de constater qu'en l'absence de brevet valable, il n'a pu y avoir de contrefaçon,

- de rejeter les prétentions des demandeurs,

A titre reconventionnel,

- de juger que le comportement des demandeurs est constitutif de concurrence déloyale,

- de les condamner solidairement à payer à la société ENERGECYCLE la somme de 50.000 € à titre de dommages et intérêts,

- d'ordonner la publication du jugement dans trois journaux professionnels au choix de la société ENERGECYCLE, le coût total des publications ne pouvant dépasser 9.000 €,

- de condamner les défendeurs aux entiers dépens, ainsi qu'au paiement de la somme de 6.000 € au titre des frais irrépétibles,

Subsidiairement,

- de rejeter les demandes d'indemnisation, de publication et d'exécution provisoire.

La société BRODE MODE, s'associant à l'argumentation présentée par la société ENERGECYCLE, demande quant à elle, par conclusions signifiées le 3 novembre 2006 :

- de débouter les demandeurs de leurs demandes dirigées contre elle,

- à titre subsidiaire, de juger que si la société ENERGECYCLE devait être convaincue de contrefaçon, elle aurait commis une faute en demandant à la société BRODE MODE d'effectuer des prestations de brodeur sur les vêtements litigieux,

- de condamner la société ENERGECYCLE à la garantir de toutes condamnations en principal, intérêts, frais et dépens pouvant être prononcées à son encontre,

- de condamner solidairement les demandeurs à lui payer la somme de 1.000 € sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens, dont distraction au profit de son conseil.

Enfin, la société ABACA, dans ses écritures du 15 mai 2007, demande au Tribunal :

In limine litis,

- de juger Monsieur Y... irrecevable en sa demande pour défaut de droit d'agir, et de le condamner à lui payer la somme de 3.000 € sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,

Au fond,

- de juger que le procédé inclus dans les revendications 1, 2, 3 et 6 du brevet no04 04720 délivré le 14 juillet 2006 a fait l'objet de divulgations antérieures,

- de juger que les revendications 1, 2, 3 et 6 du brevet ne sont pas nouvelles, et, à défaut, de juger qu'elles ne sont pas inventives,

- d'annuler, en conséquence, le brevet invoqué, de dire que la décision d'annulation sera notifiée au Directeur de l'INPI aux fins d'inscription au Registre national des brevets,

- de constater qu'en l'absence de brevet valable, il n'a pu y avoir de contrefaçon,

- de rejeter les prétentions des demandeurs, et de les condamner solidairement à lui payer la somme de 5.000 € sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens, comprenant les frais d'huissier engagés par la société ABACA,

A titre subsidiaire,

- de constater, notamment, sa bonne foi, et de condamner les sociétés ENERGECYCLE et BRODE MODE à la garantir des condamnations prononcées à son encontre.

Motifs de la décision

I. A titre liminaire

Sur le désistement

Attendu qu'il résulte de l'article 771 du Code de procédure civile que lorsque la demande est présentée postérieurement à sa désignation, le Juge de la mise en état est, jusqu'à son dessaisissement, seul compétent, à l'exclusion de toute autre formation, pour statuer sur les exceptions de procédure et sur les incidents mettant fin à l'instance ;

Attendu que par conclusions signifiées le 25 septembre 2006, la société PANDORA'S BOX a déclaré se désister de son instance à l'encontre des défendeurs ; que la société ABACA a accepté ce désistement par conclusions du 6 octobre 2006 ; que dans ses conclusions au fond, la société ENERGECYCLE a déclaré accepter ce désistement d'instance ; que la société BRODE MODE, n'a pas conclu sur ce point ;

Attendu qu'en application du texte susvisé, le Tribunal ne peut que constater que la société PANDORA'S BOX ne formule plus aucune demande à l'encontre des sociétés défenderesses, sans pouvoir se prononcer sur son désistement.

II. Sur la fin de non-recevoir

Attendu qu'avant toute défense au fond, les sociétés ENERGECYCLE, ABACA et BRODE MODE font valoir que Monsieur Y... est irrecevable en son action en contrefaçon, exclusivement fondée sur le brevet français no04 04720 délivré le 14 juillet 2006, aux motifs, notamment, que la cession de droits dont il a bénéficié n'a pas été inscrite au Registre national des brevets ;

Attendu qu'en réponse, l'intéressé soutient être recevable et fondé à agir en qualité de co-titulaire du brevet invoqué, et de la demande internationale ;

Attendu qu'il résulte de l'article L. 613-9 alinéa 1er du Code de la propriété intellectuelle que tous les actes transmettant ou modifiant les droits attachés à une demande de brevet ou à un brevet doivent, pour être opposables aux tiers, être inscrits au Registre national des brevets tenus par l'INPI ;

Attendu, en l'espèce, que les demandeurs ont expressément renoncé à se prévaloir de leur demande de dépôt international ;

Qu'ils ne justifient pas de la publication au Registre national des brevets de la cession de droits consentie le 20 avril 2005 à Monsieur Y... ;

Que ce dernier n'est donc pas recevable à agir en contrefaçon, contre les défendeurs, sur le fondement du titre français invoqué.

III. Sur la portée du brevet français no04 04720

Attendu que l'invention concerne un procédé d'inclusion d'un module d'affichage rigide, en particulier d'un afficheur défilant programmable, dans un vêtement ou un accessoire de mode, et l'effet ainsi équipé ;

Que la partie descriptive du brevet rappelle que les modules d'affichage rigides servent classiquement à présenter dans les vitrines de commerce, magasins ou restaurants, ou sur des sites ciblés, des informations relatives aux articles, menus, conditions météorologiques ou manifestations proposés par le commerce ou le site, et que de tels modules sont miniaturisés pour être disposés dans des endroits ciblés, par exemple sur chaque table de restaurant ;

Qu'il est cependant affirmé qu'aucune utilisation en vue de valoriser un équipement vestimentaire à l'aide de ce type d'affichage ou d'utiliser un tel équipement pour véhiculer de l'information, par des messages personnalisés et/ou promotionnels, n'a jusqu'à présent été proposée ;

Que l'invention se propose de remédier à cet état de fait en réalisant l'adaptation de tels afficheurs sur un accessoire vestimentaire en proposant d'inclure le module d'affichage dans le dit accessoire, par recouvrement arrière de ce module venant se solidariser autour de l'ouverture ; que sont décrits divers modes de réalisation de l'invention ;

Attendu que le titre se compose à cette fin de 10 revendications, dont sont invoquées les revendications 1, 2, 3 et 6 dont la teneur suit :

1. Procédé d'inclusion d'un module d'affichage rigide (10), en particulier d'un afficheur défilant programmable, dans un accessoire vestimentaire en matériau souple (20) présentant une peau externe (22), consistant à pratiquer une ouverture (30) dans la peau de l'accessoire vestimentaire de dimension à peine inférieure à celle du module, centrer le module d'affichage (10) par l'intérieur de l'accessoire en regard de l'ouverture (30), à envelopper entièrement la partie arrière (21) du module, sur au moins deux côtés, d'une portion de matériau souple de dimension suffisamment supérieure à celle du module pour pouvoir être solidarisée en périphérie de l'ouverture ;

2. Procédé d'inclusion selon la revendication 1, dans lequel l'enveloppe (60) vient entourer le module à la manière d'une poche formant un renfort (40) sur la face d'affichage du module en bordure périphérique entourant l'ouverture, le renfort étant solidarisé à la face interne (2) de la peau (22) de l'accessoire ;

3. Procédé d'inclusion selon la revendication 1, dans lequel un renfort (40) est solidarisé à la peau (22) pour entourer l'ouverture (30) et la portion d'enveloppe (60) allant au-delà de la face arrière (12) venant se solidariser sur le pourtour externe du renfort (40) ;

6. Effet, vêtement ou accessoire de mode, équipé d'au moins un module d'affichage (10) selon le procédé de l'une quelconque des revendications précédentes.

IV. Validité du brevet français no04 04720

Attendu que pour contester la validité du titre invoqué au soutien de l'action en contrefaçon, les défenderesses font valoir que son objet, compris dans l'état de la technique, a été divulgué par des tiers préalablement à son dépôt, et, subsidiairement, que les revendications du brevet no04 04720 n'impliquent aucune activité inventive ;

A. Sur la nouveauté

Attendu qu'il résulte des dispositions de l'article L. 611-11 du Code de la propriété intellectuelle, une invention est considérée comme nouvelle si elle n'est pas comprise dans l'état de la technique, constitué par tout ce qui a été rendu accessible au public avant la date du dépôt de la demande de brevet par une description écrite ou orale, un usage ou un autre moyen, et comprenant le contenu des demandes de brevet français et de demandes de brevet européen ou international désignant la France, telles qu'elles ont été déposées, qui ont une date de dépôt antérieure à celle précédemment mentionnée, et qui n'ont été publiées qu'à cette date ou qu'à une date postérieure ;

Sur la nouveauté de la revendication 1

Attendu qu'il convient de rappeler que la revendication 1 du brevet no04 04720 décrit un "procédé d'inclusion d'un module d'affichage rigide (10), en particulier d'un afficheur défilant programmable, dans un accessoire vestimentaire en matériau souple (20) présentant une peau externe (22), consistant à pratiquer une ouverture (30) dans la peau de l'accessoire vestimentaire de dimension à peine inférieure à celle du module, centrer le module d'affichage (10) par l'intérieur de l'accessoire en regard de l'ouverture (30), à envelopper entièrement la partie arrière (21) du module, sur au moins deux côtés, d'une portion de matériau souple de dimension suffisamment supérieure à celle du module pour pouvoir être solidarisée en périphérie de l'ouverture" ;

Attendu que pour détruire la nouveauté des revendications du brevet litigieux, les défenderesses invoquent en premier lieu diverses attestations ;

Attendu qu'il ressort de la première d'entre elles, émanant de Monsieur Klaus C..., gérant de la société de droit allemand C... et Partner, qu'ont été développées, à la demande de la société GENERAL MOTORS EUROPE COMMUNICATIONS "des vestes dans lesquelles des modules électroniques "display" étaient installés, vestes destinées à l'usage des hôtesses de la société GENERAL MOTORS à l'occasion du Salon Automobile de Genève du 4 au 14 mars 2004" ; que Monsieur C... affirme avoir ménagé une ouverture sur le devant de ces vestes, avoir cousu une "première pièce de tissu particulièrement fine (...) à l'intérieur" des vestes, "de manière que les pièces constituant le module "display" demeurent très peu visibles à l'extérieur", la garniture de tissu ainsi réalisée constituant de plus "un renfort en bordure de l'ouverture" ; qu'il ajoute avoir de nouveau cousu, "dans la partie interne de la veste, en trois endroits, en rond autour de l'ouverture, une seconde pièce de tissu de plus grandes dimensions que la première, de manière à constituer une poche dans laquelle un module "display" fixe pouvait être inséré" ;

Qu'une attestation de Monsieur Jean-Philippe D..., chargé de communication de la société GENERAL MOTORS EUROPE COMMUNICATIONS, confirme que les hôtesses du stand tenu par son employeur lors du salon automobile de Genève étaient habillées de ces blousons comprenant "une ouverture ménagée sur la partie avant du blouson à hauteur de poitrine et dans laquelle apparaissait un module d'affichage rigide permettant d'inscrire le nom de l'hôte ou hôtesse d'accueil qui le portait", l'insertion du module d'affichage "dans le blouson en regard de cette ouverture étant réalisée par une poche formée d'une pièce de tissu cousue à l'intérieur du blouson sur trois côtés afin de laisser un côté libre pour l'insertion/retrait du module d'affichage" ;

Que Monsieur Emeric E..., ingénieur de recherche de la société FRANCE TELECOM, a attesté avoir créé, à l'occasion d'un salon s'étant déroulé du 23 au 26 février 2004, des "vêtements communicants" comportant "des modules d'affichage électroniques visibles à la surface externe du vêtement à travers une ouverture ménagée dans ce dernier" ;

Mais attendu que ces attestations, ainsi que les photographies qui les illustrent, ne permettent pas au Tribunal de s'assurer que les modules d'affichage ajoutés aux vêtements ainsi décrits étaient centrés en regard d'une ouverture préalablement pratiquée sur la peau du vêtement, puis enveloppés, en leur partie arrière, sur au moins deux côtés, d'une portion de matériau souple ;

Qu'il apparaît au contraire que les antériorités invoquées démontrent l'existence de poches préformées destinées à accueillir les dits modules d'affichage, nécessairement divulguées en raison de leur utilisation à l'occasion de salons accessibles au public ; que s'agissant du procédé utilisé en mars 2004 lors du salon automobile de Genève, les photographies produites et la description de Monsieur C... tendent à démontrer que le module d'affichage n'était pas placé directement derrière l'ouverture, mais était séparé de celle-ci par "une pièce de tissu particulièrement fine" laissant le message affiché lisible par transparence ;

Attendu que les défenderesses entendent en outre se prévaloir d'une demande de brevet allemand noDE 101 48 821 A1, publiée le 30 avril 2003 ; que si Monsieur X... prétend qu'aucun élément sur la publication de cette demande n'est donné, il ne fournit aucune traduction contraire du terme allemand "offenlegungstag" faisant référence, selon la société ENERGECYCLE, à la date de publication de la demande ; que cette dernière était donc comprise dans l'état de la technique lors du dépôt de la demande du brevet invoqué ;

Qu'en l'absence de traduction complète du titre, seul l'extrait transposé en langue française et les images l'illustrant seront examinés par le Tribunal ;

Qu'il ressort de cet examen que le titre allemand divulgue un exemple de réalisation de l'invention protégée sous forme d'un pull-over avec capuche, comprenant "une unité d'affichage (...) insérée sensiblement à hauteur de poitrine" ; qu'il apparaît qu'à cet effet, "une large découpe appropriée est réalisée dans la surface du vêtement pour laisser en vue la zone d'affichage de l'unité en s'adaptant au ras de son étendue" ; que le dispositif de fixation de cette unité d'affichage est constitué "d'une bande d'environ 1 cm de large d'un ruban de fermeture velcro", "raccordée au ras de la face intérieure de la matière superficielle du pull-over à capuche, le long de la bordure de découpe", "une couture adjacente à cette bande étant réalisée entre la matière superficielle et une pièce de doublure" ; que "la surface de la pièce de doublure délimitée par cette couture correspond sensiblement aux dimensions extérieures de l'unité d'affichage", "une bande étroite de contre-pièce du ruban de fermeture velcro" étant "placée sur cette unité tout autour de la surface d'affichage" ; que l'unité d'affichage en question "est insérée dans la face avant du pull-over derrière la découpe, de sorte que la liaison velcro entre l'unité d'affichage et la face intérieure de la matière superficielle est rendue possible de la manière représentée" ;

Mais attendu qu'est ainsi divulgué un dispositif permettant de rendre visible une unité d'affichage insérée dans un vêtement et fixée à lui par un système composé de bandes velcro ; qu'une telle antériorité ne dévoile aucun procédé consistant à fixer un module d'affichage centré en regard d'une ouverture préalablement pratiquée sur la peau du vêtement, puis enveloppé, en sa partie arrière, sur au moins deux côtés, d'une portion de matériau souple ;

Attendu qu'il n'est produit aucun document antériorisant de toutes pièces la revendication no1du brevet no0404720, de sorte que celle-ci doit être considérée comme nouvelle au regard de l'article L. 611-11 du Code de la propriété intellectuelle.

Sur la nouveauté des revendications 2 et 3

Attendu que les revendications 2 et 3 du brevet, décrivant des procédés d'inclusion dépendants de la revendication 1, doivent être considérées comme nouvelles au sens de l'article L. 611-11 du Code de la propriété intellectuelle.

Sur la nouveauté de la revendication 6

Attendu que la revendication 6, décrivant un effet, vêtement ou accessoire de mode, équipé d'au moins un module d'affichage (10) selon le procédé de l'une quelconque des revendications précédentes, qui présentent un caractère de nouveauté, doit elle-même être jugée nouvelle au regard des dispositions précitées.

B. Sur le défaut d'activité inventive

Attendu qu'aux termes de l'article L. 611-14 du Code de la propriété intellectuelle, une invention est considérée comme impliquant une activité inventive si, pour un homme du métier, elle ne découle pas de manière évidente de l'état de la technique ;

Attendu qu'en l'espèce, l'homme du métier doit être défini comme un couturier ou technicien concepteur de vêtements, au fait des différentes techniques d'insertion d'éléments décoratifs ;

Attendu que les défenderesses opposent au brevet no0404720 les procédés décrits par les attestations précitées et la demande de brevet allemand noDE 101 48 821 A1 ;

Attendu que les attestations de Messieurs C... et D... révèlent la divulgation, dès le mois de mars 2004, de" vestes dans lesquelles des modules électroniques "diplay" étaient installés" ; que Monsieur C... affirme avoir ménagé une ouverture sur le devant de ces vestes, avoir cousu une "première pièce de tissu particulièrement fine (...) à l'intérieur" des vestes, "de manière que les pièces constituant le module "display" demeurent très peu visibles à l'extérieur", la garniture de tissu ainsi réalisée constituant de plus "un renfort en bordure de l'ouverture" ; qu'il ajoute avoir de nouveau cousu, "dans la partie interne de la veste, en trois endroits, en rond autour de l'ouverture, une seconde pièce de tissu de plus grandes dimensions que la première, de manière à constituer une poche dans laquelle un module "display" fixe pouvait être inséré" ;

Attendu que les "vêtements communicants" créés par Monsieur Emeric E..., ingénieur de recherche de la société FRANCE TELECOM, à l'occasion d'un salon s'étant déroulé du 23 au 26 février 2004, comportaient "des modules d'affichage électroniques visibles à la surface externe du vêtement à travers une ouverture ménagée dans ce dernier" ; que les clichés annexés à l'attestation représentent "l'insertion d'un module d'affichage électronique par l'intérieur du blouson", lequel présente "une ouverture en regard de laquelle on vient placer la portion d'affichage du module, ce dernier étant maintenu dans cette position par une pièce de tissu qui enveloppe la partie arrière du module", qui, une fois inséré, "apparaît dans l'ouverture aménagée à la surface du blouson" ;

Attendu, enfin, que les dessins et la traduction partielle de la demande de brevet allemand noDE 101 48 821 A1, publiée le 30 avril 2003 révèlent l'existence d'un pull-over avec capuche, comprenant "une unité d'affichage (...) insérée sensiblement à hauteur de poitrine" ; qu'il apparaît qu'à cet effet, "une large découpe appropriée est réalisée dans la surface du vêtement pour laisser en vue la zone d'affichage de l'unité en s'adaptant au ras de son étendue" ; que le dispositif de fixation de cette unité d'affichage est constitué "d'une bande d'environ 1 cm de large d'un ruban de fermeture velcro", "raccordée au ras de la face intérieure de la matière superficielle du pull-over à capuche, le long de la bordure de découpe", "une couture adjacente à cette bande étant réalisée entre la matière superficielle et une pièce de doublure" ; que "la surface de la pièce de doublure délimitée par cette couture correspond sensiblement aux dimensions extérieures de l'unité d'affichage", "une bande étroite de contre-pièce du ruban de fermeture velcro" étant "placée sur cette unité tout autour de la surface d'affichage" ; que l'unité d'affichage en question "est insérée dans la face avant du pull-over derrière la découpe, de sorte que la liaison velcro entre l'unité d'affichage et la face intérieure de la matière superficielle est rendue possible de la manière représentée" ;

Attendu que le demandeur ne conteste pas le caractère certain des dates citées par les attestations produites en défense ; qu'il doit être rappelé qu'aucun élément ne permet de remettre en cause l'antériorité de la demande de brevet allemand opposée par les sociétés ENERGECYCLE, ABACA et BRODE MODE ;

Attendu que les descriptions et photographies produites permettent de considérer que lors du dépôt de la demande ayant abouti à la délivrance du brevet invoqué au soutien de l'action en contrefaçon, l'homme du métier connaissait l'existence de procédés consistant d'une part à placer des modules d'affichage en regard d'ouvertures pratiquées dans le vêtement choisi, les laissant apparaître, en transparence ou non, d'autre part à les fixer grâce à des pièces de tissus préalablement fixées, au moins pour partie, sur la surface interne du vêtement ;

Que pour être ainsi attachées, ou solidarisées, au vêtement, les dites pièces de tissus devaient nécessairement être d'une taille supérieure à celle du module, lequel devait lui -même être de taille inférieure à l'ouverture le laissant apparaître, à défaut de quoi il n'aurait pu rester fixé à la face interne du vêtement ;

Que l'homme du métier pouvait donc, sans effort particulier, substituer aux systèmes existants un procédé consistant, non pas à insérer le module d'affichage dans une poche préformée, mais à centrer le module en regard de l'ouverture prévue à cet effet, avant de l'envelopper dans sa partie arrière, au moins sur deux côtés, d'une portion de matériau souple pouvant être solidarisée en périphérie de l'ouverture, et aboutir ainsi à la revendication 1 du brevet, laquelle, ne nécessitant aucune activité inventive, doit être annulée ;

Qu'il pouvait de la même façon, sans faire preuve d'une quelconque activité inventive, concevoir l'enveloppe de telle façon qu'elle puisse entourer le module à la manière d'une poche formant un renfort sur la face d'affichage du module en bordure périphérique entourant l'ouverture, renfort solidarisé à la face interne de l'accessoire, et aboutir à la revendication 2 du brevet litigieux, laquelle doit dès lors être annulée ;

Que l'ajout d'un renfort, solidarisé à la peau du vêtement pour entourer l'ouverture, ainsi que la portion d'enveloppe allant au-delà de la face arrière venant se solidariser sur le pourtour externe du renfort, était particulièrement évident pour tout couturier ou technicien concepteur de vêtements, au fait des différentes techniques d'insertion d'éléments décoratifs ; que la revendication 3, dépourvue d'activité inventive, doit donc elle aussi être annulée ;

Qu'enfin, du fait de l'existence, dans l'état de la technique antérieur au titre examiné, des vêtements précédemment décrit, la réalisation d'un effet, vêtement, ou accessoire de mode équipé d'au moins un module d'affichage selon les procédés revendiqués ne nécessitait aucune activité inventive ; qu'il en résulte que la revendication 6 doit être annulée.

V. Sur la contrefaçon

Attendu que les revendications 1, 2, 3 et 6 du brevet no0404720 étant annulées, l'action en contrefaçon de Monsieur X... ne peut prospérer, de sorte qu'il sera débouté de l'ensemble de ses demandes.

VI. Sur les demandes reconventionnelles

Attendu que la société ENERGECYCLE soutient avoir subi un véritable harcèlement de la part des demandeurs, lesquels sont directement intervenus auprès de ses distributeurs, notamment les Galeries Lafayette, et s'en sont pris à la personne de l'un de ses associés, Monsieur F... ; qu'elle prétend avoir été victime d'une politique de dénigrement, l'ensemble des agissements décrits constituant selon elle une faute au sens de l'article 1382 du Code civil ;

Mais attendu qu'il ne saurait être reproché à Monsieur X... d'avoir fait procéder, aux côtés de la société PANDORA'S BOX, à une saisie-contrefaçon dans le cadre fixé par la loi, puis d'avoir assigné les présumés contrefacteurs, en se prévalant des droits découlant d'un titre présumé valable ;

Attendu que la société ENERGECYCLE produit un courrier des Galeries Lafayette démontrant selon elle que ce distributeur s'est détourné d'elle ; que ce document, évoquant le retrait des marchandises arguées de contrefaçon suite à l'intervention de la société PANDORA'S BOX, laquelle n'est plus partie à la présente procédure, révèle en réalité la volonté des Galeries Lafayette d'obtenir le "sentiment" de la défenderesse sur la procédure engagée en lui rappelant son souhait d'être mise hors de cause ou d'être, à tout le moins, garantie de toute condamnation pouvant être prononcée ;

Attendu, de plus, que les faits dont Monsieur G... aurait été victime de la part de Monsieur X..., sont sans lien avec la présente instance ;

Attendu, enfin, que l'exercice d'une action en justice constitue, en principe, un droit, et ne dégénère en abus pouvant donner naissance à une dette de dommages intérêts que dans le cas de malice, de mauvaise foi ou d'erreur grossière équipollente au dol ;

Attendu que la société ENERGECYCLE, qui ne rapporte pas la preuve de faits susceptibles de caractériser une faute au sens de l'article 1382 du Code civil, sera déboutée de ses demandes aux fins d'indemnisation et de publication formulées de ce chef.

VII. Sur les autres demandes

Attendu que la nature de l'espèce et l'ancienneté du litige justifient d'ordonner l'exécution provisoire du présent jugement ;

Attendu que Messieurs X... et Y..., succombant, seront condamnés aux entiers dépens ;

Qu'il serait inéquitable de laisser à la charge des défenderesses la totalité des frais irrépétibles ; qu'il convient, en conséquence, d'allouer, sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile, la somme de 6.000 € à la société ENERGECYCLE, la somme de 3.000 € à la société ABACA, et, enfin, la somme de 1.000 € à la société BRODE MODE.

Par ces motifs

Le Tribunal,

Statuant publiquement, par mise à disposition du présent jugement au greffe, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues par le deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile,

Par jugement contradictoire, rendu en premier ressort,

- CONSTATE que la société PANDORA'S BOX ne formule aucune demande à l'encontre des sociétés ENERGECYCLE, ABACA et BRODEMODE,

- DECLARE Monsieur Y... irrecevable en son action en contrefaçon,

- ANNULE, pour défaut d'activité inventive, les revendications 1, 2, 3 et 6 du brevet français no04 04720,

- DEBOUTE Monsieur X... de son action en contrefaçon,

- DEBOUTE la société ENERGECYCLE de sa demande reconventionnelle de dommages et intérêts,

- DEBOUTE les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,

- ORDONNE l'exécution provisoire,

- CONDAMNE in solidum Monsieur X... et Monsieur Y... à payer à la société ENERGECYCLE la somme de 6.000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,

- CONDAMNE in solidum Monsieur X... et Monsieur Y... à payer à la société ABACA la somme de 3.000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,

- CONDAMNE in solidum Monsieur X... et Monsieur Y... à payer à la société BRODEMODE la somme de 1.000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,

- CONDAMNE in solidum Monsieur X... et Monsieur Y... aux entiers dépens, lesquels comprendront les frais d'huissier exposés par la société ABACA, et seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.

Fait et jugé à Paris le 28 Mars 2008

Le Greffier Le Président


Synthèse
Tribunal : Tribunal de grande instance de Paris
Formation : Chambre civile 3
Numéro d'arrêt : 06/01994
Date de la décision : 28/03/2008
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.grande.instance.paris;arret;2008-03-28;06.01994 ?
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