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25/01/2008 | FRANCE | N°06/11666

France | France, Tribunal de grande instance de Paris, Chambre civile 3, 25 janvier 2008, 06/11666


3ème chambre 2ème section

Assignation du : 28 Juillet 2006

JUGEMENT rendu le 25 Janvier 2008

DEMANDERESSE

Madame Liliane X... épouse Y... dite Natacha Y...... 32700 LECTOURE

représentée par Me Corinne CHAMPAGNER KATZ, avocat au barreau de PARIS, vestiaire C. 1864

DÉFENDEURS

Monsieur Xavier Z...... 75015 PARIS

représenté par Me Claire SIMONIN, avocat au barreau de DE PARIS, vestiaire C2590
Société LES HUMANOIDES ASSOCIES SAS... 75011 PARIS

représentée par Me Etienne ROCHER, avocat au barreau de PARIS, vestia

ire P 14
Monsieur Christophe A......-... ... 81000 ALBI

représenté par Me Thierry LACOSTE, avocat au barreau de P...

3ème chambre 2ème section

Assignation du : 28 Juillet 2006

JUGEMENT rendu le 25 Janvier 2008

DEMANDERESSE

Madame Liliane X... épouse Y... dite Natacha Y...... 32700 LECTOURE

représentée par Me Corinne CHAMPAGNER KATZ, avocat au barreau de PARIS, vestiaire C. 1864

DÉFENDEURS

Monsieur Xavier Z...... 75015 PARIS

représenté par Me Claire SIMONIN, avocat au barreau de DE PARIS, vestiaire C2590
Société LES HUMANOIDES ASSOCIES SAS... 75011 PARIS

représentée par Me Etienne ROCHER, avocat au barreau de PARIS, vestiaire P 14
Monsieur Christophe A......-... ... 81000 ALBI

représenté par Me Thierry LACOSTE, avocat au barreau de PARIS, vestiaire R204
S. A. HACHETTE LIVRE... 75015 PARIS

représentée par Me Laurent MERLET, avocat au barreau de PARIS, vestiaire P. 327
COMPOSITION DU TRIBUNAL
Véronique RENARD, Vice- Président, signataire de la décision Sophie CANAS, Juge Guillaume MEUNIER, Juge

assistée de Marie- Aline PIGNOLET, Greffier, signataire de la décision
DÉBATS
A l'audience du 22 Novembre 2007, Prononcé par remise de la décision au greffe, devant Véronique RENARD, Guillaume Guillaume MEUNIER, juges rapporteurs, qui, sans opposition des avocats, ont tenu seuls l'audience, et, après avoir entendu les conseils des parties, en ont rendu compte au Tribunal, conformément aux dispositions de l'article 786 du Nouveau Code de Procédure Civile
JUGEMENT
Prononcé par remise de la décision au greffe Contradictoire en premier ressort

Faits et procédure
Madame Liliane X... épouse Y..., dite Natacha Y..., est photographe professionnel, spécialisée dans la photographie thématique, notamment celle relative à la Marine Nationale.
Elle expose s'être mise à la disposition de cette institution de 1995 à 1999, afin de réaliser un reportage sur l'ensemble des sous- marins de la flotte militaire française.
Les photographies résultant de ce travail ont été publiées dans un ouvrage intitulé " Des sous- marins et des hommes ", édité par la société MARINES EDITIONS en vertu d'un contrat d'édition du 28 mai 1998, et publié pour la première fois en mai 1999.
Messieurs Xavier Z... et Christophe A... sont respectivement scénariste et dessinateur de bandes dessinées, et sont coauteurs de la série " Sanctuaire ", trilogie fantastique se déroulant en 2029 à bord d'un sous- marin, adaptée en langue anglaise sous le titre " Sanctum ".

Les trois tomes de cette série, " USS NEBRASKA ", " Le Puit des abîmes " et " Moth ", ont été publiés en 2001, 2002 et 2004 en exécution de contrats d'édition conclus avec la société Les Humanoïdes Associés les 25 octobre 1999, 25 octobre 2001 et 29 novembre 2002.

Ces ouvrages ont été distribués en librairie par la société Hachette Livre.
Jugeant que certains dessins de ces bandes- dessinées reproduisaient servilement, sans son autorisation, certaines de ses photographies, Madame Y..., dûment autorisée par ordonnance de Monsieur le Président du Tribunal de grande instance de Paris du 19 juin 2006, a fait procéder, deux jours plus tard, à une saisie- contrefaçon dans les locaux de la société Les Humanoïdes Associés, permettant de procéder à la saisie d'exemplaires de la série " Sanctuaire ".
Puis, par actes d'huissier de justice en date du 28 juillet 2006, Madame Y... a assigné Monsieur A..., les sociétés Les Humanoïdes Associés et Hachette Livre en contrefaçon de ses droits d'auteur, aux fins d'obtenir à titre principal, outre des mesures d'interdiction et de publication, réparation du préjudice subi, sous le bénéfice de l'exécution provisoire.
Par acte d'huissier d'huissier de justice du 9 mars 2007, elle a assigné Monsieur Z... en intervention forcée.
Les deux procédures ont été jointes par ordonnance du Juge de la mise en état du 30 mars 2007.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 9 novembre 2007.
Prétentions des parties
Dans ses dernières conclusions, signifiées le12 octobre 2007, Madame Y... demande au Tribunal :
- de la juger recevable en ses demandes,- de dire et juger que ses photographies sont originales et protégeables au sens des dispositions des livres I et III du Code de la propriété intellectuelle,- de dire et juger que Messieurs A... et Z... ont commis des actes de contrefaçon en reproduisant 24 photographies sur lesquelles Madame Y... est titulaire de droits d'auteur, dans des bandes- dessinées des séries intitulées " Sanctuaire " et " Sanctum ",- de dire et juger que la société Les Humanoïdes Associés a commis des actes de contrefaçon en faisant imprimer, en éditant, en publiant, en commercialisant, en distribuant et en exportant les trois tomes de la série de la bande- dessinée " Sanctuaire ", ainsi que le tome 3 " luxe " de ladite bande- dessinée, les coffrets de la série " Sanctuaire ", les bandes- dessinées " Sanctum ", contrefaisant ses photographies,- de dire et juger que la société Hachette Livres a commis des actes de contrefaçon en distribuant en France les trois tomes de la série de la bande- dessinée " Sanctuaire ", ainsi que le tome 3 " luxe " de ladite bande- dessinée, les coffrets de la série " Sanctuaire ", et l'ouvrage regroupant les trois exemplaires de la série " Sanctum ",- de condamner solidairement les défendeurs à lui verser la somme de 50. 000 € en réparation de l'atteinte portée à son droit moral,- de condamner solidairement les défendeurs à lui verser la somme provisionnelle de 150. 000 € en réparation de l'atteinte portée à ses droits patrimoniaux d'auteur,

Sur les mesures d'interdiction,
A titre principal,
- d'interdire aux défendeurs de reproduire ses photographies sous quelque forme que ce soit, et notamment leur interdire d'imprimer, de faire imprimer, d'éditer, de faire éditer, de publier, de faire publier, de commercialiser et de distribuer directement ou indirectement les bandes- dessinées litigieuses, sous astreinte de 1. 000 € par jour de retard et par infraction constatée, à compter de la signification du jugement, le Tribunal se réservant le droit de liquider l'astreinte,
Subsidiairement,
- de condamner la société Les Humanoïdes Associés à lui allouer un droit d'auteur calculé sur un pourcentage sur l'ensemble des ouvrages vendus à hauteur de 3 % du prix public hors taxe et ce à compter de la signification du jugement,- d'ordonner à cette même société d'indiquer une mention " Inspirée de l'oeuvre de Madame Natacha Y... " sur les ouvrages contrefaisants, sous astreinte de 1. 000 € par infraction constatée, à compter de la signification du jugement, le Tribunal se réservant le droit de liquider l'astreinte,

En tout état de cause,
- d'ordonner une mesure de publication dont elle fixe les limites,- d'ordonner l'exécution provisoire, sans constitution de garantie,- de condamner solidairement les défendeurs à lui payer la somme de 15. 000 € sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

Dans ses dernières conclusions signifiées le 9 novembre 2007, Monsieur A..., le dessinateur, demande au Tribunal :
A titre principal,
- de juger la demanderesse irrecevable en ses demandes, et de l'en débouter,

Subsidiairement,

- de constater l'originalité de son oeuvre, tant dans son ensemble que pour ses 1. 367 dessins pris isolément,- de constater l'absence d'originalité des 26 photographies de la demanderesse mentionnées dans les écritures de celles- ci,- de constater l'absence de contrefaçon, et de débouter Madame Y... de ses demandes,

A titre infiniment subsidiaire,
- de constater son erreur excusable, et de l'exonérer de toute sanction et réparation,- de constater l'absence d'intérêt à agir de la demanderesse, son absence de préjudice moral et l'absence de proportionnalité de ses demandes concernant le préjudice patrimonial prétendu, et de la débouter de ses demandes,

Enfin,
- de condamner la demanderesse aux entiers dépens et au paiement de la somme de 15. 000 € sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Par conclusions du 14 septembre 2007, Monsieur Z..., scénariste, demande quant à lui :
- de juger Madame Y... irrecevable en ses demandes,- subsidiairement, de le mettre hors de cause,- à titre plus subsidiaire, de constater l'absence d'originalité des 24 photographies mentionnées par la demanderesse dans ses écritures, de constater l'absence de contrefaçon et de débouter Madame Y... de l'ensemble de ses demandes,- de ramener les demandes indemnitaires à de plus justes proportions, qui ne sauraient excéder 1. 428, 07 € au titre du préjudice patrimonial, 1 € au titre du préjudice moral,- de condamner tout succombant aux entiers dépens et au paiement de la somme de 5. 000 € sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Dans ses dernières écritures du 29 juin 2007, la société Les Humanoïdes Associés formule les mêmes demandes et, y ajoutant sollicite la condamnation de Messieurs A... et Z... à la garantir de toutes condamnations mises à sa charge.
Enfin, la société Hachette Livres, par conclusions récapitulatives du 7 septembre 2007, demande au Tribunal de juger la demanderesse irrecevable en ses demandes, de constater que sa responsabilité civile n'est pas établie, subsidiairement de juger que Les Humanoïdes Associés devront la garantir de toutes condamnations mises à sa charge, en tout état de cause de débouter Madame Y... et de la condamner aux entiers dépens et au paiement de la somme de 5. 000 € sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Motifs de la décision
I. Sur les fins de non- recevoir
Attendu que pour conclure à l'irrecevabilité des demandes de Madame Y..., Monsieur A... et la société Hachette Livres soutiennent que Madame Y..., dont ils ne contestent pas la qualité d'auteur des photographies invoquées au soutien de son action en contrefaçon, n'est plus propriétaire des droits patrimoniaux sur celle- ci suite au contrat d'édition conclu le 28 mai 1998 avec la société MARINES EDITION ;
Qu'en outre, Monsieur Z... et les Humanoïdes Associés font valoir que les photographies litigieuses illustrent un ouvrage réalisé en collaboration avec Monsieur Michel C..., lequel aurait dû être mis en cause conformément aux dispositions de l'article L. 113-2 du Code de la propriété intellectuelle ;
Qu'enfin, en visant les mêmes dispositions, la société Les Humanoïdes Associés soutient que la demanderesse aurait dû mettre en cause Monsieur Z..., coauteur de la série " Sanctuaire " ;
A. Sur la titularité des droits
Attendu que l'article L. 131-2 du Code de la propriété intellectuelle dispose que les contrats de représentation et d'édition doivent être constatés par écrit ; que l'article L. 131-3 du même Code précise que la transmission des droits de l'auteur est subordonnée à la condition que chacun des droits cédés fasse l'objet d'une mention distincte dans l'acte de cession et que le domaine d'exploitation des droits cédés soit limité quant à son étendue et à sa destination, quant au lieu et quant à la durée ;
Attendu, en l'espèce, que par contrat du 28 mai 1998, Madame Y... a cédé à la société MARINES EDITION " le droit d'imprimer, de publier et de vendre l'ouvrage dont le titre est " Des sous- marins et des hommes " ", réalisé " en collaboration avec Monsieur Michel C... " ;
Qu'il est constant que les contrats portant sur les droits d'auteur sont d'interprétation stricte, d'où il découle que l'auteur est supposé s'être réservé tout droit ou mode d'exploitation non expressément visé par les cocontractants ;
Qu'il résulte de la convention du 28 mai 1998 que la cession envisagée se limitait à l'exploitation de l'oeuvre de collaboration que constituait le livre illustré par les travaux de la photographe ;
Qu'il n'est produit aucune pièce démontrant que la demanderesse aurait par ailleurs cédé, pour un usage distinct, ses droits patrimoniaux sur les photographies invoquées au soutien de l'action en contrefaçon ;

Attendu, en tout état de cause, qu'en l'absence de revendication de tiers, les défendeurs, poursuivis en contrefaçon, ne sont pas fondés à contester la qualité des droits revendiqués par Madame Y... ;

Attendu, en conséquence, que la fin de non- recevoir tirée du défaut de titularité des droits patrimoniaux sur les oeuvres invoquées doit être rejetée ;
B. Sur l'absence de mise en cause de Messieurs Z... et C...
Attendu qu'il résulte des dispositions de l'article L. 113-3 du Code de la propriété intellectuelle que la recevabilité de l'action en contrefaçon dirigée à l'encontre d'une oeuvre de collaboration, laquelle est la propriété commune des coauteurs, est subordonnée à la mise en cause de l'ensemble de ceux- ci, dès lors que leur contribution ne peut être séparée ; qu'en revanche, lorsque la participation de chacun des coauteurs relève de genres différents, chacun peut, sauf convention contraire, exploiter séparément sa contribution personnelle, sans toutefois porter préjudice à l'exploitation de l'oeuvre commune ;
Attendu que contrairement à ce que soutient la société Les Humanoïdes Associés, la demanderesse a régulièrement mis en cause Monsieur Z..., scénariste des bandes- dessinées litigieuses ; qu'elle s'est donc conformée aux règles énoncées ci- dessus ;
Attendu, par ailleurs, que s'agissant de l'absence de mise en cause de Monsieur Michel C..., co- auteur du livre " Des sous- marins et des hommes " illustré par les photographies prétendument contrefaites, il convient de souligner que Madame Y... agit en contrefaçon de ses clichés considérés isolément, et non en contrefaçon du livre précité ;
Attendu que de ce point de vue, les défendeurs font valoir que les photographies litigieuses sont indissociables des textes écrits par Monsieur C... dans l'ouvrage " Des sous- marins et des hommes " ;
Mais attendu qu'une seule de ces photographies, située page 75 du livre, suit immédiatement un texte, imprimé sur la page opposée ; qu'il n'est pas démontré en quoi ce cliché illustrerait ce texte, relatif au découpage des sous- marins " en compartiment eux- mêmes regroupés en " tranches " " ;
Qu'à supposer établi que la photographie constitue une illustration des lignes la précédant, force est de constater que les contributions respectives de Madame Y..., photographe, et Monsieur C..., rédacteur, relèvent de genres différents ;
Que l'ouvrage lui- même, qui porte sur sa couverture deux mentions distinctes, " ‘ Photographies de Natacha Y... " et " Textes de Michel C... ", individualise le travail des deux coauteurs ;

Que les photographies prétendument contrefaites, situées pages 12, 15, 24, 32, 33, 47, 57, 66, 67, 75, 83, 85, 97, 99, 123, 140, 141, 157, 173, 186, 188, 201, 207, et 209 du livre " Des sous- marins et des hommes ", occupent chacune une page, et ne sont accompagnée que d'une courte légende ; qu'elles peuvent ainsi être appréhendée par le lecteur séparément de la contribution de Monsieur C... ;

Qu'il en résulte que Madame Y... est recevable à agir seul en contrefaçon de ses clichés.
II. Sur l'originalité des oeuvres revendiquées
Attendu que pour contester toute originalité aux clichés revendiqués, les défendeurs soutiennent en substance que Madame Y... s'est bornée à photographier de manière objective, dans un style documentaire, des scènes de vie ordinaires dans des sous- marins, et ce sous le contrôle de la Marine Nationale ; qu'ils ajoutent que le cadrage et l'éclairage des prises de vues se sont imposés à la demanderesse qui ne démontrerait pas quels sont les éléments propres à révéler l'empreinte de sa personnalité ;
Qu'en réponse, la photographe revendique l'originalité de ses clichés en soulignant que ceux- ci sont l'empreinte de ses choix relatifs aux personnages, aux situations, aux cadres et aux éclairages ;
Attendu que les dispositions de l'article 112- 1du Code de la Propriété Intellectuelle protègent les droits d'auteur sur toutes les oeuvres de l'esprit, quels qu'en soient le genre, la forme d'expression, le mérite ou la destination pourvu qu'elles soient des créations de forme originale ;
Que l'article L. 112-2, 9o du même Code dispose que sont considérées comme des oeuvres de l'esprit les oeuvres photographiques et celles réalisées à l'aide de techniques analogues à la photographie ;
Que pour reconnaître aux 24 photographies invoquées par Madame Y... la protection par le droit d'auteur, le Tribunal doit rechercher si chacune d'entre elles répond à l'exigence d'originalité ;
- S'agissant de la photographie située page 12 du livre " Des sous- marins et des hommes "
Attendu que ce cliché représente un sous- marinier se tenant manifestement au- dessus du sas de veille du vaisseau ; que le choix du personnage, le cadrage, l'angle de prise de vue, dont il n'est pas démontré qu'ils sont imposés par des contraintes techniques particulières, auraient pu être différents ; qu'ils correspondent nécessairement à un choix de la photographe ;
- S'agissant de la photographie située page 15 du livre " Des sous- marins et des hommes "
Attendu que cette photographie représente un homme au sommet d'une échelle ; que le fait de photographier ce militaire en contre- plongée, en se plaçant dans un lieu dont la configuration restreignait les possibilités d'éclairage, démontre une volonté de la photographe de procéder à un jeu de lumières particulier ;
- S'agissant de la photographie située page 24 du livre " Des sous- marins et des hommes "
Attendu que ce cliché représente plusieurs sous- mariniers, attablés, en pleine discussion ; que le point de prise de vue loin d'être imposé par la configuration de la pièce, souligne le souhait de la demanderesse de se placer au centre de la scène, et de jouer sur l'impression d'immersion ainsi créée ;
- S'agissant de la photographie située page 32 du livre " Des sous- marins et des hommes "
Attendu que cette photographie représente un groupe d'hommes dans une pièce exigüe ; qu'en se plaçant parmi les membres du cercle, et non à l'extérieur ou au centre de celui- ci, la photographe a influé sur l'angle de vue et la composition générale de l'image ; que le moment de la photographie s'avère délibérément choisi, le personnage semblant agiter une feuille conférant à l'ensemble un aspect dynamique ;
- S'agissant de la photographie située page 33 du livre " Des sous- marins et des hommes "
Attendu que ce cliché représente des sous- mariniers écoutant le discours d'un officier ; qu'une fois de plus, la position adoptée par Madame Y..., le moment choisi pour saisir la scène et l'angle de vue, qui favorise un jeu de reflets, confèrent à l'ensemble un caractère propre ;
- S'agissant de la photographie située page 47 du livre " Des sous- marins et des hommes "
Attendu que cette photographie représente le sous- marin Le Triomphant, à quai ; que la configuration des lieux montre que la photographe aurait pu choisir un autre angle de prise de vue ; qu'elle a manifestement choisi de se placer de telle façon que le cliché comporte un jeu de lumières résultant du reflet des rayons de soleil sur la cuirasse du submersible ;
- S'agissant de la photographie située page 57 du livre " Des sous- marins et des hommes "
Attendu que ce cliché représente trois sous- mariniers en train de sourire, en un moment manifestement choisi par la photographe ; que celle- ci a également fait le choix de les saisir de face, en se positionnant légèrement en retrait, alors que la configuration des lieux lui permettait d'adopter un autre angle de prise de vue ;
- S'agissant de la photographie située page 66 du livre " Des sous- marins et des hommes "
Attendu que cette photographie représente une scène se déroulant à l'extérieur, comprenant un officier au premier plan, en compagnie de deux autres personnes, dont l'une scrute l'horizon à l'aide de jumelles ; que le choix d'un plan rapproché a permis à Madame Y... de jouer sur l'impression d'exiguïté, alors qu'elle pouvait manifestement prendre une autre position ;
- S'agissant de la photographie située page 67 du livre " Des sous- marins et des hommes "
Attendu que ce cliché représente deux hommes vêtus de combinaisons rouges, s'avançant sur la coque d'un sous- marin en mer ; que la présence d'officiers à l'arrière plan démontre que la photographe aurait pu se placer autrement, le choix du moment du cliché conférant à l'ensemble un aspect dynamique ;
- S'agissant de la photographie située page 75 du livre " Des sous- marins et des hommes "
Attendu que cette photographie représente un corridor désert ; que l'angle de prise de vue correspond manifestement au choix délibéré de jouer sur la symétrie des lieux ;
- S'agissant de la photographie située page 83 du livre " Des sous- marins et des hommes "
Attendu que ce cliché représente également une coursive, mais prise sous un angle différent, avec un jeu de lumières distinct démontrant, une fois de plus, que Madame Y... n'a pas pris ses photographies dans des conditions imposées par des contraintes techniques ;
- S'agissant de la photographie située page 85 du livre " Des sous- marins et des hommes "
Attendu que cette photographie représente un autre type de corridor, la photographe ayant choisi un angle de prise de vue particulier permettant de jouer sur les perspectives, et ayant manifestement utilisé un filtre donnant à l'ensemble une coloration verte que l'on ne retrouve pas sur l'intégralité des clichés ;
- S'agissant de la photographie située page 97 du livre " Des sous- marins et des hommes "
Attendu que ce cliché représente un sous- marinier face à un lavabo surmonté d'un miroir ; que le choix du moment de la photographie, de l'angle de prise de vue et du personnage corresponde à un choix de l'auteur, sans répondre à une quelconque contrainte technique ;
- S'agissant de la photographie située page 99 du livre " Des sous- marins et des hommes "
Attendu que cette photographie représente une sorte de pièce à vivre, au fond de laquelle un homme se trouve assis ; que le fait de ne pas faire figurer ce personnage au premier rang, ainsi que l'angle de prise de vue ne sont pas imposés par la configuration des lieux ;
- S'agissant de la photographie située page 123 du livre " Des sous- marins et des hommes "
Attendu que ce cliché représente un cuisinier à l'oeuvre ; que le choix du moment de la photographie a permis à Madame Y... de jouer sur l'impression de mouvement, l'angle de prise de vue n'étant quant à lui pas imposé par l'agencement de la pièce ;
- S'agissant de la photographie située page 140 du livre " Des sous- marins et des hommes "
Attendu que cette photographie représente un sous- marinier en action dans la soute à missiles ; que le choix du personnage, dont il n'apparaît pas qu'il puisse être le seul à se livrer à ce type de tâche, et de l'angle de vue, permettant un jeu de lumière particulier, correspondent à une volonté délibérée de la photographe de donner à son oeuvre une configuration particulière ;
- S'agissant de la photographie située page 141 du livre " Des sous- marins et des hommes "
Attendu que ce cliché représente des officiers ou sous- officiers dans un corridor ; que l'on y retrouve la couleur verte présente seulement sur certains instantanés ; que la position adoptée par Madame Y... lui a permis de jouer sur la longueur du couloir et de tirer partie de la longueur du submersible ;
- S'agissant de la photographie située page 157 du livre " Des sous- marins et des hommes "
Attendu que cette photographie représente un homme moustachu, au bas d'une échelle, levant les yeux ; qu'en se positionnant derrière l'échelle, en étant relativement proche du sous- marinier et en choisissant un moment où celui- ci ne regardait pas l'objectif, la photographe a conféré à son cliché une configuration spécifique ;
- S'agissant de la photographie située page 173 du livre " Des sous- marins et des hommes "
Attendu que ce cliché représente un sous- marinier ; que l'effet de flou, ainsi que l'absence d'usage d'un flash accentuent l'exiguïté du lieu, sans qu'aucune considération technique ne semble les imposer ;
- S'agissant de la photographie située page 186 du livre " Des sous- marins et des hommes "
Attendu que cette photographie représente un homme dans sa couchette ; qu'alors qu'elle pouvait manifestement se mettre au même niveau que le sujet, la photographe a choisi un angle de contre- plongée ;
- S'agissant de la photographie située page 188 du livre " Des sous- marins et des hommes "
Attendu que ce cliché représente un homme en train de travailler sur un ordinateur portable ; que l'angle de vue et la distance choisie ne paraissent pas, là encore, imposés par la configuration des lieux ;
- S'agissant de la photographie située page 201 du livre " Des sous- marins et des hommes "
Attendu que cette photographie représente deux hommes en scaphandre ; que la présence d'autres hommes à l'arrière- plan montre que Madame Y... aurait pu choisir un autre angle de prise de vue ;
- S'agissant de la photographie située page 207 du livre " Des sous- marins et des hommes "
Attendu que ce cliché représente un sous- marin vu de haut ; que le choix du moment de la photographie, l'angle de prise de vue, le recours, même favorisé par les militaires, à ce qui doit être un hélicoptère ont permis à la photographe de conférer un agencement particulier à son cliché ;
- S'agissant de la photographie située page 209 du livre " Des sous- marins et des hommes "
Attendu que cette photographie représente deux hommes scrutant l'horizon à l'aide de jumelles ; que l'angle de prise de vue, le moment de la photographie et le choix des sujets ont permis à Madame Y... de jouer sur l'impression de symétrie ;
Attendu qu'il résulte de l'ensemble de ces éléments que les choix de la composition de l'image, du cadrage et des jeux de lumière confèrent à ces clichés un aspect esthétique original reflétant l'empreinte de la personnalité de leur auteur, et sont donc susceptibles de protection.

III. Sur la contrefaçon

Attendu que Madame Y... soutient que les photographies situées pages 12, 15, 24, 32, 33, 47, 57, 66, 67, 75, 83, 85, 97, 99, 123, 140, 141, 157, 173, 186, 188, 201, 207, et 209 du livre " Des sous- marins et des hommes " sont contrefaites par des dessins situés pages 24, 50, 29, 11, 8, 12, 24, 10, 17, 9 du tome " USS NEBRASKA ", page 29 du tome " Le puit des abîmes ", pages 34, 46, 44, 52, 41 et 52 du tome " Moth " de la série " Sanctuaire " ;
Attendu que l'article L. 122-4 du Code de la propriété intellectuelle dispose que toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de l'auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause est illicite ;
Qu'aux termes de l'article L. 121-1 du même Code, l'auteur jouit du droit au respect de son nom et de sa qualité ;
- S'agissant de la bande- dessinée " USS NEBRASKA "
Attendu, s'agissant des dessins visibles dans le tome " USS NEBRASKA " de la série " Sanctuaire " :
- que si une case de la page 8 reprend les trois personnages du cliché situé page 66 du livre de Mme Y... et M. C..., l'angle de prise de vue est légèrement différent, de même que les visages des intéressés, de sorte que la composition ne reprend pas les caractéristiques essentielles de l'oeuvre de la photographe ;- que le dessin page 10 représentant une ouverture ne reprend ni l'angle de vue, ni l'ensemble des détails mis en valeur par les jeux de lumières choisis par la photographe pour son cliché de la page 83 du livre " Des sous- marins et des hommes " ; que le dessinateur y a de plus ajouté des personnages ;- qu'il en va de même s'agissant de la case située dans la partie inférieure de la même page, qui de ce fait ne reprend pas les éléments caractéristiques du cliché visible page 85 du livre de Madame Y... ;- que le dessin situé page 11 de la bande- dessinée ne reprend pas l'ensemble des caractéristiques de la photographie située page 57 du livre " Des sous- marins et des hommes ", en ce qu'il ne concerne pas les mêmes personnages, dont l'attitude est de surcroît différente de celle des sujets du cliché revendiqué ;- que le dessin situé page 12 de " USS NEBRASKA " ne reprend ni l'angle de prise de vue, ni même les sujets visibles sur la photographie reproduite page 67 de l'ouvrage de la demanderesse, et ne joue en aucun cas sur l'effet dynamique du cliché considéré ;- qu'une case de la page 24 représente un personnage dans une action identique à celle du sous- marinier visible page 140 du livre " Des sous- marins et des hommes " ; que cependant, l'attitude du personnage, l'exiguïté des locaux dans lesquels il évolue ainsi que les couleurs adoptées par le dessinateur correspondent à des choix distincts de ceux effectuées par la photographe ;

- que la case de la page 24 représentant un homme regardant en l'air ne reprend pas à l'identique le cadrage de la photographie située page 157 du livre de Monsieur C... et Madame Y..., ni même les détails visibles sur celle- ci, de sorte que l'attitude du personnage ne permet pas, à elle seule, de considérer que l'ensemble des éléments caractéristiques du cliché sont repris ;- que la dernière case de la page 24 arguée de contrefaçon ne reprend ni les jeux de lumière, ni la position, ni l'attitude du personnage visibles sur le cliché de la page 173 du livre de référence, alors que ces éléments permettent de caractériser l'originalité de l'oeuvre de Madame Y... ;- que si un cliché de la page 29 de la bande- dessinée représente une scène où des sous- mariniers prêtent attention au discours d'un officier, l'angle de prise de vue, le choix des personnages et le jeu sur les reflets caractérisant l'originalité du cliché de la page 33 du livre " Des sous- marins et des hommes " ne sont pas repris ;

Que dès lors, ces dessins ne peuvent être jugés contrefaisants ;
Attendu, en revanche :
- qu'une case située page 8 reprend à l'identique un personnage visible sur la photographie visible page 209 de l'ouvrage " Des sous- marins et des hommes ", seule la couleur du ciré de celui- ci étant modifiée ; que le cadrage choisi par Madame Y..., et l'attitude du personnage, dépendant du moment choisi pour prendre le cliché, sont ainsi repris ;- que la case placée au centre des pages 8 et 9 constitue un décalque pur et simple du submersible visible page 207 de l'ouvrage précité ; que le dessinateur s'est borné à assombrir les couleurs de l'ensemble, en reprenant l'angle de prise de vue, et le moment de celle- ci choisis par la demanderesse ;- qu'une case en haut de la page 17 constitue le décalque du cliché visible page 85 de l'ouvrage sur la Marine Nationale ; qu'elle reprend en effet, l'angle de prise de vue adoptée par Madame Y... ;- qu'une case de la page 24, représentant un homme en haut d'une échelle, constitue le décalque du cliché situé page 15 de l'ouvrage de Madame Y..., et en reprend tant les détails que l'angle de prise de vue, ainsi que l'attitude du personnage correspondant au moment choisi par la demanderesse pour prendre sa photographie ;

Qu'ainsi, des éléments caractéristiques des oeuvres originales ont été reproduits sans l'accord de la photographe, de sorte que la contrefaçon est caractérisée ;
- S'agissant des dessins du tome " Le Puit des abîmes "
Attendu, s'agissant de cette bande- dessinée :
- que la case page 29, figurant des sous- mariniers, emprunte à la photographie située page 32 de l'ouvrage de référence des éléments caractérisant la touche de Madame Y..., comme l'angle de prise de vue et l'attitude des personnages, en particulier celle du marin semblant agiter une feuille ;- qu'une autre case de la page 29 portant une bulle " Equipage, c'est le lieutenant D... qui vous parle ", reprend à l'identique le sujet, l'angle de prise de vue, les détails visibles sur la photographie de la page 123 du livre " Des sous- marins et des hommes ", en éliminant simplement une partie du cliché ;- qu'un dernier dessin, page 29, reprend à l'identique le sujet, l'angle de prise de vue voire le jeu de lumières caractérisant l'empreinte de la demanderesse sur le cliché de la page 186 de l'ouvrage coréalisé avec Monsieur C... ;

Qu'ainsi, cette reprise d'éléments originaux des clichés invoqués, sans l'accord de la photographe, permet de caractériser la contrefaçon.
- S'agissant du tome " Moth "
Attendu, en ce qui concerne les sept images incriminées :
- qu'un dessin de la page 34 reprend un élément de submersible visible sur une photographie page 12 de " Des sous- marins et des hommes " ; que toutefois, force est de constater que le personnage conférant au cliché de référence une originalité particulière n'est pas reproduit ;- que le dessin de la page 41 représente un personnage différent de celui visible page 188 de l'ouvrage de référence, dans une attitude distincte, la distance choisie par le dessinateur étant différente de celle adoptée par Madame Y... ;- que le dessin de la page 44 représentant un homme face à un miroir ne reprend ni le sujet, ni le cadrage, ni mêmes les éléments de décor visibles sur la photographie de la page 97 de " Des sous- marins et des hommes " ;- que le dessin de la même page représentant une pièce à vivre ne reprend pas la configuration particulière du cliché de la page 99 du livre de référence, étant rappelé que l'originalité de cette photographie repose essentiellement sur le fait d'avoir laissé le sous- marinier cantonné à l'arrière- plan ;- que le sous- marin visible page 46 de la bande- dessinée n'est pas représenté dans une configuration identique à celle de l'engin visible page 47 de l'ouvrage coréalisé par la demanderesse ; que le cadrage de l'image et le jeu de lumières, notamment, sont différents ;- que le dessin de la page 52 représentant deux hommes en combinaison ne reprend ni la configuration des lieux, ni le nombre de personnages, ni le cadrage du cliché situé page 201 de l'ouvrage de Madame Y... et Monsieur C... ;

Que ces dessins ne peuvent être jugés contrefaisants ;
Qu'en revanche un dessin visible page 52 de l'ouvrage considéré, comparé au cliché visible page 141 de " Des sous- marins et des hommes " représente, avec un cadrage identique jouant sur l'effet de perspective, et le même type de colorisation uniforme, les mêmes personnages, immortalisés dans les mêmes actions, ce sans l'accord de la demanderesse ;

- Conclusion

Attendu que les parties défenderesses, et notamment Monsieur A... ne peuvent se retrancher derrière leur bonne foi ou une erreur excusable, indifférentes en droit ;
Que le dessinateur ne peut tirer argument de sa volonté de se montrer réaliste dans la conception de ses propres oeuvres ; qu'en effet, le sous- marin USS NEBRASKA, personnage à part entière d'une bande- dessinée qui prise dans son ensemble constitue indéniablement une oeuvre originale, est censé être un bâtiment de guerre américain ; qu'il est d'autant plus difficilement compréhensible de constater que l'auteur s'est manifestement inspiré de travaux portant sur des submersibles français ;
Attendu dès lors, qu'en reproduisant les éléments originaux de huit photographies de Madame Y..., sans l'accord de celle- ci, dans des dessins de la trilogie de bandes- dessinées " Sanctuaire ", et dans l'adaptation en anglais de celle- ci, " Sanctum ", Monsieur A... s'est rendue coupable de contrefaçon de droits d'auteur ;
Attendu qu'en qualité de professionnelles, les sociétés Les Humanoïdes Associés et Hachette Livres se devaient de vérifier que les oeuvres éditées et distribuées ne portaient pas atteinte aux droits de propriété intellectuelle de tiers ;
Qu'en s'abstenant de le faire, la société Les Humanoïdes Associés, en faisant imprimer, en éditant, en publiant et en commercialisant les dessins litigieux, et la société Hachette Livres, en les distribuant, se sont également rendues coupables d'actes de contrefaçon ;
Attendu, en revanche, qu'il apparaît que Monsieur Z..., scénariste, n'a pas pris part à l'élaboration des dessins litigieux ; que les indications données à Monsieur A... ne sont accompagnées d'aucune illustration ; qu'il ne peut donc lui être reproché d'avoir procédé aux actes de reproduction incriminés par la défenderesse, de sorte qu'il sera mis hors de cause.
IV. Sur les mesures réparatrices
Attendu qu'il n'est pas contesté qu'au 21 décembre 2005, le tome 1 de la série " Sanctuaire " s'est vendu à 48. 832 exemplaires, le tome 2 à 45. 998 exemplaires, le tome 3 à 38. 901 exemplaires, outre 2. 605 exemplaires dans une édition de luxe, que le prix d'un tome de la série dans son édition courante est d'environ 12 €, et que la série comporte plus d'un millier de planches ; que l'exploitation de la bande- dessinée litigieuse se poursuit ; qu'en vertu des contrats d'édition versés aux débats, le scénariste et le dessinateur devaient toucher au minimum 4 % du prix fort de vente hors taxe ;

Attendu que ces éléments justifient l'octroi, à Madame Y..., de la somme de 40. 000 € en réparation de l'atteinte à ses droits patrimoniaux ;

Attendu que si les photographies de la demanderesse, destinées à une oeuvre documentaire, ont été reprise dans un ouvrage de fiction, certes violent, le Tribunal ne peut en déduire une quelconque dépréciation du travail de l'auteur ; attendu, cependant, qu'il est incontestable que les dessins contrefaisants ont décalqué des oeuvres de la photographe en y apportant des modifications, notamment de couleurs, non autorisées ; qu'à aucun moment le nom de Madame Y... n'est mentionné sur les bandes- dessinées litigieuses ;
Que l'atteinte aux droits moraux de l'auteur, ainsi caractérisée, justifie l'octroi d'une somme de 20. 000 € à titre de dommages et intérêts ;
Attendu qu'à titre de complément d'indemnisation, il convient de faire droit à la demande de publication dans les limites fixées par le dispositif de la présente décision ;
Qu'en outre, l'atteinte aux droits moraux de la demanderesse justifie d'ordonner, sous astreinte, que soit portée la mention " Inspiré de l'oeuvre de Madame Y... " sur chaque exemplaire des bandes- dessinées de la série " Sanctuaire ", adaptée en langue anglaise sous le titre " Sanctum ", dans les conditions fixées par le présent jugement ;
Attendu, par ailleurs, que les bandes- dessinées litigieuses ne sont pas uniquement constituées de la reproduction illicite des photographies de la demanderesse ; qu'il ne peut être contesté qu'elles constituent, par ailleurs, une oeuvre originale ; qu'il n'y a pas lieu, dès lors, de faire droit à la demande d'interdiction sollicitée ;
Qu'étant par ailleurs indemnisée par le versement de dommages et intérêts, Madame Y... ne peut prétendre en outre percevoir une redevance prélevées sur les résultats de l'exploitation de la bande- dessinée " Sanctuaire " ; qu'elle sera donc déboutée de sa demande de ce chef ;
V. Sur les responsabilités
Attendu qu'il résulte du contrat de distribution conclu entre les Humanoïdes Associés et la société Hachette Livres que la première garantissait la seconde " contre tous recours de tiers du fait de la dite distribution ", et déclarait " être titulaire de tous les droits de diffusion et de distribution des ouvrages paru sous ses marques " et faisant l'objet du contrat ;
Qu'en conséquence, la société Les Humanoïdes Associés devra garantir la société Hachette Livres des condamnations mises à sa charge par le présent jugement ;
Attendu qu'aux termes de l'article 2 du contrat d'édition le liant à la société Les Humanoïdes Associés, Monsieur A... doit garantir celle- ci " la jouissance entière et libre de toutes servitudes des droits cédés contre tous troubles, revendications ou évictions quelconques ", et s'est engagé " notamment à ce que son oeuvre soit originale et n'entraîne aucune responsabilité de l'éditeur envers les tiers " ;
Que dès lors, Monsieur A... devra garantir son éditeur des condamnations mises à sa charge par la décision.
VI. Sur les autres demandes
Attendu que la nature de l'espèce et l'ancienneté du litige justifient d'ordonner l'exécution provisoire du présent jugement ;
Attendu que Monsieur A..., Les Humanoïdes Associés et la société Hachette Livres, succombant, seront condamnés aux entiers dépens ;
Qu'il serait inéquitable de laisser à la charge de Madame Y... la totalité des frais irrépétibles ; qu'il convient, en conséquence, de lui allouer la somme globale de 5. 000 € au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;
Qu'aucune considération d'équité ne commande de faire droit à la demande de Monsieur Z... fondées sur le même article.
PAR CES MOTIFS
Le Tribunal, Statuant publiquement, par mise à disposition du présent jugement au greffe, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues par le deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile, Par jugement contradictoire, rendu en premier ressort,

- DIT que Madame Y... est titulaire des droits d'auteurs sur les photographies situées 12, 15, 24, 32, 33, 47, 57, 66, 67, 75, 83, 85, 97, 99, 123, 140, 141, 157, 173, 186, 188, 201, 207, et 209 du livre " Des sous- marins et des hommes ",

- REJETTE les fins de non- recevoir opposées par Messieurs A... et Z..., la société Les Humanoïdes Associés et Hachette Livres,
- DIT que les photographies situées 12, 15, 24, 32, 33, 47, 57, 66, 67, 75, 83, 85, 97, 99, 123, 140, 141, 157, 173, 186, 188, 201, 207, et 209 du livre " Des sous- marins et des hommes ", sont originales et bénéficient de la protection du livre I du Code de la propriété intellectuelle,
- DIT qu'en reproduisant les éléments originaux des photographies de Madame Y... situées pages 15, 32, 85, 123, 143, 186, 207, et 209 du livre " Des sous- marins et des hommes ", sans l'accord de leur auteur, dans des dessins de la trilogie de bandes- dessinées " Sanctuaire ", adaptée en anglais sous le titre " Sanctum ", Monsieur A... s'est rendue coupable de contrefaçon de droits d'auteur,
- DIT qu'en faisant imprimer, en éditant, en publiant, en commercialisant les bandes- dessinées de la série " Sanctuaire " ou " Sanctum " contrefaisant les photographies de Madame Y... situées pages 15, 32, 85, 123, 143, 186, 207, et 209 du livre " Des sous- marins et des hommes ", sans l'accord de leur auteur, la société Les Humanoïdes Associés s'est rendue coupable de contrefaçon de droits d'auteurs,
- DIT qu'en distribuant, en commercialisant les bandes- dessinées de la série " Sanctuaire " ou " Sanctum " contrefaisant les photographies de Madame Y... situées pages 15, 32, 85, 123, 143, 186, 207, et 209 du livre " Des sous- marins et des hommes ", sans l'accord de leur auteur, la société Hachette Livres s'est rendue coupable de contrefaçon de droits d'auteurs,
- MET Monsieur Z... hors de cause,
- CONDAMNE solidairement Monsieur A..., la société Les Humanoïdes Associés et la société Hachette Livres à payer à Madame Y... la somme de 40. 000 € à titre de dommages et intérêts en réparation de l'atteinte à ses droits patrimoniaux d'auteur,
- CONDAMNE solidairement Monsieur A..., la société Les Humanoïdes Associés et la société Hachette Livres à payer à Madame Y... la somme de 20. 000 € à titre de dommages et intérêts en réparation de l'atteinte à ses droits moraux d'auteur,
- AUTORISE la publication de la présente décision, par extraits, dans trois journaux ou revues au choix de Madame Y..., ainsi que sur le site internet www. humano. com, frais avancés des sociétés Les Humanoïdes Associés et Hachette Livres et de Monsieur A..., dans la limite de 4. 500 € hors taxes par insertion,
- ORDONNE à la société Les Humanoïdes Associés de reporter la mention " Inspiré de l'oeuvre de Madame Natacha Y... " sur les exemplaires à venir des séries " Sanctuaire " et " Sanctum ", sous astreinte de 50 € par infraction constatée à compter du quatre vingt dixième jour suivant la signification du présent jugement,
- DEBOUTE les parties du surplus de leurs demandes,
- ORDONNE l'exécution provisoire,

- CONDAMNE solidairement Monsieur A..., la société Les Humanoïdes Associés et la société Hachette Livres à payer à Madame Y... la somme de 5. 000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,

- CONDAMNE Monsieur A..., la société Les Humanoïdes Associés et la société Hachette Livres aux entiers dépens, lesquels seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile,
- DIT que la société Les Humanoïdes Associés devra garantir la société Hachette Livres de l'ensemble des condamnations mises à sa charge par la présente décision,
- DIT que Monsieur A... devra garantir la société Les Humanoïdes Associés de l'ensemble des condamnations mises à sa charge par la présente décision.

FAIT A PARIS LE 25 Janvier 2008

LE GREFFIERLE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Tribunal de grande instance de Paris
Formation : Chambre civile 3
Numéro d'arrêt : 06/11666
Date de la décision : 25/01/2008
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.grande.instance.paris;arret;2008-01-25;06.11666 ?
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