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11/01/2008 | FRANCE | N°06/07680

France | France, Tribunal de grande instance de Paris, Chambre civile 3, 11 janvier 2008, 06/07680


T R I B U N A L
D E GRANDE
I N S T A N C E
D E P A R I S

3ème chambre 2ème section

No RG :
06 / 07680

No MINUTE :

Assignation du :
15 Mai 2006

JUGEMENT
rendu le 11 Janvier 2008

DEMANDERESSE

S. A. R. L. MOULIN- GALANT PRODUCTION, agissant poursuite et diligences de son gérant, Monsieur Dimitri X...
...
91100 VILLABE

représentée par Me Claire SIMONIN, avocat au barreau de Paris, vestiaire C2590

DÉFENDERESSES

KIABI EUROPE
100 rue du Calvaire
59510 HEM

représentée

par Me Nicolas BOESPFLUG, avocat au barreau de PARIS, vestiaire E. 329

S. A. CARLIN INTERNATIONAL
79 rue de Miromesnil
75008 PARIS

représentée p...

T R I B U N A L
D E GRANDE
I N S T A N C E
D E P A R I S

3ème chambre 2ème section

No RG :
06 / 07680

No MINUTE :

Assignation du :
15 Mai 2006

JUGEMENT
rendu le 11 Janvier 2008

DEMANDERESSE

S. A. R. L. MOULIN- GALANT PRODUCTION, agissant poursuite et diligences de son gérant, Monsieur Dimitri X...
...
91100 VILLABE

représentée par Me Claire SIMONIN, avocat au barreau de Paris, vestiaire C2590

DÉFENDERESSES

KIABI EUROPE
100 rue du Calvaire
59510 HEM

représentée par Me Nicolas BOESPFLUG, avocat au barreau de PARIS, vestiaire E. 329

S. A. CARLIN INTERNATIONAL
79 rue de Miromesnil
75008 PARIS

représentée par Me Corinne CHAMPAGNER KATZ, avocat au barreau de PARIS, vestiaire C. 1864

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Véronique RENARD, Vice- Président, signataire de la décision
Sophie CANAS, Juge
Guillaume MEUNIER, Juge

assistée de Marie- Aline PIGNOLET, Greffier, signataire de la décision

DEBATS

A l'audience du 15 Novembre 2007
tenue en audience publique

JUGEMENT

Prononcé par remise de la décision au greffe
Contradictoire
en premier ressort

Faits et procédure

La SARL MOULIN GALANT Production est l'éditeur phonographique du groupe de reggae français Mister Gang.

Il n'est pas contesté qu'elle est titulaire de la marque verbale " Mister Gang ", déposée le 7 avril 2000, enregistrée sous le no003 020 359pour les produits et services des classes 9, 25, 34, 38, 16 et 41, en particulier les " vêtements (habillement) ".

Elle prétend avoir fait fabriquer, en 2001 et 2003, plusieurs modèles de t- shirts sérigraphiés portant l'inscription " Mister Gang ", et déclinant les thèmes du mouvement rastafarien, en particulier les couleurs rouge, jaune et vert.

La société MOULIN GALANT Production expose avoir constaté, en avril 2005, que la chaîne de magasins de vêtements KIABI diffusait sur les territoires français, espagnols et italiens, ainsi que sur internet, une ligne de vêtements pour enfants portant l'inscription " Mister Gang " et reprenant tant l'imagerie du reggae que des expressions caractéristiques de ce mouvement musical.

Le 25 avril 2005, la société MOULIN GALANT Production a procédé à l'achat de 13 articles au sein du magasin KIABI de Sainte Geneviève des Bois (ESSONNE).

Par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 5 juillet 2005, la société MOULIN GALANT Production a mis en demeure la société KIABI Europe (ci- après la société KIABI) de mettre fin aux actes de reproduction de sa marque.

En réponse, la société KIABI a indiqué avoir commandé les visuels litigieux à la société CARLIN International (ci- après la société CARLIN).

Par acte d'huissier de justice du 15 mai 2006, la société MOULIN GALANT Production a assigné la société KIABI en contrefaçon devant le Tribunal de grande instance de Paris.

Par acte d'huissier de justice du 15 juin 2006, la société KIABI a assigné la société CARLIN en intervention forcée.

Les deux procédures ont été jointes par ordonnance du Juge de la mise en état du 21 septembre 2006.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 29 mars 2007.

Prétentions des parties

Dans ses dernières écritures, signifiées le 8 février 2007, la société MOULIN GALANT Production demande au Tribunal :

- de se déclarer compétent pour connaître du litige,
- de dire et juger d'une part qu'elle a donné à la marque " Mister Gang " un usage ininterrompu depuis son dépôt, d'autre part que cette marque est distinctive pour désigner des produits vestimentaires, en conséquence de constater la validité de la marque " Mister Gang ",
- de la déclarer recevable en ses demandes,
- de débouter les défenderesses de l'ensemble de leurs demandes,
- de dire et juger qu'en créant des vêtements portant le signe " Mister Gang " la société CARLIN s'est rendue coupable d'actes de contrefaçon,
- de dire et juger qu'en commercialisant ces vêtements, la société KIABI s'est rendue coupable d'actes de contrefaçon,
- de condamner in solidum les défenderesses à lui payer la somme de 450. 000 € en réparation du préjudice subi,
- d'interdire toute commercialisation des produits contrefaisants tant dans les magasins à l'enseigne KIABI en France que sur le site internet www. kiabi. com sous astreinte de 500 € par infraction constatée, le Tribunal se réservant la liquidation de l'astreinte,
- d'ordonner une mesure de publication dont elle décrit la teneur, dans trois journaux ou magazines de son choix et sur la page d'accueil du site internet www. kaibi. fr, ce sous astreinte de 15. 000 € par numéro de retard à compter de la signification de la décision, sans que le coût de chaque insertion soit inférieur à la somme de 5. 000 € hors taxes,
- d'ordonner l'exécution provisoire,
- de condamner chacune des sociétés défenderesses à lui payer la somme de 10. 000 € sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,
- de condamner les défenderesses in solidum aux entiers dépens.

Dans ses dernières conclusions signifiées le 6 décembre 2006, la société KIABI demande au Tribunal :

- de débouter la société MOULIN GALANT Production de ses demandes,
- de prononcer la déchéance des droits de la demanderesse sur la marque " Mister Gang " no003 020 359 pour désigner les vêtements à compter du 6 décembre 2006,
- de condamner la société MOULIN GALANT Production à lui payer la somme de 10. 000 € sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,
- de condamner la demanderesse aux entiers dépens,
- de dire et juger que la société CARLIN International devra la garantir de toutes les condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre.

Dans ses dernières conclusions signifiées le 6 décembre 2006, la société CARLIN demande au Tribunal :

- de faire sommation à la société MOULIN GALANT Production d'avoir à communiquer le certificat d'identité avec état des inscriptions de la marque no003 020 359,

A titre principal,

- de prononcer la déchéance des droits de la demanderesse sur cette marque pour les produits de la classe 25, et d'ordonner la transcription de la décision à intervenir au Registre national des marques,

A titre subsidiaire,

- de prononcer la nullité de la marque no003 020 359 pour défaut de distinctivité,
- de juger la société MOULIN GALANT irrecevable et mal fondée à se prévaloir des dispositions de l'article L. 713-2 du Code de la propriété intellectuelle en l'absence de reproduction à l'identique,
- de débouter la demanderesse de l'ensemble de ses demandes,

A titre reconventionnel,

- de condamner la demanderesse à lui payer la somme de 10. 000 € au titre des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,
- de condamner la demanderesse aux entiers dépens,

- de débouter la société KIABI de son appel en garantie.

Motifs de la décision

Attendu qu'à titre liminaire, la société MOULIN GALANT Production demande au Tribunal de se déclarer compétent pour connaître du présent litige ;

Qu'en l'absence d'exception d'incompétence soulevée par les défenderesses, dont l'examen relèverait au demeurant des attributions du Juge de la mise en état, une telle demande est sans objet.

I. Sur la demande de communication de pièce

Attendu que la société CARLIN expose que la demanderesse ne verse aux débats qu'une copie en date du 13 octobre 2005 de la demande d'enregistrement de la marque " Mister Gang " no003 020 359, et soutient être de ce fait dans l'incapacité de s'assurer de la validité de la dite marque ; qu'elle demande au Tribunal de sommer la société MOULIN GALANT Production de communiquer un certificat d'identité de la marque litigieuse ;

Attendu que l'instruction de la présente affaire est close depuis une ordonnance du 29 mars 2007 ; que faute de demande tendant au rabat de l'ordonnance de clôture, la demande de la société CARLIN ne saurait être accueillie ;

Attendu qu'en toute hypothèse, la société CARLIN ne remet pas en cause la réalité de l'enregistrement de la marque " Mister Gang " no003 020 359 ;

Qu'en application de l'article L. 712-1 alinéa 2 du Code de la propriété intellectuelle, l'enregistrement d'une marque produit ses effets à compter de la date de dépôt de la demande pour une période de dix ans indéfiniment renouvelable ;

Qu'il ressort du document produit que le dépôt de la demande d'enregistrement de la marque litigieuse est intervenu le 7 avril 2000, de sorte que la société MOULIN GALANT Production demeure fondée à se prévaloir de la protection accordée à sa marque par le Code de la propriété intellectuelle.

II. Sur la validité de la marque verbale " Mister Gang " no003 020 359

A. Sur la déchéance

Attendu que l'article L. 714-5 du code de la propriété intellectuelle dispose que :

" Encourt la déchéance de ses droits le propriétaire de la marque qui, sans justes motifs, n'en a pas fait un usage sérieux, pour les produits et services visés dans l'enregistrement, pendant une période ininterrompue de cinq ans.

Est assimilé à un tel usage :

a) L'usage fait avec le consentement du propriétaire de la marque ou, pour les marques collectives, dans les conditions du règlement ;

b) L'usage de la marque sous une forme modifiée n'en altérant pas le caractère distinctif ;

c) L'apposition de la marque sur des produits ou leur conditionnement exclusivement en vue de l'exportation.

La déchéance peut être demandée en justice par toute personne intéressée. Si la demande ne porte que sur une partie des produits ou des services visés dans l'enregistrement, la déchéance ne s'étend qu'aux produits ou aux services concernés.

L'usage sérieux de la marque commencé ou repris postérieurement à la période de cinq ans visée au premier alinéa du présent article n'y fait pas obstacle s'il a été entrepris dans les trois mois précédant la demande de déchéance et après que le propriétaire a eu connaissance de l'éventualité de cette demande.

La preuve de l'exploitation incombe au propriétaire de la marque dont la déchéance est demandée. Elle peut être apportée par tous moyens.

La déchéance prend effet à la date d'expiration du délai de cinq ans prévu au premier alinéa du présent article. Elle a un effet absolu " ;

Attendu que la société KIABI soutient qu'en application de ces dispositions, la demanderesse doit être déchue de ses droits sur la marque litigieuse pour désigner les vêtements à compter du 6 décembre 2006, faute d'avoir fait un usage sérieux de cette marque pendant une durée de cinq ans ; que la société CARLIN formule la même demande de déchéance pour les produits de la classe 25 ;

Qu'en réponse, la société MOULIN GALANT Production soutient que la marque litigieuse a connu un usage ininterrompu depuis son dépôt ;

Attendu que la marque " Mister Gang " a été enregistrée sous le no003 020 359 le 7 avril 2000, notamment pour les produits de la classe 25 " Vêtements (habillage) " ;

Attendu que la preuve de l'exploitation de la marque incombe au propriétaire de la marque dont la déchéance est demandée ;

Attendu que compte tenu de la date de déchéance invoquée par la société KIABI, la période à prendre en considération s'étend du 6 décembre 2001 au 6 décembre 2006 ;

Attendu qu'en l'espèce, la société MOULIN GALANT Production verse aux débats des factures portant sur des commandes d'articles d'habillement datant des 20 et 26 juillet, du 20 août et du 5 décembre 2001, non pertinentes compte tenu de la période examinée ;

Attendu, cependant, que la société MOULIN GALANT Production produit une facture du 2 avril 2003, démontrant qu'elle a commandé à la société XO Sérigraphie 398 t- shirts ou débardeurs ;

Que pour l'ensemble de ces articles textiles, le document comporte une mention " Motif : MISTER GANG ", démontrant que le signe litigieux a été apposé sur des produits identiques à ceux désignés lors de l'enregistrement de la marque litigieuse ;

Qu'il convient de rappeler que la demanderesse est l'éditeur phonographique du groupe de reggae Mister Gang ;

Qu'ainsi, à l'inverse de ce que soutient la société CARLIN, la marque " Mister Gang " a été utilisée conformément à sa fonction, qui est de garantir l'origine des produits concernés ;

Qu'enfin, contrairement aux allégations de la société KIABI, l'importance quantitative de la commande démontre à elle seule l'existence d'un usage effectif de la marque litigieuse, via la commercialisation de produits textiles sérigraphiés, manifestement aux fins de promotion des activités du groupe Mister Gang ;

Attendu que ces éléments permettent au Tribunal de considérer que la marque litigieuse a fait l'objet, pour les produits visés lors de l'enregistrement, d'un usage sérieux au cours de la période considérée ;

Attendu, en conséquence, que la demande de déchéance sera rejetée.

B. Sur la nullité pour défaut de distinctivité

Attendu qu'aux termes de l'article L. 711-1 alinéa 1er du Code de la propriété intellectuelle, la marque de fabrique, de commerce ou de service est un signe susceptible de représentation graphique servant à distinguer les produits ou services d'une personne physique ou morale ; qu'il résulte de l'article L. 711-2 alinéa 1er du même Code que le caractère distinctif d'un signe de nature à constituer une marque s'apprécie à l'égard des produits ou services désignés ;

Attendu que la société CARLIN demande au Tribunal de prononcer la nullité de la marque " Mister Gang " no003 020 359 pour défaut de distinctivité, en soutenant que le terme " Gang " est très usité pour désigner les produits de la classe 25 ;

Attendu que la demanderesse soutient, au contraire, que sa marque est distinctive, dès lors qu'elle n'est pas la désignation nécessaire, générique, usuelle des produits concernés, et dès lors qu'elle n'en désigne aucune caractéristique, et n'est imposée ni par la nature, ni par la fonction de ces produits ;

Attendu que le Tribunal relève qu'il importe peu que l'utilisation du terme " Gang " pour désigner des vêtements soit dépourvu d'originalité, dès lors que ce critère est dépourvu de pertinence en droit des marques ;

Attendu qu'il n'est pas démontré, ni même soutenu, que la marque litigieuse constitue la désignation nécessaire, générique ou usuelle des produits désignés lors de l'enregistrement, qu'elle sert à désigner une caractéristique de ces produits ou qu'elle est constitué exclusivement par la forme imposée par la nature ou la fonction de ce produits, pas plus qu'il n'est démontré ou soutenu que la marque invoquée confère aux produits concernés leur valeur substantielle ;

Que l'expression " Mister Gang " est constituée de la combinaison purement arbitraire de mots anglais d'usage suffisamment courant pour être compris par une grande partie des consommateurs français ; qu'elle évoque, pour le consommateur moyen, un personnage en marge de la légalité, et n'est en aucun cas nécessaire pour désigner des vêtements ;

Qu'elle constitue donc une marque valable au regard de l'articles L. 711-2 du Code de la propriété intellectuelle ;

Attendu qu'il convient, en conséquence, de rejeter la demande de nullité fondée sur le défaut de distinctivité.

III. Sur la contrefaçon

A. Sur les actes de contrefaçon incriminés

Attendu qu'aux termes de l'article L. 713-2 du Code de la propriété intellectuelle, " sont interdits, sauf autorisation du propriétaire, la reproduction, l'usage ou l'apposition d'une marque, même avec l'adjonction de mots tels que " formule, façon, système, imitation, genre, méthode ", ainsi que l'usage d'une marque reproduite, pour des produits ou services identiques à ceux désignés dans l'enregistrement " ;

Attendu qu'en se fondant sur ces seules dispositions, la société MOULIN GALANT reproche aux sociétés CARLIN et KIABI d'avoir reproduit dans son intégralité et sans ajout ou modification la marque " Mister Gang " no003 020 359 ;

Attendu que la société KIABI ne conteste pas la matérialité des faits allégués ;

Qu'en revanche, la société CARLIN fait valoir qu'en l'espèce, un seul modèle de t- shirt, dit " Strictly Rasta Jam " reproduit un décor qu'elle a vendu à la société KIABI ; que s'agissant de ce modèle, elle soutient en substance que le vocable " Mister Gang " a été utilisé en compagnie d'autres phrases ainsi que de dessins formant avec lui un tout indivisible, au sein duquel la marque revendiquée perd sa distinctivité, de sorte qu'aucune reproduction à l'identique ne saurait être caractérisée ;

Attendu, en l'espèce, que la société MOULIN GALANT Production prétend avoir acheté 13 articles :

- un " produit GS Sport " référencé 472092,
- un pantalon " Esvet " référencé 632780,
- un pantalon " Esvet " référencé 633224,
- un t- shirt " GTShirt " référencé 190743,
- un t- shirt " GTShirt " référencé 265226,
- un bermuda " Gbermuda " référencé 470627,
- un bermuda " Gbermuda " référencé 471791,
- une paire de chaussures référencée 108111,
- quatre sweat- shirts " Gsweat " référencés 891940, 921088, 859438, et 585755,
- un pantalon " Gpantalon " référencé 659778,

Que ces appellations et numéros de référence ressortent du ticket de caisse remis le 25 avril 2005 lors de l'achat des produits ;

Mais attendu que la pièce no9 de la demanderesse, intitulée " Vêtements contrefaisants commercialisés par la société KIABI ", est uniquement constituée de photographies en noir et blanc, dont certaines représentent un t- shirt porteur d'un motif composé d'un dessin comprenant des arbres, des formes rondes et, dans sa partie inférieure, de quatre bandes, dans sa partie gauche, d'une mention " Mister Gang ", dans sa partie supérieure droite, d'une mention " Strictly Rasta Jam " ;

Que d'autres photographies permettent d'observer le détail d'un article textile représentant une étiquette portant la mention " Mister Gang ", inscrite dans un cartouche, et correspondant manifestement au sweat- shirt " Lion Zion " dont la photographie en noir et blanc est également produite ;

Qu'enfin, ces photographies en noir et blanc permettent d'étudier le détail d'un article textile comprenant le chiffre 3 accolé à un cartouche comportant la mention " Mister Gang " ; qu'il apparaît qu'un tel motif est apposé sur des produits de type bermuda achetés par la demanderesse ;

Attendu que la société KIABI ne conteste pas avoir commercialisé, sans l'autorisation de la demanderesse, les produits dont les photographies en noir et blanc sont ainsi versées aux débats ;

Qu'aucun autre article, prétendument contrefaisant, n'est soumis à l'examen du Tribunal ;

Attendu que l'ensemble des produits photographiés sont identiques à ceux visés lors de l'enregistrement de la marque invoquée, en l'espèce les " vêtements (habillement) " ;

Attendu que s'agissant du premier modèle de t- shirt, le Tribunal constate que le signe litigieux est en réalité composé, non seulement du vocable " Mister Gang " mais également d'un dessin comprenant des arbres, des formes rondes et dans sa partie supérieure droite, d'une mention " Strictly Rasta Jam " ; que l'adjonction de cette dernière mention, rédigée en caractères de taille supérieure, et de formes graphiques constituant l'essentiel de la décoration de l'article textile, a pour effet de diluer le caractère distinctif des termes " Mister Gang " ; que le signe examiné ne saurait donc être considéré comme une reproduction à l'identique de la marque invoquée ;

Qu'ainsi la demande, limitée à la seule contrefaçon par reproduction, ne peut prospérer s'agissant de ce produit ;

Attendu, en revanche, que le Tribunal a relevé que sur les bermudas et le sweat- shirt " Lion Zion " photographiés, la mention " Mister Gang " est simplement soulignée de quatre bandes et reportée dans un cartouche isolé, de forme rectangulaire, que le consommateur moyen peut aisément assimiler à une étiquette ; que de ce fait, l'adjonction de formes géographiques au vocable " Mister Gang " ne fait pas perdre à ce dernier sa fonction d'identification, de sorte que la marque " Mister Gang ", déposée par la société MOULIN GALANT le 7 avril 2000, enregistrée sous le no003 020 359 pour les produits et services de la classe 25 " vêtements (habillement) ", se trouve reproduite à l'identique ;

Attendu, dès lors, que la confection et la commercialisation de ces bermudas et du sweat- shirt " Lion Zion " sans l'accord de la demanderesse constituent des actes de contrefaçon au sens de l'article L. 713-2 du Code de la propriété intellectuelle.

B. Sur les responsabilités et la demande de garantie

Attendu que si la société KIABI ne conteste pas avoir vendu les produits contrefaisants, elle sollicite, sur le fondement des articles 1625 et 1626 du Code civil, la garantie de la société CARLIN, laquelle s'oppose à cette demande en prétendant n'être pas à l'origine des reproductions isolées des éléments constituant le décor de vêtement vendu à la société KIABI ;

Attendu que la société KIABI justifie avoir passé commande à la société CARLIN d'un graphisme partiellement reproduit sur le t- shirt porteur d'un motif composé d'un dessin comprenant des arbres, des formes rondes, dans sa partie inférieure, de quatre bandes, dans sa partie gauche, d'une mention " Mister Gang ", dans sa partie supérieure droite, d'une mention " Strictly Rasta Jam " ;

Que le Tribunal a relevé que ce motif n'était pas contrefaisant ; qu'il n'est pas démontré que la société CARLIN est l'auteur des dessins reproduisant à l'identique, dans un cartouche, la marque " Mister Gang " ;

Qu'il en résulte que la responsabilité de la société CARLIN ne saurait être retenue, de sorte que tant la demanderesse que la société KIABI seront déboutées de l'ensemble de leurs demandes formulées à son encontre.

IV. Sur les mesures réparatrices

Attendu que la société KIABI estime avoir acheté 2622 sweat- shirts " Lion Zion " sous la référence M9365, pour 2563 exemplaires revendus ; que si les pièces régulièrement communiquées par la demanderesse ne permettent pas d'identifier avec exactitude les références des autres produits contrefaisants, et, partant, d'évaluer précisément le nombre de produits contrefaisants écoulés, la société KIABI chiffre à 24842 le nombre d'exemplaires vendus de ce qu'elle qualifie de " vêtements litigieux " ;

Que le sweat- shirt " Lion Zion " a été acheté au prix de 6, 99 € ; que la société KIABI commercialisait lors de l'achat effectué par la société demanderesse des bermudas au prix de 13, 99 € ;

Que la société MOULIN GALANT Production, dont l'activité principale n'est pas la vente de produits textiles mais l'édition musicale, ne justifie pas de l'étendue de son préjudice commercial ;

Attendu qu'il convient, en conséquence, de condamner la société KIABI à payer à la société MOULIN GALANT Production la somme de 10. 000 € en réparation du préjudice résultant de l'atteinte à la marque dont elle est propriétaire ;

Qu'il convient, à titre de complément d'indemnisation, de faire droit aux mesures d'interdiction et de publication sollicitées, dans les limites cependant fixées par le dispositif de la présente décision ; qu'il n'y a pas lieu, notamment, d'autoriser la publication de tout ou partie de la présente décision sur le site internet de la défenderesse, faute de démonstration de la commission d'actes illicites par le biais de ce site.

V. Sur les autres demandes

Attendu que la nature de l'espèce et l'ancienneté du litige justifient d'ordonner l'exécution provisoire du présent jugement ;

Attendu que la société KIABI, succombant, sera condamnée aux entiers dépens ;

Qu'il serait inéquitable de laisser à la charge de la société MOULIN GALANT Production la totalité des frais irrépétibles ; qu'il convient, en conséquence, de lui allouer la somme globale de 3. 000 euros au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;

Qu'aucune considération d'équité ne commande de faire droit à la demande de la société CARLIN formulée sur ce même fondement.

Par ces motifs

Le Tribunal,
Statuant publiquement, par mise à disposition du présent jugement au greffe, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues par le deuxième alinéa de l'article 450 du nouveau Code de Procédure Civile,
Par jugement contradictoire, rendu en premier ressort,

- DIT que la demande de la société MOULIN GALANT Production tendant à voir le Tribunal constater sa compétence pour connaître du présent litige est sans objet,

- DEBOUTE la société CARLIN International de sa demande aux fins de communication de pièces,

- REJETTE la demande des sociétés KIABI Europe et CARLIN International tendant à voir prononcer la déchéance pour les produits et services de la classe 25 de la marque verbale " Mister Gang ", déposée le 7 avril 2000, enregistrée sous le no3 020 359,

- REJETTE la demande de la société CARLIN International tendant à voir prononcer la nullité de la marque verbale " Mister Gang ", déposée le 7 avril 2000, enregistrée sous le no3 020 359,

- DIT qu'en commercialisant des vêtements comportant des cartouches reproduisant à l'identique la marque verbale " Mister Gang ", déposée le 7 avril 2000, enregistrée sous le no3 020 359, la société KIABI Europe a commis des actes de contrefaçon au préjudice de la société MOULIN GALANT International,

- CONDAMNE la société KIABI Europe à payer à la société MOULIN GALANT Production la somme de 10. 000 € à titre de dommages intérêts en réparation du préjudice en résultant,

- INTERDIT, en tant que de besoin, à la société KIABI Europe la poursuite de ses agissements, sous astreinte de 500 € par infraction constatée à compter de la signification du présent jugement, le Tribunal se réservant la liquidation de l'astreinte,

- AUTORISE la publication du dispositif du présent jugement dans trois quotidiens ou revues hebdomadaires au choix de la demanderesse, aux frais avancés de la société KIABI Europe, dans la limite de 3. 500 € hors taxes par insertion,

- DEBOUTE les sociétés MOULIN GALANT Production et KIABI Europe de leurs demandes formulées à l'encontre de la société CARLIN International,

- DEBOUTE les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,

- ORDONNE l'exécution provisoire,

- CONDAMNE la société KIABI Europe à payer à la société MOULIN GALANT Production la somme de 3. 000 € sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,

- DEBOUTE la société CARLIN International de sa demande formulée sur ce même fondement,

- CONDAMNE la société KIABI Europe aux entiers dépens.

Fait et jugé à Paris le 11 Janvier 2008

Le GreffierLe Président


Synthèse
Tribunal : Tribunal de grande instance de Paris
Formation : Chambre civile 3
Numéro d'arrêt : 06/07680
Date de la décision : 11/01/2008
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.grande.instance.paris;arret;2008-01-11;06.07680 ?
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