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25/01/2008 | FRANCE | N°06/06320

France | France, Tribunal de grande instance de Paris, Chambre civile 3, 25 janvier 2008, 06/06320


3ème chambre 2ème section
Assignation du : 14 Avril 2006

JUGEMENT rendu le 25 Janvier 2008

DEMANDEURS
Madame Ursula X... veuve Y... Z...... 75018 PARIS

Monsieur Patrick Z...... 84400 APT

Madame Michelle A... divorcée Z... domiciliée : chez M. Patrick Z...... 84400 APT

Association FOND'ACTION Y... Z... représentée par son Président, M. André B... dont le siège est : 66500 EUS CASA PASCUALA

représentés par Me Antoine WEIL, avocat au barreau de PARIS, vestiaire A0364
DÉFENDERESSES
S. A. R. L. VEGA PRODUCTION DIFFUSION COM

MUNICATION 12 rue de la Chaussée d'ANTIN 75009 PARIS

représentée par Me Jean François AUDUC, avocat au ba...

3ème chambre 2ème section
Assignation du : 14 Avril 2006

JUGEMENT rendu le 25 Janvier 2008

DEMANDEURS
Madame Ursula X... veuve Y... Z...... 75018 PARIS

Monsieur Patrick Z...... 84400 APT

Madame Michelle A... divorcée Z... domiciliée : chez M. Patrick Z...... 84400 APT

Association FOND'ACTION Y... Z... représentée par son Président, M. André B... dont le siège est : 66500 EUS CASA PASCUALA

représentés par Me Antoine WEIL, avocat au barreau de PARIS, vestiaire A0364
DÉFENDERESSES
S. A. R. L. VEGA PRODUCTION DIFFUSION COMMUNICATION 12 rue de la Chaussée d'ANTIN 75009 PARIS

représentée par Me Jean François AUDUC, avocat au barreau de PARIS, vestiaire E. 674
Société OPENING SAS 41 Quai des Grands AUGUSTINS 75006 PARIS

représentée par Me Henri D'ARMAGNAC, avocat au barreau de PARIS, vestiaire L0085
Madame Marie- Aimée C..., assignée en intervention en sa seule qualité d'ayant droit de M. Jacques C....... 75014 PARIS

défaillante
COMPOSITION DU TRIBUNAL
Véronique RENARD, Vice- Président, signataire de la décision Sophie CANAS, Juge Guillaume MEUNIER, Juge

assistée de Marie- Aline PIGNOLET, Greffier, signataire de la décision
DÉBATS
A l'audience du 22 Novembre 2007, Prononcé par remise de la décision au greffe, devant Véronique RENARD, Guillaume MEUNIER juges rapporteurs, qui, sans opposition des avocats, ont tenu seuls l'audience, et, après avoir entendu les conseils des parties, en ont rendu compte au Tribunal, conformément aux dispositions de l'article 786 du Nouveau Code de Procédure Civile
JUGEMENT
Prononcé par remise de la décision au greffe Réputé contradictoire en premier ressort

Faits et procédure
Y... Z... est décédé le 23 juin 1959, laissant une veuve, Madame Ursula Z... née X..., et deux enfants issus d'un premier mariage, Monsieur Patrick Z... et Madame Carole Z.... Cette dernière est décédée en laissant pour héritiers son frère Patrick, et sa mère, Madame Michèle A....
L'association Fond'Action Y... Z... a quant à elle été créée par Madame Ursula Z... et Monsieur B... E.... Son objet social est de " promouvoir et divulguer l'oeuvre et la pensée de Y... Z... et favoriser le développement des arts et des sciences contemporains, de la culture, de la recherche artistique et scientifique, dans toutes leurs expressions présentes et à venir, selon la pensée universelle qui animait Y... Z..., et le soutien à toute action humanitaire ; assurer l'administration de son patrimoine soit directement, soit par la mise à disposition sous quelque forme que ce soit à toute structure privée ou publique, à condition qu'elle assume les fonctions définies ci- avant ".
Y... Z... a publié, sous le pseudonyme de Vernon F..., un roman intitulé " J'irai cracher sur vos tombes ".
Cet ouvrage, un temps jugé scandaleux, a fait l'objet, en 1947, d'une adaptation sous la forme d'une pièce de théâtre écrite par l'auteur lui- même, lequel a choisi, cependant, d'écarter certaines scènes à l'origine de la polémique.
Madame Ursula Z..., Monsieur Patrick Z..., Madame Michèle A... et l'association Fond'Action Y... Z..., se présentant comme les ayants droit de l'écrivain, exposent que par contrat du 17 octobre 1957, ce dernier a cédé à la Société Nouvelle Océan Films le droit de procéder à une adaptation cinématographique de la pièce de théâtre, adaptation devant lui être confiée, en collaboration avec les personnes de son choix.
La société Nouvelle Océan Films s'est également vue confier la possibilité d'exploiter l'oeuvre cinématographie en mettant en circulation des copies " aux fins exclusives de projection dans les salles, en télévision, en tous procédés 35mm et 16 mm, connus et inconnus " au jour du contrat, cette autorisation étant donnée pour une durée de " 7 ans à dater de la première sortie du film en exclusivité ", à l'expiration de laquelle l'auteur était censé, selon les demandeurs, recevoir la jouissance exclusive de ses droits.
Par contrat du 7 février 1958, la société Nouvelle Océan Films a cédé ses droits à Monsieur Michel G..., dit Michel K....
Par courrier du 28 octobre 1958, Monsieur Michel K... a rétrocédé à la société CTI " le bénéfice des contrats " le liant à la société Océan Films et à Y... Z....
Ce dernier ayant décidé d'écrire le scénario en compagnie de Jacques C..., une nouvelle convention a été signée le 6 mars 1959 entre Y... Z..., Jacques C... et la société CTI, aux termes de laquelle cette dernière se voyait céder, pour sept ans, le droit exclusif de faire réaliser, produire ou coproduire un film intitulé " J'irai cracher sur vos tombes ".
Il est exposé que le film de Michel K... aurait été réalisé sur la base d'un scénario en réalité modifié par le réalisateur, aidé d'Olga H... dite R... et de Louis I..., le générique du début mentionnant cependant Z... et C... comme auteurs du scénario original.
Il n'est pas contesté que le résultat obtenu a fait l'objet de vives critiques de la part de Y... Z... lui- même, qui, pris de malaise au cours d'une projection du film, est décédé le jour même, le 23 juin 1959. Par jugement du 6 septembre 1963, le Tribunal de grande instance de la Seine a estimé que Michel K..., Louis I... et Olga H... dite R... étaient les véritables auteurs du second scénario, celui rédigé par Z... et C... étant inexploitable.

Alors que, selon les ayants droit de Y... Z..., les droits d'exploitation auraient pris fin le 26 juin 1981, la société AUDIFILMS, venant aux droits de la société CTI, a poursuivi l'exploitation du film, notamment sous la forme d'une vidéocassette, mode de diffusion prétendument non prévu par le contrat initial.
Par jugement du 13 mars 1986, devenu définitif, la troisième chambre du Tribunal de grande instance de Paris a constaté que l'exploitation de l'oeuvre postérieurement au 26 juin 1981, ainsi que son exploitation sous forme de vidéocassette, constituaient une contrefaçon.
C'est dans ce contexte que le 3 juillet 1987, la société AUDIFILMS a cédé à la société VEGA Production, représentée par Michel K..., " l'ensemble des droits corporels et incorporels telle qu'elle les détenait du film et du film annonce intitulé " J'irai cracher sur vos tombes " ".
La veuve de Y... Z... ayant posé un certain nombre de conditions à un renouvellement des droits d'exploitation du scénario, la société VEGA Production a assigné la cohérie Z... devant le Tribunal de grande instance de Paris aux fins de voir juger abusif le refus d'exploitation opposé, et a obtenu gain de cause, in fine, devant la Cour d'appel de Paris, statuant par un arrêt du 17 mai 1991. Le pourvoi en cassation visant cette décision a été rejeté par arrêt de la cour suprême en date du 24 novembre 1993.
La société VEGA Productions a par la suite poursuivi l'exploitation du film, en cédant à la société OPENING SAS, par contrat du 7 octobre 2004, les droits d'édition et de distribution par vidéogrammes du film " J'irai cracher sur vos tombes ".
Constatant la poursuite de l'exploitation de l'oeuvre litigieuse sous la forme, notamment, d'un DVD, et en l'absence de reddition des comptes par la société VEGA, les ayants droit de Y... Z... ont engagé une première procédure de référé devant Monsieur le Président du Tribunal de grande instance de Paris, lequel, par ordonnance du 27 mai 2005, a désigné un médiateur en vue de rechercher une solution convenue et amiable, l'affaire devant être réexaminée, après prorogation de la mesure de médiation, le 13 janvier 2006.
L'exploitation de l'oeuvre s'est poursuivie, sous la forme d'un DVD accompagné d'un livret de douze pages intitulé " Les mille visages de Y... Z... ".
Par assignation du 25 novembre 2005, la cohérie Z... a de nouveau saisi Monsieur le Président du Tribunal de grande instance de Paris qui, par ordonnance du 5 décembre 2005, a :
- déclaré irrecevables les demandes de mesures d'interdiction de diffusion du DVD et de mesures propres à en mesurer l'ampleur et la portée,- constaté que la cession des droits d'éditer, de représenter et d'exploiter le film par le procédé du DVD était contrefaisante,- condamné la société VEGA Productions à payer aux demandeurs ensemble la somme de 15. 000 € de dommages intérêts, outre la somme de 3. 500 € sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Par arrêt du 5 juillet 2006, la Cour d'appel de Paris a confirmé cette décision, y ajoutant au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Entre temps, par acte d'huissier de justice du 14 avril 2006, la cohérie Z... et l'association Fond'Action Y... Z... ont assigné au fond, devant la présente juridiction, les sociétés VEGA Production, OPENING SAS ainsi que Madame Marie- Aimée C..., en sa qualité d'ayant droit de Jacques C..., aux fins, notamment, de voir juger contrefaisante la poursuite de l'exploitation du film " J'irai cracher sur vos tombes ".
L'ordonnance de clôture a été rendue le 22 novembre 2007.
Prétentions des parties
Dans leurs dernières conclusions, signifiées le 16 avril 2007, Madame X... veuve Z..., Monsieur Patrick Z..., Madame Michelle A... et l'association Fond'Action Y... Z... demandent au Tribunal de :
En premier lieu,
- constater que par contrat du 17 octobre 1957, Y... Z... a cédé à la société Nouvelle Océans Films, pour une durée de sept ans, à dater de la première sortie du film, les droits d'adaptation et d'exploitation cinématographiques de sa pièce intitulée " J'irai cracher sur vos tombes ", étant précisé qu'une convention régirait l'exploitation du scénario qu'il écrivit avec Jacques C...,- constater que par contrat du 6 mars 1959, Y... Z... et Jacques C... ont cédé, dans les mêmes conditions, à la société CTI, aux droits de la société Nouvelle Océans Films, les droits d'exploitation de leur scénario,- constater que par jugement du 13 mars 1986, définitif, le Tribunal de grande instance de Paris a constaté dans le litige opposant la cohérie Z... et Jacques C... à la société AUDIFILMS, aux droits de la société CTI, que le film litigieux était l'adaptation de l'oeuvre éponyme de Y... Z..., que les droits d'exploitation du film étaient expirés depuis le 26 juin 1981,- constater que le dit jugement a également constaté que l'exploitation sous une forme autre que cinématographique, et donc sous la forme de vidéocassettes, constituait une contrefaçon,- constater que la société VEGA Productions se trouve aux droits de la société AUDIFILMS en vertu d'un contrat passé le 3 juillet 1987,- constater que la Cour de cassation, par arrêt du 24 novembre 1993, confirmant un arrêt de la Cour d'appel de Paris, a jugé que le scénario définitif du film était une oeuvre composite, incorporant le scénario d'origine écrit par Y... Z... et Jacques C...,- constater que tant le contrat passé par Y... Z..., en vue de la cession de ses droits d'adaptation et d'exploitation cinématographique sur sa pièce de théâtre, que le contrat passé par Y... Z... et Jacques C..., en vue de l'exploitation du scénario adapté de l'oeuvre de Y... Z... n'ont pas été renouvelés et sont donc expirés,- faire interdiction à la société VEGA d'exploiter ce film, sous quelque forme que ce soit, sous astreinte de 100. 000 € par jour à compter de la signification du jugement à intervenir, la société VEGA devant en outre justifier, sous la même astreinte, qu'elle a ordonné à tous les distributeurs et diffuseurs de cesser toute exploitation,- condamner la société VEGA à payer aux ayants droit de Y... Z... l'intégralité des sommes provenant de l'exploitation du film à compter de la délivrance de l'assignation, ainsi qu'une provision de 50. 000 €,

Très subsidiairement,
- constater que la société VEGA, en omettant de rendre des comptes, en ne payant pas les redevances qu'elle devait et en exploitant le film sous une forme contrefaisante a, en tout état de cause, violé ses engagements contractuels,- prononcer, en conséquence, en tout état de cause, la résiliation des conventions avec effet à la date de la délivrance de l'assignation,

En second lieu,
- constater que l'exploitation du film litigieux sous la forme d'un DVD n'a jamais été autorisée par Y... Z..., ni ses ayants droit, et constitue une contrefaçon comme l'a jugé définitivement le Tribunal de grande instance de Paris le 13 mars 1986 à l'encontre de la société AUDIFILMS, aux droits de laquelle se trouve la société VEGA Productions,- interdire à la société OPENING et à la société VEGA de poursuivre cette exploitation sous astreinte de 10. 000 € par infraction constatée, à compter de la signification du jugement à intervenir,- dire et juger que la société OPENING devra remettre, aux fins de destruction, à tel huissier qu'il plaira au Tribunal de désigner, sous astreinte de 1. 000 € par jour de retard, huit jours après la signification du jugement à intervenir, les exemplaires en stock, et justifier du retour des exemplaires distribués et non encore vendus,- dire et juger que la société OPENING et la société VEGA devront fournir sous la même astreinte les factures de fabrication, de vente ou de mise en dépôt, de location, ainsi que les stocks du DVD,- condamner conjointement et solidairement la société OPENING et la société VEGA à payer aux demandeurs, à titre de provision, la somme de 50. 000 €,- ordonner, aux fins de déterminer l'ampleur du préjudice, une expertise dont ils donnent la teneur,- ordonner la publication intégrale du jugement à intervenir dans dix journaux français et étrangers, choisis par les demandeurs,- condamner la société VEGA à régler aux demandeurs de 10. 000 € au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,- ordonner l'exécution provisoire,- condamner la société VEGA aux entiers dépens, dont distraction au profit de Maître Antoine WEIL.

Les demandeurs n'ont formulé aucune demande à l'encontre de Madame C..., laquelle n'a pas constitué avocat.
Par conclusions signifiées le 14 novembre 2006, la société VEGA Production demande au Tribunal de :
- dire et juger irrecevable la demande formulée par les consorts Z... et l'association Fond'Action Y... Z... comme se heurtant à l'autorité de la chose jugé se rapportant au jugement du Tribunal de grande instance de la Seine du 6 février 1963, aux arrêts de la Cour d'appel de Paris du 17 mai 1991 et de la Cour de cassation du 24 novembre 1993,
Subsidiairement,
- constater, dire et juger que le film " J'irai cracher sur vos tombes " n'est pas l'adaptation de la pièce de théâtre éponyme de Y... Z... mais une oeuvre originale réalisée par Monsieur Michel K..., Monsieur Louis I..., Mademoiselle Olga H... à partir d'un scénario inexploitable cinématographiquement rédigé par Y... Z... et Jacques C...,- dire et juger que la société VEGA, cessionnaire des droits de Messieurs K..., I... et de Mademoiselle H... est en droit de poursuivre l'exploitation du film,- dire et juger que cette exploitation, sous forme de vidéocassette ou de vidéogramme es réalisée sur un support technique moderne entrant dans ce qui était défini au contrat comme " genre cinématographique et tout procédé de radiophonie connu ou inconnu à ce jour ",- débouter en conséquence les demandeurs de l'ensemble de leurs demandes,- dire et juger irrecevable, en l'état, la demande de règlement au titre des redevances perçues par la société VEGA pour l'exploitation du film en salle et sur des chaînes télévisées en l'absence de production d'un mode de calcul des droits des héritiers de Y... Z... reposant, à défaut d'élément contractuel, sur ce que peut être la part exacte de ces droits sur l'exploitation du film litigieux,- dire irrecevable, au visa de l'article 122 du nouveau Code de procédure civile, les demandes faites par les demandeurs au titre de la diffusion, de la fabrication et de la vente du DVD du film,- rejeter les demandes faites au titre de la publication du jugement et de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,- condamner les demandeurs au paiement d'une indemnité de 7. 500 € en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens dont distraction au profit de Maître AUDUC.

Par conclusions récapitulatives signifiées le 3 avril 2007, la société OPENING SAS demande au Tribunal :
- de dire les demandeurs irrecevables pour défaut de justification de leur intérêt à agir,- de constater l'absence, en la cause, des coauteurs de l'oeuvre litigieuse, et de dire les demandes irrecevables en l'état,

Subsidiairement, au fond,
- de lui donner acte de la production des chiffres d'exploitation et de l'état des stocks, de dire et juger les demandes d'astreintes sur ce point sans objet,- de lui donner acte de la justification de la destruction des livrets et des digipacks au 14 février 2006, et de dire et juger en conséquence les demandes de destruction et saisies sur ce point sans fondement,- de débouter les demanderesses de l'ensemble de leurs demandes,

Encore plus subsidiairement,
- de condamner la société VEGA à la relever et à la garantir de toutes condamnations, tant en principal qu'accessoires, qui pourraient être prononcées à son encontre,- de condamner solidairement l'ensemble des demandeurs au paiement d'une somme de 4. 000 € sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,- de condamner les demandeurs aux entiers dépens.

Motifs de la décision
Attendu que selon la cohérie Z..., tant le DVD du film " J'irai cracher sur vos tombes " distribué par la société OPENING SAS, que le livret l'accompagnant sont contrefaisants ;
Que les écritures des parties conduisent le Tribunal à apprécier tant la recevabilité que le bien- fondé des demandes formulées de ce chef, avant d'en tirer toutes conséquences utiles au titre des mesures de réparation ;
I. S'agissant du DVD du film " J'irai cracher sur vos tombes "
A. Sur les fins de non- recevoir
- Tirée de l'autorité de la chose jugée
Attendu que la société VEGA Productions demande au Tribunal de juger irrecevables l'ensemble des demandes formulées de ce chef, comme se heurtant à l'autorité de la chose jugée par un jugement Tribunal de grande instance de la Seine du 6 février 1963, un arrêt de la Cour d'appel de Paris du 17 mai 1991, et un arrêt de la Cour de cassation du 24 novembre 1993, dont il ressortirait que le scénario de " J'irai cracher sur vos tombes " constituerait une oeuvre originale de K..., I... et H... dite R... qu'elle serait en droit d'exploiter aux termes des contrats de cessions de droits intervenus ;
Attendu qu'il résulte de l'article 480 du Code de procédure civile que le jugement qui tranche dans son dispositif tout ou partie du principal a, dès son prononcé, l'autorité de la chose jugée relativement à la contestation qu'il tranche ;
Qu'aux termes de l'article 1351 du Code civil, l'autorité de la chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui a fait l'objet du jugement ; qu'il faut que la chose demandée soit la même, que la demande soit fondée sur la même cause, que la demande soit entre les mêmes parties et formée par elles et contre elles en la même qualité ;
Qu'ainsi, elle ne porte que sur ce qui a été précédemment débattu et jugé, étant par ailleurs constant que les motifs, fussent- ils le soutien nécessaire du dispositif, ne sont pas revêtus d'une telle autorité ;
Attendu que dans la première décision, le Tribunal de grande instance de la Seine a tranché un litige opposant Michel K..., Louis I..., Olga H... dite R..., Madame M... d'une part, aux ayants droit de Y... Z..., à Jacques C..., aux éditions SEGHERS et à Madame Françoise S..., d'autre part, au sujet d'un livre écrit par cette dernière sur la base du scénario du film litigieux ; que le Tribunal a notamment " dit que les demandeurs avaient des droits d'auteurs sur le texte utilisé directement par Françoise S... concurremment avec les héritiers Z... et le sieur C... ", " dit n'y avoir lieu de faire droit à la demande en paiement de dommages- intérêts formée contre la société Editions SEGHERS ", et fixé le partage des droits d'auteurs entre les parties au litige ;
Attendu que par jugement du 13 décembre 1989, le Tribunal de grande instance de Paris a " dit qu'en leur qualité de coauteurs du scénario et des dialogues " de " J'irai cracher sur vos tombes ", " les consorts K..., I... et H... dite R... étaient coauteurs avec Y... Z... et Jacques C... du film ", les a autorisé " à prendre toutes mesures utiles pour que le film soit exploité par la société VEGA ", cessionnaire de leurs droits, et a condamné les cohéritiers Z... et Jacques C... à indemniser K..., H... dite R... et I... du préjudice causé par l'abus notoire de leur droit de refuser que le film soit exploité ;
Que la Cour d'appel de Paris, dans la deuxième décision évoquée par la défenderesse, a confirmé ces éléments du dispositif du jugement entrepris ;
Que la Cour de cassation, dans son arrêt du 24 novembre 1993, a rejeté les pourvois en cassation de l'arrêt de la Cour d'appel de Paris ;
Attendu que la première de ces décisions est intervenue dans un litige auquel la société VEGA Productions n'était pas partie ;
Que le litige à l'origine des deux autres concernait non pas des faits de contrefaçon imputables à la société VEGA, mais le caractère abusif du refus opposé par la cohérie Z... à la poursuite de l'exploitation du film " J'irai cracher sur vos tombes " ;
Que l'association Fond'Action Y... Z... n'était partie à aucun des litiges évoqués ;
Qu'en application des principes susvisés, tant les dispositifs que les motifs des décisions invoquées par la défenderesse ne sauraient lier le Tribunal dans le cadre de la présente instance ;
Attendu, dès lors, que la fin de non- recevoir tirée de l'autorité de chose jugée ne peut qu'être rejetée.
- Tirée du défaut de qualité pour agir
Attendu que la société OPENING SAS soutient que les demandeurs ne démontrent pas à quel titre ils détiendraient des droits quelconques à faire valoir sur l'utilisation du film litigieux, et sont dès lors dépourvus de qualité pour agir ;
Attendu qu'il n'est pas contesté que Madame Ursula Z..., Monsieur Patrick Z... et Madame Michèle A... sont les héritiers de l'écrivain ; qu'ils ont dès lors qualité pour agir, en tant que tels, en contrefaçon des droits patrimoniaux afférents aux oeuvres de leur ayant cause ;
Que l'objet social de l'association Fond'Action Y... Z... est de " promouvoir et divulguer l'oeuvre et la pensée de Y... Z... et favoriser le développement des arts et des sciences contemporains, de la culture, de la recherche artistique et scientifique, dans toutes leurs expressions présentes et à venir, selon la pensée universelle qui animait Y... Z..., et le soutien à toute action humanitaire ; assurer l'administration de son patrimoine soit directement, soit par la mise à disposition sous quelque forme que ce soit à toute structure privée ou publique, à condition qu'elle assume les fonctions définies ci- avant " ;
Que sans préjuger du bien- fondé de ses demandes, le Tribunal relève qu'un tel objet social confère à l'association qualité pour agir en défense des droits d'auteur attachés aux oeuvres de l'écrivain ;
Que la détermination de l'étendue des droits des demandeurs sur le film litigieux relève en réalité du fond du litige ;
Que la fin de non- recevoir tirée du défaut de qualité pour agir sera rejetée.
- Tirée de l'absence de mise en cause des coauteurs du film
Attendu qu'il résulte des dispositions de l'article L. 113-3 du Code de la propriété intellectuelle que la recevabilité de l'action en contrefaçon dirigée à l'encontre d'une oeuvre de collaboration, laquelle est la propriété commune des coauteurs, est subordonnée à la mise en cause de l'ensemble de ceux- ci, dès lors que leur contribution ne peut être séparée ;
Attendu que la société OPENING SAS fait valoir que le film " J'irai cracher sur vos tombes " constitue une oeuvre de collaboration, dont les coauteurs doivent exercer leurs droits en commun ; qu'elle en déduit que les demandeurs, qui n'ont pas mis en cause les coauteurs de l'oeuvre en question, ne sont pas recevables à agir ;
Attendu que sans prendre soin de conclure précisément sur cette fin de non- recevoir, les demandeurs, dans leurs développements ayant trait au fond du litige, soutiennent que le film " J'irai cracher sur vos tombes " constitue une oeuvre composite ; que la société VEGA prétend au contraire qu'il constitue une oeuvre de collaboration ;
Attendu qu'aux termes de l'article L. 113-2 du Code de la propriété intellectuelle, est dite de collaboration l'oeuvre à laquelle ont concouru plusieurs personnes physiques ; que selon le même texte, est dite composite l'oeuvre nouvelle à laquelle est incorporée une oeuvre préexistante sans la collaboration de l'auteur de cette dernière ;
Attendu qu'il est incontestable que le film " J'irai cracher sur vos tombes " est inspiré, en grande partie, du roman éponyme de Y... Z... ;
Que les conditions d'élaboration du film " J'irai cracher sur vos tombes " ont fait l'objet d'un rapport d'expertise dont les conclusions ont été reprises par le Tribunal de grande instance de la Seine dans son jugement du 6 février 1963, et auxquelles il convient de se référer ;
Qu'il en ressort que le film édité en 1959 par la société CTI sous le titre du roman de Y... Z... a fait l'objet d'un premier scénario, rédigé par le romancier lui- même et Jacques C..., comportant " des indications de réalisation de nature quelque peu burlesque et humoristique qui le rendaient impropre à son utilisation comme traitement cinématographique " ;
Qu'en effet, le Tribunal constate qu'était particulièrement ardue la transcription, sur pellicule, de descriptions telles que " Au premier plan à droite, un arbre planté en 1874 par un fonctionnaire des chemins de Fer retraité, orme dont la hauteur atteint au bas mot 97 pieds et qui, à 18 pieds du sol, se ramifie en deux branches de grosseurs inégales " ou " Au ciel, la lune, naturelle de préférence, et qui se trouve à cette phase troublante qui se situe entre la pleine et la pas tout à fait pleine ", pour ne citer que quelques extraits du scénario original ;
Que le rapport relève que c'est dans ces conditions que la société CTI fit appel à Michel K..., Louis I... et Mademoiselle H... dite R..., " qui lui remirent un traitement complet (découpage et dialogues) utilisant la donnée générale du scénario VIAN- DOPAGNE, mais lui donnant le caractère technique nécessaire à la réalisation cinématographique ", les experts ajoutant que " c'est le travail en question qui fut alors intégralement utilisé pour produire le film " ;
Que ces mêmes experts ont conclu que le travail de Michel K..., Louis I... et Olga H... dite R... constituait une oeuvre de l'esprit génératrice de droits d'auteur au sens des lois alors en vigueur, empruntant à Y... Z... le titre de son roman, et utilisant partiellement " la donnée du scénario VIAN- DOPAGNE " ;
Qu'aucun élément probant ne permet de remettre en doute les conclusions des experts ;
Qu'il n'est pas contesté que Y... Z... et Jacques C... n'ont pas concouru directement à l'élaboration de ce second scénario, qui constitue dès lors une oeuvre composite au sens du texte susvisé ;
Mais attendu qu'en rédigeant un premier scénario, Y... Z... et Jacques C..., au même titre que Michel K..., Louis I..., Olga H... dite R... ou, par exemple, l'auteur des compositions musicales illustrant l'oeuvre litigieuse, ont pris part à un travail créatif concerté dont le résultat est le film lui- même, qui constitue, de ce fait, une oeuvre de collaboration dont ils sont coauteurs ; qu'ils ont d'ailleurs cédé, par contrat du 6 mars 1959, à la société CTI, aux droits de laquelle vient désormais la défenderesse, les droits " de faire réaliser, produire ou co- produire (...) un film (...) d'après leur scénario (...) ",
Attendu que dans le cadre de cette oeuvre, la contribution de Y... Z... et Jacques C..., consistant uniquement en l'élaboration du premier scénario, se distingue nettement de celles des autres coauteurs du film ;
Que la veuve de Jacques C... a été régulièrement mise en cause, de sorte que les demandeurs sont recevables à agir ;
Que la fin de non- recevoir soulevée par la société OPENING SAS doit être rejetée.
B. Sur le caractère contrefaisant du DVD du film " J'irai cracher sur vos tombes "
Attendu qu'il doit être rappelé que les demandeurs soutiennent que le film " J'irai cracher sur vos tombes " constitue une oeuvre composite, et que son exploitation sous la forme d'un DVD, sans leur accord, constitue une contrefaçon ;
Attendu qu'en réponse, la société VEGA Productions expose que le film litigieux est une oeuvre originale de collaboration dont elle est en droit de poursuivre l'exploitation, en qualité de cessionnaire des droits de Michel K..., Louis I... et Olga H... dite R... ;
Que la société OPENING SAS, quant à elle, fait valoir qu'elle a exploité le DVD litigieux de bonne foi ;
Attendu que le film " J'irai cracher sur vos tombes " constituant, comme jugé plus haut, une oeuvre de collaboration, c'est au regard des dispositions de l'article L. 113-3 du Code de la propriété intellectuelle que doit s'apprécier le bien- fondé de l'action en contrefaçon ;
Qu'en vertu de ce texte, l'oeuvre de collaboration est la propriété commune des coauteurs, qui doivent exercer leurs droits d'un commun accord ;
Qu'il en résulte que tout acte d'exploitation d'une oeuvre de collaboration exige le consentement de tous ses coauteurs ou, après le décès de ceux- ci, de leurs ayants droit ;
Attendu qu'il ressort du contrat du 6 mars 1959, déjà évoqué, que Y... Z... et Jacques C... ont cédé à la société CTI " pour une durée de sept années à dater de la première sortie en exclusivité du film les droits exclusifs de faire réaliser, produire ou coproduire en toutes langues et d'exploiter dans tous les pays du monde (avec sous- titres et ou doublages en toutes langues) un film sonore, parlant, en relief, en couleurs, en cinémascope, et tous formats, et d'une manière générale, réalisé par tous procédés techniques connus ou inconnus à ce jour, d'après leur scénario intitulé provisoirement " J'irai cracher sur vos tombes " qu'ils déclarent libre de tous droits d'adaptation cinématographiques, radiophoniques ou de télévision ", cette cession ne comportant pas " le droit d'édition et de représentation de cette même oeuvre dans tous autres genres non cinématographiques et notamment représentations théâtrales, éditions imprimées etc. " ;
Que ce même contrat stipule que " les producteurs se réserveront le droit de diffuser le film par radiophonie et télévision ou tous autres procédés de radiophonie ou de télévision connus et inconnus à ce jour, étant entendu que les droits d'exécution qui seront perçus par la SACEM ou par tous autres organismes ayant le même objet, en vertu de règlements, ou d'accords avec les postes d'émission, resteront la propriété des auteurs " ;
Qu'il est justifié de ce que les ayants droit de Y... Z... ont consenti à la société AUDIFILMS, venant aux droits de la société CTI, une prorogation des droits afférents à l'exploitation du film, dans un premier temps jusqu'au 27 juin 1973, dans un deuxième temps jusqu'au 26 juin 1978, puis, dans un troisième temps, jusqu'au 26 juin 1981 ;
Qu'il n'est justifié d'aucune prorogation ultérieure, de sorte qu'à compter du 27 juin 1981, la société AUDIFILMS, puis la société VEGA Productions, n'ont bénéficié d'aucune autorisation d'exploitation de la part des héritiers Z... ;
Que la société VEGA Productions ne démontre pas avoir obtenu par la suite, ni même avoir sollicité, des ayants droit de Y... Z... l'autorisation, exprès ou implicite, de poursuivre l'exploitation du film litigieux, notamment sous la forme du DVD à l'origine de la présente procédure ;
Que contrairement à ce que prétend la société VEGA Productions, le film litigieux ne peut continuer à être exploité sans cette autorisation ;
Qu'il appartenait à la défenderesse, confrontée à un éventuel désaccord de ces derniers, de saisir le juge afin de passer outre un tel refus ; qu'à cet égard, il importe de relever que la cohérie Z... s'est déjà opposée à la poursuite de l'exploitation de l'oeuvre cinématographique, conduisant la société VEGA Productions à se pourvoir en justice pour faire valoir ses droits ; que force est de constater qu'en l'espèce, la société VEGA Productions ne se prévaut pas d'un tel abus ;
Attendu, dès lors, qu'en procédant, sans l'autorisation des ayants droit de Y... Z..., à la cession du droit d'exploiter le film " J'irai cracher sur vos tombes " sous la forme de vidéogrammes, la société VEGA Productions s'est rendue coupable de contrefaçon ;
Attendu qu'en sa qualité de professionnelle, la société OPENING SAS se devait de vérifier qu'en procédant à l'édition et à la distribution du DVD litigieux, elle ne portait pas atteinte aux droits de propriété intellectuelle des différents ayants droit de l'oeuvre considérée ; qu'en s'abstenant de le faire, elle a commis des actes de contrefaçon portant directement atteinte aux droits des demandeurs et engageant sa responsabilité ; que sa bonne foi est inopérante en l'espèce.
II. S'agissant du livret accompagnant le DVD
Attendu que, sans pour autant formuler à ce titre de demandes distinctes de celles afférentes au DVD litigieux, les demandeurs soutiennent que le livret intitulé " Les Mille Visages de Y... Z... ", accompagnant le vidéogramme, constitue une contrefaçon, aux motifs qu'il reproduirait notamment, sans autorisation :
- des " couvertures de livres de certaines oeuvres de Y... Z... ",- des " citations de textes qui sont sans aucun rapport avec le film et qui n'ont donc d'autre but que d'attirer l'attention du public sur le nom et l'oeuvre de Y... Z... ",- une " photographie de Y... Z... ",- une " biographie qui contient de nombreuses omissions et erreurs tant sur sa vie privée que sur son oeuvre ",- un " extrait de poème que Jacques P... envoya à Madame Ursula Z... " et dont ni cette dernière, ni les ayants droit de P... n'ont autorisé la reproduction " et, ce, d'autant plus que le poème a été coupé " ;

Attendu que la société OPENING SAS fait valoir que les demandeurs sont irrecevables à agir en contrefaçon s'agissant des couvertures de livre, photographie, biographie et poème en question, toute action éventuelle ne pouvant appartenir qu'aux éditeurs ou auteurs des oeuvres concernées ;
Attendu, en effet, que les demandeurs, qui soutiennent que de tels arguments sont dépourvus de tout sérieux et doivent être rejetés, ne prétendent pourtant pas être titulaires de droits d'auteurs sur ces oeuvres ; qu'ils ne justifient, de ce fait, ni de leur intérêt à agir, ni de leur qualité pour ce faire et ne peuvent être reçus dans leur action en contrefaçon ;
Attendu que s'agissant des citations de Y... Z..., la société OPENING SAS se prévaut du droit de citation consacré par les dispositions de l'article L. 122-5, 3o ;
Mais attendu que les demandeurs n'apportent aucune précision quant aux citations concernées, mettant le Tribunal dans l'incapacité d'apprécier la teneur des faits de contrefaçon allégués ;
Qu'ils seront donc déboutés de leurs demandes de ce chef.
III. Sur les mesures réparatrices
Attendu que la société OPENING SAS reconnaît avoir vendu 4. 120 DVD au 22 décembre 2006, pour un chiffre d'affaires s'élevant à 24. 479, 17 € ; qu'elle justifie avoir exposé la somme de 19. 116 € au titre des frais d'édition du vidéogramme litigieux, outre la somme de 10. 000 € hors taxe en contrepartie de la cession des droits d'exploitation ;
Qu'aux termes du contrat la liant à la société VEGA Productions, elle devait recevoir de cette dernière 20 % du chiffre d'affaires net hors taxe provenant de la vente du DVD, la société VEGA Productions faisant son affaire de toute rémunération due aux auteurs de l'oeuvre considérée, ou à leurs ayants droit ;
Attendu que l'atteinte aux droits patrimoniaux des héritiers de Y... Z..., à savoir Madame Ursula Z..., Monsieur Patrick Z... et Madame Michèle A..., justifie l'octroi, à leur profit, d'une somme globale de 50. 000 € à titre de dommages- intérêts, sans qu'il y ait lieu d'ordonner une quelconque expertise, de fixer une provision et de faire droit à la demande de production de pièces formée par les demandeurs ;
Que la fin de non recevoir opposée, par la société VEGA Production, à la demande tendant à inclure dans le montant de la provision les sommes provenant de l'exploitation du film litigieux est sans objet ;
Attendu, en revanche, que l'association Fond'Action Y... Z..., qui ne justifie ni de sa qualité d'ayant droit successoral, ni d'aucune cession, à son profit, des droits d'auteur afférents à l'oeuvre litigieuse, et qui ne fait état d'aucun préjudice moral, doit être déboutée de ses demandes indemnitaires ;
Attendu qu'il convient, à titre de complément d'indemnisation, de faire droit à la demande de publication, telle que sollicitée, dans les limites fixées par le dispositif de la présente décision ;
Qu'il convient à ce titre de préciser que les demandeurs se bornant à demander au Tribunal " d'ordonner la publication intégrale du jugement à intervenir dans dix journaux français ou étrangers " de leur choix, une telle publication ne pourra se faire qu'à leurs frais ;
Attendue, de plus, qu'en l'absence de mise en cause des autres coauteurs du film litigieux, le Tribunal ne peut, sans porter atteinte aux droits de ces derniers, interdire la poursuite de l'exploitation du film et du DVD qui en est tiré.
IV. Sur les responsabilités
Attendu que la société OPENING SAS sollicite la garantie de la société VEGA Productions, laquelle se borne à soutenir qu'elle n'est en rien concernée par la fabrication, la diffusion et la vente du DVD, et encore moins par la confection du livret ;
Attendu qu'aux termes du contrat du 7 octobre 2004 liant les défenderesses, la société OPENING SAS a acquis de la société VEGA Productions " les droits de reproduction et d'exploitation commerciale (...) sous forme de vidéogrammes " du film " J'irai cracher sur vos tombes " pour une durée de sept années, soit jusqu'au 6 octobre 2011 " + 6 mois de sell- off " ;
Qu'il résulte de l'article 7 de cette convention que la société VEGA Productions doit garantir à la société OPENING SAS " la jouissance entière et libre de toute servitude des droits " faisant l'objet du contrat " contre tout trouble, revendication et éviction quelconques ", et notamment " contre tout recours ou action ayant pour origine la reproduction et / ou la commercialisation des oeuvres contractuelles par le cessionnaire pendant la période contractuelle et qui seraient intentés à l'expiration de la période contractuelle (durée + sell off) par toute personne (auteur, artiste interprète voire même société d'auteur ", et " contre tout recours ou action de toute personne susceptible de faire valoir des droits relativement à la reproduction et / ou à l'utilisation des oeuvres artistiques " concernées ;
Attendu qu'en vertu de ces stipulations, dépourvues d'ambiguïté, la société VEGA Productions devra garantir la société OPENING SAS de l'ensemble des condamnations prononcées à son encontre.
V. Sur les autres demandes
Attendu que la nature de l'espèce et l'ancienneté du litige justifient d'ordonner l'exécution provisoire du présent jugement ;
Attendu que les sociétés VEGA Productions et OPENING SAS, succombant, seront condamnées aux entiers dépens ;
Qu'il serait inéquitable de laisser à la charge de Madame Ursula Z..., Monsieur Patrick Z... et Madame Michèle A... la totalité des frais irrépétibles ; qu'il convient, en conséquence, de leur allouer, ensemble, la somme globale de 3. 000 euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;
Qu'aucune considération d'équité n'impose la condamnation, sur ce même fondement, de l'association Fond'Action Y... Z....
PAR CES MOTIFS
Le Tribunal, Statuant publiquement, par mise à disposition du présent jugement au greffe, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues par le deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile, Par jugement réputé contradictoire, rendu en premier ressort,

- REJETTE les fins de non- recevoir opposées par la société VEGA Productions à l'action en contrefaçon visant l'exploitation, sous la forme d'un DVD, du film " J'irai cracher sur vos tombes ",
- DIT qu'en cédant à la société OPENING SAS le droit d'exploiter le film " J'irai cracher sur vos tombes " sous forme de vidéogrammes, la société VEGA Productions à commis des actes de contrefaçon portant atteinte aux droits patrimoniaux de Madame Ursula X... veuve Z..., Monsieur Patrick Z... et Madame Michèle A..., héritiers de Y... Z..., sur le scénario intitulé " J'irai cracher sur vos tombes " oeuvre de Y... Z... et Jacques C...,
- DIT qu'en éditant et distribuant un DVD du film " J'irai cracher sur vos tombes ", la société OPENING SAS a commis des actes de contrefaçon portant atteinte aux droits patrimoniaux de Madame Ursula X... veuve Z..., Monsieur Patrick Z... et Madame Michèle A..., héritiers de Y... Z..., sur le scénario intitulé " J'irai cracher sur vos tombes " oeuvre de Y... Z... et Jacques C...,
- DECLARE Madame Ursula X... veuve Z..., Monsieur Patrick Z..., Madame Michèle A... et l'association Fond'Action Y... Z... irrecevables à agir en contrefaçon sur le fondement de la reproduction, sans autorisation, de " couvertures de livres de certaines oeuvres de Y... Z... ", d'une " photographie de Y... Z... ", d'une " biographie qui contient de nombreuses omissions et erreurs tant sur sa vie privée que sur son oeuvre ", d'un " extrait de poème que Jacques P... envoya à Madame Ursula Z... " illustrant le livret intitulé " Les Mille Vies de Y... Z... " accompagnant le DVD du film " J'irai cracher sur vos tombes ",
- DEBOUTE Madame Ursula X... veuve Z..., Monsieur Patrick Z..., Madame Michèle A... et l'association Fond'Action Y... Z... de leur action en contrefaçon fondée sur la reproduction, sans autorisation, de " citations de textes qui sont sans aucun rapport avec le film et qui n'ont donc d'autre but que d'attirer l'attention du public sur le nom et l'oeuvre de Y... Z... ", illustrant le livret intitulé " Les Mille Vies de Y... Z... " accompagnant le DVD du film " J'irai cracher sur vos tombes ",
- CONDAMNE solidairement les sociétés VEGA Productions et OPENING SAS à payer à Madame Ursula X... veuve Z..., Monsieur Patrick Z..., Madame Michèle A..., ensemble, la somme de 50. 000 € au titre de l'atteinte aux droits patrimoniaux d'auteur sur le scénario " J'irai cracher sur vos tombes " oeuvre de Y... Z... et Jacques C...,
- AUTORISE la publication de la présente décision, dans son intégralité ou par extraits, dans trois journaux ou revues au choix de Madame Ursula X... veuve Z..., Monsieur Patrick Z..., Madame Michèle A...,
- DEBOUTE l'association Fond'Action Y... Z... de l'ensemble de ses demandes,
- DEBOUTE les parties du surplus de leurs demandes,
- ORDONNE l'exécution provisoire,
- CONDAMNE solidairement les sociétés VEGA Productions et OPENING SAS à payer à Madame X... veuve Z..., Monsieur Patrick Z... et Madame Michèle A... la somme globale de 3. 000 € sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,
- DIT n'y avoir lieu à condamnation de l'association Fond'Action Y... Z... sur ce même fondement,
- CONDAMNE les sociétés VEGA Productions et OPENING SAS aux entiers dépens, lesquels seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile,
- DIT que la société OPENING SAS est garantie par la société VEGA Productions de toutes les condamnations ainsi mises à sa charge.
FAIT A PARIS LE 25 JANVIER 2008
LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Tribunal de grande instance de Paris
Formation : Chambre civile 3
Numéro d'arrêt : 06/06320
Date de la décision : 25/01/2008
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.grande.instance.paris;arret;2008-01-25;06.06320 ?
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