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09/01/2008 | FRANCE | N°06/06556

France | France, Tribunal de grande instance de Paris, Chambre civile 3, 09 janvier 2008, 06/06556


T R I B U N A L

D E GRANDE

I N S T A N C E

D E P A R I S

3ème chambre 3ème section

No RG :

06/06556

No MINUTE :

Assignation du :

14 Avril 2006

JUGEMENT

rendu le 09 Janvier 2008

DEMANDEUR

Monsieur Christèle X...

...

75018 PARIS

représenté par Me Vincent VARET, avocat au barreau de PARIS, vestiaire P.539

DÉFENDERESSE

S.A.R.L. LA VIE EST BELLE FILS ASSOCIES

...

75020 PARIS

représentée par Me Judith SCHOR de la SCP RAPPAPORT - HOCQUET - Y..

., avocats au barreau de PARIS, vestiaire P.329

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Elisabeth BELFORT, Vice-Président, signataire de la décision

Agnès A..., Vice-Président

Michèle B..., Vi...

T R I B U N A L

D E GRANDE

I N S T A N C E

D E P A R I S

3ème chambre 3ème section

No RG :

06/06556

No MINUTE :

Assignation du :

14 Avril 2006

JUGEMENT

rendu le 09 Janvier 2008

DEMANDEUR

Monsieur Christèle X...

...

75018 PARIS

représenté par Me Vincent VARET, avocat au barreau de PARIS, vestiaire P.539

DÉFENDERESSE

S.A.R.L. LA VIE EST BELLE FILS ASSOCIES

...

75020 PARIS

représentée par Me Judith SCHOR de la SCP RAPPAPORT - HOCQUET - Y..., avocats au barreau de PARIS, vestiaire P.329

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Elisabeth BELFORT, Vice-Président, signataire de la décision

Agnès A..., Vice-Président

Michèle B..., Vice-Président,

assistée de Marie-Aline PIGNOLET, Greffier, signataire de la décision

DEBATS

A l'audience du 12 Novembre 2007

tenue en audience publique

JUGEMENT

Prononcé par remise de la décision au greffe

Contradictoire

en premier ressort

RAPPEL DES FAITS ET PROCEDURE

Christèle X... est réalisatrice et scénariste.

En 2003, elle a écrit le scénario d'un film de court métrage intitulé dans un premier temps "LE PASSEUR DE REVES" puis "LE DERNIER DES FOUS", ainsi que le scénario d'un film de long métrage intitulé "LA PEAU DE SINGE".

Mme X... indique que des démarches avaient été engagées par le société ARTCOM qui disposait d'un droit d'option sur le court métrage "LE DERNIER DES FOUS" auprès de la Région Auvergne et par elle-même auprès de FRANCE2 afin d‘obtenir une aide pour la production de ce film. La Région Auvergne s'était déclarée prête à lui accorder une aide de 20 000 euros, et FRANCE 2 s'était engagé par courrier du 10 mars 2004 au pré-achat des droits de ce film à hauteur de 20 000 euros.

Par contrat du 11 mars 2004, Mme X... a cédé à la société LA VIE EST BELLE, producteur, l'ensemble de ses droits patrimoniaux d'auteur afférents au scénario et à la réalisation du film de court métrage "LE DERNIER DES FOUS".

Par contrat du 21 juin 2004, Mme X... a cédé à la société LA VIE EST BELLE l'ensemble de ses droits patrimoniaux d'auteur afférents au scénario, aux dialogues et à la réalisation du long métrage "LA PEAU DE SINGE".

La société LA VIE EST BELLE a demandé à Mme X... en septembre 2004, d'écrire un long métrage à partir du court métrage "le dernier des fous". Mme X... et la société LA VIE EST BELLE n'ont pas pu s'entendre sur le contrat proposé par le producteur pour ce long métrage. Néanmoins, en décembre 2004 le producteur a présenté une demande d'aide à l'écriture pour ce nouveau projet auprès de la région PAYS DE LA LOIRE sans l'accord de Mme X.... Celle-ci par courrier du 11 janvier 2005 a indiqué au producteur qu'elle s'opposait à toute démarche de sa part en vue du financement de ce projet dans sa version longue et en a informé la région PAYS DE LA LOIRE.

Estimant que la société LA VIE EST BELLE avait renoncé à produire depuis septembre 2004, le long métrage "la peau de singe" et le court métrage "le dernier des fous" sans lui rendre ses droits, malgré des mises en demeure des 2 août et 20 septembre 2005, Mme X... a, par acte d'huissier de justice en date du 14 avril 2006, fait assigner la société LA VIE EST BELLE FILMS ASSOCIES devant le Tribunal de Grande Instance de Paris en résolution des contrats de cession de droits.

Par dernières conclusions signifiées le 26 juin 2007, Mme X... demande au tribunal de :

au visa des articles 1131, 1134, 1170, 1174 et 1184 du code civil, L132-27 du Code de la Propriété Intellectuelle et 80 du décret no99-130 du 24 février 1999,

à titre principal,

constater l'inexécution, par la défenderesse de son obligation d'exploitation des films "LE DERNIER DES FOUS" et "LA PEAU DE SINGE",

en conséquence,

prononcer la résolution, aux torts exclusifs de la société défenderesse des deux contrats de cession de droits en date des 11 mars et 21juin 2004, ainsi que de leurs avenants respectifs,

dire et juger, en conséquence, que Mme X... a recouvré la pleine et entière jouissance de l'ensemble des droits d'exploitation afférents aux deux scenarii, aux dialogues et en tant que de besoin à son oeuvre en qualité de réalisateur, objet desdits contrats et est libre de tout engagement à l'égard de la défenderesse,

en tant que de besoin,

donner acte à la défenderesse de sa renonciation, dans le cours de la procédure, à tous droits sur les scenarii, dialogues et films "LE DERNIER DES FOUS" et "LA PEAU DE SINGE",

en tout état de cause,

ordonner à la société défenderesse de lui restituer ou de lui communiquer tous documents et/ou toute information en sa possession utiles à la production des deux films "LE DERNIER DES FOUS" et "LA PEAU DE SINGE", sous astreinte de 150 euros par jour de retard passé un délai de huit jours à compter de la signification de la décision à intervenir,

à titre subsidiaire,

dire et juger que l'article V du contrat en date du 21 juin 2004 tel que modifié par l'avenant en date du 22 juin 2004 stipule une condition purement potestative,

dire et juger ce contrat nul en application de l'article 1174 du code civil,

dire et juger qu'elle a recouvré la pleine et entière jouissance de l'ensemble des droits d'exploitation afférents au scénario et aux dialogues, objet dudit contrat, et est libre de tout engagement à l'égard de la société défenderesse,

en tout état de cause,

débouter la société défenderesse de l'intégralité de ses demandes,

la condamner à lui payer , en réparation de son préjudice, les sommes suivantes :

-20 000 euros en réparation de l'immobilisation sans cause de ses droits pendant deux ans,

-20 000 euros en réparation du préjudice financier résultant pour elle de la perte de des redevances des droits d'auteur à hauteur de ce montant, qui lui auraient été versées par FRANCE2 via la SACD de manière certaine si le film "LE DERNIER DES FOUS" avait été produit par la VIE EST BELLE,

-20 000 euros au titre de la perte de chance d'obtenir une rémunération pour les autres exploitations de ses films "LE DERNIER DES FOUS" et "LA PEAU DE SINGE",

-14 000 euros en réparation de son préjudice moral,

ordonner l'exécution provisoire,

condamner la défenderesse à lui payer la somme de 5000 euros en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,

la condamner aux entiers dépens dont distraction au profit de Maître VARET, conformément à l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.

Par dernières conclusions signifiées le 29 mai 2007, la société LA VIE EST BELLE a demandé au tribunal de :

constater que la rupture des relations entre elle-même et Mme X... réalisatrice est exclusivement imputable à cette dernière,

donner acte à LA VIE EST BELLE de sa renonciation à tous droits sur les films "LE DERNIER DES FOUS" et "LA PEAU DE SINGE",

prendre acte de ce qu'elle renonce à solliciter le remboursement de là-valoir de 600 euros versé à la demanderesse,

en conséquence,

dire et juger que la demanderesse a recouvré la pleine et entière jouissance de l'ensemble des droits d'exploitation afférents aux deux scenarii, aux dialogues et en tant que de besoin à son oeuvre en qualité de réalisateur, objet desdits contrats et libre de tout engagement à l'égard de la société LA VIE EST BELLE,

débouter la demanderesse,

accueillir la société LA VIE EST BELLE en sa demande reconventionnelle,

ce faisant,

condamner la demanderesse à lui payer la somme de 15 000 euros pour procédure abusive,

ordonner l'exécution provisoire,

condamner la demanderesse à lui payer la somme de 5000 euros en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,

la condamner aux entiers dépens dont distraction au profit de Maître Judith SCHOR de la SCP RAPPAPORT-HOCQUET-SCHOR conformément à l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DECISION

L'article L132-27 du code de propriété intellectuelle dispose que :" le producteur est tenu d'assurer à l'oeuvre audiovisuelle une exploitation conforme aux usages de la profession."

Il est constant qu'il s'agit d'une obligation de moyens. Le producteur a l'obligation de mettre en oeuvre les diligences nécessaires, dans un délai raisonnable, afin d'assurer le financement du film avant sa réalisation, puis d'assurer son exploitation après, sinon il doit rendre les droits cédés.

En ce qui concerne le court métrage "le dernier des fous"la société LA VIE EST BELLE justifie avoir déposé en mars 2004 une demande à la "contribution sélective de court métrage du Centre National de la Cinématographie" et s'être vue notifier un refus le 5 avril 2004. En avril 204, elle a régulariser la convention de financement auprès de la Région Auvergne, en mai elle a présenté un dossier auprès du Compte de Soutien à l'Industrie des Programmes Audiovisuels (COSIP) qui a fait l'objet d'un refus au mois de mai. Le dossier a été déposé à nouveau au mois d'août auprès du Centre National de la Cinématographe et a reçu un avis négatif le 29 septembre 2004. En octobre 2004, elle a déposé une demande auprès de la PROCIREP et a obtenu un avis favorable le 17 décembre 2004 pour 8500 euros.

En ce qui concerne le long métrage "La peau de singe" la société LA VIE EST BELLE justifie avoir entre mai et décembre 2004 procédé au dépôt de dossier d'aide à l'écriture dans les régions suivantes :l'Atelier de Production Centre Val de Loire, la Région des Pays de Loire, la Région Nord Pas de Calais, la Région Poitou-Charente et le Conseil Général de Charente ainsi qu'auprès du Centre National de la Cinématographie afin de bénéficier de l'aide à la réécriture, sans succès.

La société LA VIE EST BELLE soutient que Mme X... lui a notifié dès le 6 janvier 2005 son intention de ne plus travailler avec elle. Le tribunal observe que cette lettre n'est pas produite aux débats. La seule lettre produite date du 11 janvier 2005. Dans ce courrier Mme X... refuse de signer un contrat relatif à son long métrage "Le ventre des femmes" ; le dernier paragraphe de cette lettre dont la teneur suit "j'ai par ailleurs pris note de votre accord de principe pour négocier avec un éventuel producteur qui serait intéressé par un autre de mes projets (long métrage "la peau de singe" et court métrage "le dernier des fous" ) afin que mes films puissent espérer un jour être exploités.", ne signifie pas qu'elle interdisait à la société LA VIE EST BELLE de poursuivre son travail à compter de cette date sur "La peau de singe" et "le dernier des fous".

En l'espèce, le producteur justifie de diligences pour obtenir les financement du court métrage et du long métrage jusqu'à la fin de l'année 2004. En revanche après le mois de janvier 2005 et le refus de Mme X... de céder ses droits sur la version longue du court métrage le "dernier des fous", intitulé "le ventre des femmes" le producteur ne justifie plus avoir effectuer de diligences pour obtenir un financement

Dès lors, le producteur aurait du immédiatement restituer ses droits à Mme X... ce qu'il n'a pas fait, mais qu'il offre de faire dans le cadre de la présente instance, ce qui est tardif.

Il y a donc eu une défaillance du producteur dans son obligation d'exploitation. Cette défaillance entraîne la résolution du contrat aux torts exclusifs du producteur en application de l'article 1184 du code civil.

La résolution entraîne la remise des parties dans le même état que si elles n'avaient pas conclu de contrat . Le producteur doit en conséquence restituer ses droits à Mme X... et cette dernière devrait lui restituer les avances reçues mais sur ce point la société LA VIE EST BELLE demande qu'il lui doit donné acte de ce qu'elle renonce à solliciter le remboursement de l'à-valoir de 600 euros qu'elle a versé à la demanderesse .

Sur les mesures réparatrices

Le dommage subi par Mme X... résulte du fait que ses droits ont été immobilisés, qu'il y a eu absence d'exploitation des deux films, qu'elle a subi un préjudice moral n'ayant pu présenter ses films dans des festivals et qu'elle a perdu une chance de retrouver un nouveau producteur. Cependant, il convient d'observer que Mme X... ne justifie pas qu'un nouveau producteur serait intéressé alors même que sa lettre du 11 janvier 2005, lui laissait la possibilité de rechercher dès cette époque un nouveau producteur puisqu'elle écrivait :"j'ai par ailleurs pris note de votre accord de principe pour négocier avec un éventuel producteur qui serait intéressé par un autre de mes projets (long métrage "la peau d e singe" et court métrage "le dernier des fous") afin que mes films puissent espérer un jour être exploités.".

Dans ces conditions, le tribunal est en mesure de fixer à la somme de 5000 euros, tous chefs de préjudices confondus, la réparation du dommage subi par Mme X....

Sur la demande reconventionnelle pour procédure abusive

Mme X... obtenant gain de cause son action ne saurait revêtir les caractères de la procédure abusive. Il convient en conséquence de rejeter cette demande reconventionnelle.

Sur l'application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile

Il parait inéquitable de laisser à la charge de Mme X... les frais irrépétibles et non compris dans les dépens. Il convient de lui allouer à ce titre une indemnité de 5000 euros.

Sur l'exécution provisoire

Il parait nécessaire en l'espèce et compatible avec la nature de l'affaire d'ordonner l'exécution provisoire de la présente décision.

Sur les dépens

Le défendeur succombant dans ses prétentions doit être condamné aux entiers dépens.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal statuant contradictoirement, en premier ressort et par décision remise au greffe,

Prononce, aux torts de la société LA VIE EST BELLE producteur, la résolution du contrat 11 mars 2004, ainsi que de son avenant du 22 mars 2004 par lequel Mme X... lui a cédé l'ensemble de ses droits patrimoniaux d'auteur afférents au scénario et à la réalisation du film de court métrage "LE DERNIER DES FOUS" et celle du contrat du 21 juin 2004, ainsi que de son avenant du 22 juin 2004 par lequel Mme X... a cédé à la société LA VIE EST BELLE l'ensemble de ses droits patrimoniaux d'auteur afférents au scénario, aux dialogues et à la réalisation du long métrage "LA PEAU DE SINGE".

Dit qu'en conséquence Mme X... a recouvré la pleine et entière jouissance de l'ensemble de ses droits d'exploitation afférents aux deux scenarii, aux dialogues et en tant que de besoin à son oeuvre en qualité de réalisateur,

Ordonne à la société LA VIE EST BELLE de restituer ou communiquer à Mme X... tous documents et/ou toute information en sa possession utiles à la production des deux films "Le dernier des fous" et "La peau de singe" sous astreinte de 150 euros par jour de retard, à compter du délai d'un mois passé la signification du présente jugement et ce pendant un délai de deux mois, le tribunal se réservant la liquidation de l'astreinte,

Constate que la société LA VIE EST BELLE déclare renoncer au remboursement de l'à-valoir de 600 euros versé à Mme X...,

Condamne la société LA VIE EST BELLE à payer à Mme X... la somme de 5000 euros à titre de dommages-intérêts,

Déboute les parties pour le surplus de leurs demandes,

Ordonne l'exécution provisoire,

Condamne la société LA VIE EST BELLE à payer à Mme X... la somme de 5000 euros en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile,

Condamne la société LA VIE EST BELLE aux entiers dépens avec distraction au profit de Maître VARET, en application de l'article 699 du nouveau code de procédure civile.

Fait à Paris, le 9 janvier 2008

LE GREFFIER LE PRESIDENT

Marie-Aline PIGNOLET Elisabeth BELFORT


Synthèse
Tribunal : Tribunal de grande instance de Paris
Formation : Chambre civile 3
Numéro d'arrêt : 06/06556
Date de la décision : 09/01/2008
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.grande.instance.paris;arret;2008-01-09;06.06556 ?
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