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30/01/2008 | FRANCE | N°06/02615

France | France, Tribunal de grande instance de Paris, Chambre civile 3, 30 janvier 2008, 06/02615


T R I B U N A L
D E GRANDE
I N S T A N C E
D E P A R I S

3ème chambre 3ème section

No RG :
06 / 02615

No MINUTE :

Assignation du :
18 Janvier 2006

JUGEMENT
rendu le 30 Janvier 2008

DEMANDERESSES

Madame Jacqueline X...,
...
91320 WISSOUS

Madame Valérie Y...
domiciliée : chez Maître Jean CASTELAIN
...
75008 PARIS

représentées par Me Jean CASTELAIN, avocat au barreau de PARIS, avocat postulant, vestiaire P. 14

DÉFENDEURS

Monsieur Edmond Z...
...
75020 P

ARIS

représenté par Me Brigitte RICHARD, avocat au barreau de PARIS, vestiaire C 013

S. A. R. L. VENDREDI FILM, représentée par sa gérante, Mme Marie MENTON...

T R I B U N A L
D E GRANDE
I N S T A N C E
D E P A R I S

3ème chambre 3ème section

No RG :
06 / 02615

No MINUTE :

Assignation du :
18 Janvier 2006

JUGEMENT
rendu le 30 Janvier 2008

DEMANDERESSES

Madame Jacqueline X...,
...
91320 WISSOUS

Madame Valérie Y...
domiciliée : chez Maître Jean CASTELAIN
...
75008 PARIS

représentées par Me Jean CASTELAIN, avocat au barreau de PARIS, avocat postulant, vestiaire P. 14

DÉFENDEURS

Monsieur Edmond Z...
...
75020 PARIS

représenté par Me Brigitte RICHARD, avocat au barreau de PARIS, vestiaire C 013

S. A. R. L. VENDREDI FILM, représentée par sa gérante, Mme Marie MENTON
...
75017 PARIS

S. A. R. L. NORIMAGE FILMS, représentée par son gérant, M. Alain B...
59200 TOURCOING

représentées par Me Christophe PASCAL, avocat au barreau de PARIS, vestiaire C. 792

SOCIETE DES AUTEURS ET COMPOSITEURS DRAMATIQUES, représentée par son gérant, M. Francis C...
...
75009 PARIS

représentée par Me Olivier CHATEL, avocat au barreau de PARIS, vestiaire R. 39

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Elisabeth BELFORT, Vice- Président, signataire de la décision
Agnès THAUNAT, Vice- Président
Michèle PICARD, Vice- Président,

assistée de Marie- Aline PIGNOLET, Greffier, signataire de la décision

DEBATS

A l'audience du 17 Décembre 2007
tenue en audience publique

JUGEMENT

Prononcé par remise de la décision au greffe
Contradictoire
en premier ressort

I- RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE :

Madame Jacqueline X... et Madame Valérie Y... ont co- écrit en 1986 le scénario d'un film musical de style " road movie " intitulé " Followers " racontant l'histoire de deux adolescents canadiens partant à la quête de leur idole, chanteur célèbre, afin de découvrir le mystère qui entoure la métamorphose soudaine de celui- ci.

Madame Caroline X..., nièce de Jacqueline X..., tentait en vain dès 1987 de présenter le scénario à différentes sociétés de production afin d'obtenir le financement de l'exploitation cinématographique de celui ci. Le scénario était déposé à la SACD le 9 juillet 1986 et enregistré le 13 avril 1995 au Copyright Office de Washington.

Au mois d'octobre 1995, Madame Caroline X... épousait Monsieur Z..., comédien et scénariste qui avait travaillé sur de nombreux projet avec Jacqueline X....

Au mois d'août 2004, Madame X... apprenait lors d'une conversation téléphonique avec sa nièce que le premier film de Monsieur Z... était en cours de montage. Ce film était un " road movie " relatant l'histoire d'un homme partant de Roubaix avec son neveu pour rencontrer à Paris son idole, le chanteur Charles G.... Les héros rencontrent sur le chemin de nombreuses péripéties et des situations burlesques ponctuées de chansons de Charles Aznavour. Le film, intitulé " Emmenez moi " est sorti sur les écrans le 13 juillet 2005.

Estimant être victimes de contrefaçon, Mesdames X... et Y... ont fait assigner Monsieur Z... ainsi que les sociétés VENDREDI FILMS et NORIMAGES FILMS par actes d'huissier délivrés les 18, 20 et 26 janvier 2006 aux fins de voir constater la contrefaçon par adaptation de leur scénario. Elles ont également assigné la SACD aux fins de voir rectifier la fiche de déclaration du film de Monsieur Z....

Dans leurs dernières conclusions signifiées le 22 mai 2007, Mesdames X... et Y... demandent au tribunal de dire que le film " Emmenez moi " est une contrefaçon par adaptation du scénario " Followers ", de condamner solidairement Monsieur Z... et les sociétés VENDREDI et NORIMAGE à leur verser à titre provisionnel la somme de 20. 000 euros à titre de provision à valoir sur les dommages et intérêts devant réparer le préjudice subi par l'atteinte à leurs droits patrimoniaux, pour le surplus de désigner un expert afin de déterminer le préjudice subi, de les condamner solidairement à leur verser la somme de 20. 000 euros chacune en réparation du préjudice subi par l'atteinte à leur droit moral, de leur faire interdiction de poursuivre l'exploitation du film sous astreinte, d'ordonner à la SACD de rectifier la fiche de déclaration du film et de les condamner solidairement au paiement à chacune de la somme de 10. 000 euros en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, le tout avec exécution provisoire.

La SACD a signifié ses dernières conclusions le 9 janvier 2007. Elle demande au tribunal de lui donner acte de ce qu'elle s'en rapporte à justice sur la demande formée à son encontre relative au bulletin de déclaration, de lui donner acte qu'en l'état du litige elle a procédé au blocage des redevances d'auteur afférentes aux exploitation du film qui relèvent de son champ d'intervention, et de condamner les parties à lui payer la somme de 3. 000 euros en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Les sociétés VENDREDI FILMS et NORIMAGE FILMS ont signifié leurs dernières conclusions le 16 janvier 2007. Elles demandent au tribunal de constater que les demanderesses ne justifient pas de l'antériorité de leur scénario, en conséquence de les déclarer irrecevables en leurs demandes, à titre subsidiaire de les débouter de l'ensemble de leurs demandes, en toutes hypothèses de les condamner in solidum à leur payer la somme de 5. 000 euros en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, à titre infiniment subsidiaire de condamner Monsieur Z... sur le fondement des dispositions contractuelles à les garantir de toutes condamnations et de les condamner à leur payer la somme de 5. 000 euros en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Monsieur Z... a signifié ses dernières conclusions le 12 mars 2007. Il demande au tribunal de dire que les demanderesses sont mal fondées, de les condamner in solidum à lui payer la somme de 25. 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive, de les condamner in solidum au paiement de la somme de 15. 000 euros en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile et à titre infiniment subsidiaire de lui donner acte qu'il ne conteste pas devoir garantie aux sociétés VENDREDI FILMS et NORIMAGE FILMS.

II- SUR CE :

Les sociétés VENDREDI FILMS et NORIMAGES font valoir en premier lieu que les demanderesses ne justifient pas de l'antériorité du scénario " Followers ".

Le scénario déposé à la SACD n'a pas été renouvelé et a expiré en 1991. En revanche le scénario déposé au Copyright Office est toujours répertorié. Il est produit en version anglaise, traduction de la version française également produite.

Le tribunal estime que ces pièces suffisent à établir la date et la consistance des dépôts et par conséquent l'antériorité du scénario " Followers ".

Pour ce qui est de la contrefaçon, il convient de procéder à une comparaison des deux scénarii.

Dans le scénario " Followers ", deux adolescents canadiens, Laura et Steve, décident, à la veille des vacances, de partir à la recherche de leur idole après avoir remarqué que dans ses derniers clips celui ci s'est métamorphosé, qu'il n'a plus la même voix, le même look, le même style. Leur enquête les amènera à parcourir le monde, Los Angeles, la Tunisie, Paris puis retour au Canada.

Au cours de cette quête, les deux protagonistes sont entraînés dans de nombreuses péripéties avant de pouvoir rencontrer le chanteur. Ils découvrent à la fin que leur idole qu'ils rencontrent, vit en secret une histoire d'amour avec une jeune femme que son père séquestrait et que c'est son frère qui s'est substitué à lui. L'idole se révèle être très accessible et sympathique.

Cette histoire est traitée avec humour et les scènes clés de l'intrigue sont ponctuées par des chansons de l'idole. Ce dernier est présenté comme étant " plus connu de l'élite et des pros que du grand public ".

Les adolescents sont décrits comme étant beaux, issus d'une classe plutôt aisée et venant juste de passer l'équivalent du baccalauréat. Steve a deux tics de langage assez vulgaires.

Le scénario du film " Emmenez moi " raconte l'histoire d'un homme de 45 ans environ, d'un milieu modeste sinon pauvre du nord de la France, alcoolique, qui décide de partir à pied de Roubaix à Paris avec son neveu, rencontrer son idole, Charles G.... On comprend dès le début qu'il s'agit plutôt d'une quête personnelle.

Au cours du périple les deux héros vivent des aventures parfois cocasses et surtout rencontrent deux personnages qui se joignent à eux jusqu'à Paris, un " exilé " et un éboueur un peu attardé. A la fin du scénario les personnages arrivent à Paris, ne peuvent assister à un concert de Charles G... faute de places disponibles mais le rencontrent par hasard dans les toilettes d'un café. Le héros reste pétrifié pendant que Charles G... échange quelques mots avec les autres personnages qui lui expliquent avoir fait des centaines de kilomètres à pied pour le rencontrer. Le chanteur est ému et touche l'épaule du héros. Cette scène presque finale révèle que cette aventure a permis aux quatre personnages de comprendre et de dépasser leurs difficultés. La fin est nostalgique, le héros chante la célèbre chanson " Emmenez moi " au bord du périphérique pendant que Charles G... chante cette même chanson sur la scène du Palais des Congrès.

L'histoire est traitée avec une certaine tendresse. Les personnages sont typés, un peu caricaturaux, et les scènes sont ponctuées de chansons de Charles G.... De même que dans le scénario de " Followers " le héros a un tic de langage mais ce tic n'est pas vulgaire. Il dénote plutôt une certaine incapacité à maîtriser la parole.

Le scénario d'" Emmenez moi " présente des similarités avec le film le " Magicien d'Oz " qui semble avoir inspiré Monsieur Z... de son propre aveu, notamment une quête d'idole mythique, la rencontre avec des personnages ayant tous un problème et qui se joignent au héros dans sa quête et enfin le voyage à pieds qui permet au fil des situations de découvrir les qualités et faiblesses des personnages. La route pavée du " Magicien d'Oz " se retrouve de fait dans la route pavée qui part de Roubaix dans " Emmenez moi ".

Le scénario de " Followers " est très éloigné de ces thème et s'approche plus d'une enquête policière avec une énigme à découvrir, des lieux exotiques et des situations légères et amusantes.

Le public visé par ces deux scénarios est différent, d'un coté un public adolescent et de l'autre un public plus large et plus âgé.

Les deux scénarios ont en commun la mise en scène de personnages qui partent retrouver un chanteur qui est leur idole ainsi que des scènes ponctuées de chansons de ce chanteur.

Cependant, les personnages sont radicalement différents, d'un coté des adolescents branchés qui mènent une enquête pendant leur temps libre et de l'autre quatre adultes un peu " paumés " qui cherchent outre un peu de chaleur humaine, à donner un sens ou une explication à leurs vies.

Les lieux sont également différents, un peu sinistres dans le film " Emmenez moi " alors qu'ils sont exotiques dans le scénario " Followers ". Enfin s'il est exact que l'idole se révèle être sympathique à la fin du film, il demeure très distant dans le scénario d'" Emmenez moi ", ne se permettant que de toucher l'épaule du héros, alors qu'il devient très familier dans le scénario de " Followers ".

Il ressort de ces éléments que les ressemblances entre les deux scénarios sont très minimes et insuffisantes à caractériser l'existence d'une contrefaçon ni même d'un emprunt involontaire.

Il convient en conséquence de débouter Mesdames X... et Y... de leur demande en contrefaçon.

* Sur les demandes reconventionnelles :

Monsieur Edmond Z... demande la condamnation des demanderesses à lui payer la somme de 25. 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive.

Le droit d'agir en justice ne dégénère en abus qu'en cas de mauvaise foi révélatrice d'une intention de nuire dont la preuve n'est pas rapportée en l'espèce ;

En conséquence le défendeur sera débouté de sa demande de dommages- intérêts de ce chef.

* Sur l'article 700 :

Les sociétés VENDREDI FILMS, NORIMAGES, la SACD et Monsieur Z... sollicitent le paiement des sommes respectives de 10. 000 euros, 3. 000 euros et 15. 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Il ne paraît pas inéquitable de laisser à leur charge les sommes exposées par eux et non comprises dépens. Les demandes seront en conséquence rejetées.

PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL,
Statuant en premier ressort, par jugement contradictoire remis au greffe,

Déboute Madame Jacqueline X... et Madame Valérie Y... de leur demande en contrefaçon,

Déboute Monsieur Edmond Z... de sa demande en dommages et intérêts pour procédure abusive,

Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,

Condamne Mesdames X... et Y... aux dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Fait et jugé à Paris le 30 Janvier 2008

Le GreffierLe Président


Synthèse
Tribunal : Tribunal de grande instance de Paris
Formation : Chambre civile 3
Numéro d'arrêt : 06/02615
Date de la décision : 30/01/2008
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.grande.instance.paris;arret;2008-01-30;06.02615 ?
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