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16/01/2008 | FRANCE | N°06/01666

France | France, Tribunal de grande instance de Paris, Chambre civile 3, 16 janvier 2008, 06/01666


T R I B U N A L
D E GRANDE
I N S T A N C E
D E P A R I S

3ème chambre 3ème section

No RG :
06 / 01666

No MINUTE :

Assignation du :
23 Janvier 2006

JUGEMENT
rendu le 16 Janvier 2008

DEMANDERESSE

Madame Marie Laure AA...
...
SAINT GENEST
81800 RABASTENS

représentée par Me Thierry LEVY, avocat au barreau de PARIS, vestiaire P. 507

DÉFENDERESSES

S. A. S. FINTIN- venant aux droits de la société TELE IMAGES INTERNATIONAL
...
75008 PARIS

Société PALMERAIE ET DESE

RT- bénéficiaire de la transmission universelle du patrimoine de la société DOUBLE D
25-27 voie d'Igny
92140 CLAMART

représentées par Me Bernard DARTEV...

T R I B U N A L
D E GRANDE
I N S T A N C E
D E P A R I S

3ème chambre 3ème section

No RG :
06 / 01666

No MINUTE :

Assignation du :
23 Janvier 2006

JUGEMENT
rendu le 16 Janvier 2008

DEMANDERESSE

Madame Marie Laure AA...
...
SAINT GENEST
81800 RABASTENS

représentée par Me Thierry LEVY, avocat au barreau de PARIS, vestiaire P. 507

DÉFENDERESSES

S. A. S. FINTIN- venant aux droits de la société TELE IMAGES INTERNATIONAL
...
75008 PARIS

Société PALMERAIE ET DESERT- bénéficiaire de la transmission universelle du patrimoine de la société DOUBLE D
25-27 voie d'Igny
92140 CLAMART

représentées par Me Bernard DARTEVELLE, avocat au barreau de PARIS, vestiaire P 327

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Elisabeth BELFORT, Vice- Président, signataire de la décision
Agnès THAUNAT, Vice- Président
Michèle PICARD, Vice- Président,

assistée de Marie- Aline PIGNOLET, Greffier, signataire de la décision

DEBATS

A l'audience du 20 Novembre 2007
tenue en audience publique

JUGEMENT

Prononcé par remise de la décision au greffe
Contradictoire
en premier ressort

RAPPEL DES FAITS ET PROCEDURE

Mme Marie- Laure de DECKER est photographe.

En 1973 elle a accompli avec M. Raymond C...un voyage au Yémen.

Dix huit de ses photographies en noir et blanc prises alors ont été intégrées à la fin d'un film documentaire réalisé par M. Raymond C...intitulé " Yémen, Arabie heureuse ", produit en 1973 par la société DOUBLE D. En outre, Mme de DECKER déclare avoir remarqué que quatre de ses photographies ont été recadrées et que l'une d'elle a été coupée et montée en deux temps.
Son nom apparaît au générique du film.

La société FINFIN venant aux droits de la société TELE IMAGE INTERNATIONAL a un mandat de distribution la liant au producteur du film.

Mme de DECKER soutient n'avoir appris ces faits que lors de la diffusion de ce film sur TV5 le 12 mars 2005.

S'estimant victime d'une contrefaçon Mme Marie- Laure de DECKER a, par acte d'huissier de justice en date du 23 janvier 2006, assigné les sociétés PALMERAIE ET DESERT, bénéficiaire de la transmission universelle du patrimoine de la société DOUBLE D et S. A. S FINTIN, venant aux droits de la société TELE IMAGES INTERNATIONAL, devant le tribunal de grande instance de Paris pour atteinte à ses droits d'auteur.

Par dernières conclusions communiquées le 15 mai 2007, Mme Marie- Laure de DECKER demande au tribunal de :

au visa de l'article L 335-3 du code de propriété intellectuelle,

constater que le film intitulé " Yémen, Arabie heureuse " est une oeuvre contrefaisante qui porte atteinte à ses droits pécuniaires et moraux,

interdire aux sociétés défenderesses toute utilisation sur quelque support que ce soit de ses photographies sans y avoir auparavant été autorisées par elle, sous astreinte de 1500 euros par infraction constatée à compter de la signification de la décision à intervenir,

interdire aux sociétés défenderesses toute exploitation du film documentaire intitulé " Yémen, Arabie heureuse " dans sa version actuelle incorporant dix huit photographies dont elle et l'auteur, sous astreinte de 1500 euros par infraction constatée à compter de la signification de la décision à intervenir,

condamner solidairement les sociétés défenderesses à lui payer la somme de 35 000 euros à titre de dommages- intérêts,

les condamner solidairement au paiement de la somme de 5000 euros en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile,

les condamner aux entiers dépens,

ordonner l'exécution provisoire.

Par dernières conclusions communiquées le 6 juin 2007, les sociétés PALMERAIE ET DESERT et S. A. S FINTIN demandent au tribunal de :

à titre principal,

dire et juger que la contrefaçon n'est pas caractérisée et débouter Mme de DECKER de la totalité de ses demandes,

à titre subsidiaire,

dire et juger que le montant des dommages- intérêts qu'elle demande est excessif et les fixer souverainement à une somme qui ne saurait dépasser 500 euros tenant compte de la rentabilité dérisoire du film de court- métrage, sa quasi non exploitation et le peu de notoriété de la demanderesse,

leur donner acte de ce qu'elles disposent de l'accord de M. Raymond C...pour retirer les photographies litigieuses du film " Yémen, Arabie heureuse ",

débouter Mme de DECKER de toute autre demande,

condamner Mme Marie- Laure de DECKER à leur payer la somme de 5. 000 euros en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la prescription de l'action

Les sociétés défenderesses soulèvent la prescription de l'article 2270-1 du code civil qui dispose que : " les actions en responsabilité civile extra- contractuelle se prescrivent par dix ans à compter de la manifestation du dommage et de son aggravation. ".

Le point de départ du délai de dix ans court à compter de la réalisation du dommage, ou de la date à laquelle il est révélé à la victime si celle- ci établit qu'elle n'en avait pas précédemment connaissance.

En l'espèce, s'il est constant que M. C..., auteur du film et Mme de DECKER qui ont effectué ensemble un voyage au Yémen au cours duquel fut réalisé le film et les photographies litigieuses, entretenaient à l'époque des relations amicales, aucun élément du dossier n'établit qu'ils étaient ensemble à l'époque du montage du film ou lors de la première diffusion du film.

Dès lors, le point de départ de la prescription doit être fixé à a date de la diffusion sur TV5 de ce film en 2005, époque à laquelle Mme de DECKER en a eu connaissance et la prescription n'est pas acquise au jour de l'introduction de la présente instance..

Sur l'autorisation tacite

Les sociétés défenderesses soutiennent que compte tenu des relations intimes entretenues entre M. C...et Mme de DECKER celle- ci a donné une autorisation tacite à M. C...d'exploitation de ses photographies et que l'utilisation de ces photographies était un service qu'il lui rendait afin de sa carrière profite de sa notoriété. Mme de DECKER conteste le caractère intime des relations qu'elle a entretenues avec M. C....

L'existence d'une autorisation tacite n'étant pas démontrée l'autorisation aurait du être écrite, à défaut elle n'est pas établie et l'insertion des photographies litigieuses dans le film de M. C...est un acte de contrefaçon qui a porté atteinte aux droits patrimoniaux de Mme de DECKER.

Il est constant en outre que quatre photographies de Mme de DECKER ont été recadrées l'une d'entre elles étant même coupée et montée en deux temps. Cette altération de l'intégrité de l'oeuvre de Mme de DECKER est une atteinte à son droit moral.

Sur les mesures réparatrices

Il est établi que le film de M. C...dure environ 20mn et les photographies litigieuses intégrées au générique durent environ une minute quarante cinq.

En ce qui concerne l'exploitation du film il a fait l'objet des contrats suivants :
- contrat avec Paris audiovisuel le 15 octobre 1973
- contrat avec le CNC du 26 novembre 1993,
- deux diffusions entre le 1er décembre 2000 et le 30 novembre 2002 conformément au contrat d'exploitation conclu le 19 octobre 2000 avec la société SIC,
- huit diffusions entre le 1er décembre 2000 et le 31 janvier 2001 sur la chaîne Histoire conformément au contrat d'exploitation conclu le 2 novembre 2000 avec la société Histoire,
- une cession de droits au Centre National de la Cinématographie par contrat du 26 novembre 2002,
6deux diffusions sur chacun des huit signaux de TV5 entre le 1ER et le 31 mars 2005 conformément au contrat d'exploitation conclu le 2 février 2005 avec la société TV5 Monde ;
- dix diffusions initialement prévues entre le 1er juillet 2005et le 30 juin 2006 conformément au contrat d'exploitation conclu le 19 mai 2005 avec la société CYFRA,
- une cession de droits à la Maison européenne de la Photographie par contrat du 26 mars 2006.

Les défenderesses soutiennent que ces exploitations ont généré une recette de 3. 759, 09 euros, qui n'a pas permis depuis 1973 de rémunérer M. C...sur sa part d'auteur.

En conséquence, le tribunal possède suffisamment d'éléments pour fixer à la somme de 1000 euros la réparation du préjudice moral de Mme de DECKER et à la somme de 1000 euros la réparation de son préjudice patrimonial.

Le tribunal prend acte du fait que pour l'avenir les sociétés défenderesses disposent de l'autorisation de M. C...pour retirer du film les photographies litigieuses et en tant que de besoin il convient de faire droit aux mesures d'interdiction selon les modalités précisées au dispositif.

Sur les responsabilités

La société PALMERAIE DU DESERT aux droits de la société DOUBLE D est le producteur du court métrage litigieux. Il est donc en cette qualité responsable des actes de contrefaçon.

La société TELE IMAGE INTERNATIONAL aux droits de laquelle vient la société FINTIN possède les droits d'exploitation du film en vertu d'un contrat de mandat de distribution en date du 18 mai 2000.

Elle soutient que c'est à tort que Mme de DECKER déclare qu'elle a reproduit ses oeuvres puisque selon l'article L122-3 du code de propriété intellectuelle la reproduction consiste dans la fixation matérielle d'une oeuvre alors qu'elle n'est que détentrice des droits d'exploitation du court métrage.

Le tribunal observe que l'article L 122-1 du code de propriété intellectuelle dispose que le droit d'exploitation appartenant l'auteur comprend le droit de représentation et le droit de reproduction et l'article L122-2 du dit code que " la représentation consiste dans la communication de l'oeuvre au public par un procédé quelconque ". Dès lors, en ayant conclu des contrats relatifs à l'exploitation de l'oeuvre sans l'autorisation de Mme de DECKER la société FINTIN est responsable des actes de contrefaçon qui lui sont reprochés.

La société FINTIN demande à être garantie par la société PALMERAIE ET DESERT. Il convient de faire application en l'espèce de l'article 8 du contrat les liant par lequel la société " DOUBLE D garantit le distributeur que ne sont introduites dans les Programmes dont les droits objets du présent contrat aucune reproduction ou réminiscence susceptible de violer les droits de tiers et de donner lieu à des attaques pour plagiat et / ou contrefaçon, ou susceptibles d e troubler l'exploitation de celui- ci. " (...) La société " DOUBLE D est personnellement responsable tant vis à vis des tiers que du Distributeur, encas de non respect de la présente clause. "

Sur l'application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile

Il parait inéquitable de laisser à la charge de Mme de DECKER les frais irrépétibles et non compris dans les dépens. Il convient de lui allouer à ce titre une indemnité de 5000 euros.

Sur l'exécution provisoire

Il parait nécessaire en l'espèce et compatible avec la nature de l'affaire d'ordonner l'exécution provisoire de la présente décision.

Sur les dépens

Les sociétés défenderesses succombant dans leurs prétentions doivent être condamnées aux entiers dépens.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal statuant contradictoirement, en premier ressort et par décision remise au greffe,

Dit que la société PALMERAIE DU DESERT en produisant le film de M. Raymond C...intitulé " Yémen, Arabie heureuse " dans lequel sont reproduites sans autorisation dix huit photographies de Mme de DECKER, dont quatre ont été recadrées et une présentée en deux temps a porté atteinte aux droits patrimoniaux et moraux de celle- ci,

Dit que la société FINTIN venant aux droits de la société TELE IMAGES INTERNATIONAL en diffusant le film de M. Raymond C...intitulé " Yémen, Arabie heureuse " dans lequel sont reproduites sans autorisation dix huit photographies de Mme de DECKER, dont quatre ont été recadrées et une présentée en deux temps a porté atteinte aux droits patrimoniaux et moraux de celle- ci,

Donne acte aux sociétés défenderesses de ce qu'elles disposent de l'autorisation de M. Raymond C...pour supprimer du film les photographies litigieuses,

En tant que de besoin, interdit aux sociétés défenderesses toute utilisation et toute exploitation du film " Yémen, Arabie heureuse " dans sa version incorporant les photographies de Mme de DECKER, sous astreinte de 150 euros par infraction constatée, passé le délai de six mois suivant la signification de la présente décision,

Condamne in solidum les sociétés défenderesses à verser à Mme de DECKER la somme de 1000 euros en réparation de l'atteinte portée à ses droits patrimoniaux et la somme de 1000 euros en réparation de l'atteinte portée à ses droits moraux,

Condamne in solidum les sociétés défenderesses à payer à Mme de DECKER la somme de 5000 euros en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile

Ordonne l'exécution provisoire,

Condamne in solidum les sociétés défenderesses aux entiers dépens,

Dit que la société PALMERAIE ET DESERT devra garantir la société FINTIN de l'ensemble des condamnations mises à sa charge.

Fait à Paris, le 16 janvier 2008

LE GREFFIER LE PRESIDENT

Marie- Aline PIGNOLETElisabeth BELFORT


Synthèse
Tribunal : Tribunal de grande instance de Paris
Formation : Chambre civile 3
Numéro d'arrêt : 06/01666
Date de la décision : 16/01/2008
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.grande.instance.paris;arret;2008-01-16;06.01666 ?
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