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12/02/2008 | FRANCE | N°06/00601

France | France, Tribunal de grande instance de Paris, Chambre civile 3, 12 février 2008, 06/00601


3ème chambre 1ère section
JUGEMENT rendu le 12 Février 2008

DEMANDERESSES
Société ARROW GENERIQUES 26 avenue Tony Garnier 69007 LYON
Société EG LABO LABORATOIRES EUROGENERICS Le Quintet, bât. A 12 rue Danjou 92517 BOULOGNE BILLANCOURT CEDEX
représentées par Me Grégoire TRIET, avocat au barreau de PARIS, vestiaire T. 03

INTERVENANTES VOLONTAIRES A TITRE PRINCIPAL
Société RATIOPHARM GMBH Graf- Arco- Strasse3- D-89070 ULM ALLEMAGNE
S. A. LABORATOIRE RATIOPHARM 5 rue Charles Matigny 94700 MAISONS ALFORT
représentées par Me Robert GUILLAUMO

ND- ADAMAS, avocat au barreau de PARIS, avocat postulant vestiaire L. 291 et par Me Barbara BER...

3ème chambre 1ère section
JUGEMENT rendu le 12 Février 2008

DEMANDERESSES
Société ARROW GENERIQUES 26 avenue Tony Garnier 69007 LYON
Société EG LABO LABORATOIRES EUROGENERICS Le Quintet, bât. A 12 rue Danjou 92517 BOULOGNE BILLANCOURT CEDEX
représentées par Me Grégoire TRIET, avocat au barreau de PARIS, vestiaire T. 03

INTERVENANTES VOLONTAIRES A TITRE PRINCIPAL
Société RATIOPHARM GMBH Graf- Arco- Strasse3- D-89070 ULM ALLEMAGNE
S. A. LABORATOIRE RATIOPHARM 5 rue Charles Matigny 94700 MAISONS ALFORT
représentées par Me Robert GUILLAUMOND- ADAMAS, avocat au barreau de PARIS, avocat postulant vestiaire L. 291 et par Me Barbara BERTHOLET- ADAMAS, avocat au barreau de LYON, avocat plaidant

DÉFENDERESSES
Société MSD Somerset Ltd. CLARENDON HOUSE 2 Church Street, Hamilton HM 11 BERMUDES
Société MERCK et CO Inc East Lincoln Avenue Rayway New Jersey 07065 ETATS UNIS
représentées par Me Pierre LENOIR- ALLEN et OVERY LLP, avocat au barreau de PARIS, vestiaire J. 22

COMPOSITION DU TRIBUNAL
Marie COURBOULAY, Vice Présidente Florence GOUACHE, Juge Cécile VITON, Juge
assistées de Léoncia BELLON, Greffier
DEBATS
A l'audience du 06 Novembre 2007 tenue en audience publique
JUGEMENT
Prononcé par remise au greffe Contradictoire En premier ressort
FAITS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
La société MSD SOMERSET LTD est propriétaire du brevet français FR 2 525 223, ayant pour titre " nouveaux acides diphosphoniques, leurs sels, leur procédé de préparation et leur application thérapeutique ".
Ce brevet a été déposé à l'INPI par la société de droit italien ISTITUTO GENTILI SPA le 11 avril 1983 sous le bénéfice d'une priorité italienne du 15 avril 1982 et a été délivré le 14 avril 1986 et publié au BOPI le 25 avril 1986 ; il a fait l'objet de différentes cessions inscrites au registre des brevets.
Le 9 septembre 1996, une demande de Certificat Complémentaire de Protection CCP a été déposée sur la base de l'AMM italienne du 16 juillet 1993. Le CCP communautaire a été délivré sous le numéro 96c0032 le 16 janvier 1998 en application du Règlement communautaire no 1768 / 92. Il expire le 10 avril 2008 sur le territoire français et a fait l'objet des mêmes cessions que celles du brevet.

De nombreuses procédures étrangères ont eu lieu aux fins de voir déclarer nuls le brevet et le CCP pour défaut de nouveauté ou d'inventivité.
Les juridictions anglaises ont annulé en 2003 le brevet britannique qui ne couvrait q'un usage thérapeutique déterminé pour défaut de nouveauté et d'inventivité.
La juridiction néerlandaise a rejeté la demande d'interdiction en référé et a annulé le CCP par une décision du tribunal de La Haye 17 mai 2006.
Le CCP allemand a été annulé pour défaut d'activité inventive par le tribunal des Brevets le 27 juin 2006 suivant l'analyse des juges des référés qui avaient rejeté les demandes de mesures d'interdiction.
Les juridictions italiennes ont statué en référé et ont prononcé des mesures d'interdiction de commercialisation au motif que le brevet paraissait nouveau et inventif ; les juridictions suédoises et belges ont également statué dans le même sens en matière de référé.
Par acte en date du 9 mars 2006, la société MSD SOMERSET LTD a assigné en contrefaçon du principe actif couvert par le CCP No 96C0032 la société LABORATOIRE RATIOPHARM.
Par acte en date des 16 juin et 16 octobre 2006, la société MSD SOMERSET LTD a assigné les sociétés ARROW GÉNÉRIQUES et EG LABO LABORATOIRES EUROGENERICS en contrefaçon du principe actif couvert par le CCP No 96C0032.
Par acte du 30 décembre 2005, les sociétés ARROW GENERIQUES et EG LABO LABORATOIRES EUROGENERICS ont assigné la société MSD SOMERSET LTD et la société MERCK et Co Inc en nullité du CCP No 96C0032 appartenant à la société MSD SOMERSET LTD et en nullité des revendications 1 à 4 de la partie française du brevet européen EP 0 402 152 appartenant à la société MERCK.
Par acte en date du 15 mars 2006, la société RATIOPHARM GmbH et la société LABORATOIRE RATIOPHARM sont intervenues volontairement à titre principal dans la procédure.
Toutes les instances ont été jointes.
Dans leurs conclusions récapitulatives en date du 31 octobre 2007, la société MSD SOMERSET LTD et la société MERCK et Co Inc ont rappelé que le CCP français était appuyé non pas sur le brevet européen mais sur le brevet français, contesté l'intérêt à agir des sociétés défenderesses à demander la nullité des revendications 1à 4 du brevet, soutenu que le brevet était nouveau et inventif au regard des antériorités citées par les sociétés défenderesses, argué que les sociétés effectuaient des actes de contrefaçon et maintenu leurs demandes d'interdiction et de publication d'usage, de provision et d'expertise.

La société MSD SOMERSET LTD et la société MERCK et Co Inc ont demandé au tribunal de : Dire que la société RATIOPHARM GmbH et la société LABORATOIRE RATIOPHARM sont dépourvues d'intérêt à agir en nullité des revendications 1 à 3 du brevet français FR 2 525 223. Dire irrecevables et mal fondées la société RATIOPHARM GmbH et la société LABORATOIRE RATIOPHARM et les sociétés ARROW GÉNÉRIQUES et EG LABO LABORATOIRES EUROGENERICS en leurs demandes de nullité du CCP 96C0032, brevet français FR 2 525 223 et de la partie française du brevet européen EP 0 402 152. Les en débouter. Dire que les sociétés ARROW GENERIQUES et EG LABO LABORATOIRES EUROGENERICS se sont rendues coupables de contrefaçon du CCP 96C0032 par importation, offre en vente, mise dans le commerce et utilisation aux fins précitées en France des comprimés comprenant de l'acide alendronique reproduisant, notamment les caractéristiques du CCP. Dire que la société LABORATOIRE RATIOPHARM s'est rendue coupable de contrefaçon du CCP 96C0032 par importation, offre en vente, mise dans le commerce et utilisation aux fins précitées en France des comprimés comprenant de l'acide alendronique reproduisant, notamment les caractéristiques du CCP Faire interdiction à la société LABORATOIRE RATIOPHARM et aux sociétés ARROW GENERIQUES et EG LABO LABORATOIRES EUROGENERICS de fabriquer, faire fabriquer, d'importer, d'offrir en vente, de commercialiser, d'utiliser et de détenir aux fins précitées des compositions pharmaceutiques reproduisant les caractéristiques protégées par le CCP 96C0032 et ce sous astreinte définitive de 10 euros par comprimé, en vrac ou sous conditionnement, fabriqué, importé, offert en vente, vendu, utilisé ou détenu à compter de la signification du jugement à intervenir, Dire que le tribunal se réservera la liquidation des astreintes. Ordonner la confiscation de tous les produits contrefaisants et ce aux fins de leur destruction, Condamner in solidum la société LABORATOIRE RATIOPHARM et les sociétés ARROW GENERIQUES et EG LABO LABORATOIRES EUROGENERICS à réparer la préjudice causé à la société MSD et d'ores et déjà par provision à lui payer la somme de 300. 000 euros.
Nommer tel expert qu'il plaira au tribunal avec mission de réunir tous éléments lui permettant de statuer ultérieurement sur le préjudice subi par la société MSD pour tous les faits de contrefaçon commis. Ordonner la publication du jugement à intervenir à titre de dommages et intérêts complémentaires dans dix journaux ou périodiques, au choix de la société MSD, et aux frais de la société LABORATOIRE RATIOPHARM et des sociétés ARROW GENERIQUES et EG LABO LABORATOIRES EUROGENERICS, et condamner les dites sociétés au paiement du montant de ces publications dans la limité de 150. 000 euros.

Dire que les condamnations prononcées porteront sur tous les actes de contrefaçon commis jusqu'au jour de la décision à intervenir. Ordonner l'exécution provisoire de la décision à intervenir. Condamner in solidum la société RATIOPHARM GmbH et la société LABORATOIRE RATIOPHARM et les sociétés ARROW GENERIQUES et EG LABO LABORATOIRES EUROGENERICS à payer à la société MSD SOMERSET LTD et à la société MERCK et Co Inc la somme de 350. 000 euros par application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile. Condamner in solidum la société RATIOPHARM GmbH et la société LABORATOIRE RATIOPHARM et les sociétés ARROW GENERIQUES et EG LABO LABORATOIRES EUROGENERICS en tous les dépens qui comprendront notamment les frais de saisie- contrefaçon dont distraction au profit de Mo Pierre LENOIR, avocat, conformément à l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.
Dans leurs dernières écritures en date du 19 septembre 2007, les sociétés ARROW GÉNÉRIQUES et EG LABO LABORATOIRES EUROGENERICS ont précisé que la société SOMERSET avait abandonné les revendications 1 à 4 de son brevet européen dans huit pays, rappelé que les diphosphonates cités dans le brevet étaient connus de l'art antérieur de la technique avant le dépôt du brevet, et soulevé la nullité du brevet pour défaut d'inventivité.
Les sociétés ARROW GENERIQUES et EG LABO LABORATOIRES EUROGENERICS ont sollicité du tribunal de : Juger qu'il existe des motifs de nullité qui auraient justifié la limitation du brevet français FR 2 525 223 de telle sorte que l'objet du certificat 96C0032, délivré sur la base de ce brevet, n'aurait plus été couvert par les revendications du brevet français FR 2 525 223. Juger que les revendications 1 à 4 de la partie française du brevet EP 0 402 152 sont nulles pour défaut de nouveauté et à titre subsidiaire pour défaut d'activité inventive. En conséquence Prononcer la nullité du CCP 96C0032. Prononcer la nullité des revendications 1 à 4 du brevet EP 0 402 152. Ordonner l'inscription du jugement à intervenir au registre National des brevets. Débouter la société MSD de l'ensemble des ses demandes à l'égard des sociétés ARROW GENERIQUES et EG LABO LABORATOIRES EUROGENERICS. Condamner in solidum la société MSD SOMERSET LTD et la société MERCK et Co Inc à payer à chacune des sociétés ARROW GENERIQUES et EG LABO LABORATOIRES EUROGENERICS la somme de 300. 000 euros sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Condamner les mêmes aux entiers dépens dont distraction au profit de Mo Grégoire TRIET, avocat. Ordonner l'exécution provisoire de la décision à intervenir.

Dans leurs conclusions récapitulatives en date du 5 novembre 2007, la société RATIOPHARM GmbH et la société LABORATOIRE RATIOPHARM ont soulevé la nullité de l'intégralité des revendications du brevet pour défaut de nouveauté et pour défaut d'activité inventive au regard des mêmes documents que ceux produits au débat par les sociétés ARROW GENERICS et EG LABO LABORATOIRES EUROGENERICS.
La société RATIOPHARM GmbH et la société LABORATOIRE RATIOPHARM ont sollicité du tribunal de : Sur le CCP 96C0032 A titre principal Juger qu'il existe des motifs de nullité du brevet français FR 2 525 223 qui en auraient justifié l'annulation ou de manière tout à fait subsidiaire la limitation de telle sorte que le produit pour lequel le certificat 96C0032 a été délivré n'est plus protégé par les revendications du brevet français FR 2 525 223. En conséquence prononcer la nullité du CCP 96C0032. A titre subsidiaire, Ecarter des débats les pièces 30 et 31 produites par la société MSD le 2 novembre 2007, Juger que la société MSD ne rapporte pas la preuve des actes de contrefaçon du CCP 96C0032 qu'elle impute à la société LABORATOIRE RATIOPHARM. Débouter la société MSD de l'ensemble des ses demandes à l'égard de la société RATIOPHARM GmbH et la société LABORATOIRE RATIOPHARM. Sur le brevet EP 0 402 152. Juger que les revendications 1 à 4 de la partie française du brevet EP 0 402 152 sont nulles pour défaut de nouveauté et à titre subsidiaire pour défaut d'activité inventive. En conséquence, prononcer la nullité des revendications 1 à 4 du brevet EP 0 402 152. Ordonner l'inscription du jugement à intervenir au registre National des brevets. Condamner in solidum la société MSD SOMERSET LTD et la société MERCK et Co Inc à payer à la société RATIOPHARM GmbH et la société LABORATOIRE RATIOPHARM la somme de 180. 000 euros sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile. Ordonner l'exécution provisoire de la décision à intervenir. Condamner les mêmes aux entiers dépens dont distraction au profit de Mo Robert GUILLAUMOND, (ADAMAS), avocat.
La clôture a été prononcée le 6 novembre 2007.

MOTIFS
Il convient de rappeler que le CCP est appuyé en France sur le brevet FR 2 525 223.
Pour contester la validité du CCP, les sociétés défenderesses doivent par application de l'article 15 du Règlement 1768 / 92, démontrer soit des motifs de limitation du brevet de base soit des motifs de nullité de l'ensemble du brevet de base.

Objet et portée des revendications du brevet FR 2 525 223.
La revendication 1 est rédigée comme suit : " Composition pharmaceutique utile pour le traitement de l'urithiase et pour inhiber la réabsorption osseuse, caractérisée en ce que, à titre de principe actif, elle contient un acide disphosphonique de formule générale PO3H2- CRR'- PO3H2 dans laquelle R est un résidu alkyle linéaire ou ramidié, contenant 1 à 5 atomes de carbone, éventuellement substitué par au moins un groupe amino et R'est un groupement hydroxyle ou un sel de cet acide avec un métal alcalin, une base organique ou un aminoacide. " La revendication 2 : Composition pharmaceutique selon la revendication 1 caractérisée en ce qu'elle est formulée pour l'administration par voie orale.
La revendication 3 : Composition pharmaceutique selon la revendication 1 caractérisée en ce qu'elle est formulée pour l'administration par voie systémique. La revendication 4 : Composition pharmaceutique selon l'une quelconque des revendications 1, 2 ou 3 caractérisée en ce que le principe actif est constitué par l'acide 5- amino-1- hydroxypentane-1, 1- disphosphonique. La revendication 5 : Composition pharmaceutique selon l'une quelconque des revendications 1, 2 ou 3 caractérisée en ce que le principe actif est constitué par l'acide 4- amino-1- hydroxybutane-1, 1- disphosphonique.
Ainsi, l'acide alendronique (revendication 5) dont la formule comprend pour R une chaîne de 3 atomes de carbone rattachée à un atome de carbone soit C4 suivie d'un groupe amino NH2 et pour R'un groupe hydroxyle (OH) fait partie de la revendication 1.
Les revendications 2 et 3 sont dépendantes de la revendication 1 et ne font que préciser les voies d'administration des applications médicamenteuses du produit.
Ainsi, l'application médicamenteuse couverte par le brevet FR 2 525 223 est contenue dans les revendications 1, 2, 3 et 5.

De par son caractère général, la revendication 1 couvre l'ensemble des acides diphosphoniques qui ont pour but le traitement de l'urolithiase et la résorption osseuse ; elle concerne donc des produits adaptés à une utilisation thérapeutique.
Il importe peu que le CCP n'ait été délivré qu'au regard de la revendication 5 du brevet FR 2 525 223 puisqu'en réalité les revendications 1, 2, 3 et 5 de ce brevet couvrent le même produit.
Les sociétés défenderesses sont donc recevables à agir en nullité de ces 4 revendications du brevet FR 2 525 223 quand bien même celui- ci serait venu à échéance le 11 avril 2003.
Les sociétés ARROW GENERIQUES et EG LABO LABORATOIRES EUROGENERICS invoquent une présentation incomplète de l'art antérieur dans le brevet français FR 2 525 223, (défaut de citation du document FLEISCH relatif au pamidronate) ainsi qu'une description confuse du problème technique (trouver de nouveaux acides diphosphoniques convenables) ; pour autant, elles n'en tirent pas un moyen de nullité du brevet.
La brevetabilité à titre de médicament d'un produit connu est reconnue à condition que cette application soit nouvelle et que le produit n'ait jamais été divulgué pour une application quelconque à titre de médicament.
L'art antérieur connaissait les pyrophosphates et leurs propriétés inhibitrices sur la précipitation des calciums de sorte que l'homme du métier avait pensé à les utiliser pour influencer le métabolisme du calcium et du phosphate dans les os ; cependant, ces produits étaient impropres à un usage thérapeutique car ils subissaient quand ils étaient administrés oralement ou dans le système sanguin une hydrolyse rapide ; le brevet enseigne dans sa description de l'art antérieur que l'homme du métier s'est tourné vers des substances ayant les mêmes effets mais résistant à l'hydrolyse et qu'il avait partiellement atteint son objectif en synthétisant des diphosphonates.
Les parties invoquent les mêmes antériorités au titre du défaut de nouveauté pour la société RATIOPHARM GmbH et la société LABORATOIRE RATIOPHARM que du défaut d'inventivité pour l'ensemble des sociétés défenderesses, outre les documents FLEISCH et TABACHNIK.
*sur le défaut de nouveauté.
Par rapport au document FR 2 259 615 dénommé HENKEL.
Ce brevet a été publié le 29 août 1975 soit près de 7ans avant la date de priorité du brevet français FR 2 525 223.

Il décrit la formule du pamidronate C3 dont la formule comprend pour R une chaîne de 2 atomes de carbone suivie d'un groupe amino NH2 et pour R'un groupe hydroxyle (OH).
Ce brevet antériorise un autre acide disphosphonique C3 qui a une chaîne de 2 atomes et non l'alendronate C4 qui a une chaîne de 3 atomes.
Il ne constitue pas une antériorité de toutes pièces qui détruirait la nouveauté de l'alendronate comme application médicamenteuse pour l'ostéoporose.
Par rapport aux brevet FR 2 499 408 dit GENTILI.
Ce brevet a été publié le 13 août 1982.
Il décrit la formule du néridronate C6 dont la formule comprend pour R une chaîne de 5 atomes de carbone attachée à un atome de carbone suivie d'un groupe amino NH2 et pour R'un groupe hydroxyle (OH) ;
Ce brevet antériorise un autre acide disphosphonique C6 qui a une chaîne de 5 atomes et non l'alendronate C4 qui a une chaîne de 3 atomes.
Il ne constitue pas une antériorité de toutes pièces qui détruirait la nouveauté de l'alendronate comme application médicamenteuse pour l'ostéoporose.
Par rapport au brevet EP 39033 dit BLUM / HENKEL.
Ce brevet a été publié le 4 novembre 1981, quelques mois avant la date de priorité du brevet français FR 2 525 223.
Il s'agit d'un brevet de procédé pour préparation d'acide bisphosphoniques dont la formule comprend pour R une chaîne de " n " atomes de carbone suivie d'un groupe amino NH2 et pour R'un groupe hydroxyle (OH), le nombre n est compris entre 3 et 5.
Si cette formule est la même que celle contenue dans la revendication très générale 1, elle n'a pas pour but d'être une application thérapeutique de l'ostéoporose ; cette possibilité est citée au détour du brevet qui a pour but de protéger une invention de procédé pour préparation de ces sels utilisés également dans le domaine cosmétique (adoucissement d'eau, adoucisseur).
En conséquence, faute de constituer une antériorité de toutes pièces de l'application thérapeutique, le brevet BLUM / HENKEL ne peut fonder une nullité pour défaut de nouveauté du brevet français FR 2 525 223.

La nullité du brevet français FR 2 525 223 pour défaut de nouveauté formée par la société RATIOPHARM GmbH et la société LABORATOIRE RATIOPHARM sera rejetée comme mal fondée.
*sur le défaut d'activité inventive
Les sociétés ARROW GÉNÉRIQUES et EG LABO LABORATOIRES EUROGENERICS et la société RATIOPHARM GmbH et la société LABORATOIRE RATIOPHARM soutiennent que le brevet français FR 2 525 223 serait nul pour défaut d'activité inventive au vu des mêmes documents que ceux sur lesquels étaient fondés le défaut de nouveauté, outre les documents TABACHNIK.
La société MSD SOMERSET oppose des documents FELIX, CANFIELD et SHINODA et donne une interprétation différente des documents versés au débat.
Comme il a déjà été dit plus haut, étaient connus les diphosphonates, leur formule générale (brevet EP 39033 dit BLUM / HENKEL), leurs différentes structures chimiques, leurs propriétés dans la résorption osseuse et à tout le moins dans le domaine des mécanismes biologiques de la fixation du calcium par l'os.
Les parties s'accordent pour définir l'homme du métier comme un chimiste spécialisé dans le domaine des principes actifs utiles dans le traitement des maladies osseuses.
Le brevet EP 39033 dit BLUM / HENKEL cite la formule générale des diphosphonates telle que reprise dans la revendication 1 du brevet français FR 2 525 223, et il a pour objet un procédé de préparation perfectionné d'acides diphosphoniques pour obtenir des produits purs sans grands frais.
S'il est vrai que les applications du procédé de préparation breveté par le brevet EP 39033 dit BLUM / HENKEL sont essentiellement les détergents, il n'en demeure pas moins que les applications pharmaceutiques y sont citées et que l'homme du métier qui connaît les points de convergence entre les différents domaines s'intéressant aux principes actifs sur lesquels il travaille, doit nécessairement prendre connaissance des procédés de préparation qui les concernent.
L'homme du métier connaissait donc nécessairement avant la date de priorité du brevet la formule générale des acides diphosphoniques et plus précisément ceux allant de 3 à 5 atomes de carbone dans la chaîne.
Le document FLEISCH est une publication de 1981, donc antérieure à la date de priorité du brevet intitulée " diphosphonates : historique et mécanismes d'action3. Il traite de la résorption osseuse et rappelle que les premiers résultats datent de 1968 (document FLEISCH de 1969), que ces produits sont extrêmement actifs dans l'inhibition de la résorption osseuse.

Il précise qu'il semble que l'augmentation de la longueur de la chaîne du squelette carboné augmente l'activité. Il cite le pamidronate C3 comme également très actif et indique qu'il ne serait pas surprenant que les premiers composés testés soient loin d'être optimaux et que des recherches additionnels sur d'autres diphosphonates aboutissent à l'avenir au développement de composés innovants utiles ".
Les sociétés défenderesses soutiennent que l'homme du métier connaissant ces deux documents, devaiENt nécessairement rechercher des acides diphosphoniques composés d'une chaîne d'atomes carbonés plus longue que le pamidronate pour aboutir à une application thérapeutique plus efficace.
La société MSD SOMERSET LTD prétend que le document de FLEISCH de 1981 ne viserait que les acides diphosphonates à chaîne longue et que l'homme du métier n'aurait pas appliqué cet enseignement au pamidronate ; que FLEISCH lui- même aurait écrit dans d'autres textes qu'il était plus efficient de tourner sa recherche vers une autre famille de diphosphonates, qu'un fort préjugé scientifique interdisait de tester un diphosphonate dans la famille du pamidronate en raison de la forte toxicité de ce dernier décrite dans les documents CANFIELD et SHINODA. Enfin, elles ajoutent que le degré d'efficacité inattendu de l'alendronate ne pouvait être soupçonné par l'homme du métier ce qui témoignerait de l'existence d'une activité inventive.
Il ressort des pièces versées au débat d'une part que la séparation entre les différentes familles de diphosphonates n'est pas telle qu'elle constitue un préjugé tel que l'homme de métier n'utiliserait pas les enseignements d'une famille à l'autre ; que les rapports d'expertise versés au débat (Newton, Roméo) montrent que ces derniers ne s'accordent même pas sur le nombre de familles de diphosphonates, deux ou trois, donc sur l'attribution des acides dans l'une ou l'autre des familles ; de plus, l'effet de l'allongement de la chaîne de carbone devait être conjugué avec le facteur groupement amino et l'existence d'un groupement hydroxy en position 1 ; ainsi, l'homme du métier savait qu'il n'existait pas un seul facteur (la longueur de la chaîne de carbones) pour déterminer le diphosphonate le plus efficace en matière d'ostéoporose mais que ce facteur devait se combiner avec les autres cités plus haut.
Le document FÉLIX cité par la société MSD SOMERSET LTD est un résumé sous forme d'affiche d'une présentation signée FÉLIX, FLEISCH et autres au cours d'un Symposium CEMO (Centre d'Etudes des Maladies Ostéo- Articulaires de Genève) du 1er au 4 novembre 1981, d'un test effectué sur le néridronate C6 (5atomes carbonés dans la chaîne) ; il précise que le produit est moins actif sur la résorption osseuse que le pamidronate C3 alors qu'il contient 6 atomes au lieu de 3.

Ainsi et contrairement à ce que soutiennent les sociétés demanderesses, le document FÉLIX ne constitue pas la preuve que l'homme du métier n'était pas incité à chercher un rallongement de la chaîne carbonée puisque les chercheurs qui travaillaient sur ce sujet l'avaient fait, mais qu'un allongement excessif de 3 à 6 n'était pas utile ; ce document n'a pour conséquence que de limiter les recherches de l'homme du métier dans un allongement qui se situe entre 4 ou 5 atomes de carbone.
Quant au caractère toxique du pamidronate C3, il ne pouvait avoir pour conséquence d'inciter l'homme du métier à cesser toute recherche dans la famille de diphosphonates à groupe amino mais, au contraire, à tenter d'augmenter l'efficacité en augmentant un peu la longueur de la chaîne carbonée et en vérifiant que le caractère toxique pouvait baisser dans le même temps, puisque le document FÉLIX ne dit pas que le caractère toxique du néridronate s'était accru avec la longueur de la chaîne.
En conséquence, l'homme du métier ayant connaissance des différents brevets et publications antérieurs, aurait nécessairement placé les composés C4 et C5 en tête de liste de son programme de tests à but thérapeutique, ce qui exclut toute activité inventive.
Sur le dernier élément relatif à l'efficacité inattendue voire miraculeuse de l'alendronate qui constituerait à elle seule la preuve de l'activité inventive, il convient de dire que l'effet bonus est indépendant de toute activité inventive et ne résulte d'aucune prévision faite par L4homme du métier ; il n'est que la surprise heureuse du résultat des tests programmés sur l'une des deux molécules qui restaient à tester pour trouver un médicament efficace et non toxique pour traiter l'ostéoporose à partir d'une famille de composés chimiques déjà connus pour ses effets sur la résorption osseuse.
En conséquence, les revendications du brevet français FR 2 525 223 relatives à la formule générale des diphosphonates (1), à la formule de l'acide alendronique à titre de principe actif pour inhiber la résorption osseuse (5), pouvant être formulé pour une administration par voie orale (2) ou systémique (3), sont nulles pour défaut d'activité inventive.
Les motifs de nullité justifient de limiter les revendications du brevet français FR 2 525 223 de sorte que le produit pour lequel le CCP a été délivré ne soit plus couvert par ce brevet.
Le CCP No 96C0032 sera également déclaré nul et La société MSD SOMERSET LTD sera déboutée de l'ensemble de ses demandes relatives à la contrefaçon.

Sur les demandes reconventionnelles des sociétés défenderesses en nullité des revendications 1 à 4 du brevet EP 0 402 152 dont est titulaire la société MERCK et Co Inc.
Le brevet EP 0 402 152 a pour priorité un brevet américain du 9 juin 1989 ; il est relatif pour ses quatre premières revendications à un sel cristallin trihydraté de l'acide amino-4 hydroxy butylidene bisphosphoniques-1, et pour les 6 dernières à un procédé pour sa préparation et ses compositions et utilisation.
La société RATIOPHARM GmbH et la société LABORATOIRE RATIOPHARM et les sociétés ARROW GENERIQUES et EG LABO LABORATOIRES EUROGENERICS soutiennent la nullité des quatre premières revendications pour défaut de nouveauté et défaut d'inventivité et rappellent que la société MERCK a renoncé à ces revendications en Allemagne en 2004, en Belgique, aux Pays Bas, en Italie, en Autriche et en Suisse en 2005.
La société MERCK et Co Inc conteste les antériorités opposées, le poster DEMARCO et le brevet FR 2 525 223 au motif qu'au jour du dépôt, la procédure opératoire à suivre pour préparer le sel cristallin trihydraté de l'acide amino-4 hydroxy butylidene bisphosphoniques-1, n'était pas connue.
Or force est de constater que les sociétés défenderesses ne demandent pas la nullité du procédé breveté mais celle du produit revendiqué.
La revendication 1 est rédigée comme suit : Trihydrate cristallin du sel monosodique de l'acide amino-4 hydroxy butylidene1, 1 disphosphonique. La revendication 2 : Composé selon la revendication 1 sous la forme d'une poudre s'écoulant librement. La revendication 3 : Composé selon la revendication 1 ou 2 destiné à être employé pour la fabrication d'une composition pharmaceutique. La revendication 4 : Composition pharmaceutique comprenant un composé selon la revendication 1 ou 2.
Les sociétés défenderesses font valoir que le sel cristallin trihydraté de l'acide amino-4 hydroxy butylidene bisphosphoniques-1, est la forme sodique de l'alendronate qui était déjà connu, et la forme hydratée en l'espèce trihydratée ; que l'art antérieur décrit dans le brevet précise que des procédés d'analyse du sel monosodique de l'acide amino-4 hydroxy butylidene1, 1 disphosphonique, ont été décrit avant le 9 juin 1989 et qu'un document GBA 2 166 741 également cité dans le brevet décrit la préparation du même acide et son titrage potentiométrique.

Le produit protégé par le brevet EP 152 de la société MERCK pour être protégeable doit être nouveau.
Des procédés d'analyse du sel monosodique de l'acide amino-4 hydroxy butylidene bisphosphoniques-1, existant au jour de la priorité du dépôt, comme le reconnaît la partie descriptive du brevet, la seule caractéristique pouvant fonder une nouveauté du produit était sa forme trihydratée.
Or, le document intitulé DEMARCO, poster exposé lors du symposium international qui s'est tenu du 16 au 19 mai 1989 divulgue le sel monosodique trihydraté de l'acide amino-4 hydroxy butylidene bisphosphoniques-1.
Du fait de cette divulgation antérieure à la priorité invoquée du brevet européen, les revendications 1 à 4 sont nulles pour défaut de nouveauté.
Enfin, le rapport d'analyse SCHOTTENBERGER ET GRIESSER, certes postérieur puisque datant de 2004, établit sans contestation possible le fait que l'accession au sel monosodique sous forme solide entraîne automatiquement l'obtention de cristaux dudit sel avec trois molécules d'eau, il n'existe pas d'autre forme du sel cristallin de l'acide amino-4 hydroxy butylidene bisphosphoniques-1, que trihydratée
La société MERCK ne peut en conséquence s'attribuer une forme trihydratée préexistante du sel monosodique de l'acide amino-4 hydroxy butylidene bisphosphoniques-1.
Il sera fait droit aux demandes de nullité de la revendication 1 du brevet EP 0 402 152 en ce qu'elle tend à protéger un produit qui n'est pas nouveau, de la revendication 2 qui est dépendante et qui n'a d'autre objet que de décrire la consistance de ce sel cristallin et des revendications 3 et 4 dépendantes des revendications précédentes en ce qu'elles précisent que ce produit a pour objet d'entrer dans la composition d'un médicament ce qui est déjà connu depuis l'alendronate.

3- sur les autres demandes.
L'exécution provisoire est compatible avec la nature de l'affaire, elle est nécessaire et sera ordonnée.
Les conditions sont réunies pour allouer la somme de 25. 000 euros à chacune des sociétés RATIOPHARM GmbH et LABORATOIRE RATIOPHARM d'une part et la somme de 25. 000 euros à chacune des sociétés ARROW GÉNÉRIQUES et EG LABO LABORATOIRES EUROGENERICS d'autre part au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS
Statuant par remise au greffe, par jugement contradictoire et en premier ressort,

- Déclare les sociétés ARROW GENERIQUES et EG LABO LABORATOIRES EUROGENERICS et la société RATIOPHARM GmbH et la société LABORATOIRE RATIOPHARM recevables à demander la nullité des revendications 1 à 3 du brevet FR 2 525 223.
- Déclare nulles pour défaut d'activité inventive les revendications 1, 2, 3 et 5 du brevet FR 2 525 223 dont la société MSD SOMERSET LTD est titulaire.
En conséquence, déclare nul le CCP No 96C0032.
- Déclare mal fondée la demande de contrefaçon formée par la société MSD SOMERSET LTD à l'encontre des sociétés ARROW GENERIQUES et EG LABO LABORATOIRES EUROGENERICS et de la société LABORATOIRE RATIOPHARM.
- L'en déboute.
- Déclare nulles pour défaut de nouveauté les revendications 1 à 4 de la partie française du brevet EP 0 402 152 dont la société MERCK est titulaire.
- Dit que la présente décision, une fois définitive, sera, sur simple réquisition de Madame le Greffier, ou à l'initiative de la partie la plus diligente, transmise à l'Institut National de la Propriété Industrielle pour être portée au Registre National des Brevets.
- Condamne in solidum la société MSD SOMERSET LTD et la société MERCK et Co Inc à payer aux sociétés ARROW GENERIQUES et EG LABO LABORATOIRES EUROGENERICS la somme de 25. 000 euros (VINGT CINQ MILLE EUROS) chacune sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
- Condamne in solidum la société MSD SOMERSET LTD et la société MERCK et Co Inc à payer à la société RATIOPHARM GmbH et la société LABORATOIRE RATIOPHARM la somme de 25. 000 euros (VINGT CINQ MILLE EUROS) chacune sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

- Ordonne l'exécution provisoire du présent jugement.
- Déboute les parties du surplus de leurs demandes.
- Condamne in solidum la société MSD SOMERSET LTD et la société MERCK et Co Inc aux dépens dont distraction au profit de Mo Robert GUILLAUMOND (ADAMAS) et de Mo Grégoire TRIET, avocats, conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.
FAIT A PARIS et RENDU le DOUZE FÉVRIER DEUX MIL HUIT. /.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Tribunal de grande instance de Paris
Formation : Chambre civile 3
Numéro d'arrêt : 06/00601
Date de la décision : 12/02/2008
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.grande.instance.paris;arret;2008-02-12;06.00601 ?
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