3ème chambre 3ème section
Assignation du : 04 Octobre 2005
JUGEMENT rendu le 12 Décembre 2007
DEMANDEURS
Madame Ruth X... ...92160 ANTONY
Monsieur Eloi Y... ...75019 PARIS
S. A. ACTES SUD Place Nina Berberova 13200 ARLES
représentés par Me Anne- Judith LEVY, avocat au barreau de PARIS, vestiaire B. 1146, et Me Franck BENALLOUL de la SELARL ARTHEO- AVOCATS au Barreau de Marseille.
DÉFENDEURS
S. A. GALLIMARD 5 rue Sébastien- Bottin 75007 PARIS
représentée par Me Laurent MERLET, avocat au barreau de PARIS, vestiaire P. 327
Monsieur Pierre A... ...69003 LYON 03
représenté par Me Anne BOISSARD, avocat au barreau de PARIS, vestiaire P. 153
COMPOSITION DU TRIBUNAL
Elisabeth BELFORT, Vice- Président, signataire de la décision Agnès THAUNAT, Vice- Président Michèle PICARD, Vice- Président,
assistée de Marie- Aline PIGNOLET, Greffier, signataire de la décision
DEBATS
A l' audience du 16 Octobre 2007 tenue en audience publique
JUGEMENT
Prononcé par remise de la décision au greffe Contradictoire en premier ressort
FAITS ET PRETENTIONS DES PARTIES :
En mai 1990, la société ACTES SUD a publié dans sa collection ACTES SUD PAPIERS une traduction inédite d' une pièce tombée dans le domaine public, intitulée " la Famille Schroffenstein ", du dramaturge allemand Heinrich von F.... Cette traduction est l' oeuvre de M. Eloi Y... et de Mme Ruth X....
En 2001, est paru aux Editions Gallimard dans la collection " le Promeneur " un ouvrage rassemblant des traductions de quatre pièces de F... dont " la Famille Schroffenstein ".
Estimant que la traduction de cette pièce réalisée par M. A..., comportait des ressemblances avec celle publiée en 1990, Mme X..., M. Y... et la société ACTES SUD ont assigné la société GALLIMARD et M. A... en contrefaçon de droits d' auteur et en indemnisation.
Aux termes de leurs dernières conclusions du 8 octobre 2007, Mme X..., M. Y... et la société ACTES SUD demandent au tribunal au visa des articles 16, 177, 237 et suivants du Nouveau Code de Procédure Civile, des articles L 121- 1 et suivants et L 335- 2 du Code de Propriété Intellectuelle et de l' article 6- 1 de la Convention Européenne des Droits de l' Homme de :
- sur l' exception de nullité de l' expertise judiciaire :
- rejeter la demande de nullité de l' expertise ;
- subsidiairement, ordonner la réouverture des débats pour que l' expert puisse solliciter les observations des parties sur les documents non communiqués à M. A... de façon à purger ce vice,
- en tout état de cause dire que l' expertise est parfaitement opposable à la société GALLIMARD ;
- sur le fond :
- dire que la traduction de M. Pierre A... de la pièce de F..., la Famille Schroffenstein, publiée par la société GALLIMARD constitue une contrefaçon de la traduction de M. Y... et de Mme X... publiée par la société ACTES SUD ;
- interdire à la société GALLIMARD et à M. A... d' exploiter la traduction contrefaisante sous astreinte dans quelle que forme que ce soit ;
- ordonner la saisie et la mise au pilon des ouvrages contrefaisants aux frais des éditions GALLIMARD sous astreinte ;
- condamner in solidum la société GALLIMARD et M. A... à payer :
*30. 000 euros à la société ACTES SUD en réparation du préjudice financier lié à l' exploitation de l' ouvrage contrefait ; *15000 euros à M. Y... et à Mme X... chacun en réparation de l' atteinte portée à leur droit moral,
*15000 euros à Mme X... et 8000 euros à M. Y... pour leur préjudice matériel,
*15000 euros à la société ACTES SUD et 5000 euros à Mme X... et à M. Y... en application de l' article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;
- condamner la société GALLIMARD à payer à la société ACTES SUD les sommes de 8000 euros en réparation de la perte d' une chance d' obtenir une subvention d' aide à la publication du CNL et celle de 10. 000 euros en réparation de la résistance abusive dont cette société a fait preuve,
et ce, sous le bénéfice de l' exécution provisoire et de l' autorisation de publication de la décision à intervenir.
M. A... dans ses dernières écritures signifiées le 14 septembre 2007 demande au visa des articles 160 du Nouveau Code de Procédure Civile et des articles L 121- 1, L 112- 4, L 113- 2 et L 113- 4 du Code de Propriété Intellectuelle de :
- annuler le rapport d' expertise de Mme G... pour atteintes graves au respect du principe du contradictoire ;
- constater que la traduction de la Famille Schroffenstein ne contrefait pas celle réalisée par M. Y... et Mme X...,
- débouter les demandeurs de leurs prétentions et les condamner in solidum à lui payer la somme de 8000 euros en application de l' article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
La société des Editions Gallimard dans ses dernières conclusions du 28 novembre 2006 sollicite également la nullité du rapport d' expertise pour violation de la contradiction et à titre subsidiaire demande au tribunal de constater l' absence de contrefaçon, compte- tenu de son antériorité, de sa fidélité au texte d' origine et de l' absence de toute ressemblance.
Aussi, la société des Editions Gallimard demande le débouté des demandes et la condamnation des Editions Actes Sud à lui restituer la somme de 7277, 11 euros correspondant aux frais d' expertise dont elle a fait l' avance ainsi qu' une somme de 10. 000 euros en application de l' article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile. A titre infiniment subsidiaire, cette défenderesse demande au tribunal de constater l' inexistence du préjudice allégué et le caractère disproportionné des demandes en réparation formées par les demandeurs.
SUR CE,
*sur le rapport d' expertise de Mme G... :
M. A... et la société GALLIMARD sollicitent pour défaut du respect du contradictoire, la nullité du rapport d' expertise déposé par Mme G... le 22 juin 2004 aux motifs que l' expert d' une part n' a pas veillé à ce que les pièces soient portées à la connaissance de toutes les parties et d' autre part n' a réuni celles- ci qu' une fois au début de ses opérations, déposant son rapport sans permettre aux parties de s' expliquer sur le résultat de ses analyses comparatives ni sur les pièces qui lui ont servi à asseoir ses conclusions.
Les demandeurs répliquent que la jurisprudence admet l' absence de convocation des parties lorsque l' expertise nécessite un travail solitaire ; qu ‘ en l' espèce les parties ont eu connaissance de l' ensemble des notes de l' expert et des pièces communiquées et que dès lors les opérations d' expertise sont valables. A titre subsidiaire, ces parties réclament la réouverture des opérations en application de l' article 177 du Nouveau Code de Procédure Civile afin que l' expert sollicite les observations des parties sur les pièces qui n' auraient pas été régulièrement communiquées et sur ses conclusions.
Il est constant en application de l' article 16 du Nouveau Code de Procédure Civile que l' expert doit dans la conduite de ses opérations respecter le principe du contradictoire et à cet effet :
- vérifier que toutes les pièces (dire de l' expert, documents produits par les parties) ont été portées à la connaissance de toutes les parties ;
- recueillir oralement ou par écrit les observations des parties sur le résultat de la mission qui lui a été confiée.
La violation de ces dispositions entraîne la nullité de l' expertise sans qu' il soit besoin de justifier d' un grief autre que celui résultant nécessairement pour une partie de l' absence du caractère contradictoire des opérations expertales.
En l' espèce, le tribunal constate que Mme G... :
- n' a pas veillé à ce que toutes les pièces soient portées à la connaissance de toutes les parties : M. A..., non représenté au début des opérations expertales n' a pas été destinataire de la note au parties no 2 de l' expert, de la réponse des demandeurs en date du 25 juin 2002 à ce dire, des pièces transmises par ces derniers à l' expert postérieurement à l' unique réunion d' expertise (ces dernières pièces n' ont été transmises au conseil de M. A... que le 3 mai 2007 soit presque trois ans après le dépôt du rapport d' expertise) ;
- n' a plus réuni les parties après une première rencontre en début des opérations, n' informant les parties que de ses demandes de report de date de remise du rapport ;
- a déposé celui- ci le 22 juin 2004 sans réunir par écrit ou oralement les observations des parties sur ses conclusions.
Si l' article 177 du Nouveau Code de Procédure Civile prévoit que les mesures d' instruction peuvent être régularisées ou recommencées, même sur le champ si le vice qui les entache peut être écarté, le tribunal considère que cette disposition ne peut être appliquée en l' espèce, le défaut de contradiction des opérations expertales menées par Mme G... à l' égard de M. A... pendant plus de trois ans ne pouvant être réparé par une réouverture des opérations, plus de trois ans après le dépôt du rapport étant relevé que Mme G... n' est plus inscrite sur la liste des experts depuis 2002.
Aussi, le tribunal prononce la nullité des opérations d' expertise de Mme G... et écarte le rapport déposé par elle des débats.
*sur la contrefaçon :
L' article L 112- 3 du Code de Propriété Intellectuelle dispose que les auteurs de traduction, adaptations, transformations ou arrangements des oeuvres de l' esprit jouissent de la protection instituée par le présent code sans préjudice des droits de l' auteur de l' oeuvre originale.
Il est constant en application de cette disposition que toute traduction comme toute oeuvre de l' esprit pour être protégée, doit être originale c' est- à- dire portée l' empreinte de la personnalité de son auteur.
L' originalité d' une traduction résulte des différents choix de son auteur : choix sémantiques, transformations fonctionnelles, choix syntaxiques, abandon ou non de certaines conjonctions de coordination, de mots de liaison, parfois surabondants, choix stylistiques etc..
Si l' existence de coïncidences entre deux traductions d' une même oeuvre originale ne relèvent pas nécessairement d' un plagiat, il n' en demeure pas moins que ces similitudes doivent être imposées par le respect du texte original, situations extrêmement rares eu égard à la richesse de la langue française et de sa syntaxe.
- sur la traduction de M. Y... et de Mme X... :
L' originalité de la traduction effectuée en 1990 par M. Y... et Mme X... de la pièce " la Famille Schroffenstein " de VON F..., inédite en langue française n' est pas contestée.
M. Y... et de Mme X... ont expliqué dans le cadre du colloque franco- allemand des 20- 21- 22 novembre 1996 à Montpellier, soit antérieurement à l' introduction de la présente procédure, le parti qu' ils ont pris dans leur traduction publiée par ACTES SUD : ils sont restés très proches de la littéralité du texte allemand pour respecter la pensée de F... qui " bégaye, la langue hésite, fourche. Il y a un combat perpétuel du poète avec ce qu' il tente d' exprimer d' inexprimable " et de retrouver en français le rythme de F... " à la fois quelque chose de rêche, de fort, de concis, de comprimé qui donnait une espèce de force et d' appuis de jeux aux acteurs " (sic M. Y...).
Dans leur avant- propos pour le volume complet de F... chez ACTES SUD en préparation, les auteurs exposent encore qu' ils ont conservé la traduction en vers pour conserver le rythme " si singulier d' une pensée qui s' engendre vers à vers, son bégaiement, ses incises perpétuelles ses enjambements et ses syncopes ".
L' expert amiable Jean- Louis I... dont les assertions à cet égard ne sont pas contestées précise que " la langue de F... est complexe, jamais prosaïque, elle ne peut se traduire au fil de la plume comme allant de soi. Franchir les obstacles qu' elle soulève impose des choix de la part des traducteurs, des choix qui ne peuvent être que personnels ". M. I... illustre son propos par la comparaison de trois traductions du " Prince de Hombourg " (par André K..., Jean L... et par M. Y... et Mme X...) dans lesquelles il n' a relevé aucune similitude aussi frappante qu' entre les deux traductions de " la Famille Schroffenstein ".
Si les auteurs dans l' avant- propos précité rappelle que dans la langue de F... il est " inutile de faire de la traduction une explication de texte ; inutile d' empiler les métaphores supplémentaires pour faire plus romantique ou plus échevelé ", il n' en demeure pas moins qu' ils précisent " la langue de F..., idiome singulier au coeur de la langue allemande, nous aura forcés à rechercher dans la nôtre l' équivalente étrangeté de l' original "
Le tribunal considère donc à l' inverse des défendeurs que le parti de respecter la littéralité de l' oeuvre originale de F... imposait aux auteurs des choix personnels qui ne découlaient pas " naturellement " des caractéristiques de celle- ci.
*sur la traduction de M. A... :
M. A... soutient avoir réalisé une première traduction de l' oeuvre " la famille Schroffenstein " en 1988 et produit à l' appui de cette affirmation une attestation non conforme aux règles du Nouveau Code de Procédure Civile de M. Frank M... de l' Ankinéa Théâtre.
Dès lors que M. A... ne produit pas aux débats le manuscrit correspondant à la traduction qu' il aurait faite avec une date certaine, il y a lieu de considérer que M. A... a réalisé la traduction arguée de contrefaçon à la demande des Editions Gallimard en vue de la publication des oeuvres complètes du théâtre d' Henirich Von F... en 2000 et qu' il connaissait la traduction de M. Y... et de Mme X... publiée antérieurement en 1990.
Bien qu' il s' en défende, le tribunal estime que M. A... a choisi le même parti de traduction (proximité de la littéralité du texte allemand) que celui des demandeurs ainsi que cela a été relevé par le journal suisse " La Liberté " lors de la parution de l' ouvrage des Editions Gallimard : " Pierre A...... et Irène N... qui traduisent ces pièces optent pour un classicisme un peu désuet ou du moins, orné de termes et de structures un peu antiques ainsi " céler " pour " cacher " ou " Plût aux dieux que je fusse possédé ". Et ils sont tout à fait fidèles à l' original ". D' ailleurs, ce parti pris correspond à la pensée de M. A... qui écrit dans une conférence sur la traduction du théâtre allemand contemporain " le rôle du traducteur est de maintenir une transparence entre le texte original et le texte traduit ".
*sur la comparaison entre les deux textes :
Le tribunal estime que l' expertise amiable de Françoise O... qui conclut à l' absence de contrefaçon n' est pas pertinente ; dans son rapport, cet experte énonce des considérations générales qui ne sont étayées par aucun exemple de comparaison des deux textes en cause. Son opinion s' est formée à partir d' un postulat erroné sur l' existence d' un plagiat à savoir que pour elle, la procédure d' emprunt doit s' étendre au texte en entier, que le plagiat doit toucher davantage le style, le rythme et le ton que les mots isolés et que le plagiaire doit être un novice qui plagit pour remédier à un manque d' expérience ce qui lui permet d' exonérer M. A... " traducteur chevronné et de réputation intègre " qui " n' a nul besoin de plagier pour traduire correctement ". Par ailleurs, on peut s' étonner de la lettre du 15 mai 2001 par laquelle Mme O... autorise M. A... à faire état d' un rapport d' expertise qu' elle avait établi à la demande des Editions Actes Sud, lettre qui laisse supposer des liens entre ces deux personnes et fait planer un doute sur l' impartialité de Mme O....
En revanche, le tribunal considère que l' expertise amiable de M. I... qui est un germaniste, traducteur et professeur d' université de grande expérience est remarquablement étayée. Son expertise s' appuie sur une comparaison rigoureuse entre le texte original allemand, le texte des demandeurs et celui de M. A... ainsi qu' avec des extraits de la pièce traduits par un autre auteur, Mme Marthe P... en 1981. M. I... étaye également ses affirmations notamment sur le style de VON F..., par des références extérieures non contestables.
En comparant les deux traductions produites aux débats, le tribunal constate à l' instar de M. I... que :
- les formulations identiques entre les deux oeuvres sont nombreuses et de plus en plus fréquentes au fur et à mesure de l' avancement du texte pour atteindre une grande densité aux trois derniers actes (des pages entières à quelques mots ou à quelques phrases près). D' après le calcul réalisé à partir du surlignage par les demandeurs, on passe de 14 % de reprises au premier acte à 57 et 58 % aux derniers actes ;
- si quelques passages communs sont le résultat d' une traduction littérale s' imposant d' elle- même du fait de sa simplicité, toutes les reprises ne s' expliquent pas par ce respect de la littéralité de l' oeuvre originale ; M. I... montre que Mme Marthe K... a traduit complètement différemment un passage commun aux deux traductions tout en respectant la rythmique de Von F... ;
- les reprises ne concernent pas uniquement quelques mots ou quelques phrases qui sont empruntées mais un phrasé et un style ; dans certains passages, les mots ponctuellement différents semblent avoir été choisis pour s' écarter de façon artificielle de l' original (page 103 de la traduction Recoing et X... et pages 146 de la traduction A...) ;
- les " libertés " prises par les auteurs Y... et X... par rapport à l' oeuvre originale (métaphores, ajout de mots, réorganisation de la syntaxe) ont été reproduites (cf acte 1 scène 1, acte II scène 2 et scène 3 etc...).
Par ailleurs, il n' est contesté par aucune des parties que M. Y... et Mme X... ont réalisé une traduction de " Robert Guiscard, duc des Normands, " autre pièce de VON F... présentant le même type de difficultés que la pièce présentement en cause et que cette traduction est restée inédite. Une comparaison entre cette traduction et celle réalisée par M. A... également publiée en 2001 chez Gallimard permet de constater que les coïncidences si elles existent, sont très réduites.
M. A... ayant reproduit dans sa traduction des passages de la traduction originale des demandeurs sans leur autorisation et ces reprises n' ayant aucun caractère fortuit du fait d' une part de la fréquences des emprunts qui ne se limitent pas à des termes ou des membres de phrases mais concernent des paragraphes entiers, emprunts de plus en plus nombreux au fur et à mesure de l' avancée dans le texte et d' autre part du fait que des reprises concernent des métaphores, jeux ou ajouts de mots créés par les demandeurs et non imposées par une traduction littérale, le tribunal considère que le grief de contrefaçon est fondé.
*sur les mesures réparatrices :
Afin de mettre un terme à la contrefaçon, il est mis en oeuvre une mesure d' interdiction dans les conditions définies au présent dispositif et la mise au pilon des ouvrages contrefaisants est également ordonnée.
La société des Editions Gallimard justifie que l' ouvrage contrefaisant commercialisé au prix de 28, 20 euros a été vendus à 467 exemplaires.
Compte- tenu du caractère extrèmement limité de la masse contrefaisante et des circonstances de l' espèce, le tribunal considère que :
- le préjudice moral des auteurs, M. Y... et Mme X... sera justement indemnisé par l' allocation à chacun d' une somme de 7000 euros ;
- le préjudice matériel de la société ACTES SUD, seule partie à avoir qualité à réclamer la réparation de l' atteinte aux droits patrimoniaux sur la traduction des auteurs précités sera justement indemnisé par l' allocation d' une somme de 4500 euros.
Le tribunal rejette la demande en réparation d' un préjudice financier qu' aurait subi les auteurs du fait de leur manque à gagner en raison du temps passer à instruire leur dossier, cette demande étant prise en compte au titre de la réparation des frais irrépétibles.
Le lien de causalité entre le refus du Centre National du Livre pour une subvention pour une nouvelle traduction de F... qu' a subi la société ACTES SUD et la contrefaçon n' est pas démontrée, la subvention obtenue par la société des Editions Gallimard pour la publication de l' ouvrage sur les oeuvres complètes d' Heinrich Von F... ayant été obtenue antérieurement à la réalisation de la contrefaçon.
Enfin, la poursuite de l' exploitation par les Editions Gallimard de l' ouvrage contrefaisant malgré les conclusions de l' expert G... n' apparaît pas abusif, les opérations de celle- ci étant très critiquables ainsi qu' il a été rappelé ci- avant.
Les condamnations précitées réparant l' entier dommage, l' autorisation de publication de la présente décision n' est pas accordée.
En revanche, l' équité commande d' allouer aux demandeurs une indemnité de 15. 000 euros en application de l' article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
Eu égard à la nature de l' affaire, il y a lieu d' ordonner l' exécution provisoire de la présente décision.
Les défendeurs étant condamnés aux dépens, la société GALLIMARD conservera à sa charge les frais d' expertise sauf à exercer toute action en responsabilité à l' encontre de Mme G....
PAR CES MOTIFS LE TRIBUNAL, statuant contradictoirement, par décision en premier ressort et remise au greffe, sous le bénéfice de l' exécution provisoire,
Prononce la nullité des opérations d' expertise de Mme G... pour défaut de respect du principe du contradictoire et écarte des débats le rapport déposé le 22 juin 2004 ;
Dit que M. A... en reproduisant dans la traduction de la pièce d' Heinrich VON F... intitulée " la famille Schroffenstein " dont il est l' auteur des passages de la traduction dont M. Y... et Mme X... sont les auteurs, sans l' autorisation de ceux- ci et la société GALLIMARD en éditant cette traduction, ont porté atteinte aux droits moraux des auteurs et aux droits patrimoniaux de la société ACTES SUD ;
Interdit la poursuite de ces actes illicites sous astreinte de 150 euros par infraction constatée passé le délai de 4 mois après la signification de la présente décision ;
Ordonne la saisie et la mise en pilon, sous contrôle d' huissier, des ouvrages contrefaisants et ce, aux frais de la société GALLIMARD sous astreinte de 150 euros par jour de retard passé le délai de 4 mois après la signification de la présente décision ;
Condamne in solidum la société GALLIMARD et M. A... à payer :
- à M. Y... et à Mme X... à chacun la somme de 7000 euros au titre de la réparation de l' atteinte à leurs droits moraux ;
- à la société ACTES SUD une somme de 4500 euros au titre de la réparation de l' atteinte à ses droits patrimoniaux,
- à M. Y..., Mme X... une somme de 5000 euros et à la société ACTES SUD une somme de 10. 000 euros en application de l' article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
Déboute les parties du surplus de leurs demandes,
Condamne in solidum la société GALLIMARD et M. A... aux dépens,
Fait application des dispositions de l' article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile au profit de Maître Anne- Judith LEVY, avocate, pour la part des dépens dont elle a fait l' avance sans en avoir reçu préalablement provision,
Fait et Jugé à Paris, le 12 décembre 2007,