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11/01/2008 | FRANCE | N°05/10830

France | France, Tribunal de grande instance de Paris, Chambre civile 3, 11 janvier 2008, 05/10830


3ème chambre 2ème section
No RG : 05/10830

Assignation du :20 Juillet 2005

JUGEMENT rendu le 11 Janvier 2008

DEMANDERESSE
S.A.R.L. CO-PEER-RIGHT AGENCY52 boulevard de Sébastopol75003 PARIS
représentée par Me Louis DE GAULLE de la SELAS DE GAULLE FLEURANCE et ASSOCIES, avocats au barreau de PARIS, vestiaire K 35

DÉFENDERESSES
SOCIETE DES AUTEURS COMPOSITEURS ET EDITEURS DE MUSIQUE (SACEM)225, avenue Charles de Gaulle92200 NEUILLY SUR SEINE
SOCIETE POUR L'ADMINISTRATION DU DROIT DE REPRODUCTION MECANIQUE DES AUTEURS COMPOSITEURS ET DES EDITEURS.(

SDRM).225, avenue Charles de Gaulle92200 NEUILLY SUR SEINE
représentées par Me Thierry MOLLE...

3ème chambre 2ème section
No RG : 05/10830

Assignation du :20 Juillet 2005

JUGEMENT rendu le 11 Janvier 2008

DEMANDERESSE
S.A.R.L. CO-PEER-RIGHT AGENCY52 boulevard de Sébastopol75003 PARIS
représentée par Me Louis DE GAULLE de la SELAS DE GAULLE FLEURANCE et ASSOCIES, avocats au barreau de PARIS, vestiaire K 35

DÉFENDERESSES
SOCIETE DES AUTEURS COMPOSITEURS ET EDITEURS DE MUSIQUE (SACEM)225, avenue Charles de Gaulle92200 NEUILLY SUR SEINE
SOCIETE POUR L'ADMINISTRATION DU DROIT DE REPRODUCTION MECANIQUE DES AUTEURS COMPOSITEURS ET DES EDITEURS.(SDRM).225, avenue Charles de Gaulle92200 NEUILLY SUR SEINE
représentées par Me Thierry MOLLET VIEVILLE, avocat au barreau de PARIS, vestiaire P.75
Société ADVESTIGO1 rue Royale - bureaux de la Colline92210 ST CLOUD
représentée par Me Cyrille AMAR, avocat au barreau de PARIS, vestiaire P515

SOCIETE CIVILE DES PRODUCTEURS PHONOGRAPHIQUES14 Boulevard DU GENERAL LECLERC92527 NEUILLY SUR SEINE
représentée par Me Nicolas BOESPFLUG, avocat au barreau de PARIS, vestiaire E.329

COMPOSITION DU TRIBUNAL
Véronique RENARD, Vice-Président, signataire de la décision Sophie CANAS, JugeGuillaume MEUNIER, Juge
assistée de Marie-Aline PIGNOLET, Greffier, signataire de la décision
DEBATS
A l'audience du 24 Octobre 2007 tenue en audience publique
JUGEMENT
Prononcé par remise de la décision au greffe Contradictoireen premier ressort

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
La société à responsabilité limitée CO-PEER-RIGHT AGENCY, qui a pour activité le développement et la commercialisation de technologies dédiées à la protection des droits d'auteur sur les réseaux de transmission de données numériques, est titulaire :
- d'un brevet français no 03 06441 déposé le 27 mai 2003, délivré le 29 juillet 2005 et intitulé "procédé et système pour lutter contre la diffusion illégale d'oeuvres protégées dans un réseau de transmission de données numériques",
- d'un brevet divisionnaire no 05 03354 pareillement intitulé, déposé le 05 avril 2005, délivré le 14 avril 2006 et fondé sur le brevet ci-dessus visé.
Elle indique que la loi no 78-17 du 06 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés, telle que modifiée par la loi no 2004-801 du 06 août 2004, permet aux sociétés de gestion collective de droits d'auteur et aux organismes de défense professionnelle visés à l'article L.331-1 du Code de la Propriété Intellectuelle de mettre en oeuvre, en vue de lutter contre la contrefaçon de droits d'auteur dont elles assurent la gestion, "des traitements de données à caractère personnel relatives aux infractions, condamnations et mesures de sûretés".

Estimant que dans le cadre des appels d'offre lancés à cette fin par certaines sociétés de gestion collective ou organismes de défense professionnelle, la société anonyme ADVESTIGO proposait une technologie d'identification des internautes diffusant illicitement des oeuvres protégées couverte par ses propres demandes de brevets, la société CO-PEER-RIGHT AGENCY a, suivant courrier en date du 06 mai 2005 signifié par huissier le 09 mai 2005, notifié à cette dernière une copie de sa demande de brevet no 03 06441 et de sa demande divisionnaire no 05 03354, adressant dans le même temps des courriers similaires à la SACEM et à la SCPP.
Aux termes d'une assignation délivrée le 25 mai 2005, la société ADVESTIGO a saisi le juge des référés aux fins notamment de voir dire et juger que la société CO-PEER-RIGHT AGENCY a ainsi commis des actes de dénigrement à son encontre, mais selon ordonnance rendue le 15 juin 2005, le Tribunal de Commerce de PARIS a dit n'y avoir lieu à référé sur ces demandes
Après y avoir été dûment autorisée suivant ordonnance en date 01er juillet 2005, la société CO-PEER-RIGHT AGENCY a fait procéder le 06 juillet 2005 à une saisie-contrefaçon au siège de la société ADVESTIGO.
Par ordonnance rendue le 29 juillet 2005 par le Tribunal de Grande Instance de PARIS, le juge des référés, statuant sur la demande de la société ADVESTIGO tendant à voir limiter l'accès au procès-verbal de saisie-contrefaçon et aux documents qu'il contient aux seuls préposés de la société CO-PEER-RIGHT AGENCY, a ordonné à cette dernière d'adresser, dans les 48 heures suivant la signification de la décision, à ceux de ses préposés ou correspondants, ayant eu accès au procès-verbal de saisie-contrefaçon ou aux informations contenues dans ledit document, une lettre les informant du caractère secret desdites informations, et les avertissant du fait que leur divulgation engageait la responsabilité de leur employeur et, le cas échéant, leur responsabilité personnelle.
La société CO-PEER-RIGHT AGENCY a, selon acte d'huissier en date du 20 juillet 2005, fait assigner la société ADVESTIGO devant le Tribunal de Grande Instance de PARIS en contrefaçon de la demande divisionnaire no 05 03354 aux fins d'obtenir, outre des mesures d'interdiction et de publication sous astreinte, la condamnation de cette dernière à lui verser la somme de 4.486.700 euros à titre de dommages-intérêts ainsi que la somme de 30.000 euros sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, le tout sous le bénéfice de l'exécution provisoire.
Par actes d'huissier en date du 03 août 2005, elle a assigné en intervention forcée la Société des Auteurs Compositeurs et Editeurs de Musique (ci-après SACEM), la Société pour l'Administration du Droit de Reproduction Mécanique des Auteurs Compositeurs et Editeurs (ci-après SDRM) et la Société Civile des Producteurs Phonographiques (ci-après SCPP), sollicitant leur condamnation in solidum avec la société ADVESTIGO pour avoir utilisé les services proposés par cette dernière.
Les deux instances ont été jointes.

Suivant ordonnance en date du 23 février 2006, le juge de la mise en état a rejeté la demande de sursis à statuer formée par la société ADVESTIGO et reposant sur le fait que le brevet divisionnaire fondant l'action en contrefaçon n'était pas délivré.
Selon ordonnance rendue le 27 octobre 2006, le juge de la mise en état a dit que la demande de sursis à statuer présentée par les sociétés de gestion collective défenderesses est devenue sans objet du fait de la renonciation par la société CO-PEER-RIGHT AGENCY à la partie française de la demande de brevet européen no 04/0742692.
Par ordonnance rendue le 15 juin 2007, le juge de la mise en état a rejeté la demande de la société CO-PEER-RIGHT AGENCY tendant à voir autoriser la communication à son profit d'une copie de chacun des deux contrats de prestations de service signés le 07 février 2005 entre la société ADVESTIGO, la SACEM et la SCPP et mis sous scellés au greffe du Tribunal de Grande Instance de PARIS le 18 juillet 2005 à la suite des opérations de saisie-contrefaçon du 06 juillet 2005 et a fixé un calendrier de procédure.
Dans ses dernières écritures en date du 06 août 2007, la société CO-PEER-RIGHT AGENCY demande au Tribunal de :
- dire que la société ADVESTIGO a porté atteinte aux droits de propriété détenus par la société CO-PEER-RIGHT AGENCY sur le brevet divisionnaire no 05 03354 en proposant, à partir de l'année 2005, des services mettant en oeuvre les procédés et systèmes couverts par ce brevet,
- dire que la SACEM, la SDRM et la SCPP ont porté atteinte aux droits de propriété intellectuelle détenus par la société CO-PEER-RIGHT AGENCY sur le brevet divisionnaire no 05 03354 en faisant travailler la société ADVESTIGO sur des services fournis à leur profit et pour leur compte qu'elles savaient être rendus en contrefaçon des droits de la société CO-PEER-RIGHT AGENCY,
En conséquence,
- condamner in solidum la société ADVESTIGO, la SACEM, la SDRM et la SCPP à verser à la société CO-PEER-RIGHT AGENCY la somme de 4.686.700 euros, sauf à parfaire, en réparation du préjudice subi par cette dernière,
- interdire, sous astreinte de 2.000 euros par jour de retard à compter de la signification du jugement à intervenir, à la société ADVESTIGO, la SACEM, la SDRM et la SCPP toute utilisation et exploitation des procédés et systèmes, objets de la demande de brevet no 05 03354,
- condamner la société ADVESTIGO à publier à ses frais le dispositif du jugement à intervenir dans trois revues et journaux au choix de la société CO-PEER-RIGHT AGENCY, dans la limite de 10.000 euros par publication,
- condamner la société ADVESTIGO, sous astreinte de 2.000 euros par jour de retard à compter de la signification du jugement à intervenir, à afficher le dispositif dudit jugement pendant une période ininterrompue de trois mois, sur la page d'accueil de son site internet www.advestigo.com ou à toute autre adresse URL utilisée par la société ADVESTIGO le jour d'exécution de cette mesure, de manière visible et en caractères de taille au moins aussi importante que celle des plus gros caractères utilisés sur cette page, en toutes langues dans lesquelles le site est disponible,
- se réserver de liquider l'astreinte prononcée,
- condamner la société ADVESTIGO, sous astreinte de 2.000 euros par jour de retard à compter de la signification du jugement à intervenir, à afficher sur son site web un communiqué de presse rectifiant les propos inexacts reproduits dans le communiqué de presse publié sur le site web de la société ADVESTIGO le 13 septembre 2005, dans les termes ci-après :
"Les propos tenus par Advestigo dans son communiqué de presse publié sur son site web en septembre 2005 selon lesquels CoPeerRight Agency aurait fondé une action en contrefaçon de brevet contre Advestigo sur une demande de brevet "largement postérieure au lancement des services d'Advestigo" sont inexacts. En effet, la demande de brevet couvrant l'invention de CoPeerRight Agency arguée de contrefaçon date du 27 mai 2003 soit à une date largement antérieure au lancement des activités d'Advestigo couvertes par cette même invention"
- condamner la société ADVESTIGO à verser 1 euro de dommages-intérêts pour diffusion sur site internet d'informations trompeuses sur la société CO-PEER-RIGHT AGENCY,
- ordonner l'exécution provisoire du jugement à intervenir, nonobstant tout recours et sans constitution de garantie,
- débouter la société ADVESTIGO de l'ensemble de ses demandes reconventionnelles,
- condamner la société ADVESTIGO, la SACEM, la SDRM et la SCPP chacune au paiement de la somme de 30.000 euros au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,
- condamner la société ADVESTIGO aux entiers dépens, en ce compris les frais de la saisie-contrefaçon du 06 juillet 2005.
Dans ses conclusions récapitulatives signifiées le 07 septembre 2007, la société ADVESTIGO demande au Tribunal de :
Sur la contrefaçon,
- débouter la société CO-PEER-RIGHT AGENCY de toutes ses demandes,
- à titre principal, déclarer nulles les revendications 1, 2, 4 à 9, et 11 à 13 du brevet,
- à titre subsidiaire, dire et juger qu'aucun acte de contrefaçon ne peut être imputé à la société ADVESTIGO,

- à titre très subsidiaire, constater que la société ADVESTIGO est titulaire d'un droit de possession personnelle antérieure sur le procédé breveté,
- à titre infiniment subsidiaire, dire et juger qu'il n'existe aucun lien de causalité entre la prétendue faute de la société ADVESTIGO et le prétendu préjudice de la société CO-PEER-RIGHT AGENCY,
Sur la demande de la société ADVESTIGO relative à la concurrence déloyale,
- dire la société ADVESTIGO recevable et bien fondée en ses demandes relatives à la concurrence déloyale,
- dire qu'en dénonçant aux clients et prospects de la société ADVESTIGO de prétendus actes de contrefaçon imputés à cette dernière et en publiant de telles affirmations, la société CO-PEER-RIGHT AGENCY a commis des actes de concurrence déloyale à l'encontre de la société ADVESTIGO,
- dire qu'en divulguant au public des informations secrètes propriété de la société ADVESTIGO, la société CO-PEER-RIGHT AGENCY a commis des actes de concurrence déloyale à l'encontre de la société ADVESTIGO,
- condamner la société CO-PEER-RIGHT AGENCY à ce titre au paiement de la somme de 950.000 euros de dommages-intérêts, sauf à parfaire à la date du jugement,
- interdire à la société CO-PEER-RIGHT AGENCY, sous astreinte de 100.000 euros par infraction constatée, de rendre publique ou commenter quelque accusation que ce soit relative à une prétendue contrefaçon par la société ADVESTIGO de son brevet, et ce aussi longtemps qu'un jugement définitif n'aura pas condamné la société ADVESTIGO de ce chef,
- autoriser la publication du jugement dans cinq journaux au choix de la société ADVESTIGO et aux frais de la société CO-PEER-RIGHT AGENCY dans la limite de 30.000 euros H.T.,
Sur la demande de la société ADVESTIGO relative à la procédure abusive,
- condamner la société CO-PEER-RIGHT AGENCY à payer à la société ADVESTIGO la somme de 100.000 euros à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive,
- ordonner l'exécution provisoire,
- condamner la société CO-PEER-RIGHT AGENCY au paiement de la somme de 135.000 euros au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
Dans le dernier état de leurs écritures en date du 06 septembre 2007, la SACEM et la SDRM demandent au Tribunal de :

- adjuger à la SACEM et à la SDRM le bénéfice des écritures des autres sociétés défenderesses sur la nullité du brevet FR 05 03354 et sur l'absence de contrefaçon,
- dire et juger que les moyens et demandes de la société CO-PEER-RIGHT AGENCY son irrecevables et mal fondés ; en conséquence, l'en débouter,
- dire et juger que la SACEM et la SDRM sont recevables et bien fondées en leurs moyens et leurs demandes,
en conséquence,
- prononcer la nullité des revendications 1 à 13 du brevet français 05 03354, notamment en application de l'article L.613-25 a) et c) du Code de la Propriété Intellectuelle,
- dire et juger que le jugement à intervenir sera inscrit d'office dans le Registre National des Brevets,
- à titre subsidiaire, constater l'absence d'actes de contrefaçon commis par la SACEM et la SDRM,
- condamner la société CO-PEER-RIGHT AGENCY à payer à la SACEM et la SDRM la somme de 150.000 euros chacune à titre de dommages-intérêts pour action abusive ainsi que la somme de 30.000 euros chacune à titre de remboursement des peines et soins du procès en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,
- condamner la société CO-PEER-RIGHT AGENCY aux entiers dépens, dont distraction au profit de leur conseil.
Dans ses conclusions signifiées le 06 septembre 2007, la SCPP conclut à la nullité du brevet divisionnaire no 05 03354 et au débouté de la société CO-PEER-RIGHT AGENCY de l'ensemble de ses demandes formées à son encontre. Elle sollicite à titre reconventionnel la condamnation de cette dernière à lui verser la somme de 15.000 euros à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive ainsi qu'une indemnité de 15.000 euros en vertu de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 27 septembre 2007.
MOTIFS DE LA DÉCISION
- Sur la portée du brevet FR 05 03354
Attendu que l'invention brevetée porte sur un "procédé et système pour lutter contre la diffusion illégale d'oeuvres protégées dans un réseau de transmission de données numériques" et s'applique notamment, mais non exclusivement, aux réseaux appelés poste à poste ("peer-to-peer" ou "P2P") mis en oeuvre dans le réseau internet et permettant à deux terminaux ainsi connectés de s'échanger des fichiers, sans passer par un serveur central qui redistribue les données, chaque terminal étant configuré de manière à jouer le rôle à la fois de serveur et/ou de client;
Que la partie descriptive rappelle que ce type de réseaux connaît actuellement un grand succès en raison du fait que les utilisateurs peuvent, par leur intermédiaire, se procurer gratuitement des fichiers contenant notamment des oeuvres musicales, vidéographiques et logicielles, normalement protégées par des droits d'auteur, et que cette diffusion illégale d'oeuvres protégées représente pour les éditeurs un manque à gagner considérable et en très forte augmentation chaque année ;
Qu'il est exposé que pour lutter contre un tel piratage, il a déjà été envisagé de diffuser un grand nombre de fichiers corrompus contenant des données erronées ou ne correspondant pas au nom ou au descriptif du fichier, le téléchargement répété de tels fichiers, qui peut durer plusieurs dizaines de minutes, voire plusieurs heures ou plusieurs jours, dissuadant à la longue les utilisateurs ;
Qu'il est indiqué que cette solution s'avère cependant difficile à mettre en oeuvre dans les réseaux poste à poste dans la mesure où il existe aujourd'hui de nombreux réseaux "peer-to-peer" indépendants les uns des autres, basés sur des protocoles différents tels que OpenNap, Gnutella, FastTrack et eDonkey, les fichiers corrompus devant donc être diffusés sur chacun de ces réseaux, dont le code source n'est au surplus pas toujours accessible, et dans la mesure où les identifiants utilisés pour mettre en partage des fichiers corrompus de même que la signature associée auxdits fichiers peuvent être repérés ;

Que le but de l'invention est de surmonter ces obstacles par la prévision d'un procédé de protection de fichiers diffusés illégalement dans des réseaux de transmission de données numériques, conformément à des protocoles de réseau poste à poste, par des terminaux d'utilisateur connectés à au moins un des réseaux de transmission de données numériques et configurés pour fonctionner à la fois comme client et/ou comme serveur de fichiers ;
Qu'il est précisé que ce procédé comprend des étapes consistant à :- activer sur au moins un des réseaux de transmission de données numériques des terminaux d'utilisateur simulés conformément à différents protocoles de réseau poste à poste par des plates-formes de protection connectées en différents points du réseau,- rechercher par au moins un terminal d'utilisateur simulé par une plate-forme de protection, des fichiers mis en partage dans le réseau par des terminaux d'utilisateurs et reproduisant au moins partiellement le contenu de fichiers à protéger, et- si un fichier mis en partage est trouvé, obtenir des caractéristiques du fichier trouvé, ainsi que des informations d'identification de l'utilisateur mettant en partage le fichier trouvé ;
Que l'invention concerne également un système de protection de fichiers diffusés illégalement dans des réseaux de transmission de données numériques, conformément à des protocoles de réseau poste à poste, par des terminaux d'utilisateur connectés à au moins un des réseaux de transmission de données et configurés pour fonctionner à la fois comme client et/ou comme serveur de fichiers ;
Qu'il est indiqué que ce système est composé d'une pluralité de plates-formes de protection connectées en différents points d'au moins un des réseaux, chacune des plates-formes comprenant :- des moyens pour simuler des terminaux d'utilisateur conformément à différents protocoles de réseau poste à poste,- des moyens pour recevoir par l'intermédiaire du réseau et traiter des ordres d'activation de terminaux d'utilisateur simulés,- des moyens pour rechercher, par l'intermédiaire de terminaux d'utilisateurs simulés, des fichiers mis en partage dans le réseau par des terminaux d'utilisateurs et reproduisant au moins partiellement le contenu de fichiers à protéger, et- des moyens pour obtenir des informations relatives à chaque fichier mis en partage trouvé, ainsi que des informations d'identification de l'utilisateur mettant en partage le fichier mis en partage trouvé ;
Attendu que la partie descriptive développe en outre les modes de réalisation de l'invention ;
Attendu que le brevet se compose à cette fin de treize revendications dont seules sont invoquées les revendications 1, 2, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 11, 12 et 13, dont la teneur suit :
1. Procédé de protection de fichiers diffusés illégalement dans des réseaux de transmission de données numériques (1), conformément à des protocoles de réseau poste à poste, par des terminaux d'utilisateur (9) connectés à au moins un des réseaux de transmission de données numériques et configurés pour fonctionner à la fois comme client et/ou comme serveur de fichiers, caractérisé en ce qu'il comprend des étapes consistant à :- activer sur au moins un des réseaux de transmission de données numériques (1) des terminaux d'utilisateur simulés (52) conformément à différents protocoles de réseau poste à poste par des plates-formes de protection (10) connectées en différents points du réseau,- rechercher par au moins un terminal d'utilisateur (52) simulé par une plate-forme de protection (10), des fichiers mis en partage dans le réseau par des terminaux d'utilisateurs (9) et reproduisant au moins partiellement le contenu de fichiers à protéger, et- si un fichier mis en partage est trouvé, obtenir des caractéristiques du fichier trouvé, ainsi que des informations d'identification de l'utilisateur mettant en partage le fichier trouvé.
2. Procédé selon la revendication 1,caractérisé en ce que durant la recherche de fichiers mis en partage par des terminaux d'utilisateurs (9) dans les réseaux de transmission de données numériques (1), un serveur de réseau poste à poste détecté non accessible est mis sous surveillance par le terminal d'utilisateur simulé (52) et dès qu'il est à nouveau détecté accessible, la recherche de fichiers mis en partage est lancée sur le serveur de réseau poste à poste accessible, de manière à rendre la recherche plus exhaustive.

4. Procédé selon l'une des revendications 1 à 3,caractérisé en ce que les terminaux utilisateurs simulés (52) sont simulés conformément à un profil d'utilisateur définissant un lieu géographique de connexion au réseau (1) et un planning de connexion journalier ou hebdomadaire.
5. Procédé selon la revendication 4,caractérisé en ce que les terminaux utilisateurs simulés (52) sont simulés à l'aide d'un nom d'utilisateur généré aléatoirement ou choisi de manière ciblée.
6. Procédé selon l'une des revendications 1 à 5,caractérisé en ce qu'une adresse IP du réseau (1) est attribuée à chaque terminal d'utilisateur simulé (52), cette adresse étant changée périodiquement.
7. Procédé selon l'une des revendications 1 à 6,caractérisé en ce qu'il comprend la réception et le traitement par chaque plate-forme de protection (10) d'ordres d'activation de terminaux d'utilisateurs simulés (52), chaque ordre d'activation de terminal d'utilisateur simulé spécifiant un protocole réseau poste à poste à utiliser, un identifiant d'utilisateur, et un fournisseur d'accès (82, 85) à utiliser pour se connecter au réseau (1).
8. Système de protection de fichiers diffusés illégalement dans des réseaux de transmission de données numériques (1), conformément à des protocoles de réseau poste à poste, par des terminaux d'utilisateur (9) connectés à au moins un des réseaux de transmission de données (1) et configurés pour fonctionner à la fois comme client et/ou comme serveur de fichiers, caractérisé en ce qu'il comprend une pluralité de plates-formes de protection (10) connectées en différents points d'au moins un des réseaux (1), chacune des plates-formes comprenant :- des moyens (12, 15) pour simuler des terminaux d'utilisateur (52) conformément à différents protocoles de réseau poste à poste,
- des moyens pour recevoir par l'intermédiaire du réseau (1) et traiter des ordres d'activation de terminaux d'utilisateur simulés (52),- des moyens pour rechercher, par l'intermédiaire de terminaux d'utilisateurs simulés (52), des fichiers mis en partage dans le réseau par des terminaux d'utilisateurs (9) et reproduisant au moins partiellement le contenu de fichiers à protéger, et- des moyens pour obtenir des informations relatives à chaque fichier mis en partage trouvé, ainsi que des informations d'identification de l'utilisateur mettant en partage le fichier mis en partage trouvé.
9. Système selon la revendication 8,caractérisé en ce que chaque plate-forme de protection (10) comprend des moyens pour mettre sous surveillance par un terminal d'utilisateur simulé (52) un serveur de réseau poste à poste détecté non accessible durant la recherche de fichiers mis en partage par des terminaux d'utilisateurs (9) dans les réseaux de transmission de données numériques (1), et pour lancer la recherche de fichiers mis en partage dès que le serveur est détecté à nouveau accessible, de manière à rendre la recherche plus exhaustive.
11. Système selon l'une des revendications 8 à 10,caractérisé en ce qu'il comprend une base de données centrale (4) accessible par l'intermédiaire du réseau (1) aux plates-formes de protection (10) et dans laquelle sont stockées :- des informations relatives aux terminaux d'utilisateurs (52) simulés par les plates-formes de protection,- des informations relatives à des fichiers trouvés, mis en partage par des terminaux d'utilisateurs (9) de réseaux poste à poste et reproduisant au moins partiellement le contenu de fichiers à protéger, - des informations d'identification d'utilisateurs mettant en partage des fichiers trouvés, reproduisant au moins partiellement le contenu de fichiers à protéger, et- des informations relatives aux fichiers à protéger et aux fichiers mis en partage par les plates-formes de protection.
12. Système selon l'une des revendications 8 à 11,caractérisé en ce que chaque plate-forme de protection (10) comprend des groupe de serveurs (83) connectés au réseau (1) par l'intermédiaire de plusieurs fournisseurs d'accès (82, 85).
13. Système selon l'une des revendications 8 à 12,caractérisé en ce que chaque plate-forme de protection (10) comprend un module d'interface (15) d'accès à chacun des réseaux poste à poste dans lesquels les fichiers à protéger doivent être recherchés.
- Sur la validité du brevet
Attendu que les sociétés défenderesses contestent la validité du brevet FR 05 03354 d'une part pour extension de l'objet du brevet au-delà du contenu de la demande initiale telle que déposée, d'autre part pour défaut de nouveauté des revendications principales 1 et 8 au regard de la demande de brevet américain US 2002/0087885 publiée le 04 juillet 2002, et enfin pour défaut de nouveauté et d'activité inventive des revendications principales 1 et 8 et des revendications dépendantes 2, 4, 5, 6, 7, 9, 11, 12 et 13 ;
Attendu qu'aux termes de l'article L.613-25 c) du Code de la Propriété Intellectuelle, le brevet est déclaré nul par décision de justice "si son objet s'étend au-delà du contenu de la demande telle qu'elle a été déposée ou, lorsque le brevet a été délivré sur la base d'une demande divisionnaire, si son objet s'étend au-delà du contenu de la demande initiale telle qu'elle a été déposée" ;
Que se prévalant de ces dispositions, les sociétés défenderesses soutiennent en premier lieu que l'objet du brevet divisionnaire, soit la recherche et l'identification des auteurs d'infractions au droit d'auteur sur internet, n'est pas explicitement contenu dans le brevet de base no 03 06441, qui porte sur une invention consistant à mettre en partage, dans un réseau poste à poste, des versions corrompues de fichiers à protéger pour dissuader les utilisateurs illégaux ;
Qu'elles font en second lieu valoir que l'objet du brevet divisionnaire s'étend au-delà du contenu de la demande initiale du fait de la suppression de la caractéristique technique essentielle de l'invention originaire, à savoir la création et la diffusion de fichiers corrompus ;

Que la société CO-PEER-RIGHT AGENCY oppose en substance que le problème principal posé de manière identique par le brevet de base et par le brevet divisionnaire est celui de la lutte contre la diffusion illégale d'oeuvres protégées, que le brevet de base propose pour le résoudre un procédé de lutte en amont, par la recherche des fichiers contrefaits et l'identification des auteurs de ces infractions, et un procédé de lutte en aval, par l'entrave au téléchargement illégal grâce notamment à la diffusion de fichiers leurres, que les revendications du brevet divisionnaire portent sur le procédé de lutte en amont et sont ainsi entièrement supportées par le brevet de base, et qu'enfin les caractéristiques du brevet de base liées à la diffusion de fichiers leurres qui ont été supprimées dans le brevet divisionnaire ne sont pas essentielles à la mise en oeuvre du procédé de recherche et d'identification couvert par ce dernier ;
Attendu que pour apprécier la pertinence des griefs ainsi soulevés, il convient préalablement de déterminer le contenu de la demande initiale FR 03 06441 telle qu'elle a été déposée le 27 mai 2003 ;
Que l'invention couverte par cette demande, intitulée, à l'instar de la demande divisionnaire dont la portée a été ci-dessus exposée, "procédé et système pour lutter contre la diffusion illégale d'oeuvres protégées dans un réseau de transmission de données numériques", s'applique notamment, mais non exclusivement, aux réseaux appelés poste à poste ("peer-to-peer" ou "P2P") mis en oeuvre dans le réseau internet et permettant à deux terminaux ainsi connectés de s'échanger des fichiers, sans passer par un serveur central qui redistribue les données, chaque terminal étant configuré de manière à jouer le rôle à la fois de serveur et/ou de client ;
Que la partie descriptive rappelle, dans des termes qui seront repris à l'identique dans la demande divisionnaire déposée le 05 avril 2005, que pour lutter contre le piratage d'oeuvres protégées, il a déjà été envisagé de diffuser un grand nombre de fichiers corrompus contenant des données erronées ou ne correspondant pas au nom ou au descriptif du fichier, mais que cette solution s'avère cependant difficile à mettre en oeuvre dans les réseaux poste à poste dans la mesure où il existe aujourd'hui de nombreux réseaux "peer-to-peer" indépendants les uns des autres et où les identifiants utilisés pour mettre en partage des fichiers corrompus de même que la signature associée auxdits fichiers peuvent être repérés ;
Que le but de l'invention est de surmonter ces obstacles par la prévision d'un procédé de protection de fichiers diffusés illégalement dans des réseaux poste à poste mis en oeuvre, conformément à des protocoles de réseau poste à poste respectifs, par des terminaux d'utilisateur connectés à un réseau de transmission de données et qui sont configurés pour fonctionner à la fois comme client et/ou comme serveur de fichiers ;
Que selon la revendication 1, ce procédé est "caractérisé en ce qu'il comprend des étapes consistant à :- activer sur plusieurs des réseaux poste à poste par des plates-formes de protection (10) connectées en différents points du réseau (1), des terminaux d'utilisateur simulés (52) de réseau poste à poste,- générer des versions corrompues de fichiers à protéger ayant des caractéristiques identiques à celles des fichiers à protéger, et

- mettre en partage les versions corrompues par au moins un terminal d'utilisateur simulé par au moins une des plates-formes de protection (10)";
Que selon la revendication dépendante 2, ce procédé est "caractérisé en ce qu'il comprend en outre des étapes consistant à :- rechercher par au moins un terminal d'utilisateur (52) simulé par une plate-forme de protection (10), des fichiers mis en partage par des terminaux d'utilisateurs (9) dans des réseaux poste à poste et reproduisant au moins partiellement le contenu de fichiers à protéger,- si un fichier mis en partage est trouvé, obtenir des caractéristiques du fichier trouvé, générer une version corrompue du fichier trouvé à partir du fichier à protéger correspondant et ayant les caractéristiques du fichier trouvé, et mettre en partage la version corrompue par les terminaux d'utilisateur simulés" ;
Que l'invention concerne également un système de protection de fichiers diffusés illégalement dans des réseaux poste à poste mis en oeuvre, conformément à des protocoles de réseau poste à poste respectifs, par des terminaux d'utilisateur connectés à un réseau de transmission de données et qui sont configurés pour fonctionner à la fois comme client et/ou comme serveur de fichiers ;
Attendu qu'il résulte de ce qui précède que les brevets FR 03 06441 et FR 05 03354 se proposent l'un et l'autre de résoudre le problème de la diffusion illégale d'oeuvres protégées par le droit d'auteur par l'intermédiaire des réseaux poste à poste mis en oeuvre dans le réseau internet ;
Que pour y parvenir, le brevet de base divulgue un procédé et un système permettant de générer et de mettre en partage des versions corrompues de fichiers à protéger présentant les mêmes caractéristiques que celles des fichiers détectés ;
Que l'invention protégée par le brevet divisionnaire couvre quant à elle, ainsi qu'il a été précédemment exposé, un procédé et un système permettant d'obtenir des informations relatives à chaque fichier mis en partage trouvé et d'identifier les utilisateurs illégaux ;
Que contrairement à ce que prétend la société CO-PEER-RIGHT AGENCY, la revendication 2 du brevet FR 03 06441 telle que ci-dessus énoncée ne contient pas l'ensemble des caractéristiques divulguées dans la demande divisionnaire ;
Qu'en effet, si cette revendication, dépendante de la première, enseigne un procédé comprenant une étape de recherche par au moins un terminal d'utilisateur simulé par une plate-forme de protection des fichiers mis en partage dans le réseau et une étape de détermination des caractéristiques du fichier ainsi trouvé, étapes également revendiquées dans le brevet divisionnaire, elle ne divulgue en revanche nullement l'étape consistant à obtenir des informations d'identification de l'utilisateur mettant en partage le fichier trouvé, l'obtention des caractéristiques du fichier devant seulement permettre de générer une version corrompue dudit fichier en vue de la mettre en partage ;
Que les sociétés défenderesses ne sauraient cependant soutenir que l'objet de la demande divisionnaire n'est pas explicitement contenu dans la demande initiale dès lors que, dans la partie descriptive de cette dernière, qui développe un mode de réalisation préféré de l'invention, il est indiqué que "les références, caractéristiques et informations de localisation des fichiers trouvés sont transmises au serveur de base de données 4 par le module de gestion 11 pour y être stockées. En particulier, ces informations regroupent des informations concernant le fichier trouvé, à savoir notamment son nom, sa taille, son titre, sa signature et une description du fichier, et des informations concernant l'utilisateur qui diffuse le fichier, à savoir son identifiant, son adresse IP et d'autres informations telles que la date et l'heure à laquelle le fichier a été trouvé." (FR 03 06441, p.15, l.20 à 27) ;
Qu'il en résulte que la recherche et l'identification des utilisateurs illégaux constitue une caractéristique de la description et qui, bien que non revendiquée dans la demande de base, peut faire l'objet d'une demande divisionnaire sans contrevenir aux dispositions de l'article L.613-25 du Code de la Propriété Intellectuelle ;
Que le premier grief de nullité invoqué sur ce fondement par les défenderesses ne saurait dès lors prospérer ;
Attendu qu'ainsi qu'il a été précédemment exposé, la société ADVESTIGO, la SACEM, la SDRM et la SCPP reprochent encore, sur ce même fondement, au brevet divisionnaire qui leur est opposé de s'étendre au-delà du contenu de la demande initiale du fait de la suppression de la caractéristique technique essentielle de l'invention de base, constituée selon elles par l'utilisation de fichiers corrompus ;
Qu'en réplique, la société CO-PEER-RIGHT AGENCY ne conteste pas que le procédé objet de la demande divisionnaire ne reprend pas les caractéristiques liées à la diffusion de fichiers leurres visées dans le brevet de base, mais fait valoir que ces caractéristiques ne sont pas essentielles à la mise en oeuvre de l'invention revendiquée dans le brevet divisionnaire ;
Que cependant un tel argument est inopérant dès lors que le caractère essentiel des caractéristiques supprimées doit s'analyser au regard du procédé revendiqué dans la demande initiale, et non de celui divulgué par la demande divisionnaire ;
Que pour déterminer si l'objet du brevet divisionnaire s'étend ou non au-delà de la demande initiale telle qu'elle a été déposée du fait de la suppression d'une de ses caractéristiques, il convient ainsi d'apprécier si, pour l'homme du métier, cette caractéristique est ou non présentée comme essentielle dans la divulgation de l'invention protégée par le brevet de base, si elle est ou non indispensable en tant que telle à la réalisation de ladite invention eu égard au problème technique que celle-ci se propose de résoudre et si sa suppression impose ou non de modifier en conséquence d'autres caractéristiques ;
Qu'en l'espèce, ainsi qu'il a été précédemment développé, l'invention protégée par la demande initiale couvre un procédé et un système permettant de générer et de mettre en partage des versions corrompues de fichiers à protéger présentant les mêmes caractéristiques que celles des fichiers détectés ;
Que la caractéristique liée à la création et à la diffusion de fichiers corrompus, contenue dans la revendication 1, apparaît ainsi comme une étape essentielle et comme une condition indispensable à la réalisation de l'invention, les sessions de recherche de la revendication 2, dépendante de la première, ayant pour seul objet de détecter les fichiers illégalement mis en partage afin d'en diffuser une copie corrompue ;
Que la suppression d'une telle caractéristique entraîne au surplus une modification substantielle des autres caractéristiques de l'invention, puisqu'elle conduit à proposer, pour résoudre le problème posé - à savoir la diffusion illégale d'oeuvres protégées par le droit d'auteur par l'intermédiaire des réseaux poste à poste mis en oeuvre dans le réseau internet -, une solution technique nouvelle consistant en un procédé de recherche et d'identification des utilisateurs illégaux ;
Attendu qu'il convient en conséquence, conformément aux dispositions de l'article L.613-25 c) susvisées, de prononcer la nullité des revendications 1, 2, 4, 5, 6 , 7, 8, 9, 11, 12 et 13, seules opposées dans le cadre de la présente instance en contrefaçon, du brevet divisionnaire FR 05 03354 ;
Qu'il n'y a pas lieu dès lors d'examiner les moyens tirés du défaut de nouveauté et/ou d'activité inventive desdites revendications.
- Sur la contrefaçon
Attendu que l'annulation des revendications 1, 2, 4, 5, 6 , 7, 8, 9, 11, 12 et 13 du brevet divisionnaire FR 05 03354 ne peut conduire qu'à débouter la société CO-PEER-RIGHT AGENCY de l'ensemble de ses demandes au titre de la contrefaçon.
- Sur les demandes reconventionnelles en concurrence déloyale
Attendu qu'à ce titre, la société ADVESTIGO reproche en premier lieu à la société CO-PEER-RIGHT AGENCY des actes de dénigrement, constitués selon elle par la diffusion auprès des clients de la société ADVESTIGO d'informations l'accusant nommément de contrefaire ses demandes de brevet et par la publication de son assignation et de certaines de ses pièces sur internet ;
Qu'elle fait en second lieu valoir que la société CO-PEER-RIGHT AGENCY a sciemment divulgué au public des informations confidentielles recueillies lors des opérations de saisie-contrefaçon dont elle connaissait le caractère secret, et ce en violation de l'ordonnance de référé rendue le 29 juillet 2005 ;
Que la société CO-PEER-RIGHT AGENCY oppose en substance que la notification de ses droits de brevets, légalement prévue, ne saurait constituer un acte de dénigrement, qu'en tout état de cause, la notification opérée n'a aucun caractère dénigrant, que la société ADVESTIGO n'est pas nommément citée et que les articles de presse invoqués par cette dernière portent au contraire atteinte à sa propre réputation et sont mensongers quant à la date d'antériorité de l'invention de la société ADVESTIGO ;
Qu'elle ajoute par ailleurs qu'elle n'est à l'origine d'aucune divulgation fautive d'informations obtenues lors de la saisie-contrefaçon, dont le caractère confidentiel n'est au surplus nullement établi ;
Attendu que la notification le 29 avril 2005 par la société CO-PEER-RIGHT AGENCY à la SACEM et à la SCPP d'une copie des demandes de brevet no 03 06441 et 05 03354 ne saurait être constitutive d'actes de dénigrement dès lors qu'elle est expressément prévue par l'article L.615-4 du Code de la Propriété Intellectuelle et que les courriers en cause ne mentionne pas nommément la société ADVESTIGO ;
Que si les articles diffusés sur les sites internet 01net.com et LeMonde.fr ou encore publiés dans le journal Libération daté du 15 septembre 2005 et le Journal du Dimanche du 23 octobre 2005 font état du litige opposant les sociétés concurrentes ADVESTIGO et CO-PEER-RIGHT AGENCY, aucun des propos tenus par les dirigeants de cette dernière et rapportés par les journalistes ne mettent directement en cause la société ADVESTIGO ;
Qu'il ne peut pas plus être reproché à la société CO-PEER-RIGHT AGENCY la diffusion sur le site internet www.ratiatum.com du second original de l'assignation délivrée le 20 juillet 2005 à l'encontre de la société ADVESTIGO, pas plus que des informations qu'elle contient, aucun élément versé aux débats ne permettant d'établir avec certitude qu'une telle diffusion lui est personnellement imputable ;
Qu'en revanche, l'envoi par le directeur général de la société CO-PEER-RIGHT AGENCY à la SCPP d'un courriel en date du 23 mars 2005 informant cette dernière que "nous avons depuis 2003 déposé plusieurs brevets, dont un brevet concerne la recherche et l'identification ; nous sommes actuellement la seule société en France à pouvoir effectuer de telles recherches de façon industrielle. Nous avons consulté nos avocats (spécialisés en matière de protection de brevet) et nous sommes contraints dès lors à faire valoir nos droits et dans ce cas il s'agit de contrefaçon, un comble vous me direz, mais nous pouvons vous dire avec certitude qu'Advestigo n'a aucun droit en la matière" ;
Qu'une telle mise en garde, adressée à un client potentiel des deux sociétés concurrentes et contenant une accusation précise de contrefaçon à l'encontre de la société ADVESTIGO, au surplus avant même le dépôt de la demande divisionnaire prétendument contrefaite, est constitutive d'un acte de concurrence déloyale ;
Attendu qu'il y a lieu en conséquence d'allouer à la société ADVESTIGO la somme de 45.000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi de ce chef ;
Qu'il convient en outre d'autoriser, à titre de complément d'indemnisation, la publication du dispositif du présent jugement, dans les conditions énoncées au dispositif de la décision ;
Que la mesure d'interdiction sollicitée ne saurait en revanche être ordonnée ;
Attendu que la société CO-PEER-RIGHT AGENCY sera quant à elle déboutée de ses demandes de dommages-intérêts et de publication justifiées selon elle par la diffusion sur le site internet de la société ADVESTIGO d'informations trompeuses sur son compte, le communiqué de presse en date du 13 septembre 2005 qu'elle incrimine ne contenant, contrairement à ce qu'elle affirme, aucun "propos injurieux et attentatoires à (son) image et à (sa) réputation", et la simple assertion selon laquelle le "lancement des services d'Advestigo" est antérieur à la demande de brevet n'étant pas suffisamment précise pour constituer des "propos mensongers quant à la date d'antériorité de (son) invention".
- Sur les demandes dommages-intérêts pour procédure abusive
Attendu que l'exercice d'une action en justice constitue, en principe, un droit et ne dégénère en abus pouvant donner naissance à une dette de dommages-intérêts que dans le cas de malice, de mauvaise foi, ou d'erreur grossière équipollente au dol ;
Que les sociétés défenderesses seront déboutées de leur demande à ce titre, faute pour elles de rapporter la preuve de faits distincts de ceux déjà invoqués au titre de la concurrence déloyale et susceptibles de caractériser une quelconque intention de nuire de la part de la société CO-PEER-RIGHT AGENCY, qui a pu légitimement se méprendre sur l'étendue de ses droits.
- Sur les autres demandes
Attendu qu'il y a lieu de condamner la société CO-PEER-RIGHT AGENCY, partie perdante, aux dépens de la présente instance ;
Qu'en outre, elle doit être condamnée à verser une indemnité au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile qu'il est équitable de fixer à la somme de 30.000 euros pour la société ADVESTIGO et à la somme de 10.000 euros chacune pour la SACEM, la SDRM et la SCPP ;
Attendu que les circonstances de l'espèce ne justifient pas le prononcé de l'exécution provisoire.
PAR CES MOTIFS
Le Tribunal, statuant publiquement, par mise à disposition au greffe, par jugement contradictoire et rendu en premier ressort,
- DIT que l'objet du brevet divisionnaire FR 05 03354 s'étend au-delà du contenu de la demande initiale FR 03 06441 telle qu'elle a été déposée du fait de la suppression de la caractéristique technique essentielle liée à la création et à la diffusion de versions corrompues de fichiers à protéger ;
En conséquence,
- PRONONCE la nullité des revendications 1, 2, 4, 5, 6 , 7, 8, 9, 11, 12 et 13 du brevet divisionnaire FR 05 03354 ;
- DIT que la présente décision, une fois devenue définitive, sera transmise, par les soins du greffier saisi à la requête de la partie la plus diligente, à Monsieur le Directeur Général de l'Institut National de la Propriété Industrielle pour inscription au Registre National des Brevets;
- DEBOUTE la société CO-PEER-RIGHT AGENCY de l'ensemble ses demandes en contrefaçon ;
- DIT qu'en adressant à la SCPP un courriel en date du 23 mars 2005 ainsi rédigé : "nous avons depuis 2003 déposé plusieurs brevets, dont un brevet concerne la recherche et l'identification ; nous sommes actuellement la seule société en France à pouvoir effectuer de telles recherches de façon industrielle. Nous avons consulté nos avocats (spécialisés en matière de protection de brevet) et nous sommes contraints dès lors à faire valoir nos droits et dans ce cas il s'agit de contrefaçon, un comble vous me direz, mais nous pouvons vous dire avec certitude qu'Advestigo n'a aucun droit en la matière", la société CO-PEER-RIGHT AGENCY s'est rendue coupable d'acte de concurrence déloyale à l'encontre de la société ADVESTIGO ;
En conséquence,
- CONDAMNE la société CO-PEER-RIGHT AGENCY à payer à la société ADVESTIGO la somme de 45.000 euros en réparation du préjudice ainsi subi ;
- AUTORISE la publication du dispositif du présent jugement dans trois journaux ou revues au choix de la société ADVESTIGO et aux frais de la société CO-PEER-RIGHT AGENCY, sans que le coût de chaque publication n'excède, à la charge de celle-ci, la somme de 3.500,00 euros H.T. ;
- DEBOUTE la société CO-PEER-RIGHT AGENCY de ses demandes en concurrence déloyale ;
- DEBOUTE la société ADVESTIGO, la SACEM, la SDRM et la SCPP de leurs demandes reconventionnelles de dommages-intérêts pour procédure abusive ;
- REJETTE toutes demandes plus amples ou contraires ;
- CONDAMNE la société CO-PEER-RIGHT AGENCY à payer à la société ADVESTIGO la somme de 30.000 euros au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile et à la SACEM, à la SDRM et à la SCPP la somme de 10.000,00 euros chacune sur le même fondement ;
- CONDAMNE la société CO-PEER-RIGHT AGENCY aux dépens, qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile ;
- DIT n'y avoir lieu au prononcé de l'exécution provisoire.

Fait et jugé à PARIS le 11 janvier 2008.


Synthèse
Tribunal : Tribunal de grande instance de Paris
Formation : Chambre civile 3
Numéro d'arrêt : 05/10830
Date de la décision : 11/01/2008
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.grande.instance.paris;arret;2008-01-11;05.10830 ?
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