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12/02/2008 | FRANCE | N°06/08773

France | France, Tribunal de grande instance de Paris, Chambre civile 3, 12 février 2008, 06/08773


T R I B U N A L

D E GRANDE

I N S T A N C E

D E P A R I S

3ème chambre 1ère section

No RG :

06/08773

No MINUTE :

JUGEMENT

rendu le 12 Février 2008

DEMANDERESSE

Société MSD SOMERSET LTD

2 Church Street, Hamilton HM 11

CLARENDON HOUSE

BERMUDES

représentée par Me Pierre LENOIR - ALLEN et OVERY LLP, avocat au barreau de PARIS, vestiaire J.22

DÉFENDERESSE

Société BIOGARAN

15, Boulevard Charles de Gaulle

92700 COLOMBES

représentée par Me Catherine

CARIOU, avocat au barreau de PARIS, avocat postulant, vestiaire B.107 et par Me Philippe COMBEAU, avocat au barreau de PAIRS, avocat plaidant, vestiaire D109

COMPOSITION DU TRIB...

T R I B U N A L

D E GRANDE

I N S T A N C E

D E P A R I S

3ème chambre 1ère section

No RG :

06/08773

No MINUTE :

JUGEMENT

rendu le 12 Février 2008

DEMANDERESSE

Société MSD SOMERSET LTD

2 Church Street, Hamilton HM 11

CLARENDON HOUSE

BERMUDES

représentée par Me Pierre LENOIR - ALLEN et OVERY LLP, avocat au barreau de PARIS, vestiaire J.22

DÉFENDERESSE

Société BIOGARAN

15, Boulevard Charles de Gaulle

92700 COLOMBES

représentée par Me Catherine CARIOU, avocat au barreau de PARIS, avocat postulant, vestiaire B.107 et par Me Philippe COMBEAU, avocat au barreau de PAIRS, avocat plaidant, vestiaire D109

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Marie COURBOULAY, Vice Présidente

Florence GOUACHE, Juge

Cécile VITON, Juge

assistées de Léoncia BELLON, Greffier

DEBATS

A l'audience du 10 Décembre 2007

tenue en audience publique

JUGEMENT

Prononcé en par mise à disposition au greffe

Contradictoire

en premier ressort

FAITS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

La société MSD SOMERSET LTD est propriétaire du brevet français FR 2 525 223, ayant pour titre "nouveaux acides diphosphoniques, leurs sels, leur procédé de préparation et leur application thérapeutique".

Ce brevet a été déposé à l'INPI par la société de droit italien ISTITUTO GENTILI SPA le 11 avril 1983 sous le bénéfice d'une priorité italienne du 15 avril 1982 et a été délivré le 14 avril 1986 et publié au BOPI le 25 avril 1986 ; il a fait l'objet de différentes cessions inscrites au registre des brevets.

Le 9 septembre 1996, une demande de Certificat Complémentaire de Protection CCP a été déposée sur la base de l'AMM italienne du 16 juillet 1993. Le CCP communautaire a été délivré le 16 janvier 1998 en application du Règlement communautaire no 1768/92. Il expire le 10 avril 2008 sur le territoire français et a fait l'objet des mêmes cessions que celles du brevet.

De nombreuses procédures étrangères ont eu lieu aux fins de voir déclarer nuls le brevet et le CCP pour défaut de nouveauté ou d'inventivité.

Les juridictions anglaises ont annulé en 2003 le brevet britannique qui ne couvrait qu'un usage thérapeutique déterminé pour défaut de nouveauté et d'inventivité.

La juridiction néerlandaise a rejeté la demande d'interdiction en référé et a annulé le CCP par une décision du tribunal de La Haye 17 mai 2006.

Le CCP allemand a été annulé pour défaut d'activité inventive par le tribunal des Brevets le 27 juin 2006 suivant l'analyse des juges des référés qui avaient rejeté les demandes de mesures d'interdiction.

Les juridictions italiennes ont statué en référé et ont prononcé des mesures d'interdiction de commercialisation au motif que le brevet paraissait nouveau et inventif. Les juridictions suédoises et belges ont également statué dans le même sens en matière de référé.

Par acte en date du 2 juin 2006, la société MSD SOMERSET LTD a assigné en contrefaçon du principe actif couvert par le CCP No 96C0032 la société BIOGARAN.

Dans ses conclusions récapitulatives en date du 21 novembre 2007, la société MSD SOMERSET LTD a rappelé que le CCP français était appuyé non pas sur le brevet européen mais sur le brevet français, soutenu que le brevet français FR 2 525 223 était nouveau et inventif au regard des antériorités citées par la société défenderesse, argué que la société BIOGARAN effectuait des actes de contrefaçon et maintenu ses demandes d'interdiction et de publication d'usage, de provision et d'expertise .

La société MSD SOMERSET LTD a demandé au tribunal de :

Débouter la société BIOGARAN de ses demandes de nullité du CCP 96C0032,

brevet français FR 2 525 223 et de la partie française du brevet européen EP 0 402 152.

Dire que la société BIOGARAN s'est rendue coupable de contrefaçon du CCP 96C0032 notamment par offre en vente, mise dans le commerce et utilisation et détention aux fins précitées en France des spécialités "ACIDE ALENDRONIQUE BIOGARAN 10mg" et "ACIDE ALENDRONIQUE BIOGARAN 70mg" et de toute spécialité ayant pour principe actif de l'alendronate et reproduisant, notamment les caractéristiques du CCP 96C0032,

Faire interdiction à la société BIOGARAN de fabriquer, faire fabriquer, d'importer, d'offrir en vente, de commercialiser, d'utiliser et de détenir aux fins précitées des compositions pharmaceutiques reproduisant les caractéristiques protégées par le CCP 96C0032 et ce sous astreinte définitive de 10 euros par comprimé, en vrac ou sous conditionnement, fabriqué, importé, offert en vente, vendu, utilisé ou détenu à compter de la signification du jugement à intervenir,

Dire que le tribunal se réservera la liquidation des astreintes.

Ordonner la confiscation de tous les produits contrefaisants et ce aux fins de leur destruction,

Condamner la société BIOGARAN à réparer la préjudice causé à la société MSD et d'ores et déjà par provision à lui payer la somme de 300.000 euros.

Nommer tel expert qu'il plaira au tribunal avec mission de réunir tous éléments lui permettant de statuer ultérieurement sur le préjudice subi par la société MSD pour tous les faits de contrefaçon commis .

Ordonner la publication du jugement à intervenir à titre de dommages et intérêts complémentaires dans dix journaux ou périodiques, au choix de la société MSD, et aux frais de la société BIOGARAN, et condamner les dites sociétés au paiement du montant de ces publications,

Dire que les condamnations prononcées porteront sur tous les actes de contrefaçon commis jusqu'au jour de la décision à intervenir.

Débouter la société BIOGARAN de toutes ses demandes,

Ordonner l'exécution provisoire de la décision à intervenir.

Condamner la société BIOGARAN à payer à la société MSD SOMERSET LTD la somme de 150.000 euros par application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Condamner la société BIOGARAN en tous les dépens dont distraction au profit de Mo Pierre LENOIR, avocat, conformément à l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.

Dans leurs dernières écritures en date du 17 septembre 2007, la société BIOGARAN a sollicité du tribunal de :

Dire que les revendications 1, 2, 3 et 5 du brevet français FR 2 525 223 et donc l'objet du certificat 96C0032, délivré sur la base de ce brevet, sont nulles pour défaut de nouveauté et subsidiairement pour défaut d'activité inventive.

Déclarer la société MSD SOMERSET LTD mal fondée en son action de contrefaçon à l'encontre de la société BIOGARAN.

Dire que la procédure engagée par la société MSD SOMERSET LTD à l'encontre de la société BIOGARAN l'a été de manière abusive et dans la seule intention de nuire à celle-ci.

Condamner la société MSD SOMERSET LTD à payer à la société BIOGARAN la somme de 100.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice qu'elle lui a causé.

Condamner la société MSD SOMERSET LTD à payer à la société BIOGARAN la somme de 50.000 euros sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Condamner la société MSD SOMERSET LTD aux entiers dépens dont distraction au profit de Mo Catherine CARIOU, avocat, par application de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.

La clôture a été prononcée le 5 décembre 2007.

MOTIFS

Il convient de rappeler que le CCP est appuyé en France sur le brevet FR 2 525 223.

Pour contester la validité du CCP, la société BIOGARAN doit par application de l'article 15 du Règlement 1768/92, démontrer soit des motifs de limitation du brevet de base soit des motifs de nullité de l'ensemble du brevet de base.

Objet et portée des revendications du brevet FR 2 525 223.

La revendication 1 est rédigée comme suit :

"Composition pharmaceutique utile pour le traitement de l'urithiase et pour inhiber la réabsorption osseuse, caractérisée en ce que, à titre de principe actif, elle contient un acide disphosphonique de formule

générale PO3H2-CRR'-PO3H2 dans laquelle R est un résidu alkyle linéaire ou ramidié, contenant 1 à 5 atomes de carbone, éventuellement substitué par au moins un groupe amino et R' est un groupement hydroxyle ou un sel de cet acide avec un métal alcalin, une base organique ou un aminoacide."

La revendication 2 :

Composition pharmaceutique selon la revendication 1 caractérisée en ce qu'elle est formulée pour l'administration par voie orale.

La revendication 3 :

Composition pharmaceutique selon la revendication 1 caractérisée en ce qu'elle est formulée pour l'administration par voie systémique.

La revendication 4 :

Composition pharmaceutique selon l'une quelconque des revendications 1, 2 ou 3 caractérisée en ce que le principe actif est constitué par l'acide 5-amino-1-hydroxypentane-1, 1 -disphosphonique.

La revendication 5 :

Composition pharmaceutique selon l'une quelconque des revendications 1, 2 ou 3 caractérisée en ce que le principe actif est constitué par l'acide 4-amino-1-hydroxybutane-1, 1 -disphosphonique.

Ainsi, l'acide alendronique (revendication 5) dont la formule comprend pour R une chaîne de 3 atomes de carbone rattachée à un premier atome de carbone soit C4 suivie d'un groupe amino NH2 et pour R' un groupe hydroxyle (OH) fait partie de la revendication 1.

Les revendications 2 et 3 sont dépendantes de la revendication 1 et ne font que préciser les voies d'administration des applications médicamenteuses du produit.

Ainsi, l'application médicamenteuse couverte par le brevet FR 2 525 223 est contenue dans les revendications 1, 2, 3 et 5.

De par son caractère général, la revendication 1 couvre l'ensemble des acides diphosphoniques qui ont pour but le traitement de l'urolithiase et de la résorption osseuse; elle concerne donc des produits adaptés à une utilisation thérapeutique.

Il importe peu que le CCP n'ait été délivré qu'au regard de la revendication 5 du brevet FR 2 525 223 puisqu'en réalité les revendications 1, 2, 3 et 5 de ce brevet couvrent le même produit.

La société BIOGARAN est donc recevable à agir en nullité de ces 4 revendications du brevet FR 2 525 223 quand bien même celui-ci serait venu à échéance le 11 avril 2003.

La brevetabilité à titre de médicament d'un produit connu est reconnue à condition que cette application soit nouvelle et que le produit n'ait jamais été divulgué pour une application quelconque à titre de médicament.

L'art antérieur connaissait les pyrophosphates et leurs propriétés inhibitrices sur la précipitation des calciums de sorte que l'homme du métier avait pensé à les utiliser pour influencer le métabolisme du calcium et du phosphate dans les os ; cependant, ces produits étaient impropres à un usage thérapeutique car ils subissaient quand ils étaient administrés oralement ou dans le système sanguin une hydrolyse rapide; le brevet enseigne dans sa description de l'art antérieur que l'homme du métier s'est tourné vers des substances ayant les mêmes effets mais résistant à l'hydrolyse et qu'il avait partiellement atteint son objectif en synthétisant des diphosphonates;

*sur le défaut de nouveauté.

Par rapport au brevet EP 39033 dit BLUM/HENKEL.

Ce brevet a été publié le 4 novembre 1981, quelques mois avant la date de priorité du brevet FR 2 525 223.

Il s'agit d'un brevet de procédé pour préparation d'acide bisphosphoniques dont la formule

comprend pour R une chaîne de "n" atomes de carbone suivie d'un groupe amino NH2 et pour R' un groupe hydroxyle (OH) , le nombre n est compris entre 3 et 5.

Si cette formule est la même que celle contenue dans la revendication très générale 1, elle n'a pas pour but d'être une application thérapeutique de l'ostéoporose ; cette possibilité est citée au détour du brevet qui a pour but de protéger une invention de procédé pour préparation de ces sels utilisés également dans le domaine cosmétique (adoucissement d'eau, adoucisseur).

En conséquence, faute de constituer une antériorité de toutes pièces de l'application thérapeutique, le brevet BLUM/HENKEL ne peut fonder une nullité pour défaut de nouveauté de brevet FR 2 525 223 .

Par rapport au document FR 2 259 615 dénommé HENKEL.

Ce brevet a été publié le 29 août 1975 soit près de 7ans avant la date de priorité du brevet FR 2 525 223.

Il décrit la formule du pamidronate dont la formule comprend pour R une chaîne de 2 atomes de carbone soit C3 suivie d'un groupe amino NH2 et pour R' un groupe hydroxyle (OH).

Ce brevet antériorise un autre acide disphosphonique qui a une chaîne de 2 atomes et non l'alendronate qui a une chaîne de 3 atomes.

Il ne constitue pas une antériorité de toutes pièces qui détruirait la nouveauté de l'alendronate comme application médicamenteuse pour l'ostéoporose.

Par rapport aux brevet FR 2 499 408 dit GENTILI.

Ce brevet a été publié le 13 août 1982 .

Il décrit la formule du néridronate dont la formule comprend pour R une chaîne de 6 atomes de carbone suivie d'un groupe amino NH2 et pour R' un groupe hydroxyle (OH) ;

Ce brevet antériorise un autre acide disphosphonique qui a une chaîne de 6 atomes et non l'alendronate qui a une chaîne de 3 atomes.

Il ne constitue pas une antériorité de toutes pièces qui détruirait la nouveauté de l'alendronate comme application médicamenteuse pour l'ostéoporose.

Par rapport au brevet américain US 3 683 080 PROCTER ET GAMBLE.

Ce brevet a été publié le 8 août 1972. Il porte sur une composition pour inhiber le dépôt et la mobilisation anormaux des phosphates de calcium dans le tissu animal et une méthode pour traiter et prévenir des maladies incluant la calcification pathologique et la déminéralisation du tissu osseux chez l'animal.

La société BIOGARAN soutient que ce brevet divulgue un composé particulièrement préféré : l'acide éthane -1-hydroxy-1, 1-diphosphonique.

Or, force est de constater que ce brevet enseigne non pas l'alendronate (l'acide 4-amino-1-hydroxybutane-1, 1 -disphosphonique) mais un autre composé à savoir l'acide éthane -1-hydroxy-1, 1-diphosphonique

Le composé du brevet américain comprend 2 atomes de carbone mais également 4 atomes de phosphates alors que l'acide alendronate comprend 4 atomes de carbone et deux atomes de phosphates.

L'autre composé butane tétraphosphonique enseigné par ce brevet est également différent car s'il comprend 4 atomes de carbone (butane), il est également constitué de 4 atomes de phosphate et non de deux comme l'acide alendronique.

Par rapport à la publication de Fleisch du 31 juillet 1969.

Ce document décrit l'acide éthane-1-hydroxy, 1-diphosphonique ou étidronate. Là encore il s'agit d'un autre composé que l'acide alendronique puisqu'il ne comprend que deux atomes de carbone.

Ce brevet ne peut en conséquence constituer une antériorité de toutes pièces de l'alendronate.

La nullité du brevet pour défaut de nouveauté formée par la société RATIOPHARM GmbH et la société BIOGARAN sera rejetée comme mal fondée.

*sur le défaut d'activité inventive

La société BIOGARAN soutient que le brevet FR 2 525 223 serait nul pour défaut d'activité inventive au vu des mêmes documents que ceux sur lesquels était fondé le défaut de nouveauté outre les documents KABACHNIK et un autre document FLEISCH de 1981.

Comme il a déjà été dit plus haut, étaient connus les diphosphonates, leur formule générale ( brevet EP 39033 dit BLUM/HENKEL), leurs différentes structures chimiques, leurs propriétés dans la résorption osseuse et à tout le moins dans le domaine des mécanismes biologiques de la fixation du calcium par l'os.

Les parties s'accordent pour définir l'homme du métier comme un chimiste spécialisé dans le domaine des principes actifs utiles dans le traitement des maladies osseuses.

Le brevet EP 39033 dit BLUM/HENKEL cite la formule générale des diphosphonates telle que reprise dans la revendication 1 du Brevet français 20525 223, le brevet BLUM a pour objet un procédé de préparation perfectionné d'acides diphosphoniques pour obtenir des produits purs sans grands frais .

S'il est vrai que les applications du procédé de préparation breveté par le brevet EP 39033 dit BLUM/HENKEL sont essentiellement les détergents, il n'en demeure pas moins que les applications pharmaceutiques y sont citées et que l'homme du métier qui connaît les points de convergence entre les différents domaines s'intéressant aux principes actifs sur lesquels il travaille, doit nécessairement prendre connaissance des procédés de préparation qui les concernent .

L'homme du métier connaissait donc nécessairement avant la date de priorité du brevet la formule générale des acides diphosphoniques et plus précisément ceux allant de 3 à 5 atomes de carbone dans la chaîne.

Le document FLEISCH est une publication de 1981, donc antérieure à la date de priorité du brevet intitulée "diphosphonates : historique et mécanismes d'action". Il traite de la résorption osseuse et rappelle que les premiers résultats datent de 1968, (première publication Fleisch), que ces produits sont extrêmement actifs dans l'inhibition de la résorption osseuse.

Il précise qu'il semble que l'augmentation de la longueur de la chaîne du squelette carboné augmente l'activité. Il cite le pamidronate comme également très actif et indique qu'il ne serait pas surprenant que les premiers composés testés soient loin d'être optimaux et que des recherches additionnels sur d'autres diphosphonates aboutissent à l'avenir au développement de composés innovants utiles.

La société BIOGARAN soutient que l'homme du métier connaissant ces deux documents, devait nécessairement rechercher des acides diphosphoniques composés d'une chaîne d'atomes carbonés plus longue que le pamidronate pour aboutir à une application thérapeutique plus efficace.

La société MSD SOMERSET LTD prétend que le document de FLEISCH ne viserait que les acides diphosphonates à chaîne longue et que l'homme du métier n'aurait pas appliqué cet enseignement au pamidronate ; que FLEISCH lui-même aurait écrit dans d'autres textes qu'il était plus efficient de tourner sa recherche vers une autre famille de diphosphonates, qu'un fort préjugé scientifique interdisait de tester un diphosphonate dans la famille du pamidronate en raison de la forte toxicité de ce dernier décrite dans les documents CANFIELD et SHINODA. Enfin, elle ajoute que le degré d'efficacité inattendu de l'alendronate ne pouvait être soupçonné par l'homme du métier ce qui témoignerait de l'existence d'une activité inventive.

Il ressort des pièces versées au débat d'une part que la séparation entre les différentes familles de diphosphonates n'est pas telle qu'elle constitue un préjugé tel que l'homme de métier n'utiliserait pas les enseignements d'une famille à l'autre ; que les experts ne s'accordent même pas sur le nombre de familles de diphosphonates, deux ou trois, donc sur l'attribution des acides dans l'une ou l'autre des familles; de plus, l'effet de l'allongement de la chaîne de carbone devait être conjugué avec le facteur groupement amino et l'existence d'un groupement hydroxy en position 1 ; ainsi, l'homme du métier savait qu'il n'existait pas un seul facteur(la longueur de la chaîne de carbones) pour déterminer le diphosphonate le plus efficace en matière d'ostéoporose mais que ce facteur devait se combiner avec les autres cités plus haut.

Le document FÉLIX cité par la société MSD SOMERSET LTD est un résumé sous forme d'affiche d'une présentation signée FÉLIX, FLEISCH et autres au cours d'un Symposium CEMO (Centre d'Etudes des Maladies Ostéo-Articulaires de Genève) du 1er au 4 novembre 1981, d'un test effectué sur le néridronate (6 atomes carbonés) ; il précise que le produit est moins actif sur la résorption osseuse que le pamidronate alors qu'il contient 6 atomes au lieu de 3.

Ainsi et contrairement à ce que soutient la société demanderesse, le document FÉLIX ne constitue pas la preuve que l'homme du métier n'était pas incité à chercher un rallongement de la chaîne carbonée puisque les chercheurs qui travaillaient sur ce sujet l'avaient fait mais qu'un allongement excessif de 3 à 6 n'était pas utile ; ce document n'a pour conséquence que de limiter les recherches de l'homme du métier dans un allongement qui se situe entre 4 et 5 atomes de carbone.

Quant au caractère toxique du pamidronate, il ne pouvait avoir pour conséquence d'inciter l'homme du métier à cesser toute recherche dans la famille de diphosphonates à groupe amino mais au contraire à tenter d'augmenter l'efficacité en augmentant un peu la longueur de la chaîne carbonée et en vérifiant que le caractère toxique pouvait baisser en même temps, puisque FÉLIX ne dit pas que le caractère toxique du néridronate s'était accru avec la longueur de la chaîne.

En conséquence, l'homme du métier ayant connaissance des différents brevets et publications antérieurs, aurait nécessairement placé les composés C4 et C5 en tête de liste de son programme de tests à but thérapeutique, ce qui exclut toute activité inventive.

Sur le dernier élément relatif à l'efficacité inattendue voire miraculeuse de l'alendronate qui constituerait à elle seule la preuve de l'activité inventive, il convient de dire que l'effet bonus est indépendant de toute activité inventive et ne résulte d'aucune prévision faite par l'homme du métier ; il n'est que la surprise heureuse du résultat des tests programmés sur l'une des deux molécules qui restaient à tester pour trouver un médicament efficace et non toxique pour traiter l'ostéoporose à partir d'une famille de composés chimiques déjà connus pour ses effets sur la résorption osseuse.

En conséquence, les revendications du brevet FR 2 525 223 relatives à la formule générale des diphosphonates (1), à la formule de l'acide alendronique à titre de principe actif pour inhiber la résorption osseuse (5), pouvant être formulé pour une administration par voie orale (2)ou systémique(3), sont nulles pour défaut d'activité inventive.

Les motifs de nullité justifient de limiter les revendications du brevet FR 2 525 223 de sorte que le produit pour lequel le CCP a été délivré ne soit plus couvert par ce brevet.

Le CCP No 96C0032 sera également déclaré nul et la société MSD SOMERSET LTD sera déboutée de l'ensemble de ses demandes relatives à la contrefaçon.

Sur la demande reconventionnelle de la société BIOGARAN pour procédure abusive.

La société BIOGARAN ne démontre pas en quoi l'action de la société MSD SOMERSET LTD serait abusive car celle-ci n'a pas vu pendant le temps de vie de son brevet attaquer sa validité et a pu de ce fait se méprendre sur les droits qu'elle détenait sur l'acide alendronique.

Société BIOGARAN sera en conséquence déboutée de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive.

L'exécution provisoire est compatible avec la nature de l'affaire, elle est nécessaire et sera ordonnée.

Les conditions sont réunies pour allouer la somme de 30.000 euros à la société BIOGARAN au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Statuant par remise au greffe, par jugement contradictoire et en premier ressort,

- Déclare la société BIOGARAN recevable à demander la nullité des revendications 1, 2, 3 et 5 du brevet FR 2 525 223.

- Déclare nulles pour défaut d'activité inventive les revendications 1, 2, 3 et 5 du brevet FR 2 525 223 dont la société MSD SOMERSET LTD est titulaire.

En conséquence,

-Déclare nul le CCP No 96C0032.

- Dit que la présente décision, une fois définitive, sera, sur simple réquisition de Madame le Greffier, ou à l'initiative de la partie la plus diligente, transmise à l'Institut National de la Propriété Industrielle pour être portée au Registre National des Brevets.

- Déclare mal fondée la demande de contrefaçon formée par la société MSD SOMERSET LTD à l'encontre de la société BIOGARAN.

-L'en déboute.

- Condamne la société MSD SOMERSET LTD à payer à la société BIOGARAN la somme de 30.000 euros (TRENTE MILLE EUROS) sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

-Déboute la société BIOGARAN de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive;

-Ordonne l'exécution provisoire du présent jugement.

-Déboute les parties du surplus de leurs demandes.

- Condamne la société MSD SOMERSET LTD aux dépens dont distraction au profit de Mo Catherine CARIOU, avocat, conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.

FAIT A PARIS et RENDU le DOUZE FÉVRIER DEUX MIL HUIT./.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Tribunal de grande instance de Paris
Formation : Chambre civile 3
Numéro d'arrêt : 06/08773
Date de la décision : 12/02/2008
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.grande.instance.paris;arret;2008-02-12;06.08773 ?
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