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20/02/2008 | FRANCE | N°05/17995

France | France, Tribunal de grande instance de Paris, Chambre civile 3, 20 février 2008, 05/17995


3ème chambre 3ème section

Assignation du : 30 Novembre 2005

JUGEMENT rendu le 19 Mars 2008

DEMANDERESSE
Société HESCO Bastion Limited. Knowsthorpe Gate, Unit 37 Cross Green Industrial Estate, Leeds, LS9 ONP ROYAUME- UNI
représentée par Me Marina COUSTE, avocat au barreau de PARIS, vestiaire L. 295

DÉFENDERESSES
Société LINK Middle East Ltd. P. O. Box 301 40 The Esplanade St Helier (ILE DE JERSAY) ROYAUME UNI
Société Link Middle East Ltd 11 Bath Street St Helier, JE2 4ST ROYAUME UNI
Société LINK Middle East Ltd. P. O. Box 16 846 D

UBAI EMIRATS ARABES
représentées par Me Yves BIZOLLON, avocat au barreau de PARIS, vestiaire R. 25...

3ème chambre 3ème section

Assignation du : 30 Novembre 2005

JUGEMENT rendu le 19 Mars 2008

DEMANDERESSE
Société HESCO Bastion Limited. Knowsthorpe Gate, Unit 37 Cross Green Industrial Estate, Leeds, LS9 ONP ROYAUME- UNI
représentée par Me Marina COUSTE, avocat au barreau de PARIS, vestiaire L. 295

DÉFENDERESSES
Société LINK Middle East Ltd. P. O. Box 301 40 The Esplanade St Helier (ILE DE JERSAY) ROYAUME UNI
Société Link Middle East Ltd 11 Bath Street St Helier, JE2 4ST ROYAUME UNI
Société LINK Middle East Ltd. P. O. Box 16 846 DUBAI EMIRATS ARABES
représentées par Me Yves BIZOLLON, avocat au barreau de PARIS, vestiaire R. 255
Société SOGEA REUNION, représentée par le Directeur Administratif et Financier, Mme Y... Peggy.... ... 97 491 SAINTE CLOTILDE CEDEX
représentée par Me François BALIQUE, avocat au barreau de PARIS, vestiaire A108
COMPOSITION DU TRIBUNAL
Elisabeth BELFORT, Vice- Président, signataire de la décision Agnès THAUNAT, Vice- Président Michèle PICARD, Vice- Président,
assistée de Marie- Aline PIGNOLET, Greffier, signataire de la décision
DEBATS
A l'audience du 10 Décembre 2007 tenue en audience publique
JUGEMENT
Prononcé par remise de la décision au greffe Contradictoire en premier ressort

FAITS ET PRETENTIONS DES PARTIES :
La société HESCO BASTION LIMITED (ci- après société HESCO) est une société de droit anglais qui conçoit, fabrique et commercialise des gabions c'est- à- dire des " cages en treillis qui donne la forme d'un bloc et qui sont remplies de roches, de pierres, de gravats etc... ".
La société HESCO est titulaire d'un brevet européen enregistré sous le no EP 0 466 726 B1, intitulé " améliorations relatives à des blocs de construction et d'étayage ". La demande de ce titre a été déposée le 2 avril 1990 et le brevet a été délivré le 8 novembre 1995.
La société SOGEA est une société française qui exerce ses activités dans le secteur de la construction.
La société LINK MIDDLE EAST Ltd (ci- après société LINK) est une société de droit anglais immatriculée sur l'Ile de Jersey avec des établissements dans les Emirats Arabes Unis.
La Direction Départementale de l'Equipement (DDE) de l'Ile de la Réunion a lancé un appel d'offres pour la " fourniture et le transport de cages de gabion " en vue de " la sécurisation de la route du littoral RN1 entre les PR 3 + 500 et 12 + 900 ". Le cahier des charges prévoyait le recours à des " éléments multicellulaires à déploiement rapide " (EMDR).
La société SOGEA qui souhaitait répondre à cet appel d'offres a consulté deux fabricants la société HESCO et la société LINK.
La société SOGEA a finalement retenu la proposition moins onéreuse de la société LINK qui a été jointe à son offre.

La société HESCO soupçonnant que les EMDR proposés par la société LINK contrefaisaient son brevet a fait procéder après autorisations judiciaires, le 15 novembre 2005 à deux saisies- contrefaçon au siège de la DDE de la Réunion ainsi qu'à celui de la société SOGEA.
Par actes du 30 novembre 2005, la société HESCO a assigné les sociétés LINK et SOGEA en contrefaçon des revendications 1, 3 à 9, 11, 12 et 14 du brevet précité.
Par une ordonnance du 6 décembre 2006, le juge de la mise en état a déclaré le tribunal incompétent s'agissant des demandes d'injonctions transfrontalières formées par la société HESCO à l'encontre de la société LINK et a rejeté les exceptions de nullité des Procès- verbaux des opérations de saisie- contrefaçon poursuivies le 15 novembre 2005.
Aux termes de ses dernières écritures signifiées le 27 novembre 2007, la société HESCO demande au tribunal, au visa des articles L 613-3 et suivants, L 615-5 et suivants du Code de Propriété Intellectuelle de :
- débouter la société LINK de ses demandes tendant à voir contester la validité des opérations de saisie- contrefaçon du 15 novembre 2005 ;
- constater que cette société fabrique des EMDR et en a fourni à la société SOGEA dans le cadre de l'appel d'offres lancé par la DDE,
- constater que la société SOGEA a importé, utilisé, et détenu sur le territoire français des éléments mumlitcellulaires à déploiement rapide provenant de la société LINK, EMDR qu'elle a mis à disposition des services de la DDE ;
- constater que la société SOGEA a été informée de l'existence de la société LINK par la société AQUATERRA Solutions ;
- constater que la société LINK a livré et offert en vente sur le territoire français les éléments essentiels à l'invention, objet du brevet en cause ;
- valider les opérations de saisies- contrefaçon du 15 novembre 2005 ;
- dire que les revendication 1, 3 à 9, 11, 12, 14 de la partie française du brevet européen no 0 466 726 B1 ont été contrefaites par les sociétés défenderesses ;
- interdire la poursuite de ces actes illicites sous astreinte ;
- ordonner la destruction de tout stock des cages contrefaisantes encore en possession de la société SOGEA ou des services de la DDE ainsi que de tous les catalogues de la société LINK qui renverraient à une contrefaçon,
- ordonner que le jugement soit rendu commun à la société SOGEA- REUNION ;
- condamner in solidum les sociétés LINK et SOGEA à lui payer la somme de 104. 000 euros à titre de dommages et intérêts répartie par moitié entre elles ainsi qu'une somme de 180. 000 euros en application de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
La société LINK dans ses dernières conclusions signifiées le 9 novembre 2007 demande au tribunal de :
- prononcer la nullité des procès- verbaux de saisie- contrefaçon datée du 15 novembre 2005 et les saisies pratiquées à cette date et écarter des débats tous les documents et pièces saisies à l'occasion de ces opérations ;
- se déclarer incompétent territorialement pour apprécier les demande de la société HESCO pour les territoires non couverts par la partie française du brevet européen dont s'agit ;
- débouter la société HESCO de ses demandes faute de démonstration de la contrefaçon au regard d'une interprétation stricte de la portée des revendications ;
- débouter la société SOGEA de sa demande reconventionnelle qui en qualité de professionnelle du BTP exerçant sur le territoire français a commandé un matériel répondant à des spécifications précises et qui ne peut à ce titre bénéficier d'aucune garantie ou à titre subsidiaire, réduire considérablement le montant des sommes réclamées, la société SOGEA ne pouvant s'exonérer de toute responsabilité.
En tout état de cause, la société LINK demande la condamnation de la société HESCO à lui payer une somme de 40. 000 euros en application de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
La société SOGEA dans ses dernières écritures signifiées le 30 novembre 2007 soutient que :
- la contrefaçon n'est pas démontrée car il n'y a aucune ressemblance entre les EMDR qu'elle a fournis et ceux protégés par le brevet opposé ;
- elle est de bonne foi ;
- le préjudice allégué n'est pas démontré.
A titre reconventionnel, la société SOGEA demande au tribunal
à titre principal :
- au visa de l'article 1382 du code civile de condamner la société HESCO à lui payer la somme de 331 686 euros HT à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice qu'elle a sui du fait d'une action en contrefaçon mal- fondée et la somme de 5000 euros en application de l'article 700 du Code de Procédure Civile, ces condamnations bénéficiant de l'exécution provisoire de la décision à intervenir ;
à titre subsidiaire :
- d'annuler le contrat de vente entre elle et la société LINK et portant sur les EMDR argués de contrefaçon ;
- condamner la société LINK à lui payer la somme de 331 686 euros HT à titre de dommages et intérêts et celle de 5000 euros en application de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;
- ordonner à la société LINK de la garantir de toute condamnation prononcée au profit de la société HESCO,
le tout sous le bénéfice de l'exécution provisoire.
SUR CE,
*sur les exceptions maintenues dans les dernières écritures de la société LINK :
Le juge de la mise en état dans son ordonnance du 6 décembre 2007 ayant statué en application de l'article 771 du Code de Procédure Civile, sur les demandes maintenues dans le dispositif des dernières conclusions de la société LINK portant sur la nullité des opérations de saisie- contrefaçon et l'incompétence de la juridiction saisie, ces demandes sont irrecevables, le tribunal n'étant pas la juridiction d'appel des ordonnances du juge de la mise en état dont la compétence est exclusive pour trancher des exceptions de procédures et des exceptions d'incompétence.
*sur la portée du brevet :
Il y a lieu de relever que la validité du brevet EP no 0 466 726 B1 n'est pas contestée.

Le breveté expose que :
- les gabions qui sont constitués de cage en treillis remplie de roches, de pierres ou de gravats en forme de bloc sont utilisés notamment dans le domaine des travaux publics pour l'étayage d'un remblai, pour former une digue en mer etc.. ;
- dans l'art antérieur, on formait des gabions à partir de structure d'une forme repliée qu'on remplissait sur le site ; cette méthode de montage était consommatrice de temps, ce qui était un inconvénient notamment dans les applications militaires où la vitesse de montage est importante ;
- pour palier cette inconvénient, le breveté a conçu une structure de cage faite de panneaux de chantier en treillis ouvert reliés de façon à pouvoir pivoter et de façon à être repliée pour le transport et être déployée sur le chantier à la façon d'un concertina.
Selon le préambule de la revendication 1 du brevet, la structure de la cage de l'invention qui est destinée à être utilisée sur un chantier où elle sera remplie de sable, de terre ou d'un autre matériau de construction est faite de panneaux de chantier en treillis ouvert reliés en pouvant pivoter, qui sont reliés ensemble dans des conditions d'usine de manière à ce que la cage puisse prendre une forme repliée pour le transport sur le chantier où elle peut être déployée pour prendre une forme dans laquelle ses panneaux définissent des parois latérales et des parois d'extrémité et un dessus ouvert par où la cage peut être remplie. Dans les conditions d'usine, les panneaux définissant les parois sont reliés bord à bord en pouvant pivoter et peuvent être relativement repliés pour être face à face dans la forme repliée pour le transport et peuvent être relativement dépliés pour mettre la cage à l'état monté sans nécessité d'autres liaisons des parois sur le chantier.
La partie caractérisante de cette revendication est libellée comme suit : structure de cage comme définie dans le préambule caractérisée en ce que les parois latérales comprennent chacune une pluralité des dits panneaux reliés bord à bord en pouvant pivoter et repliés l'une sur l'autre à la façon d'un concertina et en ce que les parois latérales sont reliées par des panneaux de cloisons qui leur sont reliés en pouvant pivoter, la structure de cage étant adaptée pour être montée sur le chantier en la déployant et en écartant les parois latérales et quand elle passe de la formée repliée à l'état monté, les panneaux latéraux se déplient et définissent avec les parois latérales et les panneaux de cloison une structure de mur allongée comportant une rangée de cavités à remplir du dit matériaux de construction et dont chaque panneau de cloison est commun à une paire de cavités adjacentes au panneau de cloison.

La société LINK soutient que l'une des caractéristiques essentielles de cette revendication réside dans le mode de pliage de la cage " à la façon d'un concertina " des panneaux 128 et 130 de chaque paroi latérale ; que le concertina désigne une forme pleine tridimensionnelle, spécifiquement hexagonale ; qu'en outre chaque cage ou soufflet comprend des parois latérales opposées deux à deux et chaque paroi comporte deux segments qui dans le mouvement de pliage se plient l'un sur l'autre de manière symétrique, le point de jonction de deux segments venant former l'arrête de la forme repliée. En outre, la zone de partition (la zone interne de séparation des soufflets dans l'instrument qui correspond au panneau de partition dans le brevet) entre chaque cage / soufflet et les zones d'extrémité n'opèrent aucun mouvement de pliage, de translation latérale et d'affaissement latéral mais un simple mouvement vers l'intérieur ou l'extérieur suivant un même axe dans le mouvement de pliage ou de dépliage.
Aussi, la société LINK soutient que le brevet HESCO ne protégerait qu'une structure présentant une configuration hexagonale des cavités qui excluerait les structures de cage à cavité quadrilatérales, ces dernières ne pouvant pas se plier à la façon d'un concertina comme revendiqué.
Considérant que :
- dans son libellé clair et sans ambiguïté, la revendication 1 ne limite pas la configuration des cavités à une forme hexagonale ;
- la description (page 4 lignes 27 et 34) fait référence à des cavités polygonales c'est- à- dire dont la configuration est à plusieurs angles et plusieurs côtés avec une préférence pour la forme hexagonale ;
- dans le libellé de cette revendication 1 le pliage " à la façon d'un concertina " ne concerne pas la cage mais les parois latérales et ce d'autant que la cage ne saurait être assimilable à un concertina ou à un accordéon dès lors qu'existent entre les parois latérales des parois de cloison, inexistantes dans ce type d'instrument où l'air doit pouvoir circuler librement à l'intérieur pour produire le son (cf attestation de M. C...) ;
- le brevet HESCO a été délivré sur la priorité de quatre brevets anglais : dans la version anglaise originale il est indiqué que les panneaux latéraux sont repliés " folded concertina fashion " dont la traduction littérale est " à la façon d'un concertina " et dont la traduction fonctionnelle est " pliée à la façon d'un accordéon " ; le dictionnaire en anglais du terme concertina versé aux débats précise " concertina fold : méthode consistant à plier une feuille de papier d'abord vers la droite puis vers la gauche, de telle sorte que la feuille s'ouvre et se referme à la façon d'un concertina, aussi appelé " pli en accordéon ou pli en zigzag " ;
- même si cette définition a été reprise d'un dictionnaire technique spécialisé dans la reliure et la conservation des livres, le juge anglais dans l'arrêt de la Cour d'Appel de Londres en date du 7 mars 2002 sur le brevet HESCO n'en a pas donné une autre interprétation dès lors qu'il écrit que " l'utilisation du mot en tant qu'adjectif par le rédacteur du brevet n'indique rien de plus qu'une structure capable d'être pliée en zigzag et ne saurait confiner la revendication à une forme hexagonale que requiert un concertina pour des raisons totalement différentes " ;
- rien dans les procédures de délivrance et d'opposition ne permet de conclure que la portée de la revendication 1est limitée (en cela contrairement à son libellé et à sa description) à une structure de cage à cellules hexagonales et ce dès lors que :
*la revendication 1 était contenue dans la revendication 26 de la demande initiale qui s'appuyait sur le brevet de priorité britannique no 9001376 qui prévoyait un " pliage en concertina " avec des cavités polygonales et des parois latérales comportant plusieurs panneaux ;
*si le pliage par affaissement existant dans la demande initiale a disparu du brevet européen délivré, la forme de la cage correspondante présentait une paroi latérale comprenant un panneau latéral unique qui n'était pas repliable sur lui- même ;
* si le brevet japonais A-57-146 835 divulguait un gabion et si celui- ci était constituée d'une cage d'apparence carrée dont deux côtés en vis- à- vis pouvaient se pliés en deux comme des soufflets d'accordéon, ainsi que l'a relevé justement la Division d'opposition cette circonstance ne saurait limiter à ce type de forme " le pliage en accordéon " étant donné qu'il va de soi que le pliage en accordéon ou à la façon en concertina nécessite l'existence de plis " accordéon " ;
*le brevet américain US 4 572 705 quant à lui divulgue un gabion constitué d'un ensemble de cavités carrées collées les unes aux autres pour former un quadrillage, qui s'aplatit sur un côté lors du pliage ; cette forme est sans rapport avec celle du brevet HESCO car elle permet à la fois un pliage par affaissement et en accordéon ;
- dès lors que la société LINK admet elle- même que le " pliage à la façon d'un concertina " n'est pas une expression utilisée pour un gabion, il convient de l'interpréter dans son sens le plus courant c'est- à- dire dans celui d'un pliage en accordéon dès lors que cette interprétation dérivée du pliage papier est conforme à la description et aux dessins, ceux reproduits n'étant que la forme préférée de réalisation.
Dans ces conditions, le tribunal considère que la revendication 1 n'impose pas des cavités hexagonales.
*sur la contrefaçon :
- de la revendication 1 :
Il ressort :
*des photographies annexées au procès- verbal du 15 novembre 2005 de la saisie- contrefaçon opérée auprès des services de la DDE de la Réunion que :
- les gabions, objet de la saisie, se présentent sous forme de structure de cage destinée à être remplie par un matériau de construction formée de panneaux en treillis ouvert reliés les uns aux autres de manière à pouvoir pivoter grâce à des tige en spirales entourant leurs bords latéraux, ces panneaux en treillis définissant à l'état déplié les parois latérales et d'extrémité des gabions sans nécessité d'autres liaisons ;
- ces gabions arrivent sur le chantier dans une forme repliée, les panneaux étant empilés deux par deux ;
- chaque paroi latérale comprend un pluralité de panneaux qui se replient et se déplient et qui dans cette dernière position forment un structure de mur allongée comportant une rangée de cavités à remplir par le matériaux de construction et dont chaque panneau de cloison est commun à deux paires de cavités adjacentes ;
- la forme de chaque cavité étant carrée, dans l'opération de pliage l'un des panneaux latéral se replie sur le panneau qui lui fait face et l'autre se replie sur le panneau de cloison.
*des manipulations de l'huissier que le gabion est passé de l'état replié à l'état déplié par un étirement aux deux extrémités et inversement, l'huissier instrumentaire précisant que les panneaux pouvaient être repliés " les uns sur les autres comme un accordéon ".
S'il est exact comme le soutient la société LINK que dans l'opération de pliage des EMDR saisis intervient un déplacement latéral des parois d'extrémité et des panneaux de transition, il n'en demeure pas moins que le pliage et le dépliage de ces éléments s'effectue bien à la manière d'un accordéon ou d'un concertina c'est- à- dire par la poussée ou l'étirement sur les parois d'extrémités et cela sans aucune autre manipulation, l'insertion d'une barrette de jonction n'étant pas nécessaire pour finaliser l'opération de dépliage mais pour solidariser deux structures de cages entre elles, opération qui est sans lien avec la forme des cavités composant celles- ci.

Au vu de ces éléments, le tribunal considère que les gabions saisis reproduisant les caractéristiques de la revendication 1 du brevet HESCO sont contrefaisants.
- de la revendication 3 :
Cette revendication est libellée comme suit : " structure de cage suivant la revendication 1 ou 2 caractérisée par un matériau de doublure à l'intérieur des dites parois latérales et d'extrémité pour permettre à la cage d'être remplie d'un matériau en particules qui passerait à travers les panneaux de chantier en treillis et ce n'était la présence du matériaux de doublure ".
Les photographies précitées démontrent la présente d'un matériaux de doublure à l'intérieur des cavité et cela afin de permettre le remplissage avec un matériau en particules (doublure de type géotextile de nature à retenir même la poussière : expérience réalisée par l'huissier).
La contrefaçon de la revendication 3 est établie.
- de la revendication 4 :
Cette revendication est la suivante : " cage suivant la revendication 3, caractérisée en ce que le dit matériau de doublure est fixé aux intérieurs des panneaux formant les parois latérales et d'extrémité de la cage et se replie quand on replie les panneaux de la cage entre l'état replié et l'état monté ".
Ces mêmes clichés photographiques montrent que le matériau géotextile des gabions saisis est fixé aux panneaux et se replie de la manière que ces derniers.
La contrefaçon de la revendication 4 est établie.
- de la revendication 5 :
La revendication s'énonce comme suit : " cage suivant la revendication 3 ou 4 caractérisé en ce que le dit matériau de doublure comprend un matériau en feutre géotextile ".
Il ressort des constatations de l'huissier lors de la saisie- contrefaçon du 15 novembre 2005 que le matériau de doublure des gabions saisis est un matériau en feutre géotextile. (cf également la fiche technique du produit saisie dans les locaux de la société SOGEA).
La contrefaçon de la revendication 5 est constituée.
- de la revendication 6 :

Cette revendication est la suivante : " cage suivant l'une des revendications 3 à 5 caractérisée en ce que le dit matériau de doublure est fixé aux parois de la cage au moyen de clips.
La fiche technique précité mentionne : " le géotetile, non tissé en filaments continus, 100 % polypropylène, gris par défaut est traité anti- UV et fixé aux panneaux par des clips spéciaux ".
La revendication 6 est également contrefaite.
- de la revendication 7 :
Cette revendication protège une " structure de cage suivant l'un des revendications précédentes dans laquelles les panneaux sont reliés en pivotant par des tiges enroulées en spirale.
Les clichés photographiques précités montrent ces tiges enroulés en spirale.
La contrefaçon porte également sur cette revendication.
- de la revendication 8 :
Cette revendication est libellée ainsi : " méthode de fabrication d'un bloc structurel sur un chantier consistant à apporter un cage suivant l'une quelconque des revendication 1 à 7 sur le chantier quand elle est sous forme repliée, à la monter sur le chantier et à la remplir au moins partiellement de matériau solide qui est maintenu dans la cage par les mailles du treillis de la cage ou le matériau de doublure s'il est prévu ".
La fiche technique précitée mentionne expressément cette méthode de fabrication de bloc structurel sur le chantier (cf " conseils pour la mise en oeuvre ").
- de la revendication 9 :
Cette revendication protège une " méthode suivant la revendication 8 caractérisée en ce que le matériau de doublure flexible s'il est prévu permet le passage au travers de toute l'humidité dans le matériau solide ".
Suivant la fiche technique précitée, le matériau géotextile des gabions est perméable et laisse donc passer l'humidité, ce qu'a d'ailleurs vérifié l'huissier lors de sa saisie dans les locaux de la DDE.
La revendication 9 est contrefaite.
- de la revendication 11 :

Cette revendication protège une " méthode suivant l'une quelconque des revendicaiton 8 à 10 caractérisée en ce que ledit matériau de remplissage est choisi dans l'un quelconque ou le mélange quelconque de sable, blocaille, agrégat, béton, terre, pierre, argile etc... ".
Là encore la fiche technique des EMDR saisie précise que le remplissage de ces éléments peut être fait par des matériaux granulaires, sableux ou terreux.
Cette revendication est également contrefaite.
- des revendications 12 et 14 :
Selon la revendication 12 est protégée une " méthode suivant l'une quelconque des revendications 8 à 10 caractérisée en ce que le bloc est utilisé comme structure de mur ".
La revendication 14 énonce : " Méthode suivant l'une quelconque des revendications 8 à 12 caractérisée en ce que le bloc est utilisé comme structure d'étayage, soit directement, soit en relation avec d'autres blocs similaires disposés au voisinage ou par dessus ".
La même fiche technique prévoit comme principales utilisations des EMDR saisis : " travaux ou interventions d'urgences, lutte contre les inondations, batardeaux, surélévation de digues, protection des personnes et des bines, Soutènement, écrans acoustiques végétalisables, défense des berges, merlons provisoires ou définitifs ".
Ces utilisations induisent que les EMDR saisis sont utilisables comme structure de mur et comme structure d'étayage.
Ces revendications sont contrefaites.
En conclusions, le tribunal considère que les EMDR saisis contrefont les revendications 1, 3 à 9, 11, 12 et 14 du brevet EP no 0 466 726 B1 dont la société HESCO est titulaire.
*sur les responsabilités :
Il ressort des pièces saisies ainsi que de la facture produite par la société SOGEA (pièce no 5) que la société LINK est la fabricante et a fourni à la société SOGEA sur le territoire français les gabions contrefaisants.

Ces matériels contrairement à ses affirmations n'ont pas été fabriqués pour répondre aux spécifications techniques données par le service de la DDE dans son cahier des charges mais constitue une fabrication courante qu'elle commercialise sous la dénomination " INSTOMAT " (cf catalogue pièce no 29 de la société HESCO).
La société LINK ne saurait plaider sa simple qualité de fabricante ignorant l'existence du brevet HESCO dès lors qu'elle a reconnu dans ses écritures avoir répondu à l'appel d'offres via l'intermédiaire de la société Aquaterra. Or cette société à l'époque considérée (été 2005) avait été condamnée le 8 janvier 2005 pour contrefaçon par le présent tribunal, pour la fourniture de gabions d'une forme identique à ceux présentement en cause et contrefaisant ce même brevet, décision confirmée le 11 mai 2007 par la Cour d'Appel de Paris.
Dès lors que la société LINK a introduit en France des matériels contrefaisant en parfaite connaissance de cause, elle est responsable des actes de contrefaçon précités.
La société SOGEA est également responsable en sa qualité d'importatrice et de vendeuse des produits contrefaisant, peu important sa bonne foi.
*sur les mesures réparatrices :
Pour mette fin aux actes illicites, il est mis en oeuvre une mesure d'interdiction dans les conditions prévues au présent dispositif. De même, il est fait droit à la demande de destruction.
La société HESCO justifiant commercialiser des EMDR conformes à son brevet peut prétendre à l'indemnisation du manque à gagner sur les éléments fournis par la société SOGEA. Compte- tenu des pièces produites, il y a lieu de faire droit à la demande de la société HESCO de ce chef à savoir de lui allouer une indemnité de 2000 euros.
Par ailleurs, la société HESCO a subi un préjudice moral constitué par l'atteinte à son monopole sur son brevet. Eu égard à la nature des faits et à leur ampleur, il y a lieu de lui allouer une indemnité de 50. 000 euros de ce chef.
Le préjudice commercial alloué à l'encontre de la société SOGEA n'apparaissant pas distinct de ceux précédemment allouée, la demande de ce chef est rejeté.
Eu égard aux demandes formées par la société HESCO à l'encontre de chaque défenderesse, les condamnations prononcées seront supportée par moitié par chacune d'entre elles.

A titre de dommages et intérêts, il est fait droit aux mesures de publicité sollicitées.
L'équité commande en outre d'allouer à la société HESCO une indemnité limitée à un montant de 100. 000 euros en application de l'article 700 du Code de Procédure Civile, faute de production par la demanderesse de pièces justifiant la hauteur de sa demande.
Pour faire cesser les actes illicites, il y a lieu d'assortir la présente décision de son exécution provisoire.
*sur l'appel en garantie :
La société SOGEA demande la nullité du contrat de vente des gabions contrefaisants en application des articles 1147 et 1625 du code civil, la restitution du prix, la condamnation de la société LINK à lui payer une indemnité de 331 686 euros au titre des préjudices subis du fait de l'annulation de la vente des dits éléments, la garantie de celle- ci des condamnations mises à sa charge et l'allocation d'une indemnité de 5000 euros en application de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
- sur la garantie de la société SOGEA par la société LNK :
En l'absence de clause contractuelle de garantie, le tribunal considère que la demande de garantie de la société SOGEA doit s'analyser comme une action récursoire entre co- auteurs de dommage, cette dernière ne pouvant prétendre à la garantie prévue à l'article 1625 du code civil, compte tenue de sa qualité de professionnelles spécialisée ayant commandé un produit répondant à des spécifications communiquées par ses soins.
Le tribunal considère que la société SOGEA qui avait consulté la société HESCO pour répondre à l'appel d'offres connaissait l'existence des titres de propriété industrielle dont celle- ci était titulaire ; dès lors, elle a commis une faute en ne vérifiant pas que les EMDR, proposés par la société LINK ne reproduisaient pas les caractéristiques des brevets de la demanderesse. Aussi, le partage de responsabilité entre elle et la société LINK est fixé à 50 / 50.
Toutefois, les condamnations principales ayant été formées de façon divise par la société HESCO à l'encontre des défenderesses, la société SOGEA ne peut prétendre à aucune garantie sur celles- ci, le partage de responsabilité ayant été anticipé par la demanderesse.
- sur l'annulation du contrat de vente entre la société SOGEA et la société LINK :

Il est constant qu'un contrat de vente peut être annulé pour objet illicite lorsque le produit vendu est contrefaisant d'un droit de propriété intellectuelle.
Dès lors, il y a lieu d'annuler la vente des EMDR intervenue entre la société SOGEA et la société LINK en application de l'article 1128 du code civil.
Puisque la vente est annulée, la société LINK devra restitution du prix payé par la société SOGEA, son enrichissement de ce chef devenant sans cause.
- sur la demande d'indemnisation des préjudices subis suite à l'annulation de la vente :
Le tribunal considère que les frais exposés par la société SOGEA du fait du changement de gabions à fournir à la DDE sont la conséquence de sa propre turpitude et que dès lors, elle ne saurait en réclamer le dédommagement à la société LINK.
Cette demande est rejetée.
Chaque défenderesse conservera à sa charge ses frais et dépens.
PAR CES MOTIFS LE TRIBUNAL, statuant contradictoirement, par décision en premier ressort et remise au greffe, sous le bénéfice de l'exécution provisoire,
Déclare irrecevables l'exception d'incompétence et les demandes de nullité des opérations de saisie- contrefaçon maintenues dans les dernières écritures de la société LINK,
Dit que la société LINK en fabricant et en fournissant en connaissance de cause sur le territoire français et la société SOGEA en important et en commercialisant à l'occasion de l'appel d'offres lancé par la DDE de la Réunion visant à la " sécurisation de la route du littoral RN1 entre les PR 3 + 500 et 12 + 900 " des EMDR reproduisant les caractéristiques des revendications 1, 3, 6 à 9, 11, 12, 14 du brevet EP no 0 466 726 B1a commis des actes de contrefaçon au détriment de la société HESCO titulaire du brevet précité,
Interdit la poursuite de ces actes illicites ;
Ordonne la destruction de tout stock des EMDR contrefaisants et de tous les catalogues de la société LINK encore en stock dans les services de la société SOGEA sous contrôle d'huissier aux frais de la société LINK,

Autorise la publication du dispositif de la présente décision dans trois journaux ou revues aux choix de la société HESCO et aux frais in solidum des défenderesses et ce, dans la limite de 10. 0000 euros HT par insertion,
Ordonne la publication du présent dispositif sur la première page du site " lmedubai @ emirates. net. ae " ainsi que sur la première page du site " www. lmewireproducts. com " Ainsi que sur tout site de la société LINK pendant une durée de 6 mois postérieurement à l'expiration d'un délai de 4 mois après la signification de la présente décision ;
Condamne la société LINK et la société SOGEA chacune à payer à la société HESCO une indemnité de 26000 euros à titre de dommages et intérêts tous chefs de préjudice confondus,
Condamne in solidum la société LINK et la société SOGEA à payer à la société HESCO une indemnité de 100. 000 euros en application de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;
Dit que le partage de responsabilité entre la société LINK et la société SOGEA est de 50 / 50 ;
Dit que la charge finale des condamnations prononcées à leur encontre excepté la condamnation à dommages et intérêts sera supportée conformément à ce partage ;
Prononce la nullité du contrat de vente portant sur les EMDR contrefaisants conclu entre la société LINK et la société SOGEA ;
Condamne la société LINK à restituer à la société SOGEA une somme de 14 611, 75 euros ;
Déboute les parties du surplus de leurs demandes,
Condamne in solidum la société LINK et la société SOGEA aux dépens dont la charge finale sera supportée conformément au partage de responsabilité précité ;
Fait et Jugé à Paris, le 19 mars 2008,

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Tribunal de grande instance de Paris
Formation : Chambre civile 3
Numéro d'arrêt : 05/17995
Date de la décision : 20/02/2008
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.grande.instance.paris;arret;2008-02-20;05.17995 ?
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