La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

01/02/2008 | FRANCE | N°05/07588

France | France, Tribunal de grande instance de Paris, Chambre civile 3, 01 février 2008, 05/07588


3ème chambre 2ème section

No RG : 05/07588

Assignation du :13 Mai 2005

JUGEMENT rendu le 01 Février 2008

DEMANDEUR

S.A. SOGEVAL200, Route de Mayenne53000 LAVAL

représenté par Me Christian HOLLIER LAROUSSE, avocat au barreau de PARIS, vestiaire P.362

DÉFENDERESSE

S.A.S. NOVARTIS SANTE ANIMALE14 boulevard Richelieu92845 RUEIL MALMAISON

représentée par Me Pierre VERON, avocat au barreau de PARIS, vestiaire P.24, et Me Sabine AGE, avocat

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Véronique RENARD, Vice-Président, signataire de l

a décision Sophie CANAS, JugeGuillaume MEUNIER, Juge

assistée de Marie-Aline PIGNOLET, Greffier, signataire de la décisio...

3ème chambre 2ème section

No RG : 05/07588

Assignation du :13 Mai 2005

JUGEMENT rendu le 01 Février 2008

DEMANDEUR

S.A. SOGEVAL200, Route de Mayenne53000 LAVAL

représenté par Me Christian HOLLIER LAROUSSE, avocat au barreau de PARIS, vestiaire P.362

DÉFENDERESSE

S.A.S. NOVARTIS SANTE ANIMALE14 boulevard Richelieu92845 RUEIL MALMAISON

représentée par Me Pierre VERON, avocat au barreau de PARIS, vestiaire P.24, et Me Sabine AGE, avocat

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Véronique RENARD, Vice-Président, signataire de la décision Sophie CANAS, JugeGuillaume MEUNIER, Juge

assistée de Marie-Aline PIGNOLET, Greffier, signataire de la décision

DÉBATS

A l'audience du 29 Novembre 2007, Prononcé par remise de la décision au greffe, devant Sophie CANAS, Guillaume MEUNIER, juges rapporteurs, qui, sans opposition des avocats, ont tenu seuls l'audience, et, après avoir entendu les conseils des parties, en ont rendu compte au Tribunal, conformément aux dispositions de l'article 786 du Code de Procédure Civile.
JUGEMENT
Prononcé par remise de la décision au greffe Contradictoireen premier ressort

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
La société anonyme SOGEVAL, qui a pour activité la mise au point, la fabrication et la commercialisation de produits vétérinaires, est titulaire du brevet français no 93 10422 déposé le 01er septembre 1993, délivré le 17 novembre 1995 et intitulé "Comprimé vétérinaire plus spécialement destiné aux chats".
Indiquant avoir constaté que la société par actions simplifiée NOVARTIS SANTE ANIMALE (ci-après NOVARTIS) fabriquait et commercialisait sous la marque "FORTEKOR" des produits vétérinaires reproduisant selon elle les caractéristiques de l'invention décrite par le brevet, et après avoir fait procéder le 02 mai 2005 à une saisie-contrefaçon dans les locaux du cabinet vétérinaire du Docteur Patrick MASUREL sis à PARIS 4ème, la société SOGEVAL a, selon acte d'huissier en date du 13 mai 2005, fait assigner la société NOVARTIS devant le Tribunal de Grande Instance de PARIS en contrefaçon des revendications 1, 2, 3, 5, 6, 8 et 9 du brevet FR 93 10422 aux fins d'obtenir, outre des mesures d'interdiction, sous astreinte définitive de 2.000 euros par infraction constatée et de 2.000 euros par jour de retard, et de publication dans quatre journaux de son choix aux frais de la défenderesse sans que le coût global des publications ne puisse excéder la somme de 20.000 euros H.T., la condamnation de cette dernière à lui verser la somme provisionnelle de 100.000 euros à valoir sur l'indemnisation de son préjudice, à fixer à dire d'expert, et la somme de 20.000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens, en ce compris les frais de la saisie-contrefaçon, le tout sous le bénéfice de l'exécution provisoire.
Dans ses dernières conclusions signifiées le 05 février 2007, la société SOGEVAL, après avoir réfuté les arguments en défense, a repris, en les développant, l'ensemble des moyens et prétentions contenus dans son acte introductif d'instance, et, y ajoutant, sollicite la condamnation de la société NOVARTIS à lui payer la somme provisionnelle de 100.000 euros à valoir sur l'indemnisation du préjudice subi du fait des actes de concurrence déloyale et parasitaire commis à son encontre ainsi que l'interdiction de la diffusion des films et brochures incriminés à ce titre.
Dans le dernier état de ses écritures en date du 27 avril 2007, la société NOVARTIS demande au Tribunal de :
- dire et juger que l'objet du brevet français no 93 10422, à défaut de procurer un résultat industriel, n'est pas une invention brevetable,
- déclarer nul le brevet français no 93 10422 en application de l'article L. 611-10 du Code de la Propriété Intellectuelle,
- dire que la société NOVARTIS n'a pas commis d'agissement constitutif de concurrence déloyale à l'égard de la société SOGEVAL,
- débouter la société SOGEVAL de ses demandes, aussi bien au titre de la contrefaçon du brevet français no 93 10422 qu'au titre de la concurrence déloyale,
Subsidiairement,
Si l'invention alléguée devait être interprétée comme l'utilisation d'une forme oblongue dépourvue de symétrie de révolution pour fabriquer des comprimés vétérinaires,
- déclarer nulles les revendications 1, 2, 3, 5, 6, 8 et 9 du brevet français no 93 10422 en application des articles L.611-10 et L.613-25 du Code de la Propriété Intellectuelle,
- débouter la société SOGEVAL de ses demandes,
Si l'invention alléguée devait être interprétée comme l'utilisation d'une forme oblongue dépourvue de symétrie de rotation pour fabriquer des comprimés vétérinaires,
- déclarer nulles les revendications 1, 2, 3, 5, 6, 8 et 9 du brevet français no 93 10422 en application des articles L.612-5 et L.613-25 du Code de la Propriété Intellectuelle,
- encore plus subsidiairement, dire et juger que le comprimé produit et commercialisé par la société NOVARTIS sous le nom "FORTEKOR" ne constitue pas la contrefaçon des revendications 1, 2, 3, 5, 6, 8 et 9 du brevet français no 93 10422,
- débouter la société SOGEVAL de ses demandes,

Dans tous les cas,

- condamner la société SOGEVAL à payer à la société NOVARTIS une somme de 60.000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens, dont distraction au profit de la SCP Véron et Associés.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 22 novembre 2007.
MOTIFS DE LA DÉCISION
- Sur la portée du brevet français no 93 10422
Attendu que l'invention brevetée concerne un comprimé vétérinaire permettant de faciliter l'absorption de substances médicamenteuses par des animaux domestiques et en particulier par des chats ;
Que la partie descriptive rappelle que le suivi des traitements administrés aux animaux domestiques tels que chiens et chats n'est pas toujours bien assuré en raison de la difficulté à faire absorber les médications à l'animal ;
Qu'il est exposé que chez le chat, l'une des raisons de cette difficulté est liée à la forme ronde des comprimés conventionnels, l'animal auquel on les propose ayant tendance à les faire rouler, ce qui déclenche chez lui un réflexe de jeu dont la conséquence est un refus d'administration ;
Qu'il est indiqué que la forme des comprimés influe ainsi dans une large mesure sur leur caractère appétent pour les chats ;
Attendu que le but de l'invention est de proposer un comprimé vétérinaire, plus spécialement destiné aux chats, qui soit susceptible d'être absorbé spontanément par l'animal ;
Qu'il est précisé qu'un tel comprimé présente une forme oblongue totalement dépourvue de symétrie de rotation et que, selon une caractéristique préférentielle de l'invention, ce comprimé comporte deux faces principales identiques essentiellement ovales séparées par une surface cylindrique latérale dont la génératrice est essentiellement perpendiculaire aux faces principales ;
Qu'il est ajouté qu'il est par ailleurs possible, pour remédier à l'inconvénient résultant de l'effet répulsif pour l'odorat des chats de nombreuses substances de traitement, de prévoir, de façon connue en elle-même, d'associer le ou les principes actifs présents dans le comprimé à une matrice appétente ;
Attendu que la partie descriptive développe en outre les modes de réalisation de l'invention ;

Attendu que le brevet se compose à cette fin de dix revendications dont seules sont invoquées les revendications 1, 2, 3, 5, 6, 8 et 9, dont la teneur suit :

1. Utilisation d'une forme oblongue totalement dépourvue de symétrie de rotation pour la réalisation d'un comprimé vétérinaire destiné à permettre de faciliter l'absorption de substances médicamenteuses par des animaux domestiques et en particulier par des chats.
2. Utilisation selon la revendication 1, caractérisée en ce que le comprimé comporte deux faces principales identiques (1) essentiellement ovales séparées par une surface cylindrique latérale (2) dont la génératrice (x-x') est essentiellement perpendiculaire aux faces principales (1).
3. Utilisation selon la revendication 2, caractérisée en ce que les faces principales (1) sont légèrement bombées vers l'extérieur.
5. Utilisation selon l'une quelconque des revendications 2 à 4, caractérisée en ce que, au moins l'une des faces principales (1), comporte à sa partie médiane une entaille (4) faisant office de barre de sécabilité du comprimé.
6. Utilisation selon l'une quelconque des revendications 2 à 5, caractérisée en ce que les faces principales (1) ont une longueur (L) de l'ordre de 6 à 15 mm pour une largeur maximale (l1) de l'ordre de 4 à 6 mm.
8. Utilisation selon l'une quelconque des revendications 1 à 7, caractérisée en ce que le comprimé présente un poids moyen de l'ordre de 120 à 200 mg.
9. Utilisation selon l'une quelconque des revendications 1 à 8, caractérisée en ce que le comprimé comporte un ou plusieurs principes actifs incorporés ou englobés dans une matrice appétente renfermant notamment un mélange de poudre de foie et de levure de bière ou encore un mélange de différentes substances protéinées d'origine animale et/ou végétale.
- Sur la validité du brevet
Attendu que la société NOVARTIS conteste la validité du brevet français no 93 10422 d'une part pour défaut de brevetabilité, d'autre part, et subsidiairement, pour défaut de nouveauté ou d'activité inventive des revendications 1, 2, 3, 5, 6, 8 et 9 si elles devaient être interprétées comme portant sur l'utilisation d'une forme dépourvue de symétrie de révolution pour réaliser des comprimés vétérinaires, et pour insuffisance de description des même revendications si elles devaient être interprétées comme portant sur l'utilisation d'une forme dépourvue de symétrie de rotation pour réaliser des comprimés vétérinaires ;

Qu'il y a lieu de préciser à titre liminaire que dans leurs écritures, les parties au présent litige s'accordent pour dire que l'invention brevetée porte sur un comprimé dépourvu non pas de "symétrie de rotation", selon les termes mêmes du brevet invoqué, mais plus exactement, au sens mathématique, dépourvu de symétrie de révolution ;

Que c'est dès lors en ce sens, d'ailleurs corroboré par la description et la figure unique du brevet, qu'il conviendra d'interpréter les termes des revendications opposées ;
Que le grief tiré de l'insuffisance de description ne sera pas en conséquence examiné dans les développements qui suivront.
* Sur la brevetabilité
Attendu qu'aux termes de l'article L.611-10 du Code de la Propriété Intellectuelle, "Sont brevetables les inventions nouvelles impliquant une activité inventive et susceptibles d'application industrielle" ;
Attendu que la société NOVARTIS soutient en l'espèce que l'utilisation, pour fabriquer un comprimé, d'une forme oblongue dépourvue de symétrie de révolution ou de symétrie de rotation ne facilite aucunement l'ingestion de ce comprimé par l'animal auquel il est destiné, seul son goût et son odeur pouvant agir en ce sens ;
Qu'elle en conclut que le brevet français no 93 10422 n'apporte pas de solution technique au problème identifié dans la description, à savoir la difficulté d'absorption de substances médicamenteuses par des animaux domestiques, et en particulier des chats, et qu'il ne porte donc pas sur une invention brevetable au sens des dispositions susvisées, mais s'apparente plutôt à une création purement esthétique expressément exclue de la brevetabilité ;
Que la société SOGEVAL objecte que la défenderesse ajoute ainsi une condition de brevetabilité non prévue par l'article L.611-10 du Code de la Propriété Intellectuelle, dont la liste des exclusions énumérées à l'alinéa 2, bien que non limitative, doit être comprise de manière restrictive ;
Qu'elle fait surabondamment valoir que l'invention en cause est susceptible d'application industrielle dans le domaine de l'industrie pharmaceutique vétérinaire et que la forme des comprimés influe dans une large mesure sur leur facilité d'absorption par un chat, celui-ci ayant tendance, par réflexe de jeu, à faire rouler un comprimé rond dans sa gueule et à le recracher au lieu de l'avaler, ce qu'il ne peut faire avec un comprimé qui ne roule pas ;
Attendu qu'il n'est nullement contesté, contrairement à ce que prétend la société demanderesse, que l'invention portée par le brevet français no 93 10422 est susceptible d'application industrielle ;

Que la société SOGEVAL entend en revanche lui dénier son caractère technique ;

Que les critères de brevetabilité définis par l'article L.611-10 du Code de la Propriété Intellectuelle, à savoir la nouveauté, l'activité inventive et l'application industrielle, expriment en effet implicitement une quatrième condition de brevetabilité constituée par l'existence d'un effet technique de l'invention ;
Qu'en l'espèce, le préambule du brevet no 93 10422 énonce en page 1, lignes 11 à 21, le problème qu'il se propose de résoudre, à savoir "la difficulté à faire absorber les médications à l'animal", et en particulier aux chats qui ont "tendance à les faire rouler, ce qui déclenche, chez lui, un réflexe de jeu donc la conséquence est un refus d'administration" ;
Qu'afin d'y remédier, il divulgue un comprimé caractérisé, selon sa première et unique revendication principale, par l'utilisation d'une forme oblongue totalement dépourvue de symétrie de rotation ;
Que la société NOVARTIS, sur laquelle pèse la charge de la preuve du défaut d'effet technique invoqué dès lors que l'invention fait l'objet d'un titre dûment délivré, verse aux débats un rapport d'étude en date du 25 septembre 2002, réalisé par ses propres services, et intitulé "Test d'appétence des préparations FORTEKOR chez les chats" ;
Que selon elle, ce rapport permettrait de démontrer que l'ingestion d'un comprimé par un animal de compagnie est essentiellement dictée par son odeur et par son goût, sa forme important peu ;
Que cependant, cette étude avait pour objectif de tester sur des chats le caractère appétent d'une nouvelle préparation à base de levure de bière, appelée "FORTEKOR YEAST", par comparaison avec le "FORTEKOR 5", et les constatations effectuées dans ce cadre permettent seulement d'établir une amélioration du taux d'ingestion par l'animal dans le cas de comprimés contenant de la levure de bière ;
Qu'aucune conséquence ne peut donc en être tirée quant à l'influence, sur ce taux d'ingestion, de la forme des comprimés, celle-ci ne constituant pas une variable de l'étude en cause ;
Que dès lors la société NOVARTIS ne démontre pas que la forme des comprimés telle que revendiquée soit dépourvue d'effet technique, étant ici rappelé qu'en tout état de cause, la notion d'utilité est indifférente dans l'appréciation du caractère ou non technique de l'invention ;
Qu'il ne saurait pas plus être soutenu que l'invention s'apparenterait à une création esthétique et serait à ce titre exclue de la brevetabilité en application de l'article L.611-10, § 2 du Code de la Propriété Intellectuelle dès lors qu'elle est destinée à résoudre un problème technique identifié, ci-dessus rappelé, et que son objet n'est pas purement ornemental ;
Attendu que le moyen de nullité tiré du défaut de brevetabilité du brevet français no 93 10422 sera donc écarté.
* Sur la nouveauté
Attendu que pour être comprise dans l'état de la technique et privée de nouveauté, l'invention doit se trouver toute entière et dans une seule antériorité au caractère certain avec les éléments qui la constituent, dans la même forme, le même agencement et le même fonctionnement en vue du même résultat ;
Attendu en l'espèce que la société NOVARTIS conteste la nouveauté des revendications 1, 2, 3, 5 et 6 du brevet français no 93 10422 au regard des antériorités constituées par les comprimés de LASIX 50mg et de DIROCIDE tels que représentés, en taille réelle, dans le répertoire intitulé "The Comprehensive Desk Reference of Veterinary Pharmaceuticals et Biologicals 76/77" et dans le répertoire intitulé "Veterinary Pharmaceuticals et Biologicals - 1985/1986" ;
Qu'ainsi qu'il a été précédemment exposé, la revendication 1 divulgue l'"utilisation d'une forme oblongue totalement dépourvue de symétrie de rotation pour la réalisation d'un comprimé vétérinaire destiné à permettre de faciliter l'absorption de substances médicamenteuses par des animaux domestiques et en particulier par des chats";
Que les comprimés de LASIX 50 mg et de DIROCIDE enseignés par le répertoire de 1985/1986 sont notamment indiqués pour le traitement par voie orale des chiens et des chats et présentent une forme oblongue dépourvue de symétrie de révolution ;
Que la société SOGEVAL ne peut en effet soutenir que les photographies reproduites sur les documents invoqués démontreraient que ces comprimés ont une section circulaire, dès lors que, si le répertoire de 76/77 n'est pas à ce titre probant, les représentations figurant sur le répertoire de 1985/1986 sont dénuées d'ambiguïté et établissent clairement qu'ils présentent une tranche latérale rectiligne ;
Que les comprimés litigieux constituent donc des antériorités de toute pièce privant de nouveauté la revendication 1 du brevet français no 93 10422 ;
Que selon la revendication 2, dépendante de la première, le comprimé breveté comporte deux faces principales identiques essentiellement ovales séparées par une surface cylindrique latérale dont la génératrice est essentiellement perpendiculaire aux faces principales ;
Que le LASIX 50 mg tel que représenté dans les répertoires 76/77 et 1985/1986 comporte deux faces identiques de forme essentiellement ovale ;
Que l'examen des photographies en cause, corroborées par la représentation du comprimé de LASIX dosé à 2 grammes figurant sur le répertoire de 1985/1986, permet de retenir que ces deux faces principales sont séparées par une surface cylindrique latérale qui leur est perpendiculaire;
Que la revendication 2 est ainsi entièrement antériorisée et dès lors dépourvue de nouveauté ;
Que s'agissant de la revendication 3 du brevet no 93 10422, selon laquelle les faces principales du comprimé breveté sont légèrement bombées vers l'extérieur, elle est de la même manière privée de nouveauté par les comprimés LASIX 50 mg et DIROCIDE, qui présentent l'un et l'autre des faces principales bombées ;
Que la revendication 5, dépendante de celles qui précèdent, porte sur l'utilisation d'un comprimé caractérisée en ce qu'au moins l'une des faces principales comporte à sa partie médiane une entaille faisant office de barre de sécabilité ;
Que les comprimés LASIX 50 mg et DIROCIDE tels que représentés sur le répertoire 1985/1986 comportent également, sur la partie médiane de leur face supérieure, une barre de sécabilité ;
Que la revendication 5 est ainsi privée de nouveauté ;
Qu'enfin, la revendication 6 divulgue une utilisation selon l'une quelconque des revendications 2 à 5, caractérisée en ce que les faces principales ont une longueur de l'ordre de 6 à 15 mm pour une largeur maximale de l'ordre de 4 à 6 mm ;
Que le comprimé de LASIX 50 mg, représenté en taille réelle dans le répertoire de 1985/1986, a une longueur de 13 mm et une largeur de 6 mm, tandis que le comprimé de DIROCIDE 50 mg présente, dans le même répertoire, une longueur de 10 mm et une largeur de 5 mm, soit pour l'un et pour l'autre des dimensions conformes à celles revendiquées ;
Que la revendication 6 est dès lors dépourvue de nouveauté ;
Attendu qu'il résulte de ce qui précède que les revendications 1, 2, 3, 5 et 6 sont nulles pour défaut de nouveauté.
* Sur l'activité inventive
Attendu qu'une invention est considérée comme impliquant une activité inventive si, pour un homme du métier, elle ne découle pas d'une manière évidente de l'état de la technique ;

Attendu que pour contester l'activité inventive des revendications 8 et 9 du brevet français no 93 10422, la société NOVARTIS invoque les deux antériorités soulevées au titre du défaut de nouveauté ainsi que le brevet européen no 0 320 320, déposé le 24 octobre 1988 sous priorité du brevet français no 8717068 et portant sur un "Comprimé pour animal domestique" ;

Que la revendication 8 porte sur une utilisation, selon l'une quelconque des revendications 1 à 7, caractérisée en ce que le comprimé présente un poids moyen de l'ordre de 120 à 200 mg ;
Que pour l'homme du métier, défini en l'espèce comme un ingénieur chimiste spécialisé dans le domaine des produits vétérinaires, et qui connaît l'art antérieur constitué par les comprimés de LASIX et de DIROCIDE, la détermination du poids du comprimé en fonction de la morphologie de l'animal concerné relève d'une simple opération de routine ;
Que la revendication 8 est dès lors dépourvue d'activité inventive ;
Que selon la revendication 9, l'utilisation, selon l'une quelconque des revendications 1 à 8, est caractérisée en ce que le comprimé comporte un ou plusieurs principes actifs incorporés ou englobés dans une matrice appétente renfermant notamment un mélange de poudre de foie et de levure de bière ou encore un mélange de différentes substances protéinées d'origine animale et/ou végétale ;
Que le document EP 0 320 320, expressément mentionné dans la partie descriptive du brevet français no 93 10422 (page 5, lignes 21 à 24), divulgue un comprimé "caractérisé en ce qu'il est constitué par au moins un noyau contenant un ou plusieurs principes actifs totalement englobés dans une matrice appétente pour l'animal", cette matrice appétente renfermant "une substance protéinée" ;
Que ces enseignements conduisent l'homme du métier tel que ci-dessus défini, et qui connaît par ailleurs les comprimés de LASIX ou de DIROCIDE, à mettre en oeuvre un comprimé de forme oblongue dépourvue de symétrie de révolution et contenant un principe actif englobé dans une matrice appétente renfermant un mélange de substances protéinées, privant ainsi la revendication 9 de toute activité inventive ;
Attendu qu'il convient en conséquence de prononcer la nullité des revendications 8 et 9 du brevet français no 93 10422 pour défaut d'activité inventive.
- Sur la contrefaçon
Attendu que l'action en contrefaçon des revendications 1, 2, 3, 5, 6, 8 et 9 engagée par la société SOGEVAL à l'encontre de la société NOVARTIS ne saurait prospérer, lesdites revendications ayant été annulées pour défaut de nouveauté ou défaut d'activité inventive.

- Sur la concurrence déloyale et parasitaire

Attendu que la société SOGEVAL fait à ce titre valoir qu'elle a, depuis une dizaine d'années, connu un très fort développement grâce notamment à une politique marketing innovante axée sur le concept de médicaments appétents vendus sous la marque "DELICAMENT" et présentant, selon ses brochures, un "arôme appétissant, taille et forme facilitant la préhension, texture et goût agréable";
Qu'elle ajoute avoir communiqué sur ce thème auprès des vétérinaires et par l'intermédiaire de son réseau de vente, tant par la distribution de très nombreuses brochures publicitaires que par la diffusion de films de promotion et la réalisation d'une importante campagne publicitaire documentaire ;
Qu'elle reproche à la société NOVARTIS de s'être placée dans son sillage en axant son thème principal de publicité sur la notion d'appétence, et plus particulièrement en présentant, tout comme elle le fait, le résultat de tests d'appétence à l'intérieur de sa brochure publicitaire intitulée "LE GOUT EST-IL VRAIMENT IMPORTANT ?", en réalisant un film, joint sur CD-Rom à cette même brochure, intitulé "LES IMAGES PARLENT D'ELLE MÊMES" directement inspiré de ses propres séquences animées, et en utilisant pour promouvoir un médicament dénommé "MILBEMAX" une photographie similaire à celle exploitée pour ses propres campagnes publicitaires ;
Que la société défenderesse oppose que de nombreux laboratoires vétérinaires se sont attachés avant elle à donner aux médicaments une saveur apte à en faciliter l'ingestion par les animaux, que la société SOGEVAL, au cours de ces dernières années, n'a pas été le seul laboratoire à utiliser la palatabilité des médicaments vétérinaires comme thème de campagne publicitaire et que ses propres documents publicitaires ne reproduisent pas les éléments distinctifs de ceux de la demanderesse ;
Attendu que s'il est établi que la société NOVARTIS a récemment mis en avant le caractère "incomparablement appétent" du médicament qu'elle commercialise sous la dénomination "FORTEKOR 2.5", dans sa brochure intitulée "LE GOUT EST-IL VRAIMENT IMPORTANT ?" diffusée en mai 2005, de tels agissements ne sauraient cependant être retenus au titre de la concurrence déloyale ou parasitaire dès lors qu'il est par ailleurs démontré par les nombreuses pièces en ce sens versées aux débats par cette dernière que le thème de l'appétence est couramment utilisé en matière de publicité pour produits vétérinaires, et plus particulièrement dans le domaine des médicaments, tels que des vermifuges, des traitements contre les infections urinaires ou les douleurs arthrosiques, et ce depuis 1995 ;
Qu'il ne saurait pas plus lui être reproché de faire figurer dans cette même brochure les résultats des tests d'appétence réalisés en 2002 par ses propres services, précédemment évoqués, dès lors que leur présentation se distingue nettement de ceux apparaissant dans les brochures de la société demanderesse ;
Attendu en revanche que le film intitulé "LES IMAGES PARLENT D'ELLE MÊMES- MIAMMM...", joint à ladite brochure, présente, à l'instar des films réalisés en 2003 par la société SOGEVAL pour promouvoir ses propres produits, un chat avalant spontanément des comprimés ;
Qu'en reprenant une telle séquence, de nature à frapper les esprits de par son caractère inhabituel, et dont la défenderesse ne démontre nullement la prétendue absence de distinctivité, en tout état de cause inopérante en la matière, la société NOVARTIS a entendu se placer dans le sillage de la société SOGEVAL pour profiter indûment des investissements réalisés par cette dernière dans le domaine des médicaments appétents ;
Qu'elle s'est ainsi rendue coupable d'actes de parasitisme, constitués, contrairement à ce que soutient la société défenderesse, en dehors de tout risque de confusion entre les produits en cause ;
Que de la même manière, la brochure publicitaire intitulée "MILBEMAX - Efficacité et simplicité maximum" diffusée par la société NOVARTIS, qui représente, aux côtés d'un chien pareillement positionné, la tête d'un chat, dont la langue est tirée et sur laquelle est posé un comprimé sécable de couleur brun clair et de forme ovale, doit s'analyser en un comportement parasitaire ;
Que les éléments ainsi énumérés reprennent en effet les caractéristiques d'une photographie utilisée par la société SOGEVAL pour promouvoir ses comprimés "PET-PHOS FELIN SPECIAL PELAGE" depuis mai 1996, ainsi qu'il résulte de la date portée sur la publicité versée aux débats et tirée d'un magazine, et ne s'en différencient que par le positionnement vertical et non horizontal du comprimé.
- Sur les mesure réparatrices
Attendu qu'il convient de faire droit à la mesure d'interdiction sollicitée dans les conditions énoncées au dispositif de la présente décision ;
Attendu que la société SOGEVAL justifie avoir consacré entre 1995 et 2005 un budget communication annuel pour sa gamme "DELICAMENTS" d'un montant total de 1.165 K€ et s'élevant pour la seule année 2005 à 102 K€, et avoir en outre réalisé, pour cette même gamme, un chiffre d'affaires annuel de 280 K€ en 1995 et de 6.480 K€ en 2005 ;
Que le Tribunal dispose ainsi d'éléments suffisants pour lui allouer, en réparation des actes de parasitisme commis à son encontre, la somme de 50.000 euros à titre de dommages-intérêts, ce sans qu'il soit besoin d'ordonner une mesure d'expertise ;
Attendu que le préjudice étant ainsi intégralement réparé, il n'y a pas lieu d'ordonner la publication de la présente décision.
- Sur les autres demandes
Attendu qu'il y a lieu de condamner la société NOVARTIS, partie perdante, aux dépens de la présente instance, qui ne sauraient comprendre les frais de la saisie-contrefaçon dès lors qu'aucun acte de contrefaçon n'a été retenu à l'encontre de cette dernière ;
Qu'en outre, elle doit être condamnée à verser à la société SOGEVAL une indemnité au titre de l'article 700 du Code de procédure civile qu'il est équitable de fixer à la somme de 10.000,00 euros.
Attendu qu'il convient, eu égard à l'ancienneté du litige, d'ordonner l'exécution provisoire de la présente décision.
PAR CES MOTIFS
Le Tribunal, statuant publiquement, par mise à disposition au greffe, par jugement contradictoire et rendu en premier ressort,
- PRONONCE la nullité des revendications 1, 2, 3, 5 et 6 du brevet français no 93 10422 pour défaut de nouveauté ;
- PRONONCE la nullité des revendications 8 et 9 du brevet français no 93 10422 pour défaut d'activité inventive ;
En conséquence,
- DEBOUTE la société SOGEVAL de ses demandes au titre de la contrefaçon ;
- DIT qu'en diffusant le film publicitaire intitulé "LES IMAGES PARLENT D'ELLE MÊMES- MIAMMM..." ainsi que la brochure publicitaire intitulée "MILBEMAX - Efficacité et simplicité maximum", la société NOVARTIS a commis des actes de parasitisme à l'encontre de la société SOGEVAL ;
En conséquence,
- FAIT INTERDICTION à la société NOVARTIS de poursuivre la diffusion du film et de la brochure publicitaires ci-dessus visés ;
- CONDAMNE la société NOVARTIS à payer à la société SOGEVAL la somme de 50.000 euros à titre de dommages-intérêts ;
- REJETTE toutes demandes plus amples ou contraires ;
- CONDAMNE la société NOVARTIS à verser à la société SOGEVAL la somme de 10.000,00 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
- CONDAMNE la société NOVARTIS aux dépens, qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile ;
- ORDONNE l'exécution provisoire.

Fait et jugé à PARIS le 1er février 2008.


Synthèse
Tribunal : Tribunal de grande instance de Paris
Formation : Chambre civile 3
Numéro d'arrêt : 05/07588
Date de la décision : 01/02/2008
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.grande.instance.paris;arret;2008-02-01;05.07588 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award