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18/03/2008 | FRANCE | N°06/03701

France | France, Tribunal de grande instance de Paris, Chambre civile 3, 18 mars 2008, 06/03701


3ème chambre 1ère section

JUGEMENT rendu le 18 Mars 2008

DEMANDERESSE
Société SCHNEIDER ELECTRIC INDUSTRIES89, boulevard Franklin Roosevelt92500 RUEIL MALMAISON
représentée par Me Pierre VERON et Sabine AGE - VERON et Associés, avocat au barreau de PARIS, vestiaire P.24

DÉFENDERESSE
Société CHINT EUROPEBracken Trade ParkDumers Lane Bury - BL9 9QPROYAUME UNI
représentée par Me Emmanuel GOUGE, - Cabinet EGA Avocats, avocat au barreau de PARIS, vestiaire J027

COMPOSITION DU TRIBUNAL
Marie COURBOULAY, Vice PrésidenteFlorence GOUACHE, JugeCé

cile VITON, Juge
assistées de Léoncia BELLON, Greffier

DEBATS
A l'audience du 05 Février 2008tenue ...

3ème chambre 1ère section

JUGEMENT rendu le 18 Mars 2008

DEMANDERESSE
Société SCHNEIDER ELECTRIC INDUSTRIES89, boulevard Franklin Roosevelt92500 RUEIL MALMAISON
représentée par Me Pierre VERON et Sabine AGE - VERON et Associés, avocat au barreau de PARIS, vestiaire P.24

DÉFENDERESSE
Société CHINT EUROPEBracken Trade ParkDumers Lane Bury - BL9 9QPROYAUME UNI
représentée par Me Emmanuel GOUGE, - Cabinet EGA Avocats, avocat au barreau de PARIS, vestiaire J027

COMPOSITION DU TRIBUNAL
Marie COURBOULAY, Vice PrésidenteFlorence GOUACHE, JugeCécile VITON, Juge
assistées de Léoncia BELLON, Greffier

DEBATS
A l'audience du 05 Février 2008tenue publiquement

JUGEMENT
Prononcé par remise au greffe Contradictoireen premier ressort

FAITS
La société SCHNEIDER ELECTRIC INDUSTRIES dénommée société SCHNEIDER ELECTRIC est titulaire des brevets d'invention suivants:
*brevet français no 87 13761 déposé le 2 octobre 1987 délivré le 31 décembre 1992 ayant pour titre "dispositif mécanique d'assemblage avec autocentrage de modules d'appareillage électrique" sous la priorité duquel le brevet européen no 0 310 474 a été déposé le 12 septembre 1988, brevet européen ne désignant pas la France.*brevet français no 88 06562 déposé le 13 mai 1988 délivré le 2 juin 1995 ayant pour titre "mécanisme de commande de disjoncteur miniature à indicateur de soudure des contacts" sous la priorité duquel le brevet européen no 0 342 133 a été déposé le 28 avril 1989, brevet européen ne désignant pas la France.*brevet français no 89 09475 déposé le 11 juillet 1989 délivré le 24 novembre 1995 ayant pour titre mécanisme de commande pour disjoncteur électrique", sous la priorité duquel le brevet européen no 0 408 4666 a été déposé le 25 juin 1990, brevet européen ne désignant pas la France.
Ces brevets déposés par la société Merlin Gerin ont été cédés à la société SCHNEIDER ELECTRIC et les cessions ont été transcrites au REGISTRE NATIONAL DES BREVETS conformément à l'article L 613-9 du Code de la propriété intellectuelle.
La société CHINT filiale anglaise du groupe chinois CHINT GROUP CORP commercialise les produits fabriqués par la société chinoise spécialisée dans les appareils liés à l'énergie électrique.
La société SCHNEIDER ELECTRIC ayant appris que les sociétés CEF, General Contracting et Strasbourg Câbles détenaient et offraient en vente en France des mini-disjoncteurs reproduisant les revendications des trois brevets cités plus haut, les a mis en demeure de cesser toute commercialisation contrefaisante.
Elle a fait dresser des procès-verbaux de saisie-contrefaçon au sein de la société CEF et de la société General Contracting le 16 février 2006.
Par actes en date du 3 mars 2006, elle a fait assigner la société CHINT, la société General Contracting, la CEF et la société Strasbourg Câbles devant le tribunal de grande instance de Paris pour faire cesser les actes de contrefaçon et obtenir réparation du préjudice ainsi causé.

Un accord transactionnel étant intervenu entre la société SCHNEIDER ELECTRIC et la société General Contracting, la CEF et la société Strasbourg Câbles, une ordonnance de désistement partiel a été rendue par le juge de la mise en état le 10 janvier 2007.
Des procédures ont été menées à l'encontre des disjoncteurs CHINT en Allemagne sur la base de la partie allemande du brevet européen 0 342 133 sous priorité du brevet français no 88 06562, et une ordonnance de référé du 1er août 2006 a interdit à la société CET Elektro Technik, filiale allemande de la société mère CHINT de poursuivre la vente de ces appareils sur le territoire allemand. Cette ordonnance a été confirmée en appel le 1 er mars 2007.
En Angleterre, ces disjoncteurs ne sont pas contrefaisants car les brevets européens ne visent pas ce pays.
En France, les mesures d'interdiction provisoire ont été demandées sur le seul fondement du brevet no 89 09475 et ont été refusées par une ordonnance de référé du 10 mai 2007 confirmée en appel le 21 décembre 2007.
Dans ses conclusions récapitulatives du 17 janvier 2008, la société SCHNEIDER ELECTRIC a répondu aux demandes de nullité de ses trois brevets en rappelant qu'elle n'agissait que sur le fondement des brevets français et non sur celui des brevets européens, maintenu ses demandes fondées sur la contrefaçon et développé des arguments sur le fait que la société CHINT était bien importatrice en France des produits litigieux.
La société SCHNEIDER ELECTRIC a demandé de :*rejeter l'ensemble des demandes de la société CHINT .*dire que la société CHINT en fabriquant et en important en France des minidisjoncteurs de la gamme NB1-63 sous les références CEF NB1-2P2C, NB1-2P10C, NB1-2P16C, NB1-2P20C, NB1-2P25C, NB1-2P32C, NB1-2P40C, NB1-2P50C, NB1-3P10D, NB1-3P16D, NB1-3P20D, NB1-4P10C, NB1-4P16C, NB1-4P20C, NB1-4 P25C, NB1-4 P32C, NB1-4 P40C, NB1-4 P63C, a commis des actes de contrefaçon des revendications 1 à 7 du brevet no 87 13761 , des revendications 1 à 4 du brevet no 88 06562 et des revendications 1 à 4 du brevet no 89 09475.*faire interdiction à la société CHINT de continuer à commettre les actes de contrefaçon des revendications 1 à 7 du brevet no 87 13761 , des revendications 1 à 4 du brevet no 88 06562 et des revendications 1 à 4 du brevet no 89 09475, et ce à peine d'astreinte de 500 euros par infraction constatée, dès la signification du jugement à intervenir, étant précisé que l'importation en France, l'offre à la vente, la vente et la détention d'un seul minidisjoncteur contrefaisant constitueraient chacune une infraction distincte.

*faire défense à la société CHINT sous astreinte de 500 euros par jour de retard, dès la signification du jugement à intervenir, de présenter sur son site internet www.chint.co.uk un lien permettant d'accéder aux sites internet www.chint.com et www.chint.net qui eux-mêmes comportent un catalogue de produits en ligne proposant à la vente notamment en langue française les minidisjoncteurs de la gamme NB1-63.*se réserver de liquider l'astreinte ordonnée.*condamner la société CHINT à payer à la société SCHNEIDER ELECTRIC des dommages et intérêts à fixer après expertise pour le préjudice causé et dès à présent par provision la somme de 300.000 euros.*dire que les opérations d'expertise porteront sur tous les actes de contrefaçon commis jusqu'à la date de dépôt du rapport,*ordonner la publication du jugement à intervenir à titre de dommages et intérêts complémentaires dans 5 journaux ou revues professionnels français ou étrangers, au choix de la société SCHNEIDER ELECTRIC et aux frais de la société CHINT à concurrence de 5.000 euros.*ordonner l'exécution provisoire du jugement à intervenir à tout le moins pour les mesures d'interdiction.*condamner la société CHINT à lui payer la somme de 100.000 euros au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.*condamner la société CHINT aux dépens dont distraction au profit de la SCP VERON et Associés, avocat, conformément à l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.

Dans ses dernières écritures du 23 janvier 2008, la société CHINT a indiqué n'avoir aucune activité commerciale en France, ne pas être l'importateur des produits litigieux en France et a précisé que les pièces versées au débat, tant les procès-verbaux de saisie-contrefaçon que les factures, sont insuffisantes à démontrer la moindre contrefaçon commise par elle et ce d'autant que les disjoncteurs qu'elle commercialise ne sont pas bipolaires mais monopolaires et donc non conformes aux normes françaises.Elle a argué de la nullité des trois brevets français le premier pour défaut de clarté et d'activité inventive et les deux autres au seul motif de défaut d'activité inventive.
La société CHINT a sollicité du tribunal de :*la déclarer recevable en ses demandes;*déclarer la société SCHNEIDER ELECTRIC irrecevable ou à tout le moins mal fondée en ses demandes.*débouter la société SCHNEIDER ELECTRIC de ses demandes.*dire que les revendications 1 à 7 du brevet no 87 13761 sont dépourvues d'activité inventive et à tout le moins que l'invention exposée de façon suffisamment claire et précise pour qu'un homme du métier puisse l'exécuter.*dire que les revendications 1 à 4 du brevet no 88 06562 sont dépourvues d'activité inventive et surabondamment que les revendications 2 et 3 sont nulles pour être exclues du champ de brevetabilité en application de l'article L 611-10 2d) du Code de la propriété intellectuelle;

*dire que les revendications 1 à 4 du brevet no 89 09475 sont dépourvues d'activité inventive;*dire que la société CHINT n'est responsable d'aucun acte de contrefaçon des brevets no 87 13761 , no 88 06562 et no 89 09475 en France.En conséquence,*prononcer la nullité des brevets français no 87 13761, no88 06562 et no89 09475 conformément aux dispositions de l'article L 611-11 et L 613-25 du Code de la propriété intellectuelle,*dire que la partie la plus diligente procédera à l'inscription du jugement à intervenir au REGISTRE NATIONAL DES BREVETS .*condamner la société SCHNEIDER ELECTRIC à payer à la société CHINT la somme de 50.000 euros pour procédure abusive conformément à l'article 1382 du Code civil,*condamner la société SCHNEIDER ELECTRIC à payer à la société CHINT la somme de 100.000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.*condamner la société SCHNEIDER ELECTRIC aux entiers dépens dont distraction au profit de Mo Emmanuel GOUGE, avocat, conformément à l'article 699 du Code de procédure civile.
La clôture a été prononcée selon les termes du calendrier accepté par les parties, le 23 janvier 2008.
La société SCHNEIDER ELECTRIC a demandé au tribunal par conclusions du 24 janvier 2008 d'écarter des débats les dernières conclusions de la société CHINT et les nouvelles pièces jointes à ces conclusions.
Par conclusions en réponse en date du 30 janvier 2008, la société CHINT s'est opposée à cette demande en faisant valoir que la société SCHNEIDER ELECTRIC avait elle-même communiqué des pièces qu'elle avait depuis longtemps début janvier 2008 et qu'ayant souhaité maintenir un calendrier très proche de plaidoiries, elle devait en assumer les risques.
Après en avoir délibéré, le tribunal a décidé de conserver les écritures de la société CHINT et les pièces échangées par les deux parties jusqu'au jour de l'audience de plaidoiries et de maintenir la clôture à la date qu'avaient acceptée les deux parties pour maintenir la date de plaidoiries au 5 février 2008.

MOTIFS
-sur la nullité du brevet français 87 13 761.
Le brevet français no 87 13 761 a été en vigueur du jour du dépôt au 2 octobre 2007 ; cependant, la société SCHNEIDER ELECTRIC est recevable à former des demandes de contrefaçon pour les produits importés et vendus en France reproduisant les revendications 1 à 7 de ce brevet avant cette date et la société CHINT peut en demander par voie d'exception la nullité.

La revendication 1 est ainsi rédigée :"Dispositif mécanique d'assemblage d'une pluralité de modules accolés à boîtiers isolants moulés de logement d'appareillage électrique, comprenant une pièce de liaison encliquetable en matériau isolant pouvant être insérée dans une glissière de deux boîtiers accolés pour coopérer par accrochage avec des saillies fixes de retenue, ladite pièce chevauchant en position encliquetée l'interface des deux boîtiers caractérisé en ce que le boîtier de chaque module comporte une paire d'encoches symétriques pour déboucher sur les grandes faces latérales opposées du boîtier, l'accolement des deux modules provoquant la venue en regard au niveau de l'interface des deux encoches conjuguées pour former une rainure commune constituant ladite glissière et que la pièce de liaison est agencée en cavalier ayant un talon de centrage susceptible de s'intégrer dans la rainure et une paire de pattes de fixation traversant ladite rainure pour verrouiller positivement lesdits modules entre eux.
Les revendications no 2 à 7 portent sur des modes de réalisation particuliers de la pièce de liaison et des encoches destinées à la recevoir dans les parois des boîtiers de l'appareil électrique.
L'objectif de ce brevet est de proposer une meilleure tenue mécanique des modules entre eux notamment par rapport au brevet 83 13466 déposé par la même société MERLIN GERIN qui enseignait un système de coulisseau.
La portée du brevet français no 87 13 761 concerne donc un dispositif qui comprend une pièce de liaison en forme de fourche appelée cavalier, dont les pattes de fixation viennent s'encliqueter dans des encoches ménagées sur les parois des boîtiers pour verrouiller positivement les modules entre eux.
Défaut de clarté.
L'article L 613-25 b) dispose :"Le brevet sera déclaré nul par décision de justice s'in n'expose pas l'invention de façon suffisamment claire et complète pour qu'un homme du métier puisse l'exécuter."
La société CHINT soulève la nullité de la revendication 1 pour insuffisance de description au motif que l'expression "verrouiller positivement" ne permet pas à un homme du métier d'exécuter l'invention.
La société SCHNEIDER ELECTRIC soutient que l'expression "verrouiller positivement" signifie pour un homme du métier rendre indémontable la pièce liaison une fois insérée et ce notamment à la lecture des brevets de l'art antérieur qui parlent de déverrouillage accidentel.

La société CHINT prétend que le manque de clarté de cette expression était tel qu'il a justifié une modification de la formulation devant l'OEB et que l'homme du métier ne peut mettre en oeuvre l'invention , qu'il aurait fallu écrire "verrouillage de manière à rendre le cavalier indémontable".
S'il est vrai que l'expression "verrouillage de manière à rendre le cavalier indémontable" est nettement plus claire que "verrouillage positif" qui ne veut pas dire grand chose pour tout un chacun, il n'en demeure pas moins que la lecture de la revendication doit se faire en se mettant à la place de l'homme du métier dont il est dit par la société SCHNEIDER ELECTRIC qu'il a des connaissances dans le domaine de la mécanique et de la connectique, que ce dernier souhaitant suivre les enseignements de la revendication 1 se reportera aux dessins.
Il ressort de la lecture des figures 1, 2 et 3 la forme particulière des pattes du cavalier qui ont des extrémités conformées en forme de crochet ; que cette forme particulière adaptée à la saillie contenue dans le corps des minidisjoncteurs induit nécessaire une impossibilité de démontage.
Ainsi, l'expression maladroite "verrouillage positif" ne fait pas référence à faire obstacle à un déverrouillage accidentel mais bien à un verrouillage qui rend le cavalier indémontable et la liaison instituée entre les minidisjoncteurs définitive.
Le moyen tiré du défaut de clarté de la revendication 1 du brevet français no 87 13 761 qui la rendrait nulle pour insuffisance de description sera rejeté.

Défaut d'activité inventive
L'article L 611-14 du Code de la propriété intellectuelle dispose:"une invention est considérée comme impliquant une activité inventive si, pour un homme du métier, elle ne découle pas de manière évidente de l'état de la technique."
L'article L 611-1 décrit l'état de la technique comme étant "constitué par tout ce qui est rendu accessible au public avant la date de dépôt de la demande de brevet par une description écrite ou orale, un usage ou tout autre moyen".
La société CHINT soutient la nullité de la revendication 1 du brevet français no 87 13 761 en s'appuyant sur trois antériorités qu'elle conjugue deux par deux, le brevet FR 82 01163 dit LICENTIA, le brevet fr 84 05044 dit SEREL et le brevet FR 83 13466 MERLIN GERIN.

Le brevet français LICENTIA déposé le 26 janvier 1982 et publié le 6 août 1982 a pour but de perfectionner les dispositifs d'assemblage de l'art antérieur pour permettre de monter des appareils additionnels aux côtés d'un appareil principal, de relier entre eux des appareils du même type et de maintenir assemblées les parois des appareils.
La solution trouvée est constituée d'un étrier élastique en fil métallique dont les extrémités sont recourbées pour former des oeillets qui s'engagent dans les fentes en dépouille et accessibles de l'extérieur des parois du boîtier.
Il s'agit en fait d'un film en forme d'agrafe dont les oeillets se placent dans la partie évidée de façon ventrue des parois et qui permet de maintenir da façon provisoire deux objets entre eux; cette association n'a aucun caractère rigide car elle ne s'insère pas assez profondément dans les objets.

Le brevet français MERLIN GERIN no 83 13466 déposé le 17 août 1983 a pour but de perfectionner les dispositifs d'assemblage de modules d'appareils électriques de l'art antérieur pour permettre de monter des appareils additionnels aux côtés d'un appareil principal, de relier entre eux des appareils du même type et de maintenir assemblées les parois des appareils en évitant l'inconvénient qui provoque la perte ou le détachement accidentel de la pièce d'assemblage. La pièce d'assemblage devient "imperdable".
La solution trouvée est constituée d'un coulisseau qui vient s'insérer dans des glissières ménagées dans les boîtiers accolés.
Tous les boîtiers sont munis d'évidement situés dans le même prolongement ce qui permet lorsqu'elles sont réunies de constituer une glissière et de faire circuler des coulisseaux qui maintiennent ensemble les boîtiers.
Là encore cette association n'a aucun caractère rigide car elle ne s'insère pas assez profondément dans les boîtiers.

Le brevet français SEREL no 85 05044 déposé en le 30 mars 1984 enseigne un dispositif pour l'assemblage d'éléments modulaires. Le but poursuivi est un système simple et rapide d'assemblage.
La solution proposée consiste en la création d'évidements assez profonds dans les parois des éléments modulaires à assembler, et une pièce de liaison conformée de deux pattes jointes et réunies dans un talon qui s'encastre lui aussi dans un évidement pratiqué sur les parois perpendiculaires à celles accolées.

Le dispositif permet la réalisation d'un assemblage rigide mais facilement démontable.
Aucun des brevets cités n'a pour objet de rendre l'association entre les minidisjoncteurs indémontable ce qui rend manifestement nouvelle l'invention enseignée dans le brevet français no 87 13 761.
Il est admis par toutes les parties que l'homme du métier connaissait des différents brevets lors du dépôt du brevet français no 87 13 761.
Le brevet SEREL lui enseignait comment réaliser :*un assemblage rigide entre des éléments modulaires en pratiquant deux évidements assez longs dans les parois à accoler, *la forme de la pièce d'assemblage tout aussi longue constituée de deux pattes collées et retenues par un talon central qui assure la rigidification de l'assemblage,*un évidement dans lequel le talon de la pièce d'assemblage s'insère, augmentant ainsi la rigidification.
La combinaison de LICENTIA et de SEREL ne permet pas à l'homme du métier de parvenir à la solution trouvée dans le brevet français no 87 13 761 ; en effet, ce brevet enseigne la forme particulière de l'agrafe qui maintient les deux modules ensemble mais n'enseigne pas la forme particulière des deux branches du cavalier qui, lorsqu'elles s'insèrent dans l'étui créé dans les modules, s'encliquettent et ne peuvent plus se détacher. En effet, la structure du fil métallique élastique qui compose l'élément d'assemblage des deux modules est totalement différente de celle du cavalier et ne réalise pas un assemblage rigide des deux modules.
La combinaison de SEREL et de MERLIN GERIN n'apporte pas davantage d'information à l'homme du métier pour trouver la solution contenue dans le brevet français no 87 13 761 ; en effet, il n'y a pas de glissière coulissante pratiquée dans les modules décrits dans le brevet litigieux mais seulement un évidement tel que décrit dans le brevet SEREL pour y insérer le talon de la pièce d'assemblage de sorte à rendre plus difficile son extraction.
Force est donc de constater que l'homme du métier qui souhaitait rendre indémontable le dispositif SEREL devait faire un effort d'imagination réel pour éloigner les deux branches du cavalier tout en les maintenant fixer sur le talon d'assemblage, pour leur donner cette forme particulière qui définit une encoche à chaque extrémité, pour éloigner également les deux rainures créées dans les modules de sorte à rigidifier plus encore l'assemblage et pour leur donner une forme telle qu'elle permet l'encliquetage des pattes rendant l'assemblage indémontable puisqu' on ne peut plus accéder au cavalier une fois celui-ci monté, sauf à le détruire.
La nullité pour défaut d'activité inventive du brevet français no 87 13 761 soulevée par la société CHINT sera rejetée et la revendication no 1 sera déclarée valable.

Les autres revendications étant dépendantes de la première et ne constituant que des réalisations particulières de celle-ci seront en conséquence également déclarées valables.

-sur la nullité du brevet français 88 06562.
La revendication 1 du brevet est ainsi rédigée :"mécanisme de commande d'un disjoncteur électrique miniature à boîtier isolant renfermant une paire de contacts fixe et mobile, le contact mobile étant porté par un bas de contact actionné par le mécanisme lequel comporte :-une platine de support du bras de contact associée à une liaison mécanique brisable avec l'une des extrémités d'une biellette de transmission, ladite platine étant montée à pivotement sur un pivot entre les positions de fermeture et d'ouverture des contacts,-une manette équipée d'une embase accouplée à l'autre extrémité de la biellette de transmission pour former une grenouillère dont l'axe d'articulation est excentré par rapport à l'axe de pivotement de la manette, cette dernière étant déplaçable entre deux positions extrêmes F et O correspondant respectivement à la fermeture et à l'ouverture des contacts,-un levier de déclenchement piloté en cas de défaut par le déclencheur vers une position déclenchée entraînant la rupture de la liaison mécanique et le déclenchement automatique du mécanisme indépendamment de la manette,-et un ressort de rappel sollicitant la manette vers la position d'ouverture caractérisé en ce que le bras de contact est relié à une butée susceptible de coopérer avec un nez de blocage faisant saillie avec l'embase de la manette, ladite butée interférant dans l'état fermé-soudé des contacts avec la trajectoire du nez de blocage pour stopper positivement la manette dans une position intermédiaire S prédéterminée située entre les positions extrêmes F et O et que l'action du ressort de rappel de la manette après le dépassement du point mort de la grenouillère rend stable ladite position intermédiaire S pour l'indication de soudure des contacts."
Les 5 revendications suivantes portent sur des modes de réalisation particuliers de ce mécanisme de commande.
L'objectif de ce brevet est de proposer un disjoncteur miniature ayant une signalisation apparente pour l'ouverture et un indicateur de soudure des contacts. Il permet de résoudre l'inconvénient qui existait dans l'art antérieur décrit dans le préambule du brevet qui était incapable d'indiquer l'état de soudure des contacts qui pouvaient intervenir lors de coupures répétées de courant dues à des courts-circuits très importants.

Il est précisé dans la partie descriptive du brevet que les fonctions de sectionnement et de signalisation apparente de l'ouverture des contacts sont déjà connues dans les gros disjoncteurs multipolaires à boîtier isolant moulé ; en cas de soudure des contacts l'actionnement de la position d'ouverture est impossible car un dispositif de verrouillage interdit le mouvement poursuivi dans le sens de l'ouverture au delà de la position intermédiaire ; cette position est néanmoins instable car en cas de relâchement de la manette, cette dernière revient automatiquement en position fermée et qu'il en résulte alors une absence de signalisation de la soudure des contacts.
La portée du brevet français 88 06562 concerne donc un mécanisme qui prévoit une position intermédiaire S entre les positions O ouverte et F fermée, qui indique que les contacts ont été soudés.
La société CHINT soutient la nullité de cette revendication pour défaut d'activité inventive en opposant trois brevets MISTUBISHI, VOIGT et MERLIN GERIN 1985 qu'elle combine deux par deux.
Pour ce qui est des documents non traduits, le tribunal prendra en compte les seuls dessins ou figures illustrant ces documents et pour ce qui est des traductions partielles effectuées par l'une ou l'autre partie, le tribunal les retiendra car il appartenait à la partie qui souhaitait faire état de la partie non traduite de la faire traduire pour éventuellement en faire état et l'opposer au soutien des moyens qu'elle invoque.

Le brevet allemand no 1 055 664 Voigt déposé le 19 novembre 1957 divulgue un mécanisme qui permet de maintenir la manette du disjoncteur dans une position de fermeture en cas de soudure de contact.
Il n'enseigne pas de position intermédiaire car lorsque les contacts sont soudés la manette se retrouve en position fermée ; de plus, la manette peut être actionnée de manière forcée de la position fermée à la position ouverte en cas de soudure de contacts privant ainsi l'utilisateur de toute signalisation de la soudure des contacts.

Le brevet allemand no 3 516 217 Mitsubishi déposé le 6 mai 1987 enseigne un disjoncteur équipé d'un mécanisme à grenouillère apte à maintenir la manette dans des positions correspondant à l'ouverture ou à la fermeture des contacts ainsi qu'à leur soudure.
Ce dispositif enseigne une position intermédiaire entre les positions fermeture et ouverture qui permet de signaler la soudure des contacts mais il ne présente pas une liaison rigide entre la manette et le dispositif de butée qui rend cette position stable ; en effet, le blocage de la manette s'effectue par le blocage de la biellette du mécanisme de la grenouillère sur la butée en aval de la manette et exerce une forte

contrainte sur cette biellette qui peut subir alors une déformation élastique ; sous l'effet de cette déformation, la manette peut être forcée vers la position ouverture des contacts de sorte que la soudure n'est plus signalée.

Le brevet européen no 0 224 396 Merlin Gerin 85 divulgue un disjoncteur de construction simple et fiable permettant une automatisation du montage et une diminution du temps de déclenchement du déclencheur thermique et/ ou électromagnétique en cas de surcharge électrique. Une variante de réalisation de ce disjoncteur enseigne un dispositif de fermeture brusque des contacts qui fonctionne indépendamment de la force d'actionnement de la manette.
Les figures 7 à 9 qui illustrent ce dispositif de fermeture brusque montrent les différentes étapes de ce mécanisme en position d'ouverture, en cours de fermeture et en position de fermeture complète.
La figure qui représente le mécanisme en cours de fermeture n'enseigne pas une position intermédiaire stable mais seulement un moment de la fermeture brusque de ce dispositif.
La société CHINT prétend que toutes les données de la revendication No 1 du brevet français 88 06562 se retrouvent dans les deux documents Mitsubishi et Voigt et que la combinaison de ces deux enseignements était évidente pour un homme du métier.
S'il est vrai que le document MISTUBISHI enseigne une position intermédiaire en cas de soudure des contacts, lui manque le caractère stable de cette position qu'enseigne le brevet français 88 06562.
Or, le document Voigt ne divulgue pas une position stable de la position fermée en cas de soudure et la combinaison des deux documents ne peut aboutir à la création d'une position intermédiaire stable.
La combinaison du brevet Mitsubishi et du brevet Merlin Gerin permettrait à l'homme du métier de rendre stable la position intermédiaire en remplaçant la biellette du brevet Mitsubishi par "la butée susceptible de coopérer avec l'embase" enseignée dans le brevet européen Merlin Gerin.
La "butée susceptible de coopérer avec l'embase" telle que divulguée dans le brevet européen a pour but de permettre une fermeture brusque des contacts afin d'empêcher l'érosion due à un arc électrique qui se forme entre des contacts ouverts ; elle n'enseigne pas une position stable en cas de position intermédiaire signalant des contacts soudés.

Le mécanisme enseigné dans ce brevet européen fonctionne à l'inverse de celui enseigné dans le brevet français 88 06562 car il répond à des objectifs différents ; en effet, le mécanisme du disjoncteur enseigné par le brevet européen ne peut assurer le blocage du cliquet situé sur l'embase de la manette par le bras de blocage et un positionnement stable de la manette vers une position intermédiaire car ce cliquet continue sa course sur la rampe par glissement pour arriver jusqu'à la position fermée.
Ainsi, la butée susceptible de coopérer avec l'embase telle que décrite dans le brevet européen n'a pas pour fonction de bloquer le cliquet pour assurer la stabilité de la position car le cliquet situé sur l'embase continue sa course alors que dans le brevet français 88 06562 le cliquet situé sur l'embase est bloqué par un nez de blocage.
La combinaison des deux brevets n'enseigne donc pas une position stable de la position intermédiaire S.
La nullité pour défaut d'activité inventive du brevet français 88 06562 soulevée par la société CHINT sera rejetée et la revendication no 1 sera déclarée valable.
Les autres revendications étant dépendantes de la première et ne constituant que des réalisations particulières de celle-ci seront en conséquence également déclarées valables.

-sur la nullité du brevet français 89 09 475.
La revendication 1 du brevet est ainsi rédigée :"mécanisme de commande d'un disjoncteur électrique miniature à boîtier isolant renfermant une paire de contacts fixe et mobile, le contact mobile étant porté par un bas de contact actionné par le mécanisme lequel comporte :-une manette pivotante accouplée à une biellette de transmission pour former une première grenouillère,-une platine de support du bras de contact montée à rotation limitée sur un pivot entre les positions de fermeture et d'ouverture des contacts,-une liaison mécanique à bielle brisable formée par une deuxième grenouillère ayant un crochet d'accrochage monté à pivotement sur un axe de la platine et articulé à la biellette de transmission,-un levier de déclenchement coopérant avec le bec de retenue du crochet d'accrochage pour assurer le verrouillage et le déverrouillage de ladite liaison mécaniquecaractérisé en ce que le crochet d'accrochage est équipé d'une protubérance susceptible de venir en engagement contre une butée fixe solidaire du boîtier lorsque les contacts se trouvent dans l'état fermé-soudé, de manière à stopper la manette dans une position intermédiaire S prédéterminée située entre les positions extrêmes F et O, le dépassement de point mort de la première grenouillère rendant stable la position intermédiaire S pour l'indication de soudure des contacts."

Les 3 revendications suivantes portent sur des modes de réalisation particuliers de ce mécanisme de commande.
L'objectif de ce brevet est de proposer un perfectionnement à la réalisation d'un mécanisme de commande d'un disjoncteur.
Il est fait référence dans l'art antérieur visé dans la partie descriptive du brevet, au brevet étudié plus haut .
La portée du brevet français 89 09 475 concerne donc un mécanisme constitué par un crochet d'accrochage équipé d'une protubérance venant en engagement contre une butée solidaire du boîtier dans l'état fermé-soudé des contacts pour stopper la manette dans une position intermédiaire stable S située entre les positions O ouverte et F fermée, et ce en dépassant le point mort de la deuxième grenouillère ; ce dispositif est donc constitué de deux grenouillères, d'un crochet équipé d'une protubérance et d'une butée.
La société CHINT cite sept documents antérieurs à l'encontre de ce brevet mais n'en étudie que deux au soutien de la nullité de cette revendication pour défaut d'activité inventive ; elle invoque la carence de l'examinateur européen lorsqu'il a statué sur la version européenne de ce brevet.
Il convient de rappeler qu'il n'appartient pas au juge français de statuer sur le travail des examinateurs de l'OEB mais d'analyser et d'interpréter les antériorités qui lui sont soumises pour contester la validité du brevet français litigieux.
Le fait que de nombreux documents soient cités dans le rapport de recherche comme arrière plan technologique n'a pas pour effet de priver de toute activité inventive une invention dont la protection est demandée dans un secteur fortement innovant ou qui connaît des poussées technologiques après un long moment sans avancée.
Elle rappelle que, tant le juge des référés dans son ordonnance du 11 mai 2007 que la cour d'appel dans son arrêt du 21 décembre 2007, ont estimé que les arguments opposés à l'activité inventive de ce brevet étaient pertinents.
Elle oppose trois brevets, le brevet français Kopp, le brevet merlin Gerin de 1986 et celui de 1978 qu'elle combine deux par deux.

Le brevet français no 86 14629 Merlin Gerin 86 est reconnu comme étant le document établissant l'art antérieur le plus proche ; il enseigne dans une de ses réalisations un système de butée du bras du support du contact mobile contre une saillie du boîtier qui a pour objet de ralentir la course du contact mobile lors de son ouverture.

Il a pour but de diminuer l'effort de déclenchement d'un mécanisme de commande de disjoncteur de la position fermée à la position ouverte.
Ainsi est connue une butée d'accrochage de la bielle sur la platine qui assure le maintien de la manette en position ouverte (et non en position intermédiaire) pour éviter que la poignée soit forcée vers sa position d'ouverture.

Le brevet français 75 14802 Kopp porte sur un disjoncteur automatique à haut pouvoir de rupture qui vise à apporter une solution au problème lié au temps de déplacement de l'arc électrique formé entre les contacts vers les tôles d'extinction en cas de court-circuit.
Au cours du processus d'ouverture des contacts, le levier d'armement vient buter dans sa position extrême, par un ergot, contre une saillie ménagée dans la paroi interne du boîtier du disjoncteur; en cas de fermeture, le levier d'armement se dégage de cette saillie qui n'a pour fonction que de limiter la course du levier d'armement du contact mobile lors de son ouverture rapide.
L'objet du brevet est donc d'empêcher la soudure des contacts mais bien que son but ne soit pas de signaler la soudure des contacts, il prévoit les moyens de maintenir la manette dans une position intermédiaire S pour parvenir à cette fin.

Le brevet européen 0 008 989 (Merlin Gerin 1978) enseigne un dispositif de blocage de la manette en cas de soudure des contacts pour assurer la fonction de sectionnement. Il comprend une lumière ménagée dans le support de la manette qui présente une dent faisant saillie du bord interne de cette lumière.
En cas de soudure des contacts, l'axe de liaison de la biellette reste immobile et la dent vient buter contre l'axe pour empêcher le déplacement de la manette vers la position d'ouverture des contacts 0, la manette est alors bloquée en position visible S et revient automatiquement en position F de fermeture des contacts en cas de relâchement.
La société SCHNEIDER ELECTRIC prétend que l'homme du métier n'aurait pas associé les enseignements des deux brevets Merlin Gerin 86 et Kopp au motif que le brevet Kopp traite d'un mécanisme qui empêche la soudure.
Or, l'homme du métier qui est un ingénieur en électricité, a nécessairement connaissance des données contenues dans ces différents brevets quelles que soient l'objet de ces derniers et il confronte tout aussi nécessairement leurs enseignements en vue de trouver une solution au problème qui lui est posé.

Les deux brevets enseignent une saillie dans le boîtier, un système de blocage dans une butée qui a pour fonction de stopper la manette ; cependant le brevet Kopp ne présente qu'un simple levier de contact qui est arrêté par une butée de fin de course et ne décrit pas un mécanisme plus complexe mettant en jeu une grenouillère comme le fait le brevet français 89 09 475.
Le mécanisme mis en place grâce à une grenouillère dans le brevet Merlin Gerin 1986 se retrouve à l'identique dans le brevet français 89 09 475 ; cependant, le brevet Merlin Gerin 1986 enseigne un blocage de la manette par une compression du crochet et non par une traction du crochet comme le prévoit le brevet français 89 09 475.
Or, le but poursuivi par ces deux brevets est bien un système de blocage qui prévoit le même dispositif, saillie qui sert de butée de sorte à stopper la manette qui appartient à un système plus complexe de grenouillère.
Pour l'homme du métier, il est évident de réaliser ce blocage en utilisant l'un ou l'autre moyen (compression ou la traction du crochet) pour configurer le système de blocage.
Enfin, il convient de rappeler que la position intermédiaire de blocage de la manette en raison de la soudure des contacts est enseignée par le brevet no 88 qui fait partie de l'art antérieur nécessairement connu de l'homme du métier et qui est cité dans la partie descriptive du brevet.
Elle l'est aussi par le brevet Merlin Gerin 78 qui enseigne d'une prt une position intermédiaire même si celle-ci n'est pas bloquée dans la position S et revient automatiquement en position F de relâchement, et d'autre part, une système de blocage proche de celui enseigné par le brevet Merlin Gerin 1986.
Ainsi, au vu du brevet Merlin Gerin 86 qui enseigne un mécanisme de blocage similaire à celui du brevet français 89 09 475 combiné avec celui de 1978 qui enseigne une position intermédiaire même provisoire, l'homme du métier avait les connaissances suffisantes pour arriver à réaliser le dispositif tel que décrit dans le brevet français 89 09 475.
En conséquence, il sera fait droit à la nullité pour défaut d'activité inventive du brevet français 89 09 475 soulevée par la société CHINT.
Les autres revendications étant dépendantes de la première et ne constituant que des réalisations particulières de celle-ci ne présentent aucune inventivité supplémentaire, elles seront également déclarées nulles.

-sur la contrefaçon
La société CHINT soutient qu'elle ne peut se voir reprocher des actes de contrefaçon au regard de l'article L 613-3 du Code de la propriété intellectuelle car elle n'est pas l'importateur en France des disjoncteurs litigieux trouvés au sein des sociétés CET et General Contracting.

Il convient donc de préciser ce qu'est un acte d'importation et ce qu'est un importateur et de dire au vu des pièces versées au débat si la société CHINT répond aux critères ainsi fixés.
L'acte d'importation consiste à faire entrer dans un pays des marchandises provenant de l'étranger.
En l'espèce, les disjoncteurs litigieux sont fabriqués en Chine et commercialisés en Angleterre par la société CHINT ; l'acte d'importation en France consiste donc à faire venir de Chine directement ou de l'Angleterre les disjoncteurs litigieux.
L'importateur est l'opérateur exerçant en France tout ou partie de ses activités ayant pour but d'introduire sur le territoire français des produits fabriqués en dehors des frontières. Cet importateur est celui qui achète les produits qu'il destine à la revente en France.
Cet opérateur peut-être le fabricant étranger lui-même s'il exerce une activité en France ou s'il existe des liens particuliers entre le fabricant étranger et l'opérateur français (filiale, circuit de distribution sélectif).
En l'espèce, la société CHINT n'exerce aucune activité en France et les documents relatifs à ses sites internet le démontrent puisqu'il n'existe aucune page rédigée en français ; site en ".net" est rédigé en mandarin; le site en ".com" est rédigé en différentes langues sauf en langue française ; de plus, il ne s'agit pas d'un site de vente mais seulement d'un site de présentation des produits.Il n'existe aucun site internet en ".fr" appartenant à la société CHINT.
La société SCHNEIDER ELECTRIC ne produit aucun document de type extrait du Registre du Commerce et des Sociétés établissant que la société CHINT possède une filiale en France.
La société CHINT ne remplit pas la première condition, à savoir exercer une activité en France) pour être considérée comme l'importatrice des produits litigieux.
Une saisie-contrefaçon a été réalisée le 16 janvier 2006 au sein de la société CEF au cours de laquelle ont été saisis des catalogues de cette société. Ils établissent l'offre en vente faite par la société CEF de disjoncteurs revêtus de la marque CHINT et portant les références NB1; il s'agit de minidisjoncteurs bipolaires, tripolaires ou tétrapolaires. Le gérant de la société indique que son fournisseur est la société CHINT EUROPE.
Ces éléments sont insuffisants à établir le caractère actif de la société CHINT dans l'importation de ces produits ; ils ne permettent que d'établir l'offre en vente de la société CEF de produits CHINT.
Les factures versées au débat sont établies par la société CHINT EUROPE au nom de la société PROTEUS, enseigne commerciale de la société General Contracting ; elles ne mentionnent pas de TVA.

Ces copies de factures ne font pas état des conditions de vente ou des conditions de livraison des produits incriminés, il ne peut en être tiré aucun argument sur la façon dont les produits ont été livrés ou transportés du territoire anglais sur le territoire français et à l'initiative de qui.
Enfin, le fait que la TVA n'apparaisse pas sur la facture indique effectivement qu'il s'agit d'une acquisition intracommunautaire mais les dispositions de l'article 256 bis 1-3o du CGI permettent à la personne qui assure matériellement le transport de bénéficier de la déduction fiscale que le transporteur soit le vendeur, l'acquéreur ou un tiers.
Ainsi, cette absence de mentions de TVA sur la facture ne donne aucun élément supplémentaire sur les conditions d'introduction des marchandises en France et sur le rôle joué par la société CHINT dans l'importation.
La seconde condition pour être considérée comme l'importateur, à savoir démontrer l'implication active de la société CHINT EUROPE dans l'introduction des articles litigieux en France,. Elle n'a que le statut d'exportatrice et ne peut donc se voir reprocher la moindre contrefaçon sur le territoire français, n'est pas davantage remplie par la société défenderesse.
La société SCHNEIDER ELECTRIC sera en conséquence déboutée de l'intégralité de ses demandes fondées sur la contrefaçon.

-sur les autres demandes.

Si la société SCHNEIDER ELECTRIC a pu se méprendre sur les droits qu'elle détenait du fait de ses brevets, elle n'a pu méconnaître tout au long de la procédure l'insuffisance des preuves qu'elle pouvait fournir pour incriminer la société CHINT en tant qu'importateur et donc sur la possible condamnation de cette dernière en tant que contrefactrice.
Le maintien de la société CHINT dans cette procédure constitue donc manifestement un abus de droit et il sera alloué la somme de 15.000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive.
Les conditions sont réunies pour condamner la société SCHNEIDER ELECTRIC à payer à la société CHINT la somme de 30.000 euros par application de l'article 700 du Code de procédure civile.
L'exécution provisoire est compatible avec la nature de l'affaire, elle n'est pas nécessaire et ne sera pas ordonnée.

PAR CES MOTIFS
Statuant par remise au greffe et par jugement contradictoire et en premier ressort,

-Déclare nulles pour défaut d'activité inventive les revendications 1 à 4 du brevet français no 89 09475 déposé le 11 juillet 1989 dont la société SCHNEIDER ELECTRIC est titulaire.
- Dit que la présente décision, une fois définitive, sera, sur simple réquisition de Madame le Greffier, ou à l'initiative de la partie la plus diligente, transmise à l'Institut National de la Propriété Industrielle pour être portée au Registre National des Brevets.
Déboute la société CHINT de ses demandes de nullité du brevet français no 87 13761 déposé le 2 octobre 1987 et du brevet français no 88 06562 déposé le 13 mai 1988 dont la société SCHNEIDER ELECTRIC est titulaire.
Déboute la société SCHNEIDER ELECTRIC de ses demandes en contrefaçon formées à l'encontre de la société CHINT sur le fondement de l'article L 613-3 du Code de la propriété intellectuelle.
Condamne la société SCHNEIDER ELECTRIC à payer à la société CHINT la somme de 15.000 euros (QUINZE MILLE EUROS) à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive.
Condamne la société SCHNEIDER ELECTRIC à payer à la société CHINT la somme de 30.000 euros ( TRENTE MILLE EUROS) par application de l'article 700 du Code de procédure civile.
Dit n'y avoir lieu à exécution provisoire de la présente décision.
Condamne la société SCHNEIDER ELECTRIC aux entiers dépens dont distraction au profit de Mo Emmanuel GOUGE, avocat, conformément à l'article 699 du Code de procédure civile.
FAIT A PARIS LE DIX HUIT MARS DEUX MIL HUIT./.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Tribunal de grande instance de Paris
Formation : Chambre civile 3
Numéro d'arrêt : 06/03701
Date de la décision : 18/03/2008
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.grande.instance.paris;arret;2008-03-18;06.03701 ?
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