T R I B U N A L
D E GRANDE
I N S T A N C E
D E P A R I S
3ème chambre 3ème section
No RG :
06 / 17515
No MINUTE :
Assignation du :
06 Décembre 2006
JUGEMENT
rendu le 06 Février 2008
DEMANDEUR
Monsieur Gadh X...
...
75011 PARIS
représenté par Me Lorraine GAY, avocat au barreau de PARIS, vestiaire C2541
DÉFENDEURS
Société SUNSET PRESSE
98 route de la Reine
92100 BOULOGNE BILLANCOURT
Monsieur Arnaud Y...
...
75016 PARIS
représentés par Me Virginie LAPP, avocat au barreau de PARIS, vestiaire D1974
Monsieur Emmanuel Z...
...
75004 PARIS
représenté par Me André SCHMIDT, avocat au barreau de PARIS, vestiaire P. 391
COMPOSITION DU TRIBUNAL
Elisabeth BELFORT, Vice- Président, signataire de la décision
Agnès THAUNAT, Vice- Président
Michèle PICARD, Vice- Président,
assistée de Marie- Aline PIGNOLET, Greffier, signataire de la décision
DEBATS
A l'audience du 08 Janvier 2008
tenue en audience publique
JUGEMENT
Prononcé par remise de la décision au greffe
Contradictoire
en premier ressort
I- RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE :
Monsieur Gadh X... est journaliste et auteur de documentaires audiovisuels. Il a ainsi travaillé pour la société SUNSET PRESSE avant de rejoindre l'Agence CAPA en 1998.
Alors qu'il travaillait pour la société SUNSET il a eu l'idée de réaliser un film documentaire relatif à l'attentat perpétré lors des jeux olympiques de Munich en 1972 et intitulé " La liste Golda " en référence à la liste des auteurs de l'attentat que Golda Meir avait donné l'ordre d'abattre. C'est ainsi qu'il a rédigé le synopsis du film et qu'il a entrepris des démarches visant à trouver un financement pour le réaliser.
Ces initiatives n'ayant pas abouti et il a délaissé le projet sans signer de contrat de cession de cette oeuvre.
Le 12 décembre 2001, il recevait un courrier de la SCAM lui demandant de compléter par sa signature un bulletin de déclaration relatif à l'oeuvre audiovisuelle intitulée " La liste de Golda ". Il apprenait ainsi que son oeuvre avait été réalisée et produite au cours de l'année 2000 et qu'elle avait été exploitée sur la chaîne de télévision France 3 les 15 mars et 8 août 2001.
Par ailleurs, alors qu'il travaillait encore pour la société SUNSET, Monsieur X... avait écrit et réalisé en 1997 un reportage intitulé " Les repentis de la mafia " diffusé sur la chaîne de télévision Antenne 2 dans le cadre de l'émission " Envoyé Spécial ". Ce documentaire avait fait l'objet d'un contrat de cession le 22 octobre 1996 dont l'article 2. 1 prévoyait outre une rémunération forfaitaire de 45. 000 francs, une rémunération proportionnelle fixée à " 5 % des recettes nettes part producteur ".
Par courrier en date du 27 janvier 2006, Monsieur X... demandait à la société SUNSET de régulariser sa situation s'agissant du documentaire " La liste de Golda " et de justifier des opérations d'exploitation du documentaire " Les repentis de la mafia ".
En l'absence de réponse satisfaisante, Monsieur X... faisait assigner la société SUNSET PRESSE et Monsieur Arnaud Y..., auteur, selon cette dernière, du scénario " La liste de Golda ", par acte d'huissier délivré le 6 décembre 2006. Il faisait également assigner Monsieur Emmanuel Z..., coauteur de " La liste de Golda " avec Monsieur Y..., par acte d'huissier délivré le 14 juin 2007.
Ces deux procédure ont été jointes par ordonnance du 17 septembre 2007.
Dans ses dernières conclusions signifiées le 4 décembre 2007 Monsieur Gadh X... demande au tribunal :
- S'agissant de " La liste de Golda ",
de dire que ce documentaire contrefait son oeuvre, de condamner in solidum les défendeurs à lui verser la somme de 40. 000 euros en réparation de son préjudice matériel et celle de 40. 000 euros en réparation de son préjudice moral, de leur faire interdiction d'exploiter ce documentaire sous astreinte, d'ordonner la publication du jugement, à titre subsidiaire de dire que les défendeurs ont commis des actes de parasitisme en utilisant son travail, son scénario et ses recherches de façon abusive et de les condamner à lui payer la somme de 40. 000 euros pour son préjudice matériel et la somme de 40. 000 euros pour son préjudice moral, de leur faire interdiction d'exploiter le documentaire sous astreinte et d'ordonner la publication de la décision,
- S'agissant de " Les repentis de la mafia " :
d'ordonner à la société SUNSET PRESSE de lui communiquer la totalité des états annuels de recettes provenant de l'exploitation de cette oeuvre depuis l'année 1997 ainsi que la copie des contrats par lesquels la société SUNSET a cédé à des tiers tout ou partie des droits dont il dispose, de condamner la société SUNSET à lyui verser une somme équivalente à 5 % des recettes nettes perçues par le producteur depuis le 30 janvier 1997 outre les intérêts depuis la première exploitation,
- et en tout état de cause de condamner in solidum les défendeurs à lui verser la somme de 10. 000 euros en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Dans ses dernières conclusions signifiées le 15 novembre 2007 la société SUNSET PRESSE et Monsieur Arnaud Y... demandent au tribunal de déclarer la demande de Monsieur X... irrecevable pour défaut de mise en cause du coauteur Monsieur Z..., de dire que Monsieur X... ne prouve pas sa qualité d'auteur, de dire que l'auteur réalisateur de l'oeuvre est Monsieur Emmanuel Z..., de dire que le co- auteur de l'oeuvre est Monsieur Y..., de dire qu'il n'y a pas contrefaçon, en conséquence de le débouter de ses demandes, de constater l'absence de préjudice, de dire que le contrat d'auteur en date du 22 octobre 1996 est conforme aux dispositions du Code de la propriété intellectuelle, de le débouter de ses demandes de communication et de publication, de le condamner à payer à chacun d'eux la somme de 5. 000 euros en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Monsieur Emmanuel Z... a signifié ses dernières conclusions le 17 décembre 2007. Il demande au tribunal de débouter Monsieur X... de ses demandes, de le condamner à lui payer la somme de 5. 000 euros pour procédure abusive et de le condamner à lui payer la somme de 7. 500 euros en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
II- SUR CE :
* Sur la recevabilité de la demande :
Monsieur Emmanuel Z..., co- auteur avec Monsieur Arnaud Y... de l'oeuvre " La liste de Golda ", ayant été assigné en intervention forcée le 14 juin 2007 la demande tendant à voir déclarer la procédure irrecevable est devenue sans objet.
* Sur la contrefaçon :
Monsieur X... fait valoir qu'il est l'unique auteur d'un projet de documentaire dont la conception s'est matérialisée par l'écriture d'un synopsis détaillé avec un titre original et que le film réalisé par Messieurs Z... et Y... est une contrefaçon de son oeuvre en ce qu'il reproduit les éléments caractéristiques de son synopsis.
Monsieur Z... ainsi que Monsieur Y... et la société SUNSET ne contestent pas le fait que M. X... a eu l'idée d'un projet documentaire sur le thème de l'attentat de Munich. C'est ainsi qu'ayant finalement réalisé le film, ils ont souhaité attribuer un pourcentage de 15 % de droits d'auteur à M. X... au titre de l'apport de l'idée et du concept. Cependant M. X... ne peut revendiquer la qualité d'auteur de ce film. L'oeuvre n'a pas été divulguée sous son nom, il ne bénéficie donc pas de la présomption légale, le document qu'il produit n'a pas date certaine et il ne prouve pas en être l'auteur. Enfin, ce document n'est qu'une compilation du livre de M. E...DAN intitulé " Opération Vengeance " et traitant de ce sujet et ne peut être considéré comme étant le synopsis d'un film documentaire.
Monsieur X... produit à l'appui de sa demande le document qu'il considère comme étant le synopsis du film documentaire réalisé par les défendeurs et qu'il souhaite voir protéger.
Le tribunal considère que le document produit intitulé " LA LISTE GOLDA " avec l'entête de la société SUNSET n'est pas réellement contestable puisque les défendeurs ont eux- mêmes reconnu que Monsieur X... était à l'origine du documentaire finalement réalisé.
Le document " LA LISTE GOLDA " est un cahier relié de 14 pages résumant le projet, soit le récit d'une réunion secrète s'étant tenue chez Madame Golda Meir à la suite des attentats de Munich et au cours de laquelle a été décidée l'exécution par les services secrets israéliens des commanditaires et tueurs ayant participé aux attentats. A cet effet une liste de ces auteurs était établie. Puis le projet se propose de décrire l'exécution des personnes figurant sur la liste.
Enfin, le projet propose quelques pistes de réalisation du documentaire en faisant une liste rapide des lieux de tournage, en indiquant que des documents d'archives seront utilisés et en proposant le recueil de témoignages mais sans autre précision.
Il convient de rappeler en premier lieu que, les idées étant de libre parcours, Monsieur X... ne peut revendiquer de protection sur la simple idée de réaliser un film documentaire ayant trait à des événements historiques. Seule la formalisation de cette idée, dans la mesure où elle porte l'empreinte de la personnalité de son auteur peut être susceptible de protection.
En l'espèce, le tribunal relève que le synopsis de Monsieur X... est en fait une synthèse de l'ouvrage de Monsieur E...DAN intitulé " Opération Vengeance ". Ainsi, la phrase mise en exergue du projet est une phrase attribuée à Golda Meir par Uri DAN dans son ouvrage. La description de la réunion secrète est reprise de l'ouvrage d'Uri DAN en l'absence de compte rendu officiel de cette réunion, et de manière générale le synopsis résume l'ouvrage jusqu'à parfois en recopier des paragraphes entiers.
De même, le titre du projet de Monsieur X... " LA LISTE GOLDA " est le titre du dernier chapitre du livre de Monsieur E..., légèrement modifié (LA LISTE DE GOLDA dans la traduction française), et désigne en général la fameuse liste établie lors de la réunion secrète tenue suite aux attentats.
Le projet de Monsieur X..., s'il donne quelques pistes sur les lieux de tournage et l'utilisation d'images d'archives, relativement évidentes compte tenu du sujet, n'apporte en revanche aucune précision sur les séquences, leur ordre, le noms des témoins à interviewer etc....
Il résulte des ces éléments que le document présenté par Monsieur G...comme étant une oeuvre susceptible de protection ne porte pas l'empreinte de la personnalité de son auteur et ne peut donc bénéficier de la protection accordée aux droits d'auteur.
* Sur le parasitisme :
Monsieur X... reproche également aux défendeurs d'avoir indûment profité de son travail et de son investissement intellectuel, ces faits constituant une faute au sens des dispositions de l'article 1382 du Code civil.
Le tribunal constate que le nom de Ghad X... apparaît au générique du film comme étant l'apporteur de l'idée et qu'en cette qualité il perçoit un pourcentage de 15 % sur les droits générés par le film.
Le grief de parasitisme qu'il soutient est en conséquence infondé.
* Sur le film " Les repentis de la Mafia " :
Monsieur X... soutient que la société SUNSET PRESSE n'a pas rempli son obligation légale de reddition des comptes et que la rémunération proportionnelle qui est lui due aux termes du contrat, soit 5 % des recettes nettes, ne lui a pas été payée, la somme de 6. 860, 21 euros qu'il a perçus ne constituant pas un à valoir devant être déduit de sa rémunération proportionnelle.
La société SUNSET fait valoir que l'article 2. 1 des Conditions générales du contrat d'auteur du 22 octobre 1996 relatif au documentaire " Les repentis " prévoit bien que la rémunération forfaitaire est un à valoir et que le producteur se remboursera du montant de cet à valoir sur l'ensemble des sommes dont il sera redevable à l'auteur. La demande de M. X... est donc sans fondement. De plus les justificatifs ont été communiqués le 20 mars 2006.
Le tribunal relève qu'aux termes de l'article 2. 1 des Conditions particulières du contrat d'auteur du 22 octobre 1996 Monsieur X... devait percevoir la somme de 45. 000 francs (6. 860, 21 euros) au titre de la rémunération forfaitaire prévue par l'article 2. 1 des Conditions générales du contrat ainsi qu'une rémunération proportionnelle de 5 % des recettes nettes producteur.
L'article 2. 1 des conditions générales du contrat d'auteur précise que la rémunération forfaitaire fixée aux conditions particulières " constitue un à valoir sur le mode de rémunération déterminé au paragraphe 2. 2 ci- dessous. "
Le paragraphe 2. 2 est relatif à la rémunération proportionnelle.
Il ressort de ces dispositions claires que la rémunération forfaitaire de 45. 000 francs prévue aux conditions particulières du contrat d'auteur est bien un à valoir qu'il convient de soustraire des sommes dues au titre de la rémunération proportionnelle.
Il convient en conséquence de débouter Monsieur X... de sa demande à ce titre.
Le tribunal note en outre que les justificatifs comptables ont été fournis à Monsieur X... le 20 mars 2006 de sorte que cette demande est devenue sans fondement.
* Sur les mesures réparatrices :
Monsieur Z... sollicite le paiement de la somme de 5. 000 euros au titre de la procédure abusive.
Le tribunal relève que l'action en justice de Monsieur X... sur le fondement de la contrefaçon et du parasitisme à l'égard notamment de Monsieur FRANCOIS qui avait, selon ses dires, recopié son scénario et en avait tiré indûment profit alors que ce dernier a tpoujours reconnu sa qualité d'apporteur d'idée, a été introduite avec légèreté et est constitutive d'abus compte tenu de la mauvaise foi de Monsieur X....
Il convient en conséquence d'allouer à Monsieur FRANCOIS la somme de 1. 000 euros à ce titre.
* Sur l'article 700 :
La société SUNSET PRESSE, Monsieur Y... et sollicitent chacun le paiement de la somme de 5. 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile. Monsieur Z... sollicite à ce titre le paiement de la somme de 7. 500 euros.
Il serait inéquitable de laisser à leur charge les sommes exposées par eux et non comprises dans les dépens. Il sera en conséquence alloué à Monsieur Y... et à la société SUNSET PRESSE la somme totale de 5. 000 euros de ce chef et à Monsieur Z... la somme de 5. 000 euros.
PAR CES MOTIFS
LE TRIBUNAL,
Statuant en premier ressort et par jugement contradictoire remis au greffe,
Dit que le document produit par Monsieur Ghad X... et intitulé " LA LISTE GOLDA " n'est pas susceptible de protection au titre des droits d'auteur,
En conséquence déboute Monsieur Ghad X... de sa demande en contrefaçon,
Dit que la société SUNSET PRESSE, Monsieur Emmanuel Z... et Monsieur Arnaud Y... n'ont pas commis d'actes de parasitisme,
Déboute Monsieur Ghad X... de sa demande de communication des états annuels de recette provenant de l'exploitation de l'oeuvre " Les repentis de la Mafia ",
Le déboute de sa demande de paiement de 5 % des recettes nettes perçues par le producteur depuis le 30 janvier 1997,
Condamne Monsieur Ghad X... à payer à Monsieur Emmanuel Z... la somme de 1. 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice né de la procédure abusive introduite à son encontre,
Condamne Monsieur Ghad X... à payer à la société SUNSET PRESSE et à Monsieur Arnaud Y... la somme de 5. 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,
Condamne Monsieur Ghad X... à payer à Monsieur Emmanuel Z... la somme de 5. 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,
Condamne Monsieur Ghad X... aux dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile.
Fait à PARIS le 6 février 2008.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT