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21/03/2008 | FRANCE | N°06/14929

France | France, Tribunal de grande instance de Paris, Chambre civile 3, 21 mars 2008, 06/14929


3ème chambre 2ème section
Assignation du : 21 Juin 2006

JUGEMENT rendu le 21 Mars 2008

DEMANDERESSE
Mademoiselle Dominique X...... 64500 ST JEAN DE LUZ

représentée par Me Sébastien REVAULT D ALLONNES, avocat au barreau de CRETEIL, vestiaire PC396 (bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2005 / 004359 du 23 / 02 / 2006 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de Paris)
DÉFENDERESSES
Société ARPEGE 223 avenue Pierre Brossolette 92120 MONTROUGE

représentée par Me Frédéric DEREUX, avocat au barreau de PARIS, vestiair

e U. 0001
Association d'Artistes KELD- représentée par Monsieur Stéphane Y... 114 avenue de la Rép...

3ème chambre 2ème section
Assignation du : 21 Juin 2006

JUGEMENT rendu le 21 Mars 2008

DEMANDERESSE
Mademoiselle Dominique X...... 64500 ST JEAN DE LUZ

représentée par Me Sébastien REVAULT D ALLONNES, avocat au barreau de CRETEIL, vestiaire PC396 (bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2005 / 004359 du 23 / 02 / 2006 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de Paris)
DÉFENDERESSES
Société ARPEGE 223 avenue Pierre Brossolette 92120 MONTROUGE

représentée par Me Frédéric DEREUX, avocat au barreau de PARIS, vestiaire U. 0001
Association d'Artistes KELD- représentée par Monsieur Stéphane Y... 114 avenue de la République 93140 BONDY

S. A. R. L. STEPHANE Y... 114 avenue de la REPUBLIQUE 93140 BONDY

représentées par Me Dominique LEFRANC, avocat au barreau de BOBIGNY, vestiaire PB70
COMPOSITION DU TRIBUNAL
Véronique RENARD, Vice Président, signataire de la décision Sophie CANAS, Juge, Guillaume MEUNIER, Juge

assistée de Marie- Aline PIGNOLET, Greffier, signataire de la décision
DEBATS
A l'audience du 31 Janvier 2008, tenue en audience publique
JUGEMENT
Prononcé par remise de la décision au greffe Contradictoire en premier ressort

Faits et procédure
Mademoiselle Dominique X..., artiste peintre, indique avoir constaté que des reproductions de certaines de ses oeuvres, imprimées par la société Stéphane Y..., ont été exposées, sans son autorisation, dans les locaux d'un restaurant de la société ARPEGE 112 avenue Kléber Paris XVIème, les panneaux d'exposition comportant, outre le logo de la société ARPEGE, celui du site internet KELD. com, exploité par l'association d'artistes KELD, à laquelle elle avait auparavant communiqué des tirages photographiques de ses tableaux dans le but de faire connaître son travail.
Dûment autorisée par ordonnance du Président du Tribunal de grande instance de Paris en date du 24 mai 2004, Mademoiselle X... a fait procéder, le 27 mai 2004, à une saisie- contrefaçon dans les locaux du restaurant de la société ARPEGE, qui a permis de confirmer la présence de reproductions en couleur, sur papier et encadrées, de 15 de ses oeuvres intitulées " Lotus 2 ", " Grand Couple Carré ", " Abaya 2 ", " Couple Marron ", " Abaya 1 ", " Lotus 1 ", " Couple Bleu ", " Couple Ocre ", " Lotus Bleu 2 ", " Lotus Rouge 2 ", " Lotus Rouge 1 ", " Lotus Bleu 1 ", " Souffle Rouge ", " Couple Bleu ", " Couple Rouge ".
Estimant être victime de contrefaçon de ses droits d'auteur, Mademoiselle X..., par actes d'huissier de justice en date des 21 juin 2006 et 11 septembre 2006, a assigné l'association d'artistes KELD et la société ARPEGE en contrefaçon de ses droits d'auteur. La société ARPEGE a quant à elle assigné en intervention forcée la société Stéphane Y... par acte d'huissier de justice du 3 janvier 2007.
La jonction des procédures a été ordonnée le 9 mars 2007 ; la clôture a été prononcée le 21 décembre 2007.
Prétentions des parties
Par conclusions récapitulatives signifiées le 22 juin 2007, Mademoiselle X... demande au Tribunal :
- de " constater que la reproduction est illicite au regard de l'article L. 338-2 du Code de la propriété intellectuelle et constitue la contrefaçon de ses oeuvres ",- d'ordonner la cessation du trouble sous astreinte définitive de 500 € par jour de retard à compter de la signification du jugement à intervenir,- de condamner in solidum la société ARPEGE, Keld. com, et Stéphane Y... à verser à Mademoiselle X... la somme de 15. 000 € en réparation du préjudice subi,- de condamner in solidum la société ARPEGE, Keld. com, et Stéphane Y... à verer à Mademoiselle X... la somme de 3. 000 € au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,- de débouter l'association KELD et la société Stéphane Y... de l'ensemble de leurs demandes dirigées contre Mademoiselle X...,- de condamner les défendeurs aux entiers dépens.

En réponse, par conclusions du 18 septembre 2007, la société ARPEGE demande à la juridiction :
- à titre principal, de la mettre hors de cause, et de débouter la demanderesse de l'ensemble de ses demandes,- subsidiairement, de débouter Mademoiselle X... de sa demande de réparation, non justifiée,- plus subsidiairement, de condamner la société Stéphane Y... à la garantir de toutes condamnations mises à sa charge,- en toute hypothèse, de dire qu'en fournissant à la société ARPEGE des reproductions d'oeuvres sans l'accord de leur auteur, la société Stéphane Y... a manqué à ses obligations contractuelles, et de la condamner à lui verser la somme de 15. 000 € en réparation du préjudice subi,- de condamner la société Stéphane Y... à lui payer la somme de 5. 000 € sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,- de condamner la société Stéphane Y....

Par conclusions signifiées le 9 mars 2007, l'association d'artistes KELD et la société Stéphane Y... demandent au Tribunal :
- de constater que la reproduction des oeuvres de Mademoiselle X... dans les locaux du restaurant ARPEGE ne constitue pas une contrefaçon, et de débouter l'artiste de l'ensemble de ses demandes,- de condamner Mademoiselle X... à verser à l'association d'artistes KELD la somme de 20. 000 € en réparation du préjudice subi,- de condamner Mademoiselle X... à verser à la société Stéphane Y... la somme de 20. 000 € en réparation du préjudice commercial subi du fait de l'action introduite à l'encontre de la société ARPEGE,- de débouter la société ARPEGE de l'intégralité de ses demandes,- de condamner Mademoiselle X... ainsi que la société ARPEGE à leur verser la somme de 3. 000 € en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Motifs de la décision
I. Sur la contrefaçon
Attendu que Mademoiselle X... se prévaut expressément, dans ses dernières conclusions, des dispositions de l'article L. 335-2 du Code de la propriété intellectuelle, aux termes duquel toute édition d'écrits, de composition musicale, de dessin, de peinture ou de toute autre production, imprimée ou gravée en entier ou en partie, au mépris des lois et des règlements relatifs à la propriété des auteurs, est une contrefaçon ; que contrairement à ce que prétend la société ARPEGE, une erreur de plume est manifestement à l'origine des mentions à un article L. 338-2 du Code de la propriété intellectuelle inexistant ;
Attendu que la demanderesse, dont il n'est pas contesté qu'elle est titulaire des droits d'auteur dont elle se prévaut, soutient que les reproductions litigieuses de ses oeuvres ont été réalisées et exposées sans son accord, tout en reconnaissant avoir autorisé l'association d'artistes KELD à diffuser ses oeuvres sur le site internet www. keld. com ;
Attendu qu'en vertu de l'article L. 122-4 du Code de la propriété intellectuelle, toute reproduction intégrale ou partielle d'une oeuvre, faite sans le consentement de l'auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite ;
Qu'il résulte de l'article L. 131-2 du même Code que les contrats de représentation ou d'édition doivent être constatés par écrit, à l'instar des autorisations gratuites d'exécution, la transmission des droits de l'auteur étant subordonnée, conformément à l'article L. 131-3 du Code de la propriété intellectuelle, à la condition que chacun des droits cédés fasse l'objet d'une mention distincte dans l'acte de cession et que le domaine d'exploitation des droits cédés soit délimité quant à son étendue et à sa destination quant au lieu et quant à la durée ;
Attendu que la reproduction des oeuvres invoquées n'est pas contestée ; que l'association d'artistes KELD et la société Stéphane Y... entendent toutefois tirer parti d'attestations émanant d'artistes référencés par le site www. keld. com, et affirmant avoir donné leur accord pour la diffusion, auprès du public, de leurs oeuvres par des modes autres que le réseau internet ;
Attendu, cependant, qu'il ne peut être déduit de telles attestations, établies par des tiers aux rapports existant entre les parties, l'existence d'une autorisation expresse, et conforme aux dispositions précitées, donnée par Mademoiselle X... aux défenderesses, de reproduire et d'exposer ses oeuvres dans les conditions observées lors de la saisie- contrefaçon ;
Qu'il en résulte que les défenderesses ne peuvent se prévaloir d'aucune cession, à leur profit, du droit de reproduction et de représentation des oeuvres considérées ; que leur bonne foi est inopérante ;
Attendu que l'association KELD et la société Stéphane Y..., exerçant sous le nom commercial Y... CREATIONS affirment que les oeuvres ont été exposées dans le restaurant de la société ARPEGE " à l'initiative de Monsieur Y... ", leur représentant légal et gérant ; qu'il ressort des devis versés aux débats que la société Stéphane Y... a fait réaliser les reproductions par une société PHOTOMNIUM, l'association KELD assurant quant à elle " le scan des images " et " la pose sur place " ; que ces faits sont constitutifs de contrefaçon ; que la société ARPEGE, en exposant dans ses locaux les reproductions contrefaisantes, s'est également rendue coupable de contrefaçon ; que ces faits justifient la condamnation in solidum des défenderesses à réparer le dommage causé.
II. Sur les mesures réparatrices
Attendu que pour solliciter la condamnation des défenderesses à lui verser la somme de 15. 000 € à titre de dommages intérêts, Mademoiselle X... soutient non seulement que 15 de ses oeuvres ont été reproduites sans son autorisation, mais également sur des supports et formats trahissant sa liberté, et ne correspondant en rien en ce qu'elle a conçu ;
Mais attendu que les oeuvres originales ne sont pas versées aux débats ; que la demanderesse ne procède à aucune comparaison entre ses peintures et les reproductions litigieuses ; qu'aucune atteinte au droit moral de Mademoiselle X... n'est donc caractérisée ;
Attendu que Mademoiselle X... expose que certaines de ses oeuvres ont une valeur marchande estimée entre 4. 000 et 5. 000 € ; qu'elle précise, en produisant une attestation en ce sens, que la peinture intitulée " Souffle Rouge " a été vendue en 2000 pour 11. 000 frs ; qu'elle produit divers attestations situant la valeur marchande de ses huiles entre 450 et 750 € ; que Me B..., Huissier de justice, atteste avoir vendu aux enchères publiques un diptyque format 80 x 80, en acrylique et feuille d'or, pour la somme de 1. 500 € ;
Attendu qu'en l'espèce, le préjudice résultant de la contrefaçon correspond d'une part au dommage résultant de la privation du droit d'autoriser la reproduction et la diffusion des oeuvres concernées dans les conditions observées dans le cadre de la présente instance, d'autre part à ce que Mademoiselle X... aurait pu légitimement prétendre percevoir en faisant usage de ce droit ;
Qu'au regard des pièces produites, le préjudice résultant des actes de contrefaçon commis par la défenderesse sera réparé par l'octroi d'une somme de 15. 000 € ;
Attendu que l'association KELD et la société Stéphane Y... produisent diverses attestations datant des mois d'août et septembre 2007, aux termes desquelles la société ARPEGE aurait cessé d'exposer les reproductions contrefaisantes à l'issue des opérations de saisie- contrefaçon ; que Mademoiselle X... produit quant à elle une attestation faisant état de la poursuite des faits litigieux en février 2005 ;
Attendu, en conséquence, qu'il convient de faire droit, en tant que de besoin, à la demande d'interdiction sollicitée à titre de complément d'indemnisation, dans les limites fixées par le dispositif de la présente décision.
III. Sur l'appel en garantie
Attendu que la société ARPEGE sollicite la garantie de la société Stéphane Y... sur le fondement de l'article 1626 du Code civil ; qu'en vertu de ce texte, quoique lors de la vente il n'ait été fait aucune stipulation sur la garantie, le vendeur est obligé de droit à garantir l'acquéreur de l'éviction qu'il souffre dans la totalité ou partie de l'objet vendu, ou des charges prétendues sur cet objet et non déclarées lors de la vente ;
Qu'il ressort de la facture adressée le 6 janvier 2003 par la société Stéphane Y..., exerçant sous le nom commercial Y... CREATIONS, à la société ARPEGE, que cette dernière a acquis les reproductions litigieuses pour un prix total de 9. 269 € TTC ;
Que ce document comporte une mention " recherche d'artiste et cessions des droits (...) pris en charge par Keld association " ; qu'il en résulte que la société ARPEGE pouvait légitimement penser acquérir des reproductions d'oeuvres libres de droit ;
Attendu, en conséquence, que la société Stéphane Y... devra la garantir de l'ensemble des sommes mises à charge par la présente décision.
IV. Autres demandes
Attendu que la société Stéphane Y... et l'association d'artistes KELD, coupables de contrefaçon, seront déboutées de leurs demandes reconventionnelles fondées sur le préjudice prétendument subi du fait de la demanderesse ;
Attendu que la nature de l'espèce et l'ancienneté du litige justifient d'ordonner l'exécution provisoire du présent jugement ;
Attendu que les défenderesses, succombant, seront condamné aux entiers dépens, qui seront recouvrés conformément aux lois relatives à l'aide juridictionnelle ;
Que l'équité commande d'allouer à Mademoiselle X... la somme de 1. 500 € au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
Par ces motifs
Le Tribunal, Statuant publiquement, par mise à disposition du présent jugement au greffe, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues par le deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile, Par jugement contradictoire, rendu en premier ressort,

- DIT qu'en reproduisant, sans autorisation de Mademoiselle X..., leur auteur, les oeuvres graphiques intitulées " Lotus 2 ", " Grand Couple Carré ", " Abaya 2 ", " Couple Marron ", " Abaya 1 ", " Lotus 1 ", " Couple Bleu ", " Couple Ocre ", " Lotus Bleu 2 ", " Lotus Rouge 2 ", " Lotus Rouge 1 ", " Lotus Bleu 1 ", " Souffle Rouge ", " Couple Bleu ", " Couple Rouge ", et en cédant les reproductions ainsi réalisées, la société Stéphane Y... et l'association d'artistes KELD ont commis des actes de contrefaçon de droits d'auteur,
- DIT qu'en exposant, sans autorisation de Mademoiselle X..., les reproductions de ses oeuvres " Lotus 2 ", " Grand Couple Carré ", " Abaya 2 ", " Couple Marron ", " Abaya 1 ", " Lotus 1 ", " Couple Bleu ", " Couple Ocre ", " Lotus Bleu 2 ", " Lotus Rouge 2 ", " Lotus Rouge 1 ", " Lotus Bleu 1 ", " Souffle Rouge ", " Couple Bleu ", " Couple Rouge ", la société ARPEGE a commis des actes de contrefaçon de droits d'auteur,
En conséquence,
- INTERDIT, en tant que de besoin, à la société Stéphane Y..., à l'association d'artistes KELD, à la société ARPEGE la poursuite de ces agissements, sous astreinte de 150 € par infraction constatée, passé un délai de huit jours à compter de la signification de la présente décision,
- CONDAMNE in solidum la société ARPEGE, la société Stéphane Y... et l'association d'artistes KELD à payer à Mademoiselle X... la somme de 15. 000 € en réparation du préjudice résultant des actes de contrefaçon,
- DEBOUTE les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,
- ORDONNE l'exécution provisoire,
- CONDAMNE in solidum la Société ARPEGE, l'association d'artistes KELD et la société Stéphane Y... à payer à Mademoiselle X... la somme de 1. 500 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,
- CONDAMNE la société ARPEGE, la société Stéphane Y... et l'association d'artistes KELD aux entiers dépens, qui seront recouvrés conformément aux lois relatives à l'aide juridictionnelle,
- DIT que la société Stéphane Y... garantira la société ARPEGE de l'ensemble des condamnations mises à sa charge par le présent jugement.
Fait et jugé à Paris le 21 Mars 2008
Le Greffier Le Président


Synthèse
Tribunal : Tribunal de grande instance de Paris
Formation : Chambre civile 3
Numéro d'arrêt : 06/14929
Date de la décision : 21/03/2008
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.grande.instance.paris;arret;2008-03-21;06.14929 ?
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