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07/03/2008 | FRANCE | N°05/17477

France | France, Tribunal de grande instance de Paris, Chambre civile 3, 07 mars 2008, 05/17477


3ème chambre 2ème section

Assignation du :28 Novembre 2005

JUGEMENT rendu le 28 Mars 2008

DEMANDERESSE
Société PHYTEA, ayant pour nom commercial PHYTHEA8 bis rue Gabriel VoisinLe Crystalide51100 REIMS
représentée par Me Emmanuelle HOFFMAN-ATTIAS, avocat au barreau de PARIS, vestiaire D.405

DÉFENDERESSES
Société ISODISNATURA7 A Square de l'Aviation1070 BRUXELLES (BELGIQUE)
représentée par SCP COBLENCE et ASSOCIES, avocats au barreau de PARIS, vestiaire P53
COMPOSITION DU TRIBUNAL
Véronique RENARD, Vice-Président, signataire de la déci

sion Sophie CANAS, JugeGuillaume MEUNIER, Juge
assistée de Marie-Aline PIGNOLET, Greffier, signataire ...

3ème chambre 2ème section

Assignation du :28 Novembre 2005

JUGEMENT rendu le 28 Mars 2008

DEMANDERESSE
Société PHYTEA, ayant pour nom commercial PHYTHEA8 bis rue Gabriel VoisinLe Crystalide51100 REIMS
représentée par Me Emmanuelle HOFFMAN-ATTIAS, avocat au barreau de PARIS, vestiaire D.405

DÉFENDERESSES
Société ISODISNATURA7 A Square de l'Aviation1070 BRUXELLES (BELGIQUE)
représentée par SCP COBLENCE et ASSOCIES, avocats au barreau de PARIS, vestiaire P53
COMPOSITION DU TRIBUNAL
Véronique RENARD, Vice-Président, signataire de la décision Sophie CANAS, JugeGuillaume MEUNIER, Juge
assistée de Marie-Aline PIGNOLET, Greffier, signataire de la décision
DEBATS
A l'audience du 18 Janvier 2008 tenue en audience publique
JUGEMENT
Prononcé par remise de la décision au greffe Contradictoireen premier ressort
FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
La société PHYTEA, ayant pour nom commercial PHYTHEA, a pour principale activité la conception et la commercialisation de compléments alimentaires à usage humain et animal vendus en pharmacie et parapharmacie.
Elle indique être titulaire de la marque verbale "PHYTALGIC" déposée le 30 août 2002 auprès de l'INPI et enregistrée sous le no 3181852 pour désigner les produits de la classe 5 et de la marque verbale communautaire "PHYTALGIC" déposée le 30 avril 2004 et enregistrée sous le no 3809787 pour désigner les produits des classes 3 et 5 ;
Indiquant avoir constaté que l'utilisation, à titre de mot-clé sur le moteur de recherche GOOGLE, du signe "PHYTALGIC "activait un lien publicitaire vers le site de ISODISNATURA, laquelle propose à la vente un produit DUADOL "présentant de nombreuses similitudes avec le produit PHYTALGIC", la société PHYTEA a, selon actes d'huissier en date des 28 et 29 novembre 2005 fait assigner la société de droit belge ISODISNATURA et la société GOOGLE France en contrefaçon par imitation de la marque "PHYTALGIC", en concurrence déloyale et parasitisme ainsi qu'en publicité mensongère, afin d'obtenir, outre des mesures d'interdiction sous astreinte de 500 euros par infraction constatée, de modification des produits, packaging, logo et mentions incriminés et de publication dans la presse et sur Internet, le paiement, au bénéfice de l'exécution provisoire, des sommes respectives de 20.000 euros, 800.000 euros et 15.000 euros à titre de dommages-intérêts ainsi que de celle de 12.000 euros au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
Par ordonnance du 18 janvier 2008, le juge de la mise en état a révoqué l'ordonnance de clôture rendue le 1er juin 2007.
Par ordonnance du même jour, le juge de la mise en état a constaté l'extinction de l'instance de ce chef et le dessaisissement partiel du tribunal du fait du désistement d'instance et d'action de la société PHYTEA à l'égard de la société GOOGLE France.
Par dernières écritures signifiées le 16 mars 2007, la société PHYTEA, après avoir réfuté les arguments développés en défense, a repris, en les développant, l'ensemble de ses arguments et prétentions contenus dans son acte introductif d'instance à l'encontre de la société ISODIS NATURA.
Par dernières écritures signifiées le 2 février 2007 la société ISODIS NATURA ne conteste pas les faits de contrefaçon qui lui sont reprochés mais indique avoir pris toutes dispositions utiles auprès de son prestataire pour faire cesser le trouble ; elle s'oppose dès lors à l'ensemble des demandes et subsidiairement entend voir ramener à un euro symbolique les préjudices invoqués ; elle sollicite en tout état de cause le paiement de la somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 18 janvier 2008.

MOTIFS DE LA DÉCISION :
Sur la contrefaçon de marque
Attendu qu'il résulte des seuls extraits du site Internet "icimarques.com" produits aux débats que la marque française "PHYTALGIC" no 3181852 a été déposée le 30 août 2002 par une société LMS et donnée en licence à une société OMENOMA ;
qu'à défaut d'établir le lien que la société PHYTEA pourrait avoir avec la société qui apparaît comme étant titulaire de la marque, les demandes de la société PHYTEA formulées à ce titre ne peuvent prospérer ;
Attendu en revanche que la société PHYTEA justifie être titulaire de la marque verbale communautaire "PHYTALGIC" déposée le 30 avril 2004 et enregistrée sous le no 3809787 pour désigner les compléments alimentaires de la classe 5 ;
Attendu qu'aux termes de l'article 9 du règlement CE no40/94 du 20 décembre 1993, la marque communautaire confère à son propriétaire un droit exclusif, qui l'habilite à interdire à tout tiers, en l'absence de son consentement, de faire usage dans la vie des affaires d'un signe identique à la marque communautaire pour des produits ou des services identiques à ceux pour lesquels celle-ci est enregistrée ;
que la société PHYTEA reproche à la société ISODIS NATURA d'avoir acquis auprès de la société GOOGLE, à titre de mot-clé au travers du programme Adwords mis en place, le signe en cause et d'avoir ainsi reproduit et utilisé la marque dont elle est titulaire pour créer des liens publicitaires pointant vers son propre site Internet "www.isodisnatura.fr" qui propose des produits similaires à ceux visés par l'enregistrement de sa marque ;
Attendu qu'il convient de rappeler que l'offre faite par GOOGLE consiste à proposer aux annonceurs de faire apparaître sur une partie de l'écran qui rend compte du résultat d'une recherche, l'adresse de sites associée à un message promotionnel non pas selon un classement de pertinence mais selon le coût que l'annonceur est disposé à verser ;
Attendu que la procédure d'inscription au système AdWords comprend plusieurs étapes: choix de la langue et du lieu à cibler, création des groupes d'annonces, définition du budget et inscription ; que la deuxième étape comporte une première partie intitulée "Créer une annonce" qui contient des champs de saisie permettant au souscripteur d'entrer le titre et le contenu du lien commercial qu'il souhaite créer ainsi que l'adresse URL du site vers lequel il souhaite diriger ce lien commercial et une seconde, intitulée "Choisir les mots-clés" qui permet au souscripteur d'enregistrer les mots ou expressions de son choix, GOOGLE proposant alors une liste de mots-clés pour arriver à des résultats pertinents par rapport au texte de l'annonce et aux produits et services dont l'annonceur veut faire la promotion ;

Attendu qu'en l'espèce, il résulte des constats établis par Maître Franck Y..., en date des 13 octobre et 9 novembre 2005 que la saisie dans le moteur de recherche de la société GOOGLE de la requête "PHYTALGIC", fait apparaitre en haut à droite de l'écran, une rubrique "liens commerciaux" pointant vers des sites concurrents, et qu'en cliquant sur ces liens on accède au site "www.isodisnatura.fr" qui est exploité par la société ISODIS NATURA , lequel propose l'achat en ligne, à l'instar de la société PHYTEA, d'un complément alimentaire dénommé "DUADOL" ;
Attendu que le mot-clé "PHYTALGIC" utilisé par la société ISODIS NATURA est la reproduction à l'identique la marque no 3809787 ;
que le site Internet "www.isodisnatura.fr" est activé par un mot-clé acquis auprès de la société GOOGLE qui reproduit et utilise la marque de la demanderesse, et propose des produits non pas similaires mais identiques à ceux visés à l'enregistrement de la marque opposée, étant précisé qu'au stade de la contrefaçon la similitude des produits s'apprécie non pas par rapport aux conditions de commercialisation des produits en cause mais eu égard aux produits tels que visés au dépôt de la marque opposée ;
qu'il s'ensuit que la contrefaçon par reproduction est caractérisée au sens de l'article précité sans qu'il y ait lieu d'apprécier l'existence d'un quelconque risque de confusion dans l'esprit du public, la bonne foi invoquée étant par ailleurs inopérante en la matière ;
Sur la concurrence déloyale et le parasitisme
Attendu que la société PHYTEA reproche à ce titre à la défenderesse d'avoir détourné sa clientèle à son profit et commercialisé des produits présentant des similitudes avec les produits "PHYTALGIC" quant à la couleur et à la forme des capsules, au packaging et à la composition du produit ainsi que la reprise du logo PHYTEA ;
Mais attendu que la société demanderesse ne saurait incriminer la couleur verte des capsules du complément alimentaire DUADOL ni leur forme ou composition ou encore les conseils d'utilisation indiqués sur les boites sans revendiquer un monopole sur ces éléments ;
que par ailleurs il n'est pas démontré en quoi l'aspect visuel de la marque PHYTEA apparaissant également sur le produit et qui correspond à une marque semi-figurative no 3809721 dont est également titulaire la société demanderesse, composée du préfixe "PHY" associé au suffixe"THEA" apparaissant sur un fond de couleur verte serait repris par la mention "isodisnatura" figurant sur le produit DUADOL ;
Attendu en revanche qu'il résulte de la comparaison des emballages versés aux débats que celui du produit dénommé "DUADOL" commercialisé par la société ISODIS NATURA présente, à l'instar de celui contenant le produit "PHYTALGIC" commercialisé par la société PHYTEA, une feuille verte, un petit personnage figuratif, une goutte d'huile et la mention "Articulations sensibles";

que si ces différents éléments qui participent à la fois de l'ornementation et de l'évocation des produits en cause sont pour certains connus, la mise sur le marché de compléments alimentaires reprenant ces combinaisons selon un agencement similaire et des couleurs identiques, ne procède pas de l'exercice de la libre concurrence mais traduit la volonté délibérée de la société défenderesse d'entretenir la confusion dans l'esprit du public et constitue dès lors un acte de concurrence déloyale, et ce d'autant plus qu'il est constant que la société ISODIS NATURA a changé la présentation de ses produits depuis l'introduction de l'instance ;
Sur la publicité mensongère
Attendu qu'aux termes de l'article L115-33 du Code de la consommation les propriétaires de marques de commerce, de fabrique ou de service peuvent s'opposer à ce que les textes publicitaires concernant nommément leur marque soient diffusés lorsque l'utilisation de cette marque vise à tromper le consommateur ou qu'elle est faite de mauvaise foi ;
que l'article L 121-1 dispose quant à lui qu'est interdite toute publicité comportant, sous quelque forme que ce soit, des allégations, indications au présentations fausses ou de nature à induire en erreur, lorsque celles-ci portent sur un ou plusieurs des éléments ci-après : existence, nature, composition, qualités substantielles, teneur en principes utiles, espèce, origine, quantité, mode et date de fabrication, propriétés, prix et conditions de vente de biens ou services qui font l'objet de la publicité, conditions de leur utilisation, résultats qui peuvent être attendus de leur utilisation, motifs ou procédés de la vente ou de la prestation de services, portée des engagements pris par l'annonceur, identité, qualités ou aptitudes du fabricant, des revendeurs, des promoteurs ou des prestataires ;
Attendu qu'en l'espèce la présentation des annonces publicitaires, regroupées sous l'intitulé "liens commerciaux" peut laisser croire aux internautes que le site internet affiché entretient des rapports commerciaux avec la ou les sociétés concernées par lesdits liens ; que partant, cet intitulé lui même peut créer une confusion malgré les différences de situation et de présentation des annonces ;
que la responsabilité de la société ISODIS NATURA est en conséquence engagée sur le fondement des articles précités ;
Sur les mesures réparatrices
Attendu qu'il sera fait droit, dans les termes définis ci-après au dispositif, aux mesures d'interdiction et de publication sollicitées ;
Attendu que ces mesures étant suffisantes pour prévenir le renouvellement des actes de contrefaçon, il n'y a pas lieu de faire droit en outre à la demande de modification des produits ou des emballages incriminés ;
Attendu que l'offre d'indemnisation faite par la société défenderesse n'apparaît pas de nature à réparer l'entier préjudice subi par la société PHYTEA ;
que compte tenu des atteintes portées à la marque dont elle est titulaire et de la durée des agissements illicites, il sera accordé à cette dernière la somme de 10.000 euros à titre de dommages-intérêts ;
que les actes de concurrence déloyale ont contribuer à déprécier les produits PHYTEA auprès de la clientèle dont une partie a nécessairement été détournée de la société ISODIS NATURA et justifient l'octroi de la somme de 15.000 euros à ce titre ;
que les actes de publicité mensongère seront réparés par l'allocation de la somme de 5.000 euros à titre de dommages-intérêts ;
Attendu enfin qu'il convient d'autoriser, à titre de dommages-intérêts complémentaires, la publication du dispositif de la présente décision selon les modalités qui seront précisées au dispositif de la présente décision ;
Sur les autres demandes
Attendu que la nature de l'affaire et l'ancienneté du litige justifient l'exécution provisoire de la présente décision.
Attendu qu'il serait inéquitable de laisser à la charge de la société PHYTEA la totalité des frais irrépétibles et qu'il convient de lui allouer la somme de 4.000 euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
que la défenderesse qui succombe sera condamnée aux dépens et ne peut se prévaloir du bénéfice de ces dispositions.
PAR CES MOTIFS :
Le Tribunal, statuant publiquement, par mise à disposition au greffe, par jugement contradictoire et en premier ressort,
- Dit qu'en utilisant le terme "PHYTALGIC" à titre de mot-clef au travers du programme Adwords mis en place par la société GOOGLE, la société ISODIS NATURA a commis des actes de contrefaçon de la marque communautaire "PHYTALGIC" no 3809787 dont est titulaire la société PHYTEA.
- Dit que la société ISODIS NATURA a également commis des actes de concurrence déloyale et de publicité mensongère au préjudice de la société PHYTEA.
En conséquence,
- Interdit la poursuite de ces agissements sous astreinte de 100 euros par infraction constatée passé le délai de 30 jours à compter de la signification de la présente décision.
- Condamne la société ISODIS NATURA à payer à la société PHYTEA la somme de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts au titre de la contrefaçon de marque.

- Condamne la société ISODIS NATURA à payer à la société PHYTEA la somme de 15..000 euros à titre de dommages et intérêts au titre de la concurrence déloyale.
- Condamne la société ISODIS NATURA à payer à la société PHYTEA la somme de 5.000 euros à titre de dommages et intérêts au titre de la publicité mensongère.
- Autorise la société PHYTEA à faire publier le dispositif de la présente décision dans deux revues, journaux ou périodiques de son choix et aux frais de la défenderesse, sans que le coût de chacune des insertions n'excède, à la charge de celle-ci, la somme de 3.500 euros HT.
- Ordonne l'exécution provisoire.
- Condamne la société ISODIS NATURA à payer à la société PHYTEA la somme de 4.000 euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
- Condamne la société ISODIS NATURA aux entiers dépens.
Fait et jugé à Paris, le 28 mars 2008.

Le Greffier Le Président


Synthèse
Tribunal : Tribunal de grande instance de Paris
Formation : Chambre civile 3
Numéro d'arrêt : 05/17477
Date de la décision : 07/03/2008
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.grande.instance.paris;arret;2008-03-07;05.17477 ?
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