T R I B U N A L
D E GRANDE
I N S T A N C E
D E P A R I S
3ème chambre 1ère section
No RG :
04 / 01415
No MINUTE :
JUGEMENT
rendu le 05 Février 2008
DEMANDERESSE
Madame Elke X... Y...
...
...
ALLEMAGNE
représentée par la SELARL CABINET BITOUN AVOCAT, avocat au barreau de PARIS, vestiaire P 189
DÉFENDEURS
S. A. LES PRODUCTIONS JACQUES Z...
19 rue de Bassano
75116 PARIS
représentée par Me Jean- Michel ROLAND VALMY, avocat au barreau de PARIS, vestiaire C. 27
Société DES AUTEURS ET COMPOSITEURS DRAMATIQUES- SACD
11 bis rue Ballu
75009 PARIS
représentée par Me Olivier CHATEL, avocat au barreau de PARIS, vestiaire R. 39
Madame Marion A...
...
91370 VERRIERES LE BUISSON
défaillante
Madame Noëlle B...
...
75006 PARIS
défaillante
Madame Elisabeth C...
...
93100 MONTREUIL
défaillante
Monsieur Sylvain C...
...
94160 ST MANDE
défaillant
COMPOSITION DU TRIBUNAL
Marie COURBOULAY, Vice Présidente
Florence GOUACHE, Juge
Cécile VITON, Juge
assistées de Léoncia BELLON, Greffier
DEBATS
A l' audience du 11 Décembre 2007
tenue en audience publique
JUGEMENT
Prononcé en audience publique
Réputé contradictoire
en premier ressort
EXPOSE DU LITIGE
Suivant contrat conclu le 12 juin 1953, Monsieur Robert Y..., dit Robert E..., a été engagé par la société Les Productions Jacques Z... en qualité de réalisateur d' un film intitulé " Le Comte de Monte Cristo " d' après l' oeuvre d' Alexandre DUMAS. Il avait également pour travail la co- adaptation avec Monsieur Georges B....
Un additif a été signé le 15 juin 1953 prévoyant le versement à Monsieur Robert Y..., dit Robert E..., d' une somme supplémentaire de 500. 000 francs s' il respectait la durée des prises de vues.
Le film " Le Comte de Monte Cristo " est sorti en 1954 au cinéma puis à la télévision.
Monsieur Robert Y..., dit Robert E..., est décédé en 1979.
Suivant contrat du 10 juin 1994, la société Les Productions Jacques Z... a cédé au GIE Hollywood Boulevard Diffusion les droits exclusifs pour la distribution, la vente et la location en vidéocassettes et vidéodisques du film " Le Comte de Monte Cristo " pour une durée de 7 ans.
Le 7 décembre 1999, la société Les Productions Jacques Z... et la succession Robert Y..., dit Robert E..., représentée par Madame Elke X... ont signé un contrat de cession des droits d' exploitation vidéographique.
Par lettre recommandée avec accusé de réception du 3 mars 2003, Madame X... a mis en demeure la société Les Productions Jacques Z... de lui verser une rémunération proportionnelle et de lui transmettre des redditions de comptes depuis la signature du contrat du 7 décembre 1999, faute de quoi elle entendait mettre en jeu la clause de résiliation de plein droit stipulée à l' article 7 dudit contrat.
C' est dans ces conditions que Madame Elke X... a fait assigner, par acte du 5 janvier 2004, la société Les Productions Jacques Z..., afin de voir constater l' acquisition de la clause résolutoire du contrat du 7 décembre 1999 et la résiliation du contrat du 12 juin 1953, et obtenir l' indemnisation de son préjudice.
Par acte du 29 octobre 2004, Madame X... a fait assigner la Société des Auteurs et Compositeurs Dramatiques (ci- après la SACD). Les affaires ont été jointes suivant ordonnance de jonction rendue le 16 mai 2005
Par actes des 9 janvier, 13, 16 et 17 octobre 2006, Madame X... a fait assigner en intervention forcée Madame Noëlle B..., Madame Elisabeth C..., Madame Marion A... et Monsieur Sylvain C... en leur qualité d' ayant droits des coauteurs du film. Les affaires ont été jointes suivant ordonnances de jonction rendues le 17 janvier 2007.
Dans ses dernières conclusions du 19 septembre 2007, Madame Elke X... demande au Tribunal sous le bénéfice de l' exécution provisoire :
de rejeter les exceptions d' irrecevabilité soulevées par les Productions Jacques Z...,
de constater l' acquisition de plein droit de la résiliation prévue dans l' article 7 du contrat de cession des droits d' exploitation vidéographiques du 7 décembre 1999 faute de réponse dans le délai prévu à la mise en demeure du 3 mars 2003 et en conséquence des conventions des 12 juin 1953, 15 juin 1953 et 7 décembre 1999,
de déclarer nul le contrat du 12 juin 1953 pour illégalité de ses dispositions concernant le durée,
de dire que le contrat du 12 juin 1953 est résilié pour absence de reddition de comptes et d' informations, et non respect des dispositions contractuelles,
de dire que les exploitations télévisuelles non prévues du contrat du 12 juin 1953 ont été effectuées sans autorisation et que les produits auxquelles elles ont donné lieu doivent lui être restituées en sa qualité d' ayant droit de l' auteur Robert E...,
à titre subsidiaire, de dire que le contrat du 12 juin 1953 est résilié aux torts et griefs de la société Les Productions Jacques Z... pour perte de confiance,
d' ordonner, sous astreinte de 5. 000 euros par jour de retard à compter de la signification du jugement, la mise à sa disposition ou à toute autre personne qu' elle se substituerait, de l' ensemble du matériel nécessaire à l' exploitation de l' oeuvre (marrons, contretypes, internégatifs et film- annonces, sans que cette liste soit limitative) y compris le matériel photographique et publicitaire en la possession de la société Les Productions Jacques Z... en la présence d' un huissier de justice aux fins de constater leur état,
de dire qu' elle pourra, seule ou avec l' aide des autres auteurs, assurer tous les frais et diligences nécessaires à l' exploitation future et percevoir l' intégralité des produits de l' exploitation du Film, sauf nouvel accord avec la société Les Productions Jacques Z...,
nommer un expert afin de déterminer la nature et le montant des recettes encaissées par la société Les Productions Jacques Z... dans les 30 années ayant précédé l' assignation du 29 octobre 2004,
condamner la société Les Productions Jacques Z..., outre aux entiers dépens, à lui verser les sommes suivantes :
- 1. 368, 56 euros HT à titre de manque à gagner pour l' exploitation vidéographiques du film sous réserve des chiffres d' affaire révélés par l' expertise,
- 187. 500 euros à titre provisionnel au titre des dommages et intérêts pour l' exploitation du film par le câble et le satellite sans autorisation,
- 100. 000 euros à titre de dommages et intérêts du fait de l' exploitation erratique et dissimulée de ses droits durant des années,
- 50. 000 euros à titre de réparation du préjudice moral subi pour l' exploitation du film par le câble et le satellite sans autorisation,
- 15. 000 euros au titre de l' article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
Elle fait valoir que le contrat du 7 décembre 1999 est résilié depuis le 20 mars 2003 conformément à la clause résolutoire prévue au contrat en l' absence de réponse dans le délai prévu et compte tenu des manquements de la société Les Productions Jacques Z... à ses obligations contractuelles puisqu' elle ne lui a pas remis un exemplaire du film en vidéocassette, ni effectué de reddition de comptes et ni versé de rémunération au titre des exploitations vidéographiques à compter du 1er janvier 1999, l' indemnité transactionnelle étant payée au titre des exploitations réalisées antérieurement au 31 décembre 1998.
Elle soutient que le contrat du 12 juin 1953 doit être déclaré nul pour absence de durée. Subsidiairement, si le Tribunal refusait de faire application de la jurisprudence consacrée par la loi de 1957, elle estime que le contrat du 12 juin 1953 deviendrait un contrat à durée indéterminée qu' elle peut résilier unilatéralement.
Elle soutient également que le contrat du 12 juin 1953 doit être résilié pour absence de reddition de comptes, en raison de l' exploitation du film sur des supports non expressément autorisés et pour perte de confiance compte tenu de l' absence d' information, l' exploitation illicite par le câble et le satellite, l' exploitation illicite par la vidéo, le non- respect du contrat de cession des droits d' exploitation vidéographiques et la mauvaise volonté de la société de production pour la reddition des comptes ou la remise de la cassette vidéo du film. Elle soutient que le contrat litigieux doit s' analyser en un contrat d' entreprise doublé d' un contrat de concession de droits d' auteur et que le régime du prêt à usage est applicable en ce qui concerne l' exploitation des droits concédés à titre gratuit par Monsieur Robert E....
Madame X... estime que conformément aux dispositions du contrat signé le 7 décembre 1999, elle peut prétendre à 2 % du chiffre d' affaires réalisé par l' éditeur de vidéogrammes, soit à la somme de 1. 368, 56 euros HT.
Elle fait valoir que toutes les exploitations télévisuelles sur câble, satellite et hertziennes en dehors de la Une ont été réalisées sans son autorisation ni son information ce qui l' a empêché de conclure un contrat de cession des droits d' exploitation et de recevoir une rémunération proportionnelle, et ce qui constitue une atteinte à son droit moral.
Aux termes de ses dernières écritures du 15 octobre 2007, la société Les Productions Jacques Z... sollicite du Tribunal qu' il lui donne acte de ce qu' elle offre de payer à la SACD, pour le compte de la succession de Robert E..., la somme de 513, 21 euros HT, en règlement des droits d' auteur restant dus à cette dernière en exécution du contrat de cession des droits d' exploitation vidéographiques conclu le 7 décembre 1999 avec Madame Elke X... pour le film Le Comte de Monte Cristo, déboute Madame Elke X... de ses demandes et la condamne à lui payer les sommes de 20. 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive en exécution de l' article 32- 1 du Nouveau Code de Procédure Civile et de 15. 000 euros au titre de l' article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, ainsi qu' aux entiers dépens.
S' agissant du contrat signé le 7 décembre 1999, elle fait valoir qu' elle a adressé en son temps par lettre simple la vidéocassette à Madame X..., que la cession des droits vidéographiques a pris effet à la date de signature du contrat, le 7 décembre 1999, qu' une indemnité transactionnelle a été versée au titre de l' exploitation vidéographique réalisée antérieurement à cette date, qu' elle est redevable de la somme de 513, 21 euros HT au titre des redevances du 7 décembre 1999 au 30 juin 2003, qu' elle a réagi suite à la mise en demeure du 3 mars 2003 compte tenu des informations données par l' éditeur et la SACD dont elle pensait qu' elle représentait Madame X..., que celle- ci met en oeuvre de mauvaise foi la clause de résiliation de plein droit prévue au contrat, et qu' en toute hypothèse la résiliation ne peut s' étendre aux conventions des 12 et 15 juin 1953 qui sont distinctes.
La société Les Productions Jacques Z... soutient que les diffusions du film sur le câble et le satellite ont été faites conformément aux termes du contrat du 12 juin 1953, que Madame X... a régulièrement perçu de la SACD toutes les redevances au titre de ces exploitations, et que les parties ont admis dans le contrat du 7 décembre 1999 que seule l' exploitation sous forme de vidéogrammes n' était pas incluse dans les cessions de droits consenties par contrat du 12 juin 1953.
Elle estime que Monsieur Robert E... était lié, en sa qualité de réalisateur et de coauteur du film, par un contrat de travail ou de louage de services signé le 12 juin 1953 qui emportait également transfert au producteur de ses droits patrimoniaux d' auteur sur le film,
qu' elle n' est pas tenue à une obligation de reddition de comptes, que ce contrat n' est pas soumis aux dispositions de la loi du 11 mars 1957 concernant la mention obligatoire de la durée de la cession, que la demande de nullité de ce contrat est prescrite, et que la durée de la cession des droits d' auteur a été faite pour la durée des droits d' auteur de Monsieur E....
Dans ses dernières conclusions du 30 octobre 2007, la SACD demande au Tribunal de lui donner acte de ce qu' elle s' en rapporte sur le mérite des demandes formées par Madame Elke X....
Régulièrement assignés, Monsieur Sylvain C... et Mesdames Marion A..., Noëlle B... et Elisabeth C... n' ont pas constitué avocat.
L' ordonnance de clôture a été rendue le 14 novembre 2007.
EXPOSE DES MOTIFS
- sur la recevabilité de l' action de Madame Elke X... :
Il convient de relever que Madame X... a mis en cause la SACD ainsi que Monsieur Sylvain C... et Mesdames Marion A..., Noëlle B... et Elisabeth C... en qualité d' ayants- droit des coauteurs du film, Messieurs Georges B... et Jean C....
Madame Elke X... verse aux débats une attestation du 18 mars 1981 de Maître Jean- Marie G..., Notaire, qui certifie qu' aux termes d' un compte de répartition sous seings privés des 15 janvier et 26 février 1981 intervenus entre Madame Elke X... et Madame Nicole Y..., seules héritières de Monsieur Robert Y..., il a été attribué à Madame Elke X..., veuve Y..., les droits d' auteur dépendant de ladite succession.
Il y a donc lieu de rejeter l' exception d' irrecevabilité soulevée par la société Les Productions Jacques Z... pour défaut de qualité à agir de Madame X....
- sur la résiliation du contrat de cession des droits d' exploitation vidéographiques du 7 décembre 1999 :
Aux termes des articles 1 et 2 du contrat de cession des droits d' exploitation vidéographique signé le 7 décembre 1999 entre la société
Les Productions Jacques Z... et la succession Robert Y..., dit Robert E..., représentée par Madame Elke X..., la succession a cédé au producteur les droits d' exploitation du film " Le Comte Monte Cristo " dans le monde entier, à titre exclusif, en totalité ou par extraits, sous forme de vidéogrammes, pour une durée de 20 années à date de la signature de la convention, soit jusqu' au 6 décembre 2019.
L' article 3 de ce contrat prévoyait au titre de l' exploitation vidéographique réalisée antérieurement, le versement par le producteur à la succession d' une indemnité forfaitaire et définitive de 50. 000 francs.
Ce contrat faisait suite à un projet de convention aux termes de laquelle la succession Robert Y... cédait ses droits d' exploitation pour une durée de 25 années à compter du 1er janvier 1999 et recevait une indemnité forfaitaire de 42. 001 francs au titre des exploitations du film réalisées antérieurement au 31 décembre 1998.
Par courrier du 6 décembre 1999, Madame X... a proposé à la SACD un règlement forfaitaire et transactionnel de 50. 000 francs pour la période jusqu' au 31 décembre 1998 et sollicité 15 % sur la part nette producteur à partir de 1999.
Le 7 décembre 1999, la SACD a informé Madame X... que les Productions Jacques Z... avaient accepté les bases convenues par téléphone pour la régularisation des droits pour l' exploitation vidéographique du film " Le Comte de Monte- Cristo ".
Le projet de convention et la lettre de Madame X... du 6 décembre 1999 sont des propositions émises dans le cadre des pourparlers entre les parties et n' ont pas été totalement reprises dans la convention signée le 7 décembre 1999.
Il ressort de la combinaison des articles 1, 2 et 3 du contrat signé le 7 décembre 1999 que Madame X... a cédé ses droits d' exploitation sous forme de vidéogrammes pour une durée de 20 années à compter du 7 décembre 1999 et a reçu la somme de 50. 000 francs pour l' exploitation vidéographique réalisée antérieurement à cette date, soit jusqu' au 6 décembre 1999 inclus, sans qu' une distinction ait été faite entre les ventes réalisées et les sommes encaissées.
Par courrier du 19 novembre 2002, Madame X... a d' ailleurs indiqué à la SACD que les Productions Jacques Z... restaient lui devoir sa part de droits d' auteur sur toutes les sommes encaissées depuis le 7 décembre 1999.
Le 13 janvier 2000, la SACD a transmis à Madame Elke X... le chèque de 50. 000 francs établi par les Productions Jacques Z... et correspondant à l' indemnité transactionnelle prévue au contrat signé le 7 décembre 1999. Madame X... ne conteste pas avoir reçu ce chèque.
Il apparaît donc que Madame X... a été totalement indemnisée pour l' exploitation vidéographique réalisée jusqu' au 6 décembre 1999 inclus.
Par courrier du 30 octobre 2002, la SACD, suite à la demande des états des comptes d' exploitation par la succession Robert E..., a sollicité auprès des Productions Jacques Z... les comptes d' exploitation arrêtés au 31 décembre 2001.
Le 7 novembre 2002, la société les Productions Jacques Z... a confirmé à la SACD qu' il n' y avait eu aucune exploitation vidéo nouvelle depuis le 1er janvier 2000.
Par lettres des 14 et 21 novembre 2002, la SACD a transmis cette information à Madame X....
Suite à la mise en demeure envoyée le 3 mars 2003 par le conseil de Madame X..., les Productions Jacques Z... ont demandé le 10 mars 2003 à la SACD de lui confirmer qu' elles étaient en règle vis- à- vis des droits vidéos compte tenu du contrat signé avec le SACD, du règlement de 50. 000 francs et des comptes d' exploitation envoyés le 6 décembre 2002.
Le 11 mars 2003, la SACD a informé les Productions Jacques Z... qu' elles étaient en règle concernant l' envoi des comptes d' exploitation pour le film " Le Comte de Monte- Cristo " compte tenu de leur précédent courrier du 7 novembre 2002 dans lequel la société de production l' informait qu' il n' y avait eu aucune exploitation vidéo nouvelle depuis le 1er janvier 2000.
Cependant, la société les productions Jacques Z... reconnaît dans ses écritures avoir commis une erreur puisque suite à ses demandes des 29 janvier et 16 février 2004, la société René Château Vidéo l' a informé le 9 juin 2004, que 1. 049 vidéocassettes du film " Le Comte de Monte- Cristo " avaient été vendues pour la période du 1er juillet au 31 décembre 2001, et que 1. 069 vidéocassettes de ce film avaient été vendues du 1er janvier 2002 au 30 juin 2003.
La société les Productions Jacques Z... indique dans ses écritures que pour la période du 7 décembre 1999 au 30 juin 2003 l' éditeur vidéographique a vendu 9. 890 vidéocassettes pour un chiffre d' affaires hors taxes à hauteur de 68. 428, 28 euros. Madame X... ne conteste pas ce montant.
Il était prévu à l' article 3. II du contrat signé le 7 décembre 1999 que la succession devait recevoir, au titre de l' exploitation en France du film par vidéogrammes un pourcentage de 0, 5 % du prix public HT du vidéogramme et à défaut une rémunération proportionnelle en un pourcentage fixé à 2 % du chiffre d' affaires hors taxes réalisé par l' éditeur de vidéogrammes ou son exploitant chargé de la distribution.
Dans son courrier du 9 juin 2004, la société René Château Vidéo a indiqué à la société les Productions Jacques Z... qu' elle ne pouvait lui indiquer précisément le prix de vente public hors taxes moyen pour les années 1998 à 2001 compte tenu de l' impossibilité pour les éditeurs d' imposer un prix de vente public unique à leur clients et de la diversité des politiques commerciales.
Le protocole d' accord signé le 12 octobre 1999 entre la SACD et des organisations représentatives des producteurs, qui est antérieur au contrat signé entre les parties le 7 décembre 1999, prévoyait en son article 2 que pendant la période transitoire comprise entre la signature du protocole et sa mise en oeuvre effective, " les contrats de cession des droits d' auteurs au producteurs fixeront, pour l' exploitation des oeuvres audiovisuelles par commercialisation de supports auprès du public pour son usage privé, une rémunération proportionnelle au prix hors taxes payé par le public et prévoiront que, dès fixation du coefficient correcteur prévu par le protocole signé le 12 octobre 1999 entre la SACD et les organisations professionnelles de Producteurs, l' assiette retenue pour le calcul de la rémunération sera le chiffre d' affaires brut HT réalisé par l' éditeur affecté dudit coefficient correcteur ".
Le 12 septembre 2002, la SACD et des organisations représentatives des producteurs ont signé un avenant au protocole d' accord vidéo fixant le coefficient correcteur à 1, 5 pour une durée de 5 ans à compter du 1er janvier 2002.
Le contrat signé le 7 décembre 1999 entre les Productions Jacques Z... et la succession Robert Y... n' a pas prévu que dès la fixation du coefficient correcteur, l' assiette retenue pour le calcul de la rémunération serait le chiffre d' affaires brut HT réalisé par l' éditeur affecté dudit coefficient correcteur. Il convient également de relever que le coefficient correcteur a été fixé pour une durée de 5 ans à compter du 1er janvier 2002.
Il n' y a donc pas lieu d' appliquer le protocole d' accord signé le 12 octobre 1999 entre la SACD et des organisations représentatives des producteurs pour le calcul de la rémunération devant être reçue au titre de l' exploitation du film par vidéogrammes.
Au vu du chiffre d' affaires hors taxes à hauteur de 68. 428, 28 euros et des dispositions de l' article 3. II du contrat signé le 7 décembre 1999 et dont l' application est revendiquée par Madame X..., cette rémunération s' élève à la somme de 1. 368, 56 euros HT (68. 428, 28 x 2 %) pour la période du 7 décembre 1999 au 30 juin 2003.
L' article 4. 3 du contrat signé le 7 décembre 1999 prévoyant que tous les règlements doivent être effectués pour le compte de la succession en chèques établis à l' ordre de la SACD, il convient de condamner la société les Productions Jacques Z... à verser à la SACD, pour le compte de la succession Robert E..., la somme de 1. 368, 56 euros HT au titre de la rémunération proportionnelle due pour l' exploitation par vidéogrammes du film " Le Comte de Monte- Cristo " produit en 1953 et réalisé par Monsieur Robert E... pour la période du 7 décembre 1999 au 30 juin 2003. Madame X... sera déboutée de sa demande de paiement de cette somme à son profit.
L' absence du versement de la rémunération à hauteur de 1. 368, 56 euros HT et de reddition des comptes au titre de l' exploitation par vidéogrammes pour la période 7 décembre 1999 au 30 juin 2003, résultent d' une erreur de la société de production qui a immédiatement sollicité des informations auprès de la SACD suite à la lettre de mise en demeure du 3 mars 2003 et qui a reconnu son erreur dès ses conclusions du 23 juin 2004 après avoir reçu le 9 juin 2004 le courrier de la société René Château Vidéo. Ces manquements ne sont dès lors pas tels qu' ils justifient la résiliation du contrat signé le 7 décembre 1999.
Aux termes de l' article 5- 3 du contrat signé le 7 décembre 1999, un exemplaire du film en vidéocassette devait être remis à la succession, gratuitement, pour son usage personnel et privé. Si la société les Productions Jacques Z... n' établit pas avoir effectivement remis à Madame X... un exemplaire du film en vidéocassette, cette dernière ne justifie pas lui avoir fait directement de demande officielle en ce sens. Ce manquement ne saurait dès lors à lui seul suffire à entraîner la résiliation du contrat.
Au vu de l' ensemble de ces éléments, il convient de débouter Madame X... de sa demande de résiliation du contrat de cession des droits d' exploitation vidéographique signé le 7 décembre 1999.
- sur la nullité du contrat du 12 juin 1953 :
Madame X... ayant sollicité dans ses conclusions du 20 juin 2005 la nullité du contrat signé le 12 juin 1953, son action est prescrite et il convient de la déclarer irrecevable en cette demande.
- sur la résiliation du contrat du 12 juin 1953 :
Suivant contrat conclu le 12 juin 1953, Monsieur Robert Y..., dit Robert E..., a été engagé par la société Les Productions Jacques Z... en qualité de réalisateur d' un film intitulé " Le Comte de Monte Cristo " d' après l' oeuvre d' Alexandre DUMAS.
Il avait également pour travail la co- adaptation avec Monsieur Georges B....
Il était prévu que les attributions et obligations de metteur en scène de Monsieur Robert E... comprenaient la mise en scène proprement dite, l' exécution du découpage technique devant être approuvé par la société de production, et sa collaboration au montage du film. L' ensemble des travaux de Monsieur E... devait être exécuté conformément aux directives données par la production selon le programme de travail établi d' accord entre lui et elle.
Il appartenait à Monsieur E... de fixer, conformément aux directives données par la production, l' image qui était réalisée.
Ce contrat ayant été signé le 12 juin 1953, la loi du 11 mars 1957 ne lui est pas applicable.
Monsieur E... a reçu pour " l' ensemble de son travail faisant l' objet du contrat " une somme globale et forfaitaire de 2. 225. 000 francs.
Au vu des obligations mises à la charge de Monsieur Robert E... et de la rémunération fixe et forfaitaire prévue, le contrat litigieux présente un double aspect : il s' analyse en un contrat de louage d' ouvrage ou contrat de travail pour le travail de réalisateur, et en un contrat portant sur un travail d' auteur s' agissant de la co- adapatation.
Pour ce qui était de l' intervention de Monsieur E... en sa qualité de co- auteur, le contrat emportait cession de ses droits d' exploitation au profit des Productions Jacques Z... puisqu' il était prévu que la société de production aura la " faculté d' exploiter le film sur tous systèmes mécaniques inventés ou à inventer, sur tous les formats de pellicule, par la télévision radiophonique, en version originale française doublée et sous- titrée, en toutes langues, dans le monde entier et par tous les systèmes et sonorisation ".
Madame X... fournit d' ailleurs des décomptes SACD de 1993 à 2004 faisant état du paiement de redevances pour l' exploitation télévisuelle du film. Elle ne conteste pas avoir reçu des redevances à ce titre.
Dans son courrier du 26 avril 1999, Madame X... a indiqué aux productions Jacques Z... que son mari, Monsieur Robert Y..., dit Robert E..., n' avait jamais cédé ses droits pour une exploitation vidéographique et que le film " Le Comte de Monte- Cristo " était passé sur des chaînes de télévision allemande sans qu' elle ait reçu sa part de droits correspondants. Madame X... a ainsi parlé de cession de droits et revendiqué le paiement de redevances au titre de l' exploitation vidéographique et sur les télévisions allemandes.
Il convient de relever que le préambule du contrat de cession des droits d' exploitation vidéographique signé par les parties le 7 décembre 1999, fait état de " cessions de droits précédemment consenties par contrat du 12 juin 1953 ".
Il apparaît ainsi qu' aux termes du contrat du 12 juin 1953, Monsieur Robert Y..., dit Robert E..., a reçu la somme forfaitaire de 2. 225. 000 francs pour l' ensemble de son travail comprenant celui de réalisateur et celui de co- adaptateur, et qu' il a cédé l' exploitation de ses droits d' auteur à la société de production dans les termes de ce contrat, Madame X... ayant perçu par la suite des redevances au titre de l' exploitation télévisuelle de ce film.
Ce contrat ne saurait s' analyser en un prêt à usage comme le soutient Madame X..., faute d' une obligation de restitution mise à la charge de la société les Productions Jacques Z... conformément aux dispositions de l' article 1875 du code civil applicable au prêt à usage.
Le contrat litigieux ayant été conclu le 12 juin 1953, la loi du 11 mars 1957 ne lui est pas applicable si bien que la société les Productions Jacques Z... n' est pas tenue d' une obligation de reddition de comptes pour les exploitations cinématographiques et télévisuelles du film. Madame X... n' établit pas que Monsieur E... avait exprimé de son vivant une demande à ce sujet. Ce dernier avait reçu une rémunération forfaitaire et globale. Au surplus, Madame X... produit aux débats les décomptes de la SACD de 1994 à 2003.
En vertu du contrat du 12 juin 1953, la société les Productions Jacques Z... avait la " faculté d' exploiter le film sur tous systèmes mécaniques inventés ou à inventer, sur tous les formats de pellicule, par la télévision radiophonique, en version originale française doublée et sous- titrée, en toutes langues ".
Le contrat visant " tous systèmes mécaniques inventés ou à inventer, par la télévision radiophonique ", la société les Productions Jacques Z... pouvait diffuser le film " Le Comte de Monte- Cristo " par le satellite ou le câble. Admettre comme le soutient Madame X... que le contrat ne prévoyait que l' exploitation du film par la télévision hertzienne sur la Une, la seule chaîne existante à cette époque, rendrait sans objet la mention " tous systèmes mécaniques inventés ou à inventer ".
Au surplus, il ressort des décomptes SACD de 1994 à 2003 que Madame X... a perçu des redevances au titre de la diffusion du film sur des chaînes de télévision autres que la Une, sans remettre en cause le contrat du 12 juin 1953.
Enfin un contrat de cession des droits d' exploitation vidéographique a été signé le 7 décembre 1999 entre la société Jacques Z... et la succession Robert Y... sur l' exploitation du film sous forme de vidéogramme qui n' était pas prévue dans la cession de droits précédemment consentie par contrat du 12 juin 1953.
Madame X... ne peut dès lors reprocher à la société Jacques Z... d' avoir exploité le film " Le Comte de Monte- Cristo " par le câble et le satellite.
Au vu de l' ensemble de ces éléments, Madame X... est mal fondée à solliciter la résiliation du contrat du 12 juin 1953 pour absence de reddition de comptes et d' information, pour non respect des dispositions contractuelles et pour perte de confiance.
Monsieur Robert E... ne pouvant céder à la société de production plus de droit qu' il n' en détenait lui- même, la cession de ses droits d' exploitation a été faite suivant contrat du 12 juin 1953 pour la durée de ses droits d' auteur, soit une durée déterminée. Madame X... ne peut dès lors invoquer l' existence d' une faculté de résiliation unilatérale de ce contrat.
Il convient donc de débouter Madame X... de sa demande de résiliation du contrat conclu le 12 juin 1953 et de son avenant signé le 15 juin 1953.
- sur les demandes de Madame X... de restitution des produits des exploitations télévisuelles non prévues au contrat du 12 juin 1953, et d' indemnisation au titre de l' exploitation par télévision par satellite et câble du film, de l' exploitation erratique et dissimulée de ses droits durant des années et de son préjudice moral :
Pour les motifs déjà exposés, la société les Productions Jacques Z... pouvait, en application du contrat du 12 juin 1953, exploiter le film " le Comte de Monte- Cristo " réalisé par Monsieur Robert E..., par la télévision par satellite et par câble, et Madame X... n' établit pas que la société de production a exploité de façon erratique et dissimulé ses droits durant des années.
Madame X... sera donc déboutée de ses demandes de restitution des produits d' exploitation, de dommages et intérêts et d' expertise.
- sur la demande de la société les Productions Jacques Z... pour procédure abusive :
L' article 32- 1 du Nouveau Code de Procédure Civile étant relatif à l' amende civile, la société les Productions Jacques Z... est mal fondée à solliciter sur ce fondement, le paiement à son profit de la somme de 20. 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive. Elle sera déboutée de sa demande à ce titre.
- sur les autres demandes :
Madame X... étant déboutée de ses demandes principales, il convient de rejeter ses demandes de mise à disposition de l' ensemble du matériel nécessaire à l' exploitation de l' oeuvre, d' autorisation d' assurer tous les frais et diligences nécessaires à l' exploitation future et de percevoir l' intégralité des produits de l' exploitation du film.
La demande d' exécution provisoire est sans objet, il n' y a pas lieu de l' ordonner.
Conformément aux dispositions de l' article 696 du Nouveau code de procédure civile, Madame Elke X..., partie perdante, sera condamnée aux entiers dépens de l' instance.
Il paraît inéquitable de laisser à la charge de la société Les Productions Jacques Z... l' intégralité des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Madame Elke X... sera condamnée à lui payer la somme de 15. 000 euros au titre de l' article 700 du Nouveau code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
Le Tribunal statuant par jugement réputé contradictoire, en premier ressort et mis à la disposition du public par le greffe le jour du délibéré,
Rejette l' exception d' irrecevabilité soulevée par la société Les Productions Jacques Z... au titre de la qualité à agir de Madame Elke X...,
Déclare Madame Elke X... irrecevable en sa demande de nullité du contrat signé le 12 juin 1953 entre Monsieur Robert E... et la société les Productions Jacques Z...,
Déboute Madame Elke X... de ses demandes de résiliation du contrat de cession des droits d' exploitation vidéographique signé le 7 décembre 1999 entre la société les Productions Jacques Z... et la succession Robert E..., ainsi que du contrat signé le 12 juin 1953 entre Monsieur Robert E... et la société les Productions Jacques Z... et de son avenant signé le 15 juin 1953,
Condamne la société les Productions Jacques Z... à verser à la SACD, pour le compte de la succession Robert E..., la somme de MILLE TROIS CENT SOIXANTE HUIT EUROS CINQUANTE SIX CENTIMES (1. 368, 56 euros) HT au titre de la rémunération proportionnelle due pour l' exploitation par vidéogrammes du film " Le Comte de Monte- Cristo " produit en 1953 et réalisé par Monsieur Robert E..., pour la période du 7 décembre 1999 au 30 juin 2003, en exécution du contrat de cession des droits d' exploitation vidéographique conclu le 7 décembre 1999,
Déboute Madame Elke X... de sa demande de paiement de cette somme à son profit.
Déboute Madame Elke X... de ses demandes de restitution des produits des exploitations télévisuelles non prévues au contrat du 12 juin 1953, de dommages et intérêts au titre de l' exploitation du film par le câble et le satellite sans autorisation, du fait de l' exploitation erratique et dissimulée de ses droits durant des années et de son préjudice moral,
Déboute Madame Elke X... de ses demandes d' expertise, de mise à disposition de l' ensemble du matériel nécessaire à l' exploitation de l' oeuvre, et d' autorisation d' assurer tous les frais et diligences nécessaires à l' exploitation future et de percevoir l' intégralité des produits de l' exploitation du film,
Déboute la société les Productions Jacques Z... de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive,
Déboute les parties du surplus de leurs demandes,
Dit n' y avoir lieu d' ordonner l' exécution provisoire de la présente décision,
Condamne Madame Elke X... à payer à la société Les Productions Jacques Z... la somme de QUINZE MILLE EUROS (15. 000 euros) au titre de l' article 700 du Nouveau code de procédure civile,
Condamne Madame Elke X... aux entiers dépens de l' instance qui seront recouvrés par Maître Jean- Michel ROLAND- VALMY, Avocat, conformément aux dispositions de l' article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile.
FAIT ET JUGÉ À PARIS LE CINQ FÉVRIER 2008
LE GREFFIERLE PRÉSIDENT