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07/03/2008 | FRANCE | N°05/15204

France | France, Tribunal de grande instance de Paris, Chambre civile 3, 07 mars 2008, 05/15204


T R I B U N A L

D E GRANDE

I N S T A N C E

D E P A R I S

3ème chambre 2ème section

No RG :

05/15204

No MINUTE :

Assignation du :

07 Octobre 2005

JUGEMENT

rendu le 07 Mars 2008

DEMANDERESSES

Société CARTRIDGE WORLD LIMITED

HARROGATE (NORTH YORKSHIRE)

HORNBEAM SQUARE WEST HORNBEAM PARK

S.A.R.L. CARTRIDGE WORLD FRANCE

...

75001 PARIS

Société CARTRIDGE WORLD Pty Ltd (intervenante Volontaire)

8 Grenfell stree, Kent Town,

South Australia,
>représentées par Me Olivier DESCHAMPS de la SCP DESCHAMPS MEYER et ASSOCIES, avocats au barreau de PARIS, vestiaire P52

DÉFENDERESSES

S.A.R.L. MONDIAL CARTOUCHES

...

30900 NIMES

S...

T R I B U N A L

D E GRANDE

I N S T A N C E

D E P A R I S

3ème chambre 2ème section

No RG :

05/15204

No MINUTE :

Assignation du :

07 Octobre 2005

JUGEMENT

rendu le 07 Mars 2008

DEMANDERESSES

Société CARTRIDGE WORLD LIMITED

HARROGATE (NORTH YORKSHIRE)

HORNBEAM SQUARE WEST HORNBEAM PARK

S.A.R.L. CARTRIDGE WORLD FRANCE

...

75001 PARIS

Société CARTRIDGE WORLD Pty Ltd (intervenante Volontaire)

8 Grenfell stree, Kent Town,

South Australia,

représentées par Me Olivier DESCHAMPS de la SCP DESCHAMPS MEYER et ASSOCIES, avocats au barreau de PARIS, vestiaire P52

DÉFENDERESSES

S.A.R.L. MONDIAL CARTOUCHES

...

30900 NIMES

S.A.R.L. C M ENCRE ECO

...

69003 LYON 03

représentée par Me Jean-Daniel SIMONET, avocat au barreau de PARIS, vestiaire E803, et Me Yvan MONELLI, avocat au barreau de Montpellier,

S.A.R.L. IGC DIFFUSION

...

38000 GRENOBLE

représentée par me Antoine RICARD, de la SELARL RICARD RINGUIER, avocats au barreau de PARIS, vestiaire J.58 et de la SELARL BRUN-KANEDANIAN avocat au barreau de GRENOBLE.

Société NPC DIFUSSION SARL,( Intervenante Volontaire)

118 Cours Jean Jaurès

38000 GRENOBLE

représentée par Me Stéphane SALEMBIEN, avocat au barreau de PARIS, vestiaire R.35

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Véronique RENARD, Vice-Président, signataire de la décision

Sophie CANAS, Juge

Guillaume MEUNIER, Juge

assistée de Marie-Aline PIGNOLET, Greffier, signataire de la décision

DEBATS

A l'audience du 18 Janvier 2008

tenue en audience publique

JUGEMENT

Prononcé par remise de la décision au greffe

Contradictoire

en premier ressort

Faits et procédure

La société de droit australien CARTRIDGE WORLD Pty prétend avoir conçu et perfectionné un processus de recyclage des cartouches pour imprimantes, proposé à la clientèle par l'intermédiaire d'un réseau de magasins, dont certains sont exploités dans le cadre de contrats de franchise.

Il n'est pas contesté qu'elle est titulaire de la marque semi figurative communautaire déposée le 12 octobre 2000, enregistrée le 3 avril 2002 sous le no1 915 693, pour les produits et services des classes 35 et 37 "vente au détail et de gros d'accessoires pour imprimantes et photocopieurs, y compris cartouches, papier, toners, encres d'imprimantes et rouleaux de papiers fax, installation, réparation, entretien et révision d'appareils et équipements de photocopie et d'impression, y compris recharge de cartouches d'imprimantes", se présentant comme suit :

La société de droit anglais CARTRIDGE WORLD Ltd, dirigée par Monsieur David D..., a été chargée d'exploiter le concept en Angleterre, au Pays de Galles et en France. Son activité a démarré en février 2001.

Par contrat du 5 avril 2005, la société CARTRIDGE WORLD Pty a conféré à la société de droit français CARTRIDGE WORLD France la qualité de "master franchisé", lui permettant notamment d'utiliser "les marques" CARTRIDGE WORLD et de "concéder des franchises" utilisant ces marques.

Les sociétés CARTRIDGE WORLD exposent avoir envisagé de développer leur activité en France par l'intermédiaire de Monsieur David E..., lequel aurait suivi un stage de formation en vue de l'ouverture et de l'exploitation d'un magasin CARTRIDGE WORLD.

Le 6 mars 2003, la société CARTRIDGE WORLD Ltd et Monsieur E..., qui par la suite prétendra avoir été mandaté par la société MONDIAL CARTOUCHES, ont conclu un contrat définissant notamment les conditions d'exploitation d'un premier magasin situé à Nîmes. La clause 3 de la convention stipulait en particulier que Monsieur E... serait nommé "représentant Sud de la France" afin de vendre des franchises dans cette région, contre versement d'une commission.

C'est dans ce cadre qu'un magasin CARTRIDGE WORLD s'est ouvert à Nîmes en avril 2003.

Un désaccord étant apparu, les parties ont mis fins à leurs relations contractuelles, le commerce nîmois étant par la suite rebaptisé MONDIAL CARTOUCHES.

Monsieur D... aurait fait part de son souhait de voir modifier les couleurs jaune et bleu du magasin nîmois, susceptibles selon lui d'engendrer un risque de confusion avec les magasins des sociétés CARTRIDGE WORLD. Monsieur E... aurait cependant refuser de modifier les couleurs en question, la société MONDIAL CARTOUCHES prétendant en avoir fourni le "concept".

L'ouverture de deux nouveaux magasins MONDIAL CARTOUCHES a par la suite été constatée à Grenoble et à Lyon. Le premier est exploité par la société IGC DIFFUSION, en vertu d'un contrat conclu avec la société MONDIAL CARTOUCHES le 25 mars 2004, le second par la société CM ENCRE ECO.

Dûment autorisées par les juridictions compétentes, les sociétés CARTRIDGE WORLD Ltd et CARTRIDGE WORLD France ont fait procéder à trois constats d'huissiers, à Nîmes, Grenoble et Lyon, le 22 juin 2004, dont il ressortirait que les magasins MONDIAL CARTOUCHES constitueraient la "copie" du "concept" CARTRIDGE WORLD.

Estimant être victimes de contrefaçon de marque et d'actes de concurrence déloyale et parasitaire, les sociétés CARTRIDGE WORLD Ltd et CARTRIDGE WORLD France ont, par exploits d'huissier des 7, 12 et 13 octobre 2005, assigné les sociétés CM ENCRE ECO, MONDIAL CARTOUCHES et IGC DIFFUSION devant le Tribunal de grande instance de Paris.

Par conclusions signifiées le 21 avril 2006, la société CARTRIDGE WORLD Pty est intervenu volontairement à l'instance.

La société NPC DIFFUSION, ayant signé le 15 septembre 2003 un contrat de franchise avec la société CARTRIDGE WORLD France, l'ayant conduit à exploiter à Grenoble , à compter du mois de novembre 2003, un magasin sous l'enseigne CARTRIDGE WORLD, est également intervenue à l'instance par conclusions en date du 26 juillet 2006.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 5 octobre 2007.

Prétentions des parties

Dans leurs dernières conclusions, signifiées le 3 janvier 2007, les sociétés CARTRIDGE WORLD Pty, CARTRIDGE WORLD France et CARTRIDGE WORLD Ltd demandent au Tribunal :

- de donner acte à la société CARTRIDGE WORLD Pty de son intervention volontaire, et de ce qu'elle fait siennes les demandes formulées par les sociétés CARTRIDGE WORLD Ldt et CARTRIDGE WORLD France,

- d'annuler la marque MONDIAL CARTOUCHES enregistrée le 15 juillet 2003 par la société MONDIAL CARTOUCHES à l'INPI de Marseille (sic),

- de juger que le terme MONDIAL CARTOUCHE est contrefaisant de la marque CARTRIDGE WORLD dûment déposée, enregistrée et exploitée par les demanderesses,

- d'enjoindre aux défenderesses de cesser toute utilisation du terme MONDIAL CARTOUCHE, que ce soit à titre de marque, d'enseigne, de dénomination sociale ou dans tout document publicitaire, sous astreinte de 500 € par infraction constatée à compter du huitième jour suivant la signification du jugement à intervenir,

- de condamner les défenderesses à faire cesser la confusion entre leurs magasins et ceux du réseau CARTRIDGE WORLD, et de les enjoindre à repeindre leurs devantures dans des coloris autres que le bleu et le jaune caractéristique du réseau CARTRIDGE WORLD et à modifier leurs agencements intérieurs sans reprendre aucun des éléments propres audit réseau,

- de condamner la société MONDIAL CARTOUCHE à payer aux sociétés CARTRIDGE WORLD Ltd et CARTRIDGE WORLD France, prises solidairement, la somme de 150.000 € à titre de dommages et intérêts pour contrefaçon de marque et concurrence parasitaire et déloyale,

- de condamner chacune des sociétés IGC DIFFUSION et CM ENCRE ECO à payer aux sociétés CARTRIDGE WORLD Ltd et CARTRIDGE WORLD France, prises solidairement, la somme de 15.000 € à titre de dommages et intérêts pour contrefaçon de marque et concurrence parasitaire et déloyale,

- d'ordonner l'exécution provisoire,

- de condamner solidairement les défenderesses à payer aux sociétés CARTRIDGE WORLD Pty, CARTRIDGE WORLD Ltd et CARTRIDGE WORLD France, prises solidairement, la somme de 10.000 € sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,

- de condamner les défenderesses aux entiers dépens, en ce compris les "frais de constat".

Par conclusions signifiées le 20 septembre 2007, la société NPC DIFFUSION, franchisée CARTRIDGE WORLD, demande au Tribunal :

- de juger que la société MONDIAL CARTOUCHES, la société IGC DIFFUSION et la société CM ENCRE ECO se sont appropriées par fraude la marque "Mondiale Cartouches" et que l'usage des termes "Mondiale Cartouches" en tant que marque, enseigne, dénomination sociale est frauduleux,

- de statuer ce que de droit sur la contrefaçon de la marque communautaire CARTRIDGE WORLD invoquée par son titulaire,

- de juger que la société MONDIAL CARTOUCHES et la société IGC DIFFUSION se sont rendues coupables d'actes de concurrence déloyale et parasitaire au préjudice de la société NPC DIFFUSION,

En conséquence,

- de prononcer l'annulation de la marque MONDIAL CARTOUCHES enregistrée le 15 juillet 2003 par la société MONDIAL CARTOUCHES,

- de faire injonction aux défenderesses d'avoir à cesser toute utilisation du signe MONDIAL CARTOUCHES à quel que titre que ce soit, et notamment de marque, d'enseigne, de dénomination sociale et ce sous astreinte de 500 € par infraction constatée à compter de la signification de la décision à intervenir,

- de leur faire interdiction d'utiliser des couleurs telles que le jaune et le bleu caractéristiques du réseau CARTRIDGE WORLD sur tout support de quelque nature que ce soit, et notamment devanture, emballages, documents commerciaux et publicitaires, sous astreinte de 500 € par infraction constatée à compter de la signification de la décision à intervenir,

- de condamner in solidum les sociétés MONDIAL CARTOUCHES, la société IGC DIFFUSION à lui payer la somme de 140.000 € en réparation du préjudice subi du fait de la fraude, des actes d'atteinte à la marque, d'usurpation de l'enseigne, de concurrence déloyale et parasitaire commis et qui engagent leur responsabilité sur le fondement de l'article 1382 du Code civil,

- d'ordonner la publication du jugement à intervenir dans trois journaux de son choix, aux frais des défenderesses, sans que le coût de chaque publication excède la somme de 3.000 €,

- d'ordonner l'exécution provisoire,

- de condamner in solidum les défenderesses à lui payer la somme de 10.000 € au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,

- de condamner in solidum les défenderesses aux entiers dépens, dont distraction au profit de son conseil.

En réponse, par conclusions signifiées le 27 septembre 2007, les sociétés MONDIAL CARTOUCHES et CM ENCRE ECO demandent au Tribunal :

A titre principal,

- de débouter les sociétés CARTRIDGE WORLD Ltd, CARTRIDGE WORLD France et CARTRIDGE WORLD Pty et NPC DIFFUSION de l'ensemble de leurs demandes, comme irrecevables et infondées tant en droit qu'en fait,

- de donner à la société MONDIAL CARTOUCHES de ce qu'elle s'en rapporte sur l'action en nullité formée par la société IGC DIFFUSION,

A titre reconventionnel,

- de condamner solidairement les sociétés CARTRIDGE WORLD Ltd, CARTRIDGE WORLD France et CARTRIDGE WORLD Pty à payer 15.000 € de dommages intérêts à la société MONDIAL CARTOUCHES pour rupture abusive des pourparlers contractuels et concurrence déloyale par débauchage des salariés, et à payer 15.000 € de dommages intérêts à la société CM ENCRE ECO pour procédure abusive,

- de condamner solidairement les sociétés CARTRIDGE WORLD Ltd, CARTRIDGE WORLD France et CARTRIDGE WORLD Pty à payer la somme de 3.000 € sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,

- de les condamner aux entiers dépens.

La société IGC DIFFUSION, dans ses écritures signifiées le 9 février 2007, demande quant à elle au Tribunal :

A titre principal,

- d'annuler le contrat de franchise conclu le 21 mars 2004 avec la société MONDIAL CARTOUCHES,

- de condamner cette dernière à lui restituer les sommes de 28.000 € et 10.000 € versées à la conclusion du contrat,

- de débouter les demanderesses des demandes formulées à son encontre,

- de condamner la société MONDIAL CARTOUCHES à la relever et garantir de l'ensemble des condamnations éventuelles à intervenir sur le fondement de sa responsabilité contractuelle,

A titre subsidiaire,

- de prononcer la résolution du contrat de franchise du 21 mars 2004 aux torts de la société MONDIAL CARTOUCHES,

- de condamner la société MONDIAL CARTOUCHES à lui payer la somme de 38.000 € de dommages intérêts en réparation de la mauvaise exécution lui ayant été imposée,

- de débouter les demanderesses de l'ensemble des demandes formées à son encontre,

- de condamner la société MONDIAL CARTOUCHES à la relever et garantir de l'ensemble des condamnations éventuelles à intervenir sur le fondement de sa responsabilité contractuelle,

En outre,

- de condamner solidairement les sociétés CARTRIDGE WORLD Pty, CARTRIDGE WORLD Ltd, CARTRIDGE WORLD France, MONDIAL CARTOUCHES, NPC DIFFUSION et CM ENCRE ECO, à payer à la société IGC DIFFUSION la somme de 5.000 € sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

Motifs de la décision

Attendu, à titre liminaire, qu'il y a lieu de constater que la compétence du Tribunal de céans pour connaître de l'action en contrefaçon de marque communautaire dont il est saisi n'est pas contestée ;

Que les développements des sociétés CARTRIDGE WORLD sur cette question sont dès lors sans objet ;

I. Sur les fins de non recevoir

Attendu que les sociétés MONDIAL CARTOUCHES et CM ENCRE ECO soutiennent que les sociétés CARTRIDGE WORLD Ltd et CARTRIDGE WORLD France sont irrecevables à agir en contrefaçon, n'étant pas titulaires de la marque CARTRIDGE WORLD, propriété de la société CARTRIDGE WORLD Pty, et "faute pour elle de justifier de la publication de leurs droits aux registres concernés" ; qu'elles ajoutent qu'est irrecevable, pour les mêmes motifs, "toute demande relative aux marques formulées par la société NCP DIFFUSION" ;

Attendu qu'en réponse, les sociétés CARTRIDGE WORLD font valoir que CARTRIDGE WORLD Ltd et CARTRIDGE WORLD France sont recevables à agir en tant que licenciée et sous-licenciée de la marque CARTRIDGE WORLD ;

Que la société NPC DIFFUSION soutient quant à elle avoir intérêt à agir en nullité de la marque MONDIAL CARTOUCHES à raison du caractère frauduleux de son dépôt ;

A. Sur la recevabilité à agir des sociétés CARTRIDGE WORLD Ltd et CARTRIDGE WORLD France

Attendu qu'il résulte des dispositions combinées des articles 22 et 23 du règlement CE no40/94 du 20 décembre 1993 qu'une licence de marque communautaire n'est opposable aux tiers dans tous les Etats membres qu'après son inscription au registre des marques communautaires ;

Attendu que la marque communautaire CARTRIDGE WORLD no1 915 693 est la propriété de la société de droit australien CARTRIDGE WORLD Pty ;

Que les sociétés CARTRIDGE WORLD Ltd et CARTRIDGE WORLD France ne fournissent aucun justificatif démontrant que les licences d'utilisation de la marque invoquée au soutien de leur action en contrefaçon ont été publiées au registre des marques communautaires de l'Office d'Harmonisation du Marché Intérieur ;

Que faute de justifier de l'opposabilité de leurs droits sur la marque CARTRIDGE WORLD aux tiers, elles sont irrecevables à agir en contrefaçon.

B. Sur la recevabilité à agir de la société NPC DIFFUSION

Attendu que la société NPC DIFFUSION demande au Tribunal de "prononcer l'annulation de la marque MONDIAL CARTOUCHES enregistrée le 15 juillet 2003 par la société MONDIAL CARTOUCHES à l'INPI de Marseille", en arguant du caractère frauduleux du dépôt, et de condamner les sociétés MONDIAL CARTOUCHES et la société IGC DIFFUSION à lui payer la somme de 140.000 € en réparation du préjudice subi du fait de la fraude, des actes d'atteinte à la marque, d'usurpation de l'enseigne, de concurrence déloyale et parasitaire commis et qui engagent leur responsabilité sur le fondement de l'article 1382 du Code civil ;

Attendu qu'il résulte de la combinaison de l'article L. 712-6 du Code de la propriété intellectuelle et du principe selon lequel la fraude corrompt tout, qu'un dépôt de marque est entaché de fraude dès lors qu'il est effectué dans l'intention de priver autrui d'un signe nécessaire à son activité ;

Attendu que l'usage de la marque communautaire CARTRIDGE WORLD est nécessaire à l'activité commerciale de la société NPC DIFFUSION, membre du réseau de franchises CARTRIDGE WORLD en vertu d'un contrat du 15 septembre 2003 ;

Que la société NPC DIFFUSION doit dès lors être reçue en son action tendant à démontrer que le dépôt de la marque MONDIAL CARTOUCHES vise à entraver le développement de concurrents faisant usage de la marque CARTRIDGE WORLD, et doit de ce fait être annulé.

II. Sur la demande d'annulation de la marque MONDIAL CARTOUCHES formulée par les sociétés CARTRIDGE WORLD

Attendu que la société NPC DIFFUSION, intervenante volontaire, démontre que la société MONDIAL CARTOUCHES (et non Monsieur E..., comme l'exposent, sans doute par excès de langage, les sociétés MONDIAL CARTOUCHES), est titulaire de la marque verbale française MONDIAL CARTOUCHES, déposée le 15 juillet 2003, enregistrée sous le no03 323 6 444, pour les produits et services des classes 2, 9 et 40 "recyclage de cartouches d'imprimerie jet d'encre et laser, encres, imprimantes" ;

Attendu que les sociétés CARTRIDGE WORLD sollicitent l'annulation de la marque MONDIAL CARTOUCHES sur le fondement des dispositions de l'article 9 du règlement CE no40/94 du 20 décembre 1993, qui définit les usages de la marque communautaire que son titulaire est en droit d'interdire, et de l'article L. 711-4 a, b et c du Code de la propriété intellectuelle, aux termes desquels ne peut être adopté comme marque un signe portant atteinte à des droits antérieurs, et notamment a) à une marque antérieure enregistrée ou notoirement connue au sens de l'article 6 bis de la convention de Paris pour la protection de la propriété industrielle, b) à une dénomination ou raison sociale, s'il existe un risque de confusion dans l'esprit du public, c) à un nom commercial ou à une enseigne connus sur l'ensemble du territoire national, s'il existe un risque de confusion dans l'esprit du public ;

Que le Tribunal constate que pour soutenir qu'il est "constant que la société MONDIAL CARTOUCHE a opéré le dépôt de la marque litigieuse en fraude des droits de la société CARTRIDGE WORLD Pty", les sociétés CARTRIDGE WORLD exposent que les termes "MONDIAL CARTOUCHE" constituent la traduction littérale de CARTRIDGE WORLD, et que "ce n'est pas l'effet du hasard si Monsieur E... ès qualités a déposé la marque MONDIAL CARTOUCHE (après avoir adopté comme dénomination sociale les mêmes termes de MONDIAL CARTOUCHE)" ; qu'elles en déduisent uniquement qu'il a volontairement été porté atteinte à leurs droits antérieurs, sans se prévaloir des dispositions de l'article L. 712-6 du Code de la propriété intellectuelle ou de l'adage "fraus omnia corrumpit" ;

Attendu que les sociétés CARTRIDGE WORLD ne produisent aucun extrait du registre du commerce et des sociétés, ou toute autre pièce permettant au Tribunal de déterminer à quelle dénomination ou raison sociale, nom commercial ou enseigne connus sur l'ensemble du territoire national elles se réfèrent ;

Qu'elles seront dès lors déboutées de leurs demandes d'annulations fondées sur les dispositions de l'article L. 711-4 b et c du Code de la propriété intellectuelle ;

Que les demandes fondées sur l'article 9 du règlement CE no40/94 du 20 décembre 1993 et sur l'article L. 711-4 a du Code de la propriété intellectuelle supposent fondée l'action en contrefaçon, et seront donc examinées ultérieurement.

III. Sur la contrefaçon de marque communautaire

Attendu qu'il convient à ce stade de rappeler que la société de droit australien CARTRIDGE WORLD Pty, seule recevable à agir en contrefaçon, justifie être titulaire de la marque semi figurative communautaire déposée le 12 octobre 2000, enregistrée le 3 avril 2002 sous le no1 915 693, pour les produits et services des classes 35 et 37 "vente au détail et de gros d'accessoires pour imprimantes et photocopieurs, y compris cartouches, papier, toners, encres d'imprimantes et rouleaux de papiers fax, installation, réparation, entretien et révision d'appareils et équipements de photocopie et d'impression, y compris recharge de cartouches d'imprimantes", se présentant comme suit :

Attendu que le Tribunal relève que les constats d'huissier versés aux débats ont permis de constater :

- à Lyon, au sein du magasin MONDIAL CARTOUCHES exploité par la société CM ENCRE ECO, l'usage des termes "MONDIAL CARTOUCHES", des signes figuratifs suivants

- au sein du magasin MONDIAL CARTOUCHES de Nîmes, l'usage des signes figuratifs

- au sein du magasin MONDIAL CARTOUCHES de Grenoble, exploité par la société IGC DIFFUSION, l'usage des signes

Attendu que la marque verbale française MONDIAL CARTOUCHES, déposée le 15 juillet 2003, enregistrée sous le no03 323 6 444, vise les produits et services des classes 2, 9 et 40 "recyclage de cartouches d'imprimerie jet d'encre et laser, encres, imprimantes" ;

Attendu que dans le dispositif des conclusions des demanderesses, il est demandé au Tribunal de juger que le terme "MONDIAL CARTOUCHES" en constitue la contrefaçon par imitation ; qu'après avoir cité divers arrêts de cours d'appels qu'elle juge transposable en l'espèce, la société CARTRIDGE WORLD Pty expose que la contrefaçon, parfaitement caractérisée sur le plan phonétique, se trouve renforcée par "les similitudes visuelles (dans les deux cas, image d'une flèche circulaire faisant le tour d'un symbole (une étoile s'agissant de la marque CARTRIDGE WORLD et une boule s'agissant de la marque MONDIAL CARTOUCHE)" ;

Mais attendu que la demanderesse ne précise pas, dans ses écritures, quels signes, autres que les termes "MONDIAL CARTOUCHES" et la marque verbale du même nom, sont précisément argués de contrefaçon ;

Que la société MONDIAL CARTOUCHES admet par ailleurs utiliser des signes non visés par la demanderesse, se présentant comme suit :

et

Attendu qu'il n'appartient pas au Tribunal de se substituer à la société CARTRIDGE WORLD Pty en déterminant quels signes figuratifs précis sont visés par son action ;

Que seuls l'usage des termes "MONDIAL CARTOUCHES" et le dépôt de la marque homonyme seront donc examinés à l'aune des textes régissant la contrefaçon de marque communautaire ;

Attendu que les signes litigieux et la marque invoquée étant différents, c'est au regard des dispositions de l'article 9 du règlement CE no40/94 du 20 décembre 1993, aux termes duquel la marque communautaire confère à son propriétaire un droit exclusif, qui l'habilite à interdire à tout tiers, en l'absence de son consentement, de faire usage dans la vie des affaires d'un signe pour lequel, en raison de sa similitude avec la marque communautaire et de l'identité ou de la similitude des produits ou des services couverts par la marque communautaire et le signe, il existe un risque de confusion dans l'esprit du public, ce risque comprenant le risque d'association entre le signe et la marque, qu'il convient d'apprécier le bien-fondé de l'action en contrefaçon ;

Attendu qu'il n'est pas contesté que les signes litigieux visent des produits identiques ou similaires ;

Attendu que contrairement à ce que soutient la demanderesse, les expressions "CARTRIDGE WORLD" et "MONDIAL CARTOUCHES" ne présentent aucune ressemblance phonétique ;

Qu'aucune similitude visuelle n'existe entre elles, ce d'autant plus qu'ainsi que le souligne la société MONDIAL CARTOUCHES, l'étoile à sept branches, entourée d'une flèche, constitue un élément, sinon dominant, en tout cas particulièrement distinctif, de la marque communautaire invoquée ;

Attendu, cependant, qu'il n'est pas contesté que le mot anglais "world", aisément compréhensible du consommateur de cartouches d'imprimante moyen, se traduit par "monde", dont l'adjectif "mondial" présent dans les signes argués de contrefaçon constitue un simple dérivé ; qu'il n'est pas plus contesté que le terme anglais "cartridge", également compréhensible par le consommateur de cartouches d'imprimante moyen, se traduit par "cartouches" ; que les signes comparés présentent ainsi une forte similitude sur le plan intellectuel, en ce qu'ils paraissent désigner un réseau mondial de ventes de cartouches ; que les produits désignés par les signes argués de contrefaçon paraissent, dans ces conditions, constituer la version française de ceux commercialisés sous la marque communautaire CARTRIDGE WORLD ;

Attendu qu'il en résulte, pour l'acheteur de cartouches normalement attentif n'ayant pas simultanément l'ensemble des signes examinés sous les yeux, un risque de confusion le conduisant à attribuer aux produits et services concernés une origine commune ;

Attendu que la contrefaçon par imitation de la marque communautaire CARTRIDGE WORLD déposée le 12 octobre 2000, enregistrée le 3 avril 2002 sous le no1 915 693, se trouve ainsi caractérisée à l'encontre de l'ensemble des défenderesses ;

Qu'il convient notamment, par application combinée des articles L. 711-4 a, L. 714-3 du Code de la propriété intellectuelle et 98 du règlement CE no40/94 du 20 décembre 1993, de prononcer la nullité de la marque verbale française MONDIAL CARTOUCHES, déposée le 15 juillet 2003, enregistrée sous le no03 323 6 444, pour les produits et services des classes 2, 9 et 40 "recyclage de cartouches d'imprimerie jet d'encre et laser, encres, imprimantes".

IV. Sur le caractère frauduleux du dépôt de la marque MONDIAL CARTOUCHES

Attendu que la société NPC DIFFUSION se prévaut du caractère frauduleux du dépôt de la marque MONDIAL CARTOUCHES pour solliciter son annulation par application de l'article L. 712-6 du Code de la propriété intellectuelle et de l'adage "fraus omnia corrumpit" ; qu'elle soutient que Monsieur E..., à la suite d'un désaccord avec son potentiel franchiseur, a créé la société MONDIAL CARTOUCHES, après avoir bénéficié du savoir-faire des sociétés CARTRIDGE WORLD, et a déposé la marque litigieuse en ayant connaissance de la volonté de celles-ci de développer un réseau de magasins en France pour avoir entamé des pourparlers en vue de devenir membre du dit réseau ;

Que contrairement à ce que semble soutenir la société MONDIAL CARTOUCHE, la demande en nullité de la société NPC DIFFUSION n'est pas fondée sur l'article L. 711-4 du Code de la propriété intellectuelle ou sur un quelconque risque de confusion entre leurs dénominations sociales ;

Attendu que la société MONDIAL CARTOUCHES soutient en défense que la fraude s'apprécie "au moment des faits", et que rien ne démontre qu'en 2003, le dépôt de la marque MONDIAL CARTOUCHES a été effectué dans la perspective de porter atteinte aux droits de la société "CARTRIDGE WORLD UK" ;

Attendu cependant que le Tribunal ayant annulé la marque verbale française MONDIAL CARTOUCHES, déposée le 15 juillet 2003, enregistrée sous le no03 323 6 444, pour les produits et services des classes 2, 9 et 40 "recyclage de cartouches d'imprimerie jet d'encre et laser, encres, imprimantes", la demande de la société NPC DIFFUSION devient sans objet.

III. Sur la concurrence déloyale et parasitaire

Attendu que les sociétés CARTRIDGE WORLD Pty, CARTRIDGE WORLD Ltd et CARTRIDGE WORLD France soutiennent qu'en reproduisant l'agencement extérieur des magasins CARTRIDGE WORLD, les défenderesses ont commis des actes de parasitisme ;

Attendu que la société NPC DIFFUSION soutient que "l'utilisation de la dénomination confondante MONDIALE CARTOUCHES", "l'imitation de la marque et de l'enseigne WORLD CARTRIDGE", mais également l'exploitation, à quelques centaines de mètres de son établissement, d'un magasin utilisant les mêmes codes de couleur jaune et bleu, et la reprise de l'agencement intérieur de son magasin, faits ayant entraîné une confusion effective au sein de sa clientèle, engagent la responsabilité des défenderesses sur le fondement de l'article 1382 du Code civil ;

Attendu que les sociétés MONDIAL CARTOUCHES et CM ENCRE ECO soutiennent que les pièces versées aux débats ne mentionnent aucune revendication, par les demanderesses, d'une présentation extérieure et/ou intérieure de leurs boutiques spécifique et caractérisée par des couleurs réservées, qu'il ressort des constats d'huissier que leurs magasins ne répondent à aucune unité d'ensemble ou de couleur, qu'il ne saurait leur être reproché d'avoir développé l'activité de recyclage de cartouches ; qu'elles ajoutent que les demanderesses ne justifient d'aucun savoir faire particulier et personnel, et précisent que les techniques de recyclage de cartouches sont accessibles à tous, et constituent un domaine dans lequel elles sont compétentes ;

Que la société IGC DIFFUSION soutient s'être contentée d'exercer ses droits de licencié dans le cadre de la convention la liant à la société MONDIAL CARTOUCHES ;

Attendu que les sociétés CARTRIDGE WORLD Pty et CARTRIDGE WORLD Ltd ne justifie d'aucune activité commerciale en France, et seront donc déboutées de leurs demandes au titre de la concurrence déloyale et parasitaire ;

Attendu que les pièces produites par les parties démontrent que les magasins exploités en Grande-Bretagne sous l'enseigne CARTRIDGE WORLD présentent une façade de couleur jaune et bleu, comportant une représentation de la marque semi-figurative communautaire CARTRIDGE WORLD no1 915 693 ;

Que suite au désaccord intervenu entre lui et Monsieur E..., Monsieur D... a été informé, par télécopie du 4 septembre 2003, qu'il n'était pas possible de repeindre le magasin de Nîmes, "l'idée des couleurs (jaune et bleu) étant celle de MONDIAL CARTOUCHES" ;

Que la défense ne produit cependant aucune pièce étayant cette affirmation ; qu'il n'est d'ailleurs pas formellement contesté que l'aspect extérieur des boutiques britanniques était connu de Monsieur E... et de la société MONDIAL CARTOUCHES lorsque cette dernière a choisi de rebaptiser sous son nom la boutique nîmoise censée constituer la première implantation française du réseau de franchises exploité par les demanderesses ;

Que les constats d'huissier démontrent que la décoration des boutiques MONDIAL CARTOUCHES est essentiellement centrée autour des couleurs jaune et bleu, les quelques éléments picturaux de couleur rouge couvrant une surface minime ;

Que la société MONDIAL CARTOUCHES a continué à utiliser ce code couleur, malgré l'abandon de la collaboration initialement envisagée par les parties au litige ;

Attendu que ces faits, contribuant à créer un risque de confusion chez le consommateur normalement attentif, sont la manifestation d'une volonté délibérée non seulement de la société MONDIAL CARTOUCHES, mais également des sociétés CM ENCRE ECO et IGC DIFFUSION, qui en tant que professionnelles ne pouvaient ignorer les pratiques commerciales de leurs concurrents, de se placer dans le sillage de la société WORLD CARTRIDGE France et de la société NPC DIFFUSION ;

Attendu que cette dernière soutient à juste titre que les faits de contrefaçon précédemment examinés constituent à son encontre des actes de concurrence déloyale ; qu'elle a de fait reçu un courriel daté du 9 décembre 2005, puis un chèque établi à l'ordre de MONDIAL CARTOUCHES, démontrant que la clientèle pouvait confondre l'établissement grenoblois CARTRIDGE WORLD avec le magasin MONDIAL CARTOUCHES situé dans la même ville ;

Que par leurs agissements, les sociétés MONDIAL CARTOUCHES et IGC DIFFUSION ont méconnu, au détriment de la société NPC DIFFUSION, les règles d'une concurrence saine et loyale ; que les faits invoqués par la société NPC DIFFUSION ne sauraient cependant être imputés à la société CM ENCRE ECO, qui exerce dans une zone géographique distincte, sans que soit rapportée la preuve de l'existence d'une clientèle commune.

IV. Sur les mesures réparatrices

Attendu que les sociétés CARTRIDGE WORLD Pty, CARTRIDGE WORLD Ltd et CARTRIDGE WORLD France soutiennent que leur préjudice résulte du détournement de leur image de marque et de leur savoir-faire ;

Attendu, toutefois, que seule la société CARTRIDGE WORLD Pty est recevable à solliciter la réparation du préjudice résultant des faits de contrefaçon commis à son détriment ;

Qu'elle ne formule cependant aucune demande d'indemnisation de ce chef ;

Attendu qu'au vu des pièces versées aux débats pour justifier du préjudice résultant des faits de concurrence déloyale et parasitaire dont la société CARTRIDGE WORLD France a été victime, il convient de condamner la société MONDIAL CARTOUCHES à lui payer à ce titre la somme de 15.000 € ; que la société IGC DIFFUSION et la société CM ENCRE ECO seront quant à elles condamnées à lui verser chacune, de ce chef de préjudice, la somme de 5.000 € ;

Attendu que la société NPC DIFFUSION soutient avoir été pénalisée du fait de la banalisation de l'enseigne CARTRIDGE WORLD et de la confusion créée dans l'esprit du public ; qu'elle expose avoir clôturé son premier exercice le 30 juin 2004 en ayant réalisé un chiffre d'affaires de 138.375 € ; qu'elle ajoute avoir restreint ses investissements publicitaires afin que ceux-ci ne profitent pas à l'enseigne concurrente, et prétend qu'elle aurait pu réaliser un chiffre d'affaires de 300.000 € la première année et de 345.000 € l'année suivante, selon les chiffres fournis par son franchiseur ; qu'il apparaît qu'au 30 juin 2005 son chiffre d'affaires s'élevait en réalité à 267.961,56 € ;

Qu'il n'est pas démontré que les résultats observés sont exclusivement liés aux fautes commises à son détriment par les sociétés MONDIAL CARTOUCHES et IGC DIFFUSION ;

Que le Tribunal trouve toutefois en la cause suffisamment d'éléments pour condamner la société MONDIAL CARTOUCHES et la société IGC DIFFUSION à lui payer respectivement les sommes de 15.000 € et de 5.000 € ;

Attendu qu'à titre de complément d'indemnisation, le Tribunal fera droit à la demande d'interdiction formulée par les demanderesses, dans les limites édictées par le dispositif de la présente décision ; que le dommage étant ainsi suffisamment réparé, il n'y a pas lieu d'ordonner la publication de la présente décision.

V. Sur les demandes reconventionnelles formées par les sociétés MONDIAL CARTOUCHES et CM ENCRE ECO

Attendu que la société MONDIAL CARTOUCHES expose avoir engagé des frais afin d'ouvrir le premier magasin français CARTRIDGE WORLD en avril 2003, et qu'en août 2003, Monsieur D..., "représentant CARTRIDGE WORLD" a brutalement mis fin aux relations contractuelles entre les parties ; qu'elle ajoute que la société CARTRIDGE WORLD France a été créée le 29 septembre 2003, juste après cette rupture, et prétend avoir ouvert elle-même sa première enseigne française au mois d'octobre ; qu'à ce qu'elle qualifie de déloyauté contractuelle s'ajouterait le débauchage de son seul technicien salarié ; qu'elle sollicite en conséquence la condamnation des sociétés CARTRIDGE WORLD à lui payer la somme de 150.000 € ;

Attendu que les sociétés CARTRIDGE WORLD Pty, CARTRIDGE WORLD Ltd et CARTRIDGE WORLD France contestent le bien fondé de cette demande, destinée selon elles à légitimer les agissements fautifs des défenderesses ; qu'elles précisent qu'en l'absence de contrat, "Monsieur E... ès qualités" n'avait "aucun droit pour poursuivre une quelconque exploitation au travers des signes distinctifs du réseau CARTRIDGE" ;

Attendu que si la société MONDIAL CARTOUCHES justifie avoir adressé une lettre de licenciement à un certain Monsieur Philippe F... pour abandon de poste, elle ne démontre pas la réalité de cette faute, ni même un quelconque lien entre celle-ci et le recrutement de l'intéressé par le groupe CARTRIDGE WORLD ;

Attendu qu'aux termes de la clause 3 de la lettre-accord du 7 mars 2003, Monsieur E... devait être désigné représentant CARTRIDGE WORLD dans une zone non définie, identifiée comme étant le "Sud de la France" ; que la convention ainsi conclue ne concernait pas nommément la société MONDIAL CARTOUCHES ; que s'il est avéré que Monsieur D..., représentant une des sociétés CARTRIDGE WORLD domiciliée en Grande-Bretagne, a écrit à une certaine Chantal G..., dont le rôle n'est pas précisé, qu'il ne voulait plus de Monsieur E... pour ce poste, c'est le conseil de la société MONDIAL CARTOUCHES, considérant que la clause litigieuse constituait "une condition substantielle dudit contrat", qui a pris acte de ce qu'il qualifiait alors de résiliation unilatérale ; que les courriels prétendument adressés à Monsieur E... pour lui signifier cette rupture ne sont pas versés aux débats ;

Attendu qu'un courriel adressé à un tiers au contrat du 7 mars 2003, et un courrier adressé par le conseil d'une société tout aussi tierce à la convention, ne peuvent suffire à établir la preuve du caractère abusif de la rupture des pourparlers en cours entre les parties ;

Attendu, en conséquence, que la société MONDIAL CARTOUCHES ne pourra qu'être déboutée de ce chef de demande ;

Attendu que la société CM ENCRE ECO, succombant, sera déboutée de sa demande de dommages intérêts fondée sur le caractère prétendument abusif de la présente procédure.

VI. Sur les demandes de la société IGC DIFFUSION

Attendu que pour solliciter, sur le fondement des articles 1108, 1116 et 1131 du Code civil l'annulation du contrat de franchise du 25 mars 2004 la liant à la société MONDIAL CARTOUCHES, la société IGC DIFFUSION expose qu'en violation de ses obligations contractuelles, cette dernière ne lui a apporté aucun savoir-faire particulier, n'a réalisé aucun suivi technique substantiel, ne l'a jamais informée des échanges antérieurs intervenus avec la société CARTRIDGE WORLD Ltd ;

Mais attendu qu'il n'est pas démontré que la connaissance, par la société IGC DIFFUSION, d'échanges entre son franchiseur et la société CARTRIDGE WORLD Ltd, l'aurait conduite à ne pas contracter ;

Que le non-respect des stipulations contractuelles par le franchiseur ne prive pas de cause la convention litigieuse et les obligations qui en découlent ;

Que la société IGC DIFFUSION n'argue ni de son incapacité à contracter, ni de l'incertitude de l'objet formant la matière de son engagement ;

Attendu qu'il convient, en conséquence, de la débouter de sa demande de nullité du contrat du 25 mars 2004 ;

Attendu qu'à titre subsidiaire, la société IGC DIFFUSION demande au Tribunal de prononcer la résolution de cette convention aux torts exclusifs de la société MONDIAL DIFFUSION ;

Attendu que cette dernière s'en rapporte, sans toutefois acquiescer aux demandes formulées par son franchisé, et souligne que ce dernier a bénéficié d'une formation, et n'était pas en mesure de répondre à certaines difficultés techniques sans son aide ;

Attendu que la société MONDIAL DIFFUSION ne conteste pas les termes des courriers qui lui ont été adressés par son franchisé et des constats d'huissiers réalisés à la demande de ce dernier, faisant état d'écarts de facturation, de livraisons tardives ou non conformes aux bons de commande, de taux de retours importants sur certains produits, et ne justifie pas avoir fait bénéficier la société IGC DISTRIBUTION de l'assistance technique et commerciale permanente visée par l'article 2 du titre II de la convention litigieuse ;

Attendu que ces manquements dans l'exécution du contrat du 25 mars 2004 sont suffisamment graves pour conduire le Tribunal à prononcer, conformément à l'article 11 des conditions générales du dit contrat, la résiliation de ce dernier, aux torts exclusifs de la société MONDIAL DIFFUSION ;

Attendu que la demande de la société IGC DIFFUSION tendant à la restitution de la somme de 38.000 € versée à son franchiseur en exécution du contrat du 25 mars 2004 s'analyse en une demande d'indemnisation fondée sur le non-respect de ses obligations par la société MONDIAL DIFFUSION ;

Que cette dernière, qui ne formule aucune observation sur cette demande de paiement, sera condamnée à payer à la société IGC DIFFUSION le montant réclamé ;

Attendu que la société IGC DIFFUSION entend être garantie, par son franchiseur, des éventuelles condamnations mises à sa charge ;

Attendu que la convention litigieuse stipule que la licence de marque accordée à la société IGC DIFFUSION est concédée "sans autre garantie que celle de l'existence matérielle des marques dont objet", et que "dans toutes les actions en contrefaçon intentées éventuellement contre le licencié par des tiers, la société MONDIAL CARTOUCHES l'assistera et le défendra, aux seuls frais du licencié" ; qu'il ne pèse sur le franchiseur aucune obligation contractuelle de garantie ;

Que la société IGC DIFFUSION, qui ne précise d'ailleurs pas le fondement de sa demande, ne pourra qu'en être déboutée.

VII. Sur les autres demandes

Attendu que la nature de l'espèce et l'ancienneté du litige justifient d'ordonner l'exécution provisoire du présent jugement ;

Attendu que les sociétés MONDIAL CARTOUCHES, CM ENCRE ECO, et IGC DIFFUSION, succombant, seront condamnées aux entiers dépens ;

Qu'il serait inéquitable de laisser à la charge des sociétés CARTRIDGE WORLD Pty, CARTRIDGE WORLD France et NPC DIFFUSION la totalité des frais exposés pour leur défense et non compris dans les dépens ;

Que l'équité commande toutefois de condamner la seule société MONDIAL CARTOUCHES à payer aux sociétés CARTRIDGE WORLD Pty et CARTRIDGE WORLD France la somme globale de 3.000 €, et à la société NPC DIFFUSION la somme de 3.000 € ; qu'il y a lieu de débouter les parties de leurs demandes plus amples ou contraires fondées sur l'article 700 du Code de procédure civile ;

Motifs de la décision

Le Tribunal,

Statuant publiquement, par mise à disposition du présent jugement au greffe, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues par le deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile,

Par jugement contradictoire, rendu en premier ressort,

- DECLARE les sociétés CARTRIDGE WORLD Ltd et CARTRIDGE WORLD France irrecevables à agir en contrefaçon,

- DECLARE la société NCP DIFFUSION recevable en son action en nullité pour fraude du dépôt de la marque verbale française MONDIAL CARTOUCHES, déposée le 15 juillet 2003, enregistrée sous le no03 323 6 444 dont la société MONDIAL CARTOUCHES est titulaire,

- DIT qu'en déposant le 15 juillet 2003 la marque verbale française MONDIAL CARTOUCHES, enregistrée sous le no03 323 6 444, pour les produits et services des classes 2, 9 et 40 "recyclage de cartouches d'imprimerie jet d'encre et laser, encres, imprimantes", la société MONDIAL CARTOUCHES a commis un acte de contrefaçon de la marque semi-figurative communautaire CARTRIDGE WORLD déposée le 12 octobre 2000, enregistrée le 3 avril 2002 sous le no1 915 693, au préjudice de la société de droit australien CARTRIDGE WORLD Pty, son titulaire,

- DIT qu'en faisant usage des termes "MONDIAL CARTOUCHES"dans le cadre de leur activité de recyclage et de rechargement de cartouches d'encre, les sociétés MONDIAL CARTOUCHES, IGC DIFFUSION et CM ENCRE ECO ont commis des actes de contrefaçon de la marque semi-figurative communautaire CARTRIDGE WORLD déposée le 12 octobre 2000, enregistrée le 3 avril 2002 sous le no1 915 693, au préjudice de la société de droit australien CARTRIDGE WORLD Pty, son titulaire,

- DIT qu'en commettant de tels actes, les sociétés MONDIAL CARTOUCHES, et IGC DIFFUSION ont commis des actes de concurrence déloyale et parasitaire au détriment des sociétés CARTRIDGE WORLD France et NPC DIFFUSION,

- DIT qu'en utilisant les couleurs jaune et bleu pour la décoration des magasins à l'enseigne MONDIAL CARTOUCHES, les sociétés MONDIAL CARTOUCHES, CM ENCRE ECO et IGC DIFFUSION ont commis des actes de concurrence déloyale et parasitaire au détriment des sociétés CARTRIDGE WORLD France et NPC DIFFUSION,

En conséquence,

- PRONONCE la nullité de la marque verbale française MONDIAL CARTOUCHES, déposée le 15 juillet 2003, enregistrée sous le no03 323 6 444 pour les produits et services des classes 2, 9 et 40 "recyclage de cartouches d'imprimerie jet d'encre et laser, encres, imprimantes",

- INTERDIT aux sociétés MONDIAL CARTOUCHES, CM ENCRE ECO et IGC DIFFUSION la poursuite des actes ci-dessus énoncés, sous astreinte de 500 € par infraction constatée à l'expiration d'un délai de deux mois à compter de la signification de la présente procédure,

- CONDAMNE la société MONDIAL CARTOUCHES à payer à la société CARTRIDGE WORLD France la somme de 15.000 € en réparation du préjudice résultant des actes de concurrence déloyale et parasitaire,

- CONDAMNE la société IGC DIFFUSION et la société CM ENCRE ECO à payer à la société CARTRIDGE WORLD France la somme de 5.000 €chacune en réparation du préjudice résultant des actes de concurrence déloyale et parasitaire,

- CONDAMNE la société MONDIAL CARTOUCHES à payer à la société NPC DIFFUSION la somme de 15.000 € en réparation du préjudice résultant des actes de concurrence déloyale et parasitaire,

- CONDAMNE la société IGC DIFFUSION à payer à la société NPC DIFFUSION la somme de 5.000 € en réparation du préjudice résultant des actes de concurrence déloyale et parasitaire,

- PRONONCE la résiliation du contrat conclu le 25 mars 2004 entre la société MONDIAL CARTOUCHES et la société IGC DIFFUSION aux torts exclusifs de la société MONDIAL CARTOUCHES,

- CONDAMNE la société MONDIAL CARTOUCHES à payer à la société IGC DIFFUSION la somme de 38.000 € en réparation du préjudice résultant de la mauvaise exécution, par le franchiseur, de ses obligations contractuelles,

- ORDONNE l'exécution provisoire,

- CONDAMNE la société MONDIAL CARTOUCHES à payer aux sociétés CARTRIDGE WORLD Pty et CARTRIDGE WORLD France la somme globale de 3.000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

- CONDAMNE la société MONDIAL CARTOUCHES à payer à la société NPC DIFFUSION la somme de 3.000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

- DEBOUTE les parties de toutes demandes plus amples ou contraires,

- CONDAMNE les sociétés MONDIAL CARTOUCHES, CM ENCRE ECO, et IGC DIFFUSION aux entiers dépens, lesquels seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile,

- DIT que la présente décision devenue définitive sera transcrite à l'Institut National de la Propriété Intellectuelle par le Greffier préalablement requis par la partie la plus diligente aux fins d'inscription au Registre National des Marques.

Fait et jugé à Paris le 07 Mars 2008

Le Greffier Le Président


Synthèse
Tribunal : Tribunal de grande instance de Paris
Formation : Chambre civile 3
Numéro d'arrêt : 05/15204
Date de la décision : 07/03/2008
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.grande.instance.paris;arret;2008-03-07;05.15204 ?
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