3ème chambre 2ème section
Assignation du : 05 Avril 2005
JUGEMENT rendu le 22 Février 2008
DEMANDEURS
Monsieur Kenneth X.......... 91104 (Etat de Californie) ETATS- UNIS
Monsieur Monsieur Laurent A...- B..., Avocat... 75020 PARIS
représenté par Me Vincent LOIR, avocat au barreau de PARIS, vestiaire E. 874
DÉFENDERESSE
S. A. UNIVERSAL MUSIC FRANCE 20, rue des Fossés Saint- Jacques 75005 PARIS
représentée par Me Nicolas BOESPFLUG, avocat au barreau de PARIS, vestiaire E. 329
COMPOSITION DU TRIBUNAL
Véronique RENARD, Vice- Président, signataire de la décision Sophie CANAS, Juge Guillaume MEUNIER, Juge
assistée de Marie- Aline PIGNOLET, Greffier, signataire de la décision
DEBATS
A l'audience du 14 Décembre 2007 tenue en audience publique
JUGEMENT
Prononcé par remise de la décision au greffe Contradictoire en premier ressort
FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
Z... Ali A... dit Kenny B..., batteur de jazz de renommée internationale qui a pris part à compter des années 1950 à de nombreux concerts et séances d'enregistrement, est décédé le 26 janvier 1985, laissant pour héritiers ses deux enfants, Monsieur Kenneth X... Jr et Monsieur Laurent A...- B....
Indiquant avoir constaté, au cours de l'année 2000, la réédition et la commercialisation par la société anonyme UNIVERSAL MUSIC de plusieurs phonogrammes du commerce reproduisant la prestation de leur père sans que leur autorisation ait été sollicitée et sans qu'aucune rémunération ne leur ait été versée, Messieurs Kenneth X... et Laurent A...- B... ont, selon acte d'huissier en date du 15 mai 2001, fait assigner la société UNIVERSAL MUSIC devant le Tribunal de Grande Instance de PARIS pour voir interdire la commercialisation desdits phonogrammes et condamner la défenderesse au paiement de dommages- intérêts en réparation de l'atteinte portée aux droits d'artiste- interprète de leur père.
Par jugement rendu le 17 mai 2002, le Tribunal de céans a :
- dit qu'en reproduisant et en commercialisant les enregistrements suivants : * DIZZY U... " The Giant " réédition du LP America 6133 réf 159 734-2 * Harold D..., June Y..., André E... " Chanteurs, chanteuses " réédition du LP Barclay 70105 et du LP Fontana 464 451 réf 013 036-2 * Barney F... " Jazz sur Seine " réédition du LP Philips 77127, réf 548 317, * Oscar R... " Stephan G... quartet " vol 1 et 2 réédition du LP America 6129 et 6141, réf 013028-2 et 013 029-2, * Rhoda H... et Kenny B..., réédition du LP BARCLAY 90138, réf 549 287-2, * Eddy I... " Bohémia after dark " réédition du LP America 6132, réf 013140-2, * Jazz et Cinéma vol 1 réédition du LP 25 cm Fontana 660 226, réf 548 318-2, la société UNIVERSAL MUSIC a porté atteinte aux droits d'artiste- interprète de Kenny B... dont sont investis Messieurs Kenneth X... et Laurent A...- B...,
- en conséquence, interdit la poursuite des actes précités sous astreinte de 30 euros par infraction constatée passé un délai d'un mois à compter de la signification de la présente décision,
- condamné la société UNIVERSAL MUSIC à verser aux demandeurs les sommes de 45. 000 euros à titre de dommages- intérêts et de 2. 100 euros au titre des frais irrépétibles, ainsi qu'aux entiers dépens.
Suivant arrêt en date du 12 novembre 2003, la Cour d'Appel de PARIS a :
- confirmé le jugement déféré, sauf en ce qui concerne l'exploitation du phonogramme " DIZZY U... The Giant " réédition du LP America 6133 réf 159 734-2, le montant des dommages- intérêts et la mesure d'interdiction sous astreinte,
- le réformant de ces seuls chefs et statuant à nouveau, donné acte à Messieurs Kenneth X... et Laurent A...- B... de ce qu'ils se désistent de leur demande indemnitaire au titre de l'exploitation du phonogramme " DIZZY U... The Giant " réédition du LP America 6133 réf 159 734-2,
- condamné la société UNIVERSAL MUSIC à leur verser la somme de 42. 000 euros à titre de dommages- intérêts,
- débouté Messieurs Kenneth X... et Laurent A...- B... de leur demande d'interdiction sous astreinte,
- y ajoutant, condamné la société UNIVERSAL MUSIC à payer à Messieurs Kenneth X... et Laurent A...- B... la somme de 10. 000 euros au titre des frais irrépétibles d'appel ainsi qu'aux dépens,
- rejeté toutes autres demandes.
Faisant valoir qu'ils ont pu constater au cours de l'année 2003 que la société UNIVERSAL MUSIC persistait dans ses agissements en rééditant et commercialisant, sans leur autorisation, deux nouveaux phonogrammes reproduisant la prestation de leur père, intitulés " Lou S..., Pentacostal feeling, réédition du LP Philips réf 70 325 " et " Lester K..., Le dernier message de Lester K..., réédition du LP Verve 8378 ", Messieurs Kenneth X... et Laurent A...- B... ont, selon acte d'huissier en date du 05 avril 2005, fait assigner la société UNIVERSAL MUSIC aux fins d'obtenir, sous le bénéfice de l'exécution provisoire, l'allocation de la somme de 30. 000 euros à titre de dommages- intérêts et de la somme de 5. 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'une mesure d'interdiction sous astreinte de 150 euros par infraction constatée.
Les parties s'étant rapprochées en vue de parvenir à un accord, l'affaire a fait l'objet d'un retrait du rôle suivant ordonnance en date du 02 décembre 2005.
L'affaire a été rétablie au rôle du Tribunal sur conclusions des demandeurs à cette fin en date du 28 février 2006, dans lesquelles ils indiquent qu'outre les deux albums visés dans leur acte introductif d'instance et les six albums objets de la précédente procédure, la société UNIVERSAL MUSIC FRANCE commercialise sans autorisation treize autres albums reproduisant les interprétations de leur père.
Dans leurs dernières conclusions signifiées le 11 janvier 2007, Messieurs Kenneth X... et Laurent A...- B... demandent au Tribunal de :
- condamner la société UNIVERSAL MUSIC à leur payer la somme de 225. 000 euros à titre de dommages- intérêts pour atteinte aux droits d'artiste- interprète de leur père Z... Ali A... dit Kenny B...,
- faire interdiction, sous astreinte de 150 euros par infraction, à la société UNIVERSAL MUSIC de commercialiser les phonogrammes du commerce : * Lou S..., " Pentacostal feeling ", réédition du LP Philips réf 70 325 * Lester K..., " Le dernier message de Lester K... ", réédition du LP Verve 8378 * All smiles- Kenny B... et Francy L... big band, * More smiles- Kenny B... et Francy L... big band, * V...- Kenny B... et Francy L... big band, * All blues- Kenny B... et Francy L... big band, * Sax no end- Kenny B... et Francy L... big band, * Change of scenes- Stan W... et Kenny XX... et Francy YY... big band, * Clark M... * Jazz in Paris, Plays André N... * Bud O..., The Ultimate Collection * The complete Bud O... on Verve (Best of, coffret de 5 disques) * Take five- Rhoda H... * Jazz in Paris- Sydney P...- Claude Q... et ses Lorientais * Jazz in Paris- Nuages Elek BB...,
- condamner la société UNIVERSAL MUSIC à leur payer la somme de 42. 000 euros à titre de dommages- intérêts au titre de la poursuite de la commercialisation après le 12 novembre 2003 des albums Harold D... / June Y... / André E... " Chanteurs, chanteuses ", Barney F... " Jazz sur Seine ", Oscar R... " Stephan G... quartet " vol 1 et 2, " Rhoda H... et Kenny B... ", Eddy I... " Bohémia after dark ", " Jazz et Cinéma vol 1 ",
- faire injonction à la société UNIVERSAL MUSIC de communiquer son catalogue d'exploitation phonographique sous astreinte de 100 euros par jour de retard,
- débouter la société UNIVERSAL MUSIC de toutes ses demandes, fins et conclusions,
- ordonner l'exécution provisoire de la décision à intervenir,
- condamner la société UNIVERSAL MUSIC à leur payer la somme de 5. 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
Dans le dernier état de ses écritures en date du 19 février 2007, la société UNIVERSAL MUSIC FRANCE conclut au débouté de Messieurs Kenneth X... et Laurent A...- B... de l'ensemble de leurs demandes et sollicite la condamnation de ces derniers à lui verser la somme de 10. 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile. Elle fait en premier lieu valoir, s'agissant des supports précédemment incriminés, que le paiement de l'indemnité allouée aux fils de Kenny B... par l'arrêt du 12 novembre 2003 emporte autorisation d'exploitation des interprétations en cause, cette indemnité s'analysant en une rémunération forfaitaire réparant intégralement le préjudice subi. Elle soutient en deuxième lieu que, s'agissant des supports nouvellement incriminés, les demandeurs ne rapportent pas la preuve que les huit disques compacts intitulés " All smiles- Kenny B... et Francy L... big band ", " More smiles- Kenny B... et Francy L... big band ", " V...- Kenny B... et Francy L... big band ", " All blues- Kenny B... et Francy L... big band ", " Sax no end- Kenny B... et Francy L... big band ", " Change of scenes- Stan W... et Kenny XX... et Francy YY... big band ", " Clark M... ", " Bud O..., The Ultimate Collection " et le coffret de disques compacts intitulés " The complete Bud O... on Verve " ont été commercialisés par la société UNIVERSAL MUSIC FRANCE, que les producteurs des enregistrements en cause ont au surplus régulièrement acquis les droits d'exploitation des diverses interprétations en faisant l'objet, et que les enregistrements à la réalisation desquels a participé Kenny B... que comporte le disque compact intitulé " Clark M... " datent de 1954 de sorte que les interprétations litigieuses ne sont plus protégées depuis le 01er janvier 2005 conformément aux dispositions de l'article L. 211-4 du Code de la Propriété Intellectuelle. Elle indique enfin, s'agissant des supports nouvellement incriminés et qu'elle commercialise, qu'elle justifie d'une cession de droits pour le disque compact intitulé " Lester K..., Le dernier message de Lester K... ", que les trois enregistrements à la réalisation desquels a participé Kenny B... que comporte le disque compact intitulé " Take five- Rhoda H... " font partie du disque compact " Rhoda H... et Kenny B... " au titre duquel elle a versé la somme de 6. 000 euros en exécution de l'arrêt de la Cour d'Appel de PARIS du 12 novembre 2003, paiement qui emporte autorisation d'exploitation desdites interprétations, que les enregistrements que comporte le disque compact intitulé " Jazz in Paris- Sydney P...- Claude Q... et ses Lorientais " datent de 1949 de sorte que les interprétations de Kenny B... qui en font l'objet ne sont plus protégeables depuis le 01er janvier 2000, que s'agissant des disques compacts de la collection " Jazz in Paris " intitulés " Lou S..., Pentacostal feeling ", " Plays André N... " et " Nuages Elek BB... ", les dispositions de l'article L. 212-3 du Code de la Propriété Intellectuelle exigeant une autorisation écrite ne sont pas applicables compte tenu de la date des enregistrements dont ils dont constitués, que le fait que Kenny B... n'ait jamais contesté la commercialisation desdits enregistrements alors qu'il en avait nécessairement connaissance confirme qu'il a autorisé cette commercialisation et a été rémunéré, et subsidiairement qu'en contrepartie du paiement des dommages- intérêts éventuellement alloués, elle devrait pouvoir continuer la commercialisation des enregistrements en cause.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 27 avril 2007.
MOTIFS DE LA DÉCISION
- Sur l'atteinte aux droits d'artiste- interprète
* Sur les sept phonogrammes précédemment incriminés
Attendu qu'ainsi qu'il a été précédemment exposé, le Tribunal de céans a estimé, selon jugement rendu le 17 mai 2002, confirmé de ce chef par l'arrêt de la Cour d'Appel de PARIS en date du 12 novembre 2003, qu'en reproduisant et commercialisant les phonogrammes intitulés " Harold D... / June Y... / André E...- Chanteurs, chanteuses ", " Barney F...- Jazz sur Seine ", " Oscar R...- Stephan G... quartet- vol 1 et 2 ", " Rhoda H... et Kenny B... ", " Eddy I...- Bohémia after dark " et " Jazz et Cinéma vol 1 ", la société UNIVERSAL MUSIC FRANCE a porté atteinte aux droits d'artiste- interprète de Kenny B... dont son investis Messieurs Kenneth X... et Laurent A...- B... en leur qualité d'héritiers ;
Que la société UNIVERSAL MUSIC FRANCE ne conteste pas poursuivre depuis le 12 novembre 2003 la commercialisation des disques compacts litigieux ;
Que pour s'exonérer de toute responsabilité, elle soutient que l'indemnité de 6. 000 euros par phonogramme qui a été allouée aux demandeurs par les juges du second degré constitue la contrepartie de l'autorisation de reproduire les interprétations de Kenny B... et répare entièrement leur préjudice, de sorte qu'elle a pu depuis cette date licitement les exploiter ;
Qu'elle en veut pour preuve le fait que la Cour d'Appel a rejeté la mesure d'interdiction sous astreinte sollicitée par Messieurs Kenneth X... et Laurent A...- B... et accordée en première instance ;
Que cependant, une telle argumentation ne saurait prospérer dans la mesure où tant le Tribunal que la Cour d'Appel ont considéré que la société UNIVERSAL MUSIC FRANCE ne justifiait pas, pour les sept enregistrements litigieux, de l'autorisation donnée par Kenny B... à la reproduction et à la commercialisation, sous forme de phonogrammes, de son interprétation et ont retenu que ces faits constituaient une atteinte à ses droits d'artiste- interprète ;
Que la mesure d'interdiction n'a été écartée par la juridiction d'appel qu'au motif que les autres artistes- interprètes dont les prestations sont reproduites sur lesdits phonogrammes n'ont pas été appelés en la cause alors même qu'une telle mesure est de nature à porter atteinte à leurs droits ;
Que l'absence d'interdiction ne confère aucun droit d'exploitation et ne saurait en aucune façon s'interpréter comme autorisant la poursuite d'agissements délictueux ;
Attendu que l'atteinte aux droits patrimoniaux d'artiste- interprète de Kenny B..., dont sont investis Messieurs Kenneth X... et Laurent A...- B..., est ainsi caractérisée.
* Sur les quinze phonogrammes nouvellement incriminés
Attendu que Messieurs Kenneth X... et Laurent A...- B... reprochent par ailleurs à la société défenderesse de commercialiser, depuis 2003, quinze autres phonogrammes reproduisant les interprétations de leur père, et ainsi intitulés : * Lou S...- Pentacostal feeling * Lester K...- Le dernier message de Lester K... * All smiles- Kenny B... et Francy L... big band, * More smiles- Kenny B... et Francy L... big band, * V... 712- Kenny B... et Francy L... big band, * All blues- Kenny B... et Francy L... big band, * Sax no end- Kenny B... et Francy L... big band, * Change of scenes- Stan W... et Kenny XX... et Francy YY... big band, * Clark M... * Jazz in Paris, Plays André N... * Bud O..., The Ultimate Collection * The complete Bud O... on Verve (Best of, coffret de 5 disques) * Take five- Rhoda H... * Jazz in Paris- Sydney P...- Claude Q... et ses Lorientais * Jazz in Paris- Nuages Elek BB... ;
Attendu que la société UNIVERSAL MUSIC FRANCE objecte que les demandeurs n'établissent pas qu'elle commercialise les neuf albums intitulés " All smiles- Kenny B... et Francy L... big band ", " More smiles- Kenny B... et Francy L... big band ", " V... 712- Kenny B... et Francy L... big band ", " All blues- Kenny B... et Francy L... big band ", " Sax no end- Kenny B... et Francy L... big band ", " Change of scenes- Stan W... et Kenny XX... et Francy YY... big band ", " Clark M... ", " Bud O..., The Ultimate Collection " et " The complete Bud O... on Verve " (coffret de 5 disques) ;
Que pour en justifier, Messieurs Kenneth X... et Laurent A...- B... se contentent en effet de relever que l'examen des jaquettes des phonogrammes en cause démontre qu'ils sont produits par des sociétés et / ou labels du groupe UNIVERSAL et affirment qu'il est d'usage constant que les sociétés du groupe commercialisent sur leur territoire les productions des autres membres du groupe ;
Que cependant, les pochettes des CD intitulés " All smiles- Kenny B... et Francy L... big band ", " More smiles- Kenny B... et Francy L... big band " et " V... 712- Kenny B... et Francy L... big band " mentionnent uniquement les sociétés MPS Records et UNIVERSAL MUSIC Gmbh ;
Que les pochettes des albums " Bud O..., The Ultimate Collection " et " The complete Bud O... on Verve " font figurer la société POLYGRAM RECORDS Inc. et le label " VERVE " ;
Que de la même manière, sur la pochette du CD " Clark M... " apparaît la société POLYGRAM RECORDS Inc., aux côtés du label EMARCY RECORDS ;
Qu'enfin, s'agissant des phonogrammes intitulés " All blues- Kenny B... et Francy L... big band ", " Sax no end- Kenny B... et Francy L... big band " et " Change of scenes- Stan W... et Kenny XX... et Francy YY... big band ", les jaquettes ne sont pas produites et les extraits du site amazon. fr versés aux débats font référence au groupe " UNIVERSAL " sans autre précision ou encore au label " VERVE ", la mention " IMPORT " apparaissant en outre pour les deux premiers ;
Que dès lors, aucune pièce du dossier ne permet d'établir que la société UNIVERSAL MUSIC FRANCE est intervenue à un stade quelconque dans le processus de commercialisation en France des disques compacts litigieux ;
Que le Tribunal ne saurait, sans renverser la charge de la preuve, faire injonction à la défenderesse de produire son catalogue d'exploitation phonographique ;
Que les demandes formées à ce titre par Messieurs Kenneth X... et Laurent A...- B... seront donc rejetées, ce sans qu'il y ait lieu d'examiner les moyens soulevés surabondamment par la défenderesse et tenant d'une part à l'existence de cessions régulières de droits, et d'autre part à l'absence de protection des interprétations reproduites sur le disque compact intitulé " Clark M... " ;
Attendu que la société UNIVERSAL MUSIC FRANCE ne conteste pas commercialiser les six disques compacts intitulés " Lester K..., Le dernier message de Lester K... ", " Rhoda H...- Take five ", " Lou S..., Pentacostal feeling ", " Kenny XX...'s sextet plays André N... ", " Elek BB...- Nuages " et " Jazz in Paris- Sydney P... et Claude Q... ", mais invoque en substance, pour les cinq premiers, le caractère licite d'une telle exploitation et, pour le dernier, son absence de protection en application des dispositions de l'article L. 211-4 du Code de la Propriété Intellectuelle ;
Qu'il convient à ce stade de relever que s'agissant d'enregistrements réalisés entre 1949 et 1977, les dispositions de la loi du 03 juillet 1985 entrée en vigueur le 01er janvier suivant, relatives à l'exigence d'une autorisation écrite de l'artiste pour la fixation, la reproduction et la communication au public de sa prestation, n'ont pas vocation à s'appliquer, la preuve d'une telle autorisation pouvant dès lors être rapportée par tous moyens ;
Que concernant le phonogramme " Lester K..., Le dernier message de Lester K... ", constitué d'enregistrements réalisés le 04 mars 1959, la société défenderesse verse aux débats un contrat en date du 03 février 1958 conclu pour une durée d'un an à compter du 11 septembre 1958 entre la société VERVE RECORDS Inc. d'une part, et Lester K..., en sa qualité de " chef de file et représentant des employés ", d'autre part, et qui prévoit en son paragraphe 7 que " tous les enregistrements et tous les disques ainsi que toutes les reproductions qui en seront faites, au même titre que l'exécution musicale qu'ils matérialisent, seront intégralement (la) propriété " de la société VERVE RECORDS, aux droits de laquelle se trouve la société UNIVERSAL MUSIC FRANCE ;
Qu'elle justifie ainsi suffisamment de l'autorisation d'exploitation de son interprétation donnée par Kenny B..., qui accompagnait lors de ces enregistrements Lester K... à la batterie, sans que les demandeurs puissent valablement opposer, pour les raisons ci- dessus rappelées, que l'acte en cause n'est pas revêtu de sa signature ;
Que le fait que l'entrée en vigueur dudit contrat soit subordonnée à son approbation par le Comité Exécutif International de l'American Foundation of Musicians ou un agent dûment habilité de celle- ci est également sans portée dans le cadre de la présente instance dès lors qu'il n'est pas démontré qu'une telle approbation a effectivement fait défaut ;
Que Messieurs Kenneth X... et Laurent A...- B... verront donc rejeter leurs demandes à ce titre ;
Que s'agissant du disque compact intitulé " Rhoda H...- Take five ", il est établi que les trois enregistrements auxquels a participé Kenny B..., à savoir " Now's the time ", " What are you doing the rest of your life ? " et " Speak low ", étaient déjà reproduits sur le phonogramme de la collection " Jazz in Paris " intitulé " Rhoda H... et Kenny B... ", objet de la précédente procédure ;
Qu'ainsi qu'il a été précédemment exposé, la société UNIVERSAL MUSIC FRANCE ne saurait cependant valablement soutenir que le paiement de la somme de 6. 000 euros en exécution de l'arrêt de la Cour d'Appel de PARIS du 12 novembre 2003 a emporté autorisation d'exploitation des interprétations en cause, leur reproduction sur un nouvel album constituant en tout état de cause un acte d'exploitation distinct non visé dans le cadre de la précédente instance en contrefaçon ;
Que s'agissant des disques compact de la collection " Jazz in Paris " intitulés " Lou S..., Pentacostal feeling ", " Kenny XX...'s sextet plays André N... ", et " Elek BB...- Nuages ", la défenderesse prétend, en s'appuyant notamment sur les attestations de Messieurs Pierre ZZ... et André AA... et le témoignage écrit de Monsieur Gérard T..., qu'" il a toujours été admis que la participation d'un musicien à la réalisation d'un enregistrement phonographique emporte au profit du producteur de cet enregistrement l'autorisation de reproduire la prestation enregistrée du musicien en vue de la mettre à la disposition du public par la vente sous forme de supports phonographiques, le cachet versé au musicien constituant l'unique contrepartie de cette autorisation " et que " le fait que Kenny B... n'ait jamais contesté la commercialisation des enregistrements en cause alors qu'il en avait nécessairement connaissance puisqu'il résidait en France lors de leur première publication, laquelle n'a pu passer inaperçue compte tenu de la notoriété des artistes et producteur concernés, confirme amplement qu'il a autorisé cette commercialisation et a été rémunéré " ;
Que cependant, de telles affirmations ne sont corroborées en l'espèce par aucun élément relatif aux modalités de réalisation des enregistrements incriminés ainsi qu'aux cachets qui auraient été versés à Kenny B... à ce titre ;
Que l'absence de réaction de la part du musicien à l'exploitation desdits enregistrements n'emporte pas plus acquiescement de celui- ci, alors surtout qu'il n'est pas établi, mais seulement supputé, qu'il en ait eu effectivement connaissance ;
Que la société UNIVERSAL MUSIC FRANCE ne justifie donc pas de l'autorisation donnée par Kenny B... à la reproduction et à la commercialisation de son interprétation ;
Qu'enfin, s'agissant du disque compact de la collection " Jazz in Paris " intitulé " Sydney P... et Claude Q... " édité en 2000, la société UNIVERSAL MUSIC FRANCE se prévaut des dispositions de l'article L. 211-4 du Code de la Propriété Intellectuelle, aux termes desquelles " La durée des droits patrimoniaux objet du présent titre est de cinquante années à compter du 1er janvier de l'année civile suivant celle de l'interprétation pour les artistes- interprètes ", pour dénier toute protection aux interprétations de Kenny B... qui y sont reproduites, celles- ci ayant été enregistrées en 1949 ;
Que les demandeurs opposent que l'article L. 211-4 prévoit toutefois, en son cinquième alinéa, que " si une fixation de l'interprétation, un phonogramme ou un vidéogramme font l'objet d'une communication au public pendant la période définie aux trois premiers alinéas, les droits patrimoniaux de l'artiste- interprète ou du producteur du phonogramme ou du vidéogramme n'expirent que cinquante ans après le 1er janvier de l'année civile suivant cette communication au public " et qu'il n'est pas en l'espèce justifié d'une communication au public antérieure à l'an 2000 ;
Que cependant, le disque litigieux comporte, pour les enregistrements incriminés, la mention " (P) 1949 ", qui signifie, en application de l'article 11 de la Convention de Rome, que la première publication date de 1949 ;
Que dès lors, il convient de constater que les enregistrements litigieux ne sont plus protégés au titre des droits voisins depuis le 01er janvier 2000 ;
Que les demandes formées à ce titre par Messieurs Kenneth X... et Laurent A...- B... seront donc rejetées.
- Sur les mesures réparatrices
Attendu que la société UNIVERSAL MUSIC FRANCE, en poursuivant l'exploitation des phonogrammes intitulés " Harold D... / June Y... / André E...- Chanteurs, chanteuses ", " Barney F...- Jazz sur Seine ", " Oscar R...- Stephan G... quartet- vol 1 et 2 ", " Rhoda H... et Kenny B... ", " Eddy I...- Bohémia after dark " et " Jazz et Cinéma vol 1 ", postérieurement à l'arrêt rendu le 12 novembre 2003 par la Cour d'Appel de PARIS, a porté atteinte aux droits patrimoniaux d'artiste- interprète dont Messieurs Kenneth X... et Laurent A...- B... sont investis ;
Que leur préjudice à ce titre sera réparé par l'octroi de la somme de 42. 000 euros ;
Attendu par ailleurs qu'en reproduisant et en commercialisant, sous forme de phonogrammes du commerce, les enregistrements intitulés " Rhoda H...- Take five ", " Lou S..., Pentacostal feeling ", " Kenny XX...'s sextet plays André N... " et " Elek BB...- Nuages ", elle a également porté atteinte à leurs droits patrimoniaux d'artiste- interprète ;
Qu'il y a lieu à ce titre de leur allouer la somme de 40. 000 euros à titre de dommages- intérêts ; Que les autres artistes- interprètes dont les prestations sont reproduites sur les quatre phonogrammes litigieux n'ayant pas été appelés en la cause, il ne saurait, sans porter atteinte aux droits de ces musiciens, être fait droit à la mesure d'interdiction sollicitée.
- Sur les autres demandes
Attendu qu'il y a lieu de condamner la société UNIVERSAL MUSIC FRANCE, partie perdante, aux dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile ;
Qu'en outre, elle doit être condamnée à verser à Messieurs Kenneth X... et Laurent A...- B..., qui ont dû exposer des frais irrépétibles pour faire valoir leurs droits, une indemnité au titre de l'article 700 du Code de procédure civile qu'il est équitable de fixer à la somme de 5. 000 euros.
Attendu que les circonstances de l'espèce justifient le prononcé de l'exécution provisoire, qui est en outre compatible avec la nature du litige.
PAR CES MOTIFS
Le Tribunal, statuant publiquement, par mise à disposition au greffe, par jugement contradictoire et rendu en premier ressort,
- DIT qu'en poursuivant l'exploitation des phonogrammes intitulés " Harold D... / June Y... / André E...- Chanteurs, chanteuses ", " Barney F...- Jazz sur Seine ", " Oscar R...- Stephan G... quartet- vol 1 et 2 ", " Rhoda H... et Kenny B... ", " Eddy I...- Bohémia after dark " et " Jazz et Cinéma vol 1 ", postérieurement à l'arrêt rendu le 12 novembre 2003 par la Cour d'Appel de PARIS, la société UNIVERSAL MUSIC FRANCE a porté atteinte aux droits patrimoniaux d'artiste- interprète de Kenny B... dont Messieurs Kenneth X... et Laurent A...- B... sont investis ;
- DIT qu'en reproduisant et en commercialisant, sous forme de phonogrammes du commerce, les enregistrements intitulés " Rhoda H...- Take five ", " Lou S..., Pentacostal feeling ", " Kenny XX...'s sextet plays André N... " et " Elek BB...- Nuages ", la société UNIVERSAL MUSIC FRANCE a porté atteinte aux droits patrimoniaux d'artiste- interprète de Kenny B... dont Messieurs Kenneth X... et Laurent A...- B... sont investis ;
En conséquence,
- CONDAMNE la société UNIVERSAL MUSIC FRANCE à payer à Messieurs Kenneth X... et Laurent A...- B... la somme de 42. 000 euros ainsi que la somme de 40. 000 euros à titre de dommages- intérêts en réparation des préjudices ainsi subis ;
- DEBOUTE Messieurs Kenneth X... et Laurent A...- B... de leur demande d'interdiction sous astreinte ;
- REJETTE toutes autres demandes ;
- CONDAMNE la société UNIVERSAL MUSIC FRANCE à payer à Messieurs Kenneth X... et Laurent A...- B... la somme de 5. 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
- CONDAMNE la société UNIVERSAL MUSIC FRANCE aux dépens, qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile ;
- ORDONNE l'exécution provisoire.
Fait et jugé à PARIS le 22 février 2008.
Le Greffier Le Président