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13/02/2008 | FRANCE | N°06/10954

France | France, Tribunal de grande instance de Paris, Chambre civile 3, 13 février 2008, 06/10954


T R I B U N A L

D E GRANDE

I N S T A N C E

D E P A R I S

3ème chambre 3ème section

No RG :

06/10954

No MINUTE :

Assignation du :

18 Juillet 2006

JUGEMENT

rendu le 13 Février 2008

DEMANDERESSE

S.A.S. LES DEUX MAGOTS

6 place Saint Germain des Près

75006 PARIS

représentée par Me Agnès DAHAN BITTON, avocat au barreau de PARIS, vestiaire P0195

DÉFENDERESSES

Mademoiselle Cosima Annie X... exerçant sous l'enseigne "Les deux Magots"

Restaurant Les Deux Magot

s - Route de la Mer

20240 GHISONACCIA

représentée par Me Marie-Pierre LEMAS, avocat au barreau de PARIS, vestiaire P281

S.A.R.L. WEBSTORE

12 rue de Russie

06000 NICE...

T R I B U N A L

D E GRANDE

I N S T A N C E

D E P A R I S

3ème chambre 3ème section

No RG :

06/10954

No MINUTE :

Assignation du :

18 Juillet 2006

JUGEMENT

rendu le 13 Février 2008

DEMANDERESSE

S.A.S. LES DEUX MAGOTS

6 place Saint Germain des Près

75006 PARIS

représentée par Me Agnès DAHAN BITTON, avocat au barreau de PARIS, vestiaire P0195

DÉFENDERESSES

Mademoiselle Cosima Annie X... exerçant sous l'enseigne "Les deux Magots"

Restaurant Les Deux Magots - Route de la Mer

20240 GHISONACCIA

représentée par Me Marie-Pierre LEMAS, avocat au barreau de PARIS, vestiaire P281

S.A.R.L. WEBSTORE

12 rue de Russie

06000 NICE

représentée par Me Jean-Luc SCHMERBER, avocat au barreau de PARIS, vestiaire P.179, Me Pierre FRANCK, avocat au barreau de NICE,

S.A.R.L. CORSICAWEB

Maison du Cap - Port de Toga - BASTIA 20200

représentée par Me Marie-Claire MIGNOT, avocat au barreau de PARIS, vestiaire B0438

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Elisabeth BELFORT, Vice-Président, signataire de la décision

Agnès THAUNAT, Vice-Président

Michèle PICARD, Vice-Président,

assistée de Marie-Aline PIGNOLET, Greffier, signataire de la décision

DEBATS

A l'audience du 22 Janvier 2008

tenue en audience publique

JUGEMENT

Prononcé par remise de la décision au greffe

Contradictoire

en premier ressort

I- RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE :

La société Les Deux Magots, immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés en 1975, est titulaire de la marque verbale française "Les Deux Magots" enregistrée le 19 décembre 1984 et régulièrement renouvelée sous le no 1293123 pour désigner les classes 32 et 42 et de la marque internationale désignant la France "Les Deux Magots" enregistrée le 10 juin 1985 et renouvelée le 10 juin 2005 sous le no 493 883 pour désigner les produits et services des classes 32 et 42.

La société Les Deux Magots est également titulaire de l'enseigne "Les deux magots" depuis plus d'un siècle et elle est enfin titulaire des noms de domaine "www.lesdeuxmagots.com" et "www.lesdeuxmagots.fr".

Elle a découvert en 2006 l'existence d'un restaurant à l'enseigne Les Deux Magots exploité par Mme C... sur la plage de Ghisonaccia en Corse. Ce restaurant est référencé sur les sites "www.toute-la-corse.com", www.corsica-guide", "www.cuisine-française.com", "www.outil-culturel.com" et "www.hébergement-corse.com".

La société Les Deux Magots a fait assigner Mme Cosima C..., la société WEBSTORE, titulaire du nom de domaine "www.cuisine-française.com", la société CORSICAWEB titulaire du nom de domaine "www.toute-la-corse.com" par actes d'huissier délivrés les 18 et 19 juillet 2006.

Dans ses dernières conclusions signifiées le 22 mai 2007, la société Les Deux Magots demande au tribunal :

- pour ce qui concerne Mme C... de dire qu'elle a commis des actes de contrefaçon par reproduction de ses marques notoires, en conséquence de lui interdire l'utilisation des vocables contrefaisants et de la condamner sous astreinte à détruire toute trace de contrefaçon et d'en justifier, de la condamner à lui verser la somme de 17.000 euros au titre de son préjudice, d'ordonner la publication du jugement, et de la condamner au paiement de la somme de 4.500 euros en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, à titre subsidiaire si le tribunal ne retenait pas le caractère de marque notoire des marques , de constater que cette dénomination est la dénomination sociale de la demanderesse depuis 1975 et prime de ce fait sur l'enseigne inscrite au greffe du tribunal de commerce de Bastia par Mme C... en 1981, de dire en conséquence que l'atteinte portée à la dénomination sociale constitue une faute entrainant la responsabilité de Mme C..., en conséquence de lui interdire l'utilisation du vocable Les Deux Magots et de la condamner à détruire sous astreinte toute trace de contrefaçon sous le bénéfice de l'exécution provisoire, de la condamner à lui verser la somme de 17.000 euros au titre de son préjudice, d'ordonner la publication du jugement et de la condamner au paiement de la somme de 4.500 euros en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ,

- pour ce qui concerne les sociétés WEBSTORE et CORSICAWEB de les condamner à supprimer dans ses codes sources la référence au restaurant de Mme C..., d'assortir cette condamnation de l'exécution provisoire et d'ordonner aux deux sociétés d'en justifier sous astreinte, de les condamner chacune au paiement de la somme de 6.000 euros à titre de dommages et intérêts et de la somme de 3.000 euros en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile outre les dépens qui comprennent les frais du constat APP.

Mme C... a signifié ses dernières conclusions le 9 janvier 2007. Elle demande au tribunal de déclarer l'action de la société Les Deux Magots irrecevable comme prescrite, à titre subsidiaire de constater l'antériorité de l'inscription de la concluante au Registre du commerce avec comme activité celle de restauration de type traditionnel et comme enseigne Les Deux Magots, de dire que la société Les Deux Magots ne peut prétendre au statut de marque notoire en conséquence de la débouter de ses demandes et de la condamner à lui payer la somme de 2.500 euros en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

La société WEBSTORE a signifié ses dernières conclusions le 27 février 2007. Elle demande au tribunal de dire que l'action de la société Les Deux Magots est prescrite, subsidiairement de la dire injustifiée car l'enseigne était détenue par l'ancien propriétaire pour désigner un café et non un restaurant, Mme C... utilise l'enseigne depuis plus de 25 ans et en activité continue et avérée sans avoir jamais fait l'objet d'une injonction de la part de la demanderesse et la société Les Deux Magots n'a été immatriculée qu'en 1986 soit postérieurement à l'établissement de Mme C... et propose des services et prestations différents de ceux de Mme C..., de dire en conséquence que la diffusion de la société WEBSTORE est licite, qu'elle n'a commis aucune faute, que la demanderesse ne justifie d'aucun préjudice indemnisable et de la condamner à lui payer la somme de 3.000 euros en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

La société CORSICAWEB a signifié ses dernières conclusions le 9 janvier 2007. Elle demande au tribunal de déclarer la demanderesse irrecevable et mal fondée, de constater qu'elle a toléré l'usage de l'enseigne depuis au moins dix ans, en conséquence de la déclarer prescrite dans son action en contrefaçon, très subsidiairement de constater qu'elle ne rapport pas la preuve d'une faute de sa part, d'un préjudice et d'un lien de causalité entre la faute alléguée et le préjudice, en conséquence de la débouter de ses demandes et en tout état de cause de constater qu'elle a supprimé la référence litigieuse dès réception de l'assignation, de constater qu'une simple lettre aurait suffi, de constater que la procédure est manifestement vexatoire et abusive et en conséquence de la condamner à lui payer la somme de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts et la somme de 3.000 euros en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

II- SUR CE :

* Sur la prescription :

Les défendeurs soulèvent la prescription triennale de l'action en contrefaçon sur le fondement des dispositions de l'article L.716-5 du Code de la propriété intellectuelle, Mme C... exploitant son restaurant depuis plus de 25 ans sans avoir jamais été inquiétée.

Le tribunal constate que Mme C... exploite toujours son enseigne "Les Deux Magots", que la société CORSICAWEB a cessé de référencer ce restaurant après réception de l'assignation et que la société WEBSTORE continue toujours de référencer ce restaurant sous ce nom.

Il résulte de ces éléments que les actes reprochés aux défendeurs continuent ou ont continué au moins jusqu'à délivrance de l'assignation. Les conditions de l'action en prescription n'étant pas remplies, ce moyen sera rejeté.

* Sur la tolérance :

La société WEBSTORE soulève l'irrecevabilité de l'action en contrefaçon pour tolérance.

Aux termes des dispositions de l'article L.716-5 du Code de la propriété intellectuelle "(...)Est irrecevable toute action en contrefaçon d'une marque postérieure enregistrée dont l'usage a été toléré pendant cinq ans, à moins que son dépôt n'ai été effectué de mauvaise foi. (...)".

Le tribunal constate que Mme C... n'a pas enregistré la marque "Les Deux Magots de sorte que cette disposition n'est pas applicable à l'espèce.

* Sur la contrefaçon :

La société LES DEUX MAGOTS reproche à Madame C... des actes de contrefaçon de sa marque notoire sur le fondement de l'article L.713-2 du Code de la propriété intellectuelle.

Mme Cosima C... exploite un restaurant reproduisant à l'identique les marques opposées depuis 1981.

Les défendeurs font valoir que Mme C... exploitait le signe argué de contrefaçon avant le dépôt des marques et qu'elle a ainsi un droit antérieur sur le signe, ce qui exclut la contrefaçon.

Cependant Madame C... ainsi que les sociétés défenderesses ne peuvent pas se prévaloir des dispositions de l'article L.713-6 du Code de la propriété intellectuelle qui dispose que l'enregistrement d'une marque ne fait pas obstacle à l'utilisation du même signe ou d'un signe similaire comme dénomination sociale, nom commercial ou enseigne lorsque cette utilisation est soit antérieure à l'enregistrement, soit le fait d'un tiers de bonne foi employant son nom patronymique dès lors que la marque "Les deux magots" avant d'avoir été déposée constituait notamment la dénomination sociale, le nom commercial et l'enseigne de la société demanderesse depuis 1975.

Il en résulte que Mme C... ne peut se prévaloir d'un droit antérieur sur le signe.

Les défendeurs font encore valoir que la société demanderesse n'utilise le nom "Les Deux Magots" que pour un service de café ou débit de boisson et donc que les services sont différents.

Le tribunal rappelle que, quelle que soit l'activité de la société LES DEUX MAGOTS, les marques opposées sont déposées pour protéger les services de restauration, donc des services identiques à ceux exploités par Mme C....

Aux termes des dispositions de l'article L.713-2 du Code de la propriété intellectuelle " Sont interdits, sauf autorisation du propriétaire :

a) La reproduction, l'usage ou l'apposition d'une marque, même avec l'adjonction de mots tels que : « formule, façon, système, imitation, genre, méthode», ainsi que l'usage d'une marque reproduite, pour des produits ou services identiques à ceux désignés dans l'enregistrement;

b) La suppression ou la modification d'une marque régulièrement apposée."

Il n'est pas contesté que Mme C... exploite le signe Les Deux Magots à titre d'enseigne de son restaurant. Elle a donc commis des actes de contrefaçon des marques no 1293123 et no 493 883.

Il résulte du procès verbal de constat dressé par l'Agence pour la Protection des Programmes le 11 juillet 2006 que les sociétés CORSICAWEB et WEBSTORE reproduisent sur leur site Internet les marques "Les Deux Magots" et qu'elles le font à titre d'éditeur de site Internet et non d'hébergeur

Elle sont donc également coupables d'actes de contrefaçon au préjudice de la société LES DEUX MAGOTS.

* Sur les mesures réparatrices :

La société LES DEUX MAGOTS sollicite, outre l'interdiction d'usage qui sera ordonnée, la destruction de toute trace de contrefaçon et la condamnation de Mme C... à lui payer la somme de 17.000 euros en réparation de son préjudice et de chacune des sociétés éditrices des site Internet à lui payer la somme de 6.000 euros chacune.

Le tribunal relève que les actes de contrefaçon résultent de l'utilisation des marques pour une enseigne, qu'elle a été limitée à une aire géographique restreinte, la Corse et qu'elle existe depuis 25 ans sans que cela ait attiré l'attention de la demanderesse. Le préjudice résultant des actes de contrefaçon est donc un préjudice lié à la banalisation de la marque. Il sera réparé par l'allocation à chacune des défenderesses de la somme symbolique de un euro.

A titre de réparation complémentaire il convient d'ordonner des mesures de publication dans les termes du dispositif de la présente décision.

En revanche la demande de destruction des toute trace de contrefaçon apparaît surabondant, des mesures d'interdiction étant ordonnées.

* Sur l'exécution provisoire :

L'exécution provisoire est compatible avec la nature de l'affaire et nécessaire pour faire cesser le trouble né de la contrefaçon.

Il convient en conséquence de l'ordonner.

* Sur l'article 700 :

La société LES DEUX MAGOTS sollicite le paiement par Mme C... de la somme de 4.500 euros et le paiement par chacune des sociétés éditrice des sites Internet de la somme de 3.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Il serait inéquitable de laisser à sa charge les sommes exposées par elle et non comprises dans les dépens. Il lui sera en conséquence alloué la somme de 6.000 euros de ce chef, soit 3.000 euros à la charge de Mme C... et 1.500 euros à la charge de chacune des sociétés éditrices.

PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL,

Statuant en premier ressort, par jugement contradictoire remis au greffe,

Dit que Mme Cosima C... a commis des actes de contrefaçon par reproduction des marques no 1293123 et no 493 883 "Les Deux Magots"en les exploitant à titre d'enseigne pour son restaurant au préjudice de la société LES DEUX MAGOTS,

Dit que les sociétés WEBSTORE et CORSICAWEB ont commis des actes de contrefaçon par reproduction de ces marques en les référençant le restaurant à l'enseigne "Les Deux Magots" appartenant à Mme C... sur les sites Internet "www.cuisine-francaise.com" et "www.toute-la-corse.com",

Condamne Mme C..., la société WEBSTORE et la société CORSICAWEB à payer chacun à la société LES DEUX MAGOTS la somme de un euro en réparation du préjudice né des actes de contrefaçon,

Fait interdiction à Mme C..., la société WEBSTORE et la société CORSICAWEB de faire usage du signe Les Deux Magots sous astreinte de 150 euros par infraction constatée à passé le délai de 15 jours à compter de la signification de la présente décision,

Dit que le tribunal se réserve la liquidation des astreintes ainsi ordonnées en application de l'article 35 de la loi du 9 juillet 1991,

Autorise la société LES DEUX MAGOTS à faire publier le dispositif de la présente décision dans deux revues, journaux ou périodiques de son choix et aux frais des défenderesses, sans que le coût total de ces insertions n'excède, à la charge de celles-ci, la somme de 3.500 euros HT par insertion,

Ordonne l'exécution provisoire du présent jugement,

Condamne Mme Cosima C... à payer à la société LES DEUX MAGOTS la somme de 3.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,

Condamne la société WEBSTORE à payer à la société LES DEUX MAGOTS la somme de 1.500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,

Condamne la société CORSICAWEB à payer à la société LES DEUX MAGOTS la somme de 1.500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,

Condamne Mme Cosima C... et les sociétés WEBSTORE et CORSICAWEB aux dépens dont les frais de constat.

Fait à PARIS le 13 février 2008.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Tribunal de grande instance de Paris
Formation : Chambre civile 3
Numéro d'arrêt : 06/10954
Date de la décision : 13/02/2008
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.grande.instance.paris;arret;2008-02-13;06.10954 ?
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