T R I B U N A L
D E GRANDE
I N S T A N C E
D E P A R I S
3ème chambre 1ère section
No RG :
06/03872
No MINUTE :
Assignation du :
27 Février 2006
JUGEMENT
rendu le 15 Janvier 2008
DEMANDEURS
S.A.R.L. KELMOI
...
13007 MARSEILLE
Monsieur Didier X...
...
13007 MARSEILLE
Madame Cécile Y...
...
13007 MARSEILLE
représentées par Me Béatrice CORNE, avocat au barreau de PARIS, avocat postulant, vestiaire E 1563 et par Me Myriam ANGELIER, avocat au barreau de MARSEILLE, avocat plaidant
DÉFENDERESSE
S.A.R.L. DIVAO
16 Cité Lemercier
75017 PARIS
représentée par Me Odile PAOLETTI, avocat au barreau de PARIS, vestiaire C606
COMPOSITION DU TRIBUNAL
Marie COURBOULAY, Vice Présidente
Florence GOUACHE, Juge
Cécile VITON, Juge
assistées de Léoncia BELLON, Greffier
DEBATS
A l'audience du 13 Novembre 2007
tenue en audience publique
JUGEMENT
Prononcé par remise au greffe
Contradictoire
en premier ressort
EXPOSE DU LITIGE :
Cécile Y... et Didier X... ont déposé en classes 14, 24 et 25 (vêtements, chaussures, chapellerie, linge domestique, de lit et de maison, bijoux) les marques semi figuratives françaises suivantes :
- le 14/01/2004, « c'est pour janvier », numéro 043267504
- le 14/01/2004, « c'est pour février », numéro 043267514
- le 19/12/2003, « c'est pour mars », numéro 043263874
- le 14/01/2004, « c'est pour avril », numéro 043267506
- le 01/2004, « c'est pour mai », numéro 043267509
- le14/01/2004, « c'est pour juin », numéro 043267512
- le 14/01/2004, « c'est pour juillet », numéro 043267513
- le 02/04/2004, « c'est pour août », numéro 043283687
- le 02/04/2004, « c'est pour septembre », numéro 043283686
- le 02/04/2004, « c'est pour octobre », numéro 043283685
- le 02/04/2004, « c'est pour novembre », numéro 043283683
- le 02/04/2004, « c'est pour décembre », numéro 043283681
Chaque mot apparaît l'un au dessus de l'autre et se présente sous forme d'écriture manuscrite avec des lettres détachées dont les points sont remplacés par des coeurs. En bas se trouve une flèche manuscrite descendante.
Cette marque a fait l'objet d'une licence de commercialisation concédée à la société KELMOI, enregistrée à l'INPI le 03/03/2006.
Le 19/12/2005, Cécile Y... et Didier X... ont fait dresser un procès-verbal de constat par huissier afin d'établir que la société DIVAO a commercialisé des t-shirts revêtus de la marque « c'est pour janvier » via le site internet « www.divao.com ». L'huissier a alors relevé que l'un des T-shirts proposé sur le site sous les rubriques « événements » puis « grossesse », comporte l'intitulé « c'est pour janvier », avec un menu déroulant permettant d'apposer d'autres inscriptions, de choisir la couleur, la taille et la police du texte, le modèle, la couleur et la taille du t-shirt. Il a effectuer une commande portant la mention de l'article choisi comme étant « c'est pour janvier ».
Le 15/02/2006, une saisie-contrefaçon a été pratiquée. Elle établit que DIVAO appose sur des t-shirts depuis quelques mois les marques déclinant les mois de l'année déposées par Cécile Y... et Didier X..., au prix d'appel de 12 euros.
Cécile Y..., Didier X... ainsi que leur licencié la société KELMOI ont dès lors assigné la société DIVAO en contrefaçon le 27/02/2006.
Dans leurs dernières conclusions du 04/07/2007, ils demandent la reconnaissance de la validité de leurs marques et à titre principal de contrefaçons par reproduction, à titre subsidiaire de contrefaçons par imitation, en conséquence et sous le bénéfice de l'exécution provisoire, la condamnation de la société DIVAO à verser 30.000 Euros à la société KELMOI et 15.000 Euros à Cécile Y... et à Didier X... en réparation des préjudices subis, la publication de la décision dans trois journaux aux choix de la société KELMOI, le coût de chaque insertion ne dépassant pas 1.500 Euros HT, l'interdiction sous astreinte de 1000 Euros/infraction constatée de faire tout usage, même partiel des marques protégées, la condamnation de la société DIVAO à verser 3.000 Euros à Cécile Y..., Didier X... et à la société KELMOI en application de l'article 700 NCPC ainsi que sa condamnation aux dépens.
En réponse dans ses conclusions du 06/06/2007, la société DIVAO soulève l'irrecevabilité de l'action de la société KELMOI, demande le débouté des demandeurs et leur condamnation aux dépens et à lui verser 3.000 Euros au titre de l'article 700 NCPC, à titre subsidiaire la diminution de leurs prétentions.
MOTIFS DE LA DECISION :
Sur la recevabilité de l'action de la société KELMOI
L'article L716-5 du code de la propriété intellectuelle attribue l'action civile en contrefaçon au propriétaire de la marque et ce n'est qu'à défaut d'action de sa part que le bénéficiaire d'un droit unique d'exploitation peut agir.
En l'espèce, Cécile Y... et Didier X... ont fait toute diligence pour protéger leur marque, leur licencié, la société KELMOI, n'est donc recevable à intervenir dans l'instance que pour obtenir la réparation du préjudice qui lui est propre.
Aussi, la société KELMOI n'invoque-t-elle qu'un préjudice de contrefaçon sans agir sur d'autres fondements, elle est donc irrecevable à agir en la cause de ce chef.
Sur la validité et le caractère distinctif des marques déposées « c'est pour janvier », « c'est pour février », « c'est pour mars », « c'est pour avril », « c'est pour mai », « c'est pour juin », « c'est pour juillet », « c'est pour août », « c'est pour septembre », « c'est pour octobre », « c'est pour novembre », « c'est pour décembre » :
L'article L713-1 du code de la propriété intellectuelle prévoit que l'enregistrement d'une marque confère à son titulaire un droit de propriété sur cette marque pour les produits et services désignés.
En l'espèce, les marques « c'est pour janvier », « c'est pour février », « c'est pour mars », « c'est pour avril », « c'est pour mai », « c'est pour juin », « c'est pour juillet », « c'est pour août », « c'est pour septembre », « c'est pour octobre », « c'est pour novembre », « c'est pour décembre » ont été valablement déposées par Cécile Y... et Didier X... , dans les classes 14, 24 et 25, comme en attestent les certificats de marque produits.
En outre, l'article L711-2 du code de la propriété intellectuelle indique que le caractère distinctif d'un signe de nature à constituer une marque s'apprécie à l'égard des produits ou services désignés.
Dès lors, si l'expression familière « c'est pour X mois » en réponse à la question « c'est pour quand ? » lors d'une maternité est parfaitement commune et banale, en revanche, son apposition sur un t-shirt pour femme enceinte n'a rien de nécessaire ni d'évident ou d'usuel.
De la sorte, la réalisation de Cécile Y... et de Didier X... consistant à décliner des t-shirts pour chaque mois de l'année en positionnant l'expression « c'est pour X mois » au niveau du ventre est apparue comme distinctive, créant une demande avec un succès certain comme le montrent les nombreux articles de presse apportés aux débats.
Il ressort donc que Cécile Y... et Didier X... ont créé des marques à la distinctivité certaine étant donné les produits désignés.
Les marques « c'est pour janvier », « c'est pour février », « c'est pour mars », « c'est pour avril », « c'est pour mai », « c'est pour juin », « c'est pour juillet », « c'est pour août », « c'est pour septembre », « c'est pour octobre », « c'est pour novembre », « c'est pour décembre » sont exploitées de manière certaine. Elles doivent être déclarées valables.
Sur l'usage à titre de marque et la caractérisation de la contrefaçon :
Le constat d'huissier du 19/12/2005 réalisé sur le site internet de commercialisation de la société DIVAO indique clairement que DIVAO propose à ses clients d'imprimer les éléments nominatifs de la marque « c'est pour janvier » sur un t-shirt pour femme enceinte. Si la société DIVAO indique que cela ne consiste qu'en une suggestion, il n'en demeure pas moins que cette proposition apparaît comme un produit fini possible, dont la visualisation est disponible. En outre, elle reprend la marque dans ses éléments nominatifs sur l'intitulé de l'article commandé.
La société DIVAO fait alors usage dans ses documents commerciaux et dans ses propositions d'articles commercialisés d'une marque déposée sans autorisation. Bien entendu, elle commercialise d'autres types de produits et permet à ses clients de diversifier les modèles. Néanmoins, l'étendue de la gamme des produits offerts ne permet pas à DIVAO de s'exonérer du respect de la législation protégeant les marques en arguant qu'elles ne sont présentées qu'à titre de modèle.
Le T-shirt proposé à la commercialisation par DIVAO sans modification du client se présente comme un T-shirt pour femme enceinte mentionnant en lettres normées minuscules d'imprimerie « c'est pour mai » avec le mois sous la mention « c'est pour », on retrouve ainsi la structure étagée des marques déposées sans quelle soit complète. Cependant, la flèche vers le bas figurant sur les dépôts semi-figuratifs n'apparaît pas et la police est différente. Ainsi, il n'y a pas de contrefaçon par reproduction protégée au tire de l'article L713-2 du code de la propriété intellectuelle, la reproduction des signes déposés au titre de la marque n'étant pas identique.
Cependant, l'article L713-3 du code de la propriété intellectuelle interdit l'imitation d'une marque pour des produits ou services identiques ou similaires à ceux désignés dans l'enregistrement s'il en résulte un risque de confusion.
En l'espèce, le produit apparaît identique s'adressant aux femmes enceintes et véhiculant le même message sur un même support. Les produits de la société DIVAO peuvent se substituer à ceux des marques « c'est pour janvier », « c'est pour février », « c'est pour mars », « c'est pour avril », « c'est pour mai », « c'est pour juin », « c'est pour juillet », « c'est pour août », « c'est pour septembre », « c'est pour octobre », « c'est pour novembre », « c'est pour décembre ». En effet, la distinctivité des marques litigieuse réside davantage dans le choix du message et son positionnement sur le support qu'est le t-shirt de grossesse, que de la police des caractères, leur étagement total et l'ajout d'une flèche vers le bas. Il résulte de ces similarités un risque de confusion certain pour le public, d'autant que les marques de M.MAYEUR et de Mme Y... sont commercialisées par des distributeurs vendant différents produits, tout comme le fait DIVAO. Enfin, le prix d'appel de DIVAO (12 euros) ne permet pas à des consommateurs internautes habitués aux bonnes affaires de comparer les produits et leur qualité. Au final, la société DIVAO imite les produits protégés par les marques susvisées dans les enregistrements et crée un réel risque de confusion justifiant la reconnaissance d'une contrefaçon par imitation.
Sur la réparation de la contrefaçon :
DIVAO produit une pièce émanant d'un expert comptable attestant de la vente de 125 Tshirts revêtus de la marque litigieuse, engendrant un chiffre d'affaire de 981,61 Euros. Elle indique également ne pas disposer de stocks, ni de réseau de distribution. Ces éléments doivent être considérés sans omettre la dévalorisation des marques engendrée par les pratiques contrefaisantes de la société DIVAO. En effet, M.MAYEUR et Mme Y... justifient avoir engagé des recherches en matière de garantie de qualité de leurs produits, de coupe, d'élasticité et de solidité du coton. La diffusion des T-shirt contrefait crée une dépréciation de la qualité attachée à la marque et une vulgarisation préjudiciable. Il convient donc d'allouer à Cécile Y... et à Didier X... la somme de 3.000 Euros chacun en réparation du préjudice subi.
Par ailleurs, la société DIVAO argue avoir fait cesser la contrefaçon lorsque les demandeurs lui ont fait connaître leur existence sans le démontrer. Une astreinte de 1.000 EUROS par infraction constatée est dès lors nécessaire afin de s'assurer que les actes litigieux ont bien cessé à compter d'un délai de quinze jours suivant la signification du jugement, le Tribunal se réservant la liquidation éventuelle de l'astreinte ordonnée.
La demande de publication judiciaire n'apparaît pas nécessaire pour assurer une réparation suffisante du préjudice, elle sera rejetée .
Sur les autres demandes :
L'exécution provisoire est possible et sera ordonnée conformément aux articles 514 et suivants du nouveau code de procédure civile.
Le surplus des demandes est rejeté.
La partie succombante doit assumer les frais et dépens de l'instance ainsi que les sommes demandés au titre de l'article 700 NCPC, la société DIVAO est condamné à verser à Céile Y... et à Didier X... la somme totale de 3.000 EUROS, ainsi qu'à l'ensemble des dépens.
PAR CES MOTIFS,
Le Tribunal, statuant par jugement contradictoire, par remise au greffe et en premier ressort,
- Déclare irrecevable l'action en contrefaçon de la société
KELMOI.
- Dit que la société DIVAO a commis des actes de contrefaçon par imitation des marques semi figuratives françaises suivantes :
- « c'est pour janvier », numéro 043267504
- « c'est pour février », numéro 043267514
- « c'est pour mars », numéro 043263874
- « c'est pour avril », numéro 043267506
- « c'est pour mai », numéro 043267509
- « c'est pour juin », numéro 043267512
- « c'est pour juillet », numéro 043267513
- « c'est pour août », numéro 043283687
- « c'est pour septembre », numéro 043283686
- « c'est pour octobre », numéro 043283685
- « c'est pour novembre », numéro 043283683
- « c'est pour décembre », numéro 043283681
au préjudice de Cécile Y... et de Didier X... et condamne la société DIVAO à leur verser 3.000 Euros chacun en réparation du préjudice subi ;
- Interdit à la société DIVAO l'usage des marques susvisées sous astreinte de 1.000 EUROS par infraction constatée à compter d'un délai de quinze jours suivant la signification du jugement et dit se réserver la liquidation de l'astreinte ordonnée ;
- Ordonne l'exécution provisoire de la présente décision ;
- Déboute les parties du surplus de leurs demandes ;
- Condamne la société DIVAO à verser à Cécile Y... et à Didier X... la somme totale de 3.000 EUROS sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;
- Condamne la société DIVAO à payer les entiers dépens.
FAIT ET JUGE A PARIS LE QUINZE JANVIER DEUX MILLE HUIT
LE GREFFIER LE PRESIDENT