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26/03/2008 | FRANCE | N°06/12601

France | France, Tribunal de grande instance de Paris, Chambre civile 3, 26 mars 2008, 06/12601


3ème chambre 3ème section

Assignation du : 01 Août 2005

JUGEMENT rendu le 26 Mars 2008

DEMANDERESSE
S. A. R. L. ROJAREX représentée par sa gérante, Mme X... Rosy.... 93100 MONTREUIL
représentée par Me Gilles GRINAL, avocat au barreau de PARIS, vestiaire C. 807

DÉFENDERESSE
S. A. LANCO 4 rue du Popincourt 75011 PARIS
représentée par SCP CABINET MANDEL MERGUI, avocats au barreau de PARIS, vestiaire R 275
COMPOSITION DU TRIBUNAL
Elisabeth BELFORT, Vice- Président, signataire de la décision Agnès THAUNAT, Vice- Président Michè

le PICARD, Vice- Président,
assistée de Marie- Aline PIGNOLET, Greffier, signataire de la décision
DEBA...

3ème chambre 3ème section

Assignation du : 01 Août 2005

JUGEMENT rendu le 26 Mars 2008

DEMANDERESSE
S. A. R. L. ROJAREX représentée par sa gérante, Mme X... Rosy.... 93100 MONTREUIL
représentée par Me Gilles GRINAL, avocat au barreau de PARIS, vestiaire C. 807

DÉFENDERESSE
S. A. LANCO 4 rue du Popincourt 75011 PARIS
représentée par SCP CABINET MANDEL MERGUI, avocats au barreau de PARIS, vestiaire R 275
COMPOSITION DU TRIBUNAL
Elisabeth BELFORT, Vice- Président, signataire de la décision Agnès THAUNAT, Vice- Président Michèle PICARD, Vice- Président,
assistée de Marie- Aline PIGNOLET, Greffier, signataire de la décision
DEBATS
A l'audience du 05 Février 2008 tenue en audience publique
JUGEMENT
Prononcé par remise de la décision au greffe Contradictoire en premier ressort RAPPEL DES FAITS ET PROCEDURE
La société ROJAREX est titulaire de la marque française semi- figurative ENZO di MILANO déposée le 19 décembre 2002 et enregistrée à L'INPI sous le numéro 02 320 1222 pour désigner en classe internationale 6 des " tissus à usage textile, vêtements, chemises, pulls ".
Elle commercialise sous cette marque des chemises pour hommes.
Elle a découvert que la société LANCO, dont l'objet social est d'après son extrait Kbis du registre du commerce " les vente en gros de linge de maison " exploitait le nom commercial MASSIMO diVENIZIANO et commercialisait des chemises présentant les mêmes caractéristiques que celles vendues sous sa marque, en reprenant notamment le graphisme de l'étiquette ENZO diMILANO déposée comme marque.
Autorisée par ordonnance du vice président délégué par le Président du tribunal de grande instance de Paris le 28 juin 2005, la société ROJAREX a fait procéder à une saisie contrefaçon dans les locaux de la société LANCO à Aubervilliers. Il a été indiqué par le gérant de cette société à l'huissier que des chemises avaient été commercialisées en 2004 et 2005 sous l'appellation MASSIMO diVENIZIANO, une facture de 13780 chemises a été remise à l'huissier et le gérant a déclaré que ces chemises étaient revendues aux grossistes au prix de 3, 04 eros HT l'unité et aux magasins au prix de 4, 08 euros HT.
Par acte d'huissier de justice en date du 1er août 2005, la société ROJAREX a fait assigner la société LANCO devant le tribunal de grande instance de Paris en contrefaçon.
Par dernières conclusions signifiées le 4 septembre 2007, la société ROJAREX demande principalement au tribunal de :
au visa des articles L713-1 et suivants du code de propriété intellectuelle, L 335-2 et suivants et L 521-1 et suivants du code de propriété intellectuelle et 1382 du code civil,
valider la saisie- contrefaçon diligentée le 18 juillet 2005 par Maître B... en l'établissement de la société LANCO sise à AUBERVILLIERS,
dire et juger que les étiquettes figurant sur les articles de prêt à porter et commercialisés par la société LANCO constituent la contrefaçon de la marque ENZO di MILANO lui appartenant et déposée à l'INPI sous le no02 3 210 222,
dire et juger que la défenderesse s'est rendue coupable de concurrence déloyale et parasitaire à l'encontre de la société ROJAREX,
en conséquence, condamner la société LANCO à lui payer la somme de 300 0000 euros en réparation du préjudice financier consécutif à la contrefaçon,

condamner la société LANCO à lui payer la somme de 300 000 euros en réparation du préjudice lié à l'atteinte portée à son image de marque,
la condamner à lui payer la somme de 300 000 euros en réparation du préjudice subi du fait de la concurrence déloyale et parasitaire,
en conséquence,
lui interdire ainsi qu'à l'ensemble des sous- traitant grossistes, détaillants et autres revendeurs de fabriquer et faire fabriquer et commercialiser tout article de prêt à porter sur lequel figure l'étiquette contrefaite et ce sous astreinte de 1500 euros par infraction constatée et par jour de retard à compter de la date du jugement à intervenir, le tribunal se réservant le droit de liquider l'astreinte,
contraindre la défenderesse à lui fournir l'ensemble de ses pièces comptables et ce sous astreinte de 3000 euros par jour de retard à compter de la date du jugement à intervenir, le tribunal se réservant le droit de liquider l'astreinte,
désigner un expert à l'effet de vérifier s'il y a eu d'autres modèles contrefaisants fabriqués pour la société Lanco, vérifier ses comptes, son chiffre d'affaires, déterminer sa trésorerie, se faire remettre tous documents utiles,
ordonner la confiscation de l'ensemble des produits contrefaits et ce tant au siège social qu'aux établissements secondaires et qu'à l'ensemble de ses sous traitants, grossistes et détaillants,
ordonner la publication du jugement dans cinq journaux professionnels de son choix et aux frais de la défenderesse sans que le coût de chaque insertion excède 4000 euros HT,
en tout état de cause,
rejeter les demandes de la défenderesse,
ordonner l'exécution provisoire,
condamner la société LANCO à lui payer la somme de 7000 euros en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile,
condamner la société LANCO aux entiers dépens avec distraction au profit de Maître GRINAL, en application de l'article 699 du nouveau code de procédure civile.
Par dernières conclusions signifiées le 7 juin 2007, la société LANCO demande principalement au tribunal de :
au visa de la requête à fin de saisie en date du 27 juin 2005 présentée par la société ROJAREX, de l'ordonnance à fin de saisie signée le 28 juin 2005, de la saisie diligentée par Maître B... le 18 juillet 2005 et de l'assignation délivrée à la défenderesse le 1er août 2005,

in limine litis, dire que la saisie en date du 18 juillet 2005 est nulle,
en conséquence rejeter des débats toutes pièces, constatations et informations qui la société ROJAREX aurait pu obtenir au cours de ladite saisie,
dire la société ROJAREX irrecevable et mal fondée en ses demandes en ce qu'elles sont fondées sur les articles L 335-2 et suivants du code de propriété intellectuelle,
lui faire injonction de verser aux débats le dépôt de dessins et modèle dont elle se prévaut aux termes de ses requêtes à fin de saisie et de son assignation afin de permettre à la société LANCO de répliquer à ses demandes,
dire la demande de la société ROJAREX fondée sur l'article 1382 du code civil mal fondée et l'en débouter,
dire la demande d'expertise irrecevable et mal fondée,
en conséquence la recevoir en ses demandes reconventionnelles en dommages- intérêts pour procédure abusive sur le fondement de l'article 1382 du code civil,
condamner la société ROJAREX à lui payer la somme de 20 000 euros à titre de dommages- intérêts et la somme de 10 000 euros en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile,
condamner la société ROJAREX aux entiers dépens,
ordonner l'exécution provisoire.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur la nullité de la saisie- contrefaçon
La société défenderesse soulève la nullité de la saisie- contrefaçon aux motifs que la saisie a été autorisée par le Président du tribunal de grande instance de Paris alors que celle- ci ayant été réalisée à Aubervilliers, seul le Président du tribunal de grande instance de Bobigny était compétent pour le faire ; de plus le procès verbal vise une autorisation du président du tribunal de grande instance de Bobigny alors que c'est le président du tribunal de grande instance de Paris qui a délivré l'ordonnance.
Le tribunal observe qu'il résulte des dispositions combinées des article 497 et 460 du code de procédure civil, que la seule voie ouverte à la contestation de la régularité de l'ordonnance de saisie- contrefaçon rendue par le Vice Président délégué par le Président du tribunal de grande instance de Paris était la rétractation. Dès lors, le défendeur qui s'est abstenu de saisir le magistrat ayant rendu la décision contestée en rétractation est irrecevable à agir au fond en nullité de l'ordonnance autorisant le saisie- contrefaçon en raison de son incompétence territoriale.

Par ailleurs, la défenderesse soulève également la nullité du procès verbal de saisie- contrefaçon au motif que la société ROJAREX a visé dans l'ordonnance l'article L521-1 du code de propriété intellectuelle sur les dessins et modèles alors qu'elle ne se prévaut que d'une marque.
Le tribunal observe que si l'ordonnance litigieuse, vise l'article L521-1 du code de propriété intellectuelle, elle vise également les article L 716-7 et suivants du code de propriété intellectuelle qui sont relatifs aux marques. Le titre fondant la saisie- contrefaçon étant une marque, il importe peu qu'un article relatif aux dessins et modèle soit visé à titre superfétatoire, l'ordonnance visant également les dispositions légales relatives aux marques.
Dès lors, le procès- verbal de saisie contrefaçon est valable.
Sur la contrefaçon par imitation
Les signes en cause étant différents (marque semi- figurative ENZO di MILANO C / signe MASSIMO di VENIZIANO) c'est au regard de l'article L713-3 b du code de la propriété intellectuelle qui dispose que " sont interdits, sauf autorisation du propriétaire, s'il peut en résulter un risque de confusion dans l'esprit du public : (...) b) l'imitation d'une marque et l'usage d'une marque imitée, pour des produits ou services identiques ou similaires à ceux désignés dans l'enregistrement. ", que doit être examiné le grief de contrefaçon par imitation.
L'imitation est caractérisée dès lors qu'il résulte de la comparaison des marques en cause un risque de confusion dans l'esprit du public. Ce risque de confusion doit s'apprécier en tenant compte des facteurs pertinents de l'espèce : degré du caractère distinctif de la marque opposée en y incluant une éventuelle notoriété, plus ou moins grande similitude des produits et services visés par les signes en présence.
En ce qui concerne les signes, le tribunal relève que les signes en présence sont similaires d'un point de vue visuel, en effet ils sont tous les deux composés d'une succession de trois mots, le premier mot étant un prénom italien, le second mot étant dans les deux signes constitué du même article de langue italienne " di " et le troisième mot étant la désignation italienne d'une ville de ce pays. Il résulte de la comparaison de la marque opposée avec les produits saisis, que les étiquettes des chemises vendues par la société défenderesse reprend le graphisme des étiquettes déposées à titre de marque par la demanderesse.
D'un point de vue phonétique les deux signes ont une consonance italienne et présente le même rythme.
D'un point de vue conceptuel, les deux signes sont très proches, puisqu'il sont constitués tous les deux suivant le même schéma d'un prénom italien, suivi d'un article italien et du nom d'une grande ville italienne dont serait originaire le porteur du prénom. Certes les prénoms choisis, tout comme les villes italiennes choisies sont différents, mais les signes renvoient au même concept de l'élégance des hommes italiens.

Les produits sont identiques : il s'agit dans les deux cas de chemises pour homme.
Le risque de confusion est certain pour un consommateur moyennement attentif, désireux d'acheter une chemise et qui n'a pas sous les yeux la marque opposée, qui aura juste mémorisé que celle ci est constituée d'un prénom italien et d'une ville italienne dont serait originaire le porteur du prénom et qui retrouvera dans le signe second le graphisme de la marque première.
Dans ces conditions le grief de contrefaçon par imitation est constitué.
Sur la concurrence déloyale
La société demanderesse soutient que la société défenderesse s'est placée dans son sillage économique en imitant la présentation du produit, le contenu des vignettes de qualité ou encore la pastille " facile à repasser " apposée sur les chemises qu'elle commercialise.
Il s'agit là de griefs distincts qui constituent des actes de concurrence déloyale et parasitaire et doivent être sanctionnés dès lors qu'ils sont démontrés par les éléments saisis, en application de l'article 1382 du code civil.
En revanche, il y a lieu de rejeter les demandes visant à réparer l'atteinte à la réputation commerciale, ce grief n'étant pas prouvé.
Sur les mesures réparatrices
Les mesures d'interdictions et de destruction doivent être ordonnées selon des modalités prévues au dispositif.
Compte tenu des éléments relevés par l'huissier dans le procès verbal de saisie contrefaçon, de la faible notoriété de la marque opposée, il convient de fixer à la somme de 15. 000 euros le préjudice subi du fait des atteintes à la marque.
Le tribunal possède en outre suffisamment d'éléments pour fixer à la somme de 40. 000 euros le préjudice subi du fait des actes de concurrence déloyale, la mesure d'expertise sollicitée et la production de pièces comptables n'apparaissant pas nécessaires.
La publication de la présente décision à titre de dommages- intérêts complémentaires n'apparaît pas nécessaire.
Sur l'application de l'article 700 du code de procédure civile
Il parait inéquitable de laisser à la charge de la société demanderesse les frais irrépétibles et non compris dans les dépens. Il convient de lui allouer à ce titre une indemnité de 7000 euros.
Sur la demande reconventionnelle en procédure abusive
La société ROJAREX triomphant dans son action, on ne saurait qualifier celle- ci de procédure abusive.
Il convient en conséquence de rejeter la demande reconventionnelle de la société LANCO ;
Sur l'exécution provisoire
Il parait nécessaire en l'espèce et compatible avec la nature de l'affaire d'ordonner l'exécution provisoire de la présente décision.
Sur les dépens
La société LANCO succombant dans ses prétentions doit être condamnée aux dépens avec distraction au profit de Maître GRINAL, avocat, en application de l'article 699 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS
Le tribunal statuant par jugement contradictoire, mis à disposition au greffe et premier ressort,
Déclare irrecevable la demande de nullité de l'ordonnance autorisant la saisie- contrefaçon,
Rejette la demande de nullité du procès verbal de saisie- contrefaçon,
Dit qu'en commercialisant des chemises sous l'appellation " MASSIMO diVENIZIANO " la société LANCO a commis des actes de contrefaçon par imitation de la marque " ENZO diMILANO " dont est titulaire la société ROJAREX, et de concurrence déloyale et parasitaire,
Condamne la société LANCO a payer à la société ROJAREX :- la somme de 15. 000 euros à titre de dommages- intérêts pour l'atteinte à sa marque,- la somme de 40. 000 euros à titre de dommages- intérêts au titre de la concurrence déloyale,- la somme de 7000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
Interdit à la société LANCO ainsi qu'à l'ensemble des sous- traitant grossistes, détaillants et autres revendeurs de fabriquer et faire fabriquer et commercialiser sur le territoire français tout article de prêt à porter sur lequel figure le signe MASSIMO di VENIZIANO et ce sous astreinte de 150 euros par infraction constatée à compter d'un délai d'un mois suivant la signification du présent jugement, le tribunal se réservant le droit de liquider l'astreinte,
Rejette les autres demandes tant principales que reconventionnelles,
Ordonne l'exécution provisoire,

Condamne la société LANCO aux entiers dépens, qui seront recouvrés par Maître GRINAL, avocat, en application de l'article 699 du code de procédure civile.
Fait et jugé à Paris le 26 mars 2008

LE GREFFIER LE PRESIDENT

Marie- Aline PIGNOLET Elisabeth BELFORT


Synthèse
Tribunal : Tribunal de grande instance de Paris
Formation : Chambre civile 3
Numéro d'arrêt : 06/12601
Date de la décision : 26/03/2008
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.grande.instance.paris;arret;2008-03-26;06.12601 ?
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