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21/11/2007 | FRANCE | N°06/12277

France | France, Tribunal de grande instance de Paris, Chambre civile 3, 21 novembre 2007, 06/12277


3ème chambre 3ème section

Assignation du :16 Août 2006

JUGEMENT rendu le 21 Novembre 2007

DEMANDERESSES

S.A. SOCIETE DES PRODUITS NESTLE, représenté par sondirigeant, M. Lars X....Entre-Deux-Villes1800 VEVEY57340 SUISSE

S.A.S. LABORATOIRES GUIGOZ, représenté par son PrésidentM. Y....7 boulevard Pierre Carle77186 NOISIEL

S.A.S. NESTLE FRANCE7 boulevard Pierre Carle77186 NOISIEL

représentées par Me Alain CLERY de la S.C.P CLERY et DE LA MYRE MORY, avocat au barreau de PARIS, vestiaire P0324
DÉFENDERESSE
S.A.R.L. DE POUNE15 rue A

natole de Monzie06300 NICE

représentée par Me Pierre-Marie BOUVERY, avocat au barreau de PARIS, vestiaire...

3ème chambre 3ème section

Assignation du :16 Août 2006

JUGEMENT rendu le 21 Novembre 2007

DEMANDERESSES

S.A. SOCIETE DES PRODUITS NESTLE, représenté par sondirigeant, M. Lars X....Entre-Deux-Villes1800 VEVEY57340 SUISSE

S.A.S. LABORATOIRES GUIGOZ, représenté par son PrésidentM. Y....7 boulevard Pierre Carle77186 NOISIEL

S.A.S. NESTLE FRANCE7 boulevard Pierre Carle77186 NOISIEL

représentées par Me Alain CLERY de la S.C.P CLERY et DE LA MYRE MORY, avocat au barreau de PARIS, vestiaire P0324
DÉFENDERESSE
S.A.R.L. DE POUNE15 rue Anatole de Monzie06300 NICE

représentée par Me Pierre-Marie BOUVERY, avocat au barreau de PARIS, vestiaire P 253

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Elisabeth BELFORT, Vice-Président, signataire de la décision Agnès THAUNAT, Vice-PrésidentMichèle PICARD, Vice-Président,

assistée de Marie-Aline PIGNOLET, Greffier, signataire de la décision
DEBATS
A l'audience du 02 Octobre 2007 tenue en audience publique

JUGEMENT
Prononcé par remise de la décision au greffe Contradictoireen premier ressort

FAITS ET PRETENTIONS DES PARTIES:
La société des Produits Nestlé est titulaire d'une marque complexe française "un bébé , un arbre" enregistrée sous le no 1 682 606 déposée le 24 juillet 1991 et régulièrement renouvelée pour désigner différents produits et services des classes 31 et 35 de la classification internationale et notamment "les produits agricoles, horticoles, forestiers et graines non compris dans d'autres classes. Publicité, distribution de prospectus, d'échantillons".
La société LABORATOIRES GUIGOZ organise un programme écolo-éducatif et propose depuis 1991 aux jeunes parents d'inscrire leur enfant en tant que parrain d'un arbre nouvellement planté et dont les parents reçoivent le "certificat" indiquant l'essence de l'arbre et la forêt dans laquelle il a été planté et exploite pour ce faire la marque "un bébé, un arbre".
Par ailleurs, la société des Produits Nestlé est titulaire du nom de domaine "unbebeunarbre.com" qui est exploité depuis 2000 par la société LABORATOIRES GUIGOZ pour assurer la promotion du programme précité.
S'étant aperçue que la société DE POUNE avait déposé le 6 septembre 2001 une marque française dénominative "Bébé arbre" no 01 3 119 735 pour désigner différents produits et services des classes 16,31,35 et 41 de la classification internationale et notamment les "produits agricoles, horticoles et forestiers (ni préparés ni transformés) . Arbres et arbustes. Courriers publicitaires, organisation de foires à buts commerciaux ou de publicité. Publicité par objet", la société des Produits Nestlé a formé une opposition partielle à l'enregistrement de cette marque sur la base de son droit antérieur sur la marque "un bébé un arbre". Suite à un projet de décision devenu définitif du Directeur de l'INPI, la marque "bébé arbre" n'a été enregistrée que pour désigner divers produits d'imprimerie.
Toutefois, le 7 septembre 2005, la société DE POUNE a déposé une marque communautaire semi-figurative "les bébés-arbres" pour désigner différents produits et services des classes 16,31,35 et 44 de la classification internationale.
Par ailleurs, la société DE POUNE exploite le nom de domaine "www.lesbebesarbres.com" pour commercialiser des cadeaux professionnels ou à l'occasion d'évènements familiaux , cadeaux constitués de jeunes pousses d'arbre avec les slogans "offrir un BébéArbre (c), offrir une vie" "Un Bébé arbre (c) est le cadeau porteur de sens pour une naissance... ou de toute occasion que vous jugerez opportune".
Ces cadeaux constitués de "jeunes pousses d'arbre" sont aussi offerts sur d'autres sites marchands .
Aussi, par acte du 16 août 2006, la société des Produits Nestlé, la société Laboratoire GUIGOZ et la société NESTLE France ont assigné la société DE POUNE en contrefaçon de marque et concurrence déloyale et en indemnisation.
Dans leurs dernières écritures du 12 février 2007, les sociétés PRODUITS NESTLE, LABORATOIRES GUIGOZ et NESTLE FRANCE demandent au Tribunal de:
-déclarer la société De POUNE irrecevable ou à tout le moins mal-fondée dans ses demandes reconventionnelles;
-dire que l'exploitation des dénominations BEBE ARBRE et BEBES ARBRES et du nom de domaine "lesbebesarbres.com" par la société DE POUNE pour désigner de jeunes arbres constitue une contrefaçon notamment au sens des articles L 713-3 et L 716-1 du Code de Propriété Intellectuelle , de la marque UN BEBE UN ARBRE no 1 682 606;
-dire que le dépôt et /ou l'exploitant de la marque communautaire LES BEBES ARBRES no 04 576 971 porte atteinte à cette même marque en ce qu'elle désigne : "Arbustes, arbres (végétaux); fruits et légumes frais; semences, plantes et fleurs artificielles ou séchées pour la décoration; herbes potagères fraîches. Publicité; promotion des produits et services des tiers; organisation d'expositions à buts commerciaux et publicitaires; conseils en communication d'entreprises et en relations publiques; décoration de vitrines et de lieux de vente; décoration de stands d'exposition dans les salons professionnels; location de matériel publicitaire";
-dire qu'en ayant déposé et en exploitation le nom de domaine "lesbébésarbres.com" pour proposer la vente de jeunes arbres sous les dénominations BEBE ARBRE et BEBES ARBRES à l'occasion d'événements familiaux , la société DE POUNE s'est rendue coupable d'actes de concurrence déloyale distincts et connexes à l'encontre des sociétés LABORATOIRES GUIGOZ, SOCIETE DES PRODUITS NESTLE et NESTLE FRANCE dont elle leur doit réparation en application de l'article 1382 du code civil;
-interdire la poursuite de ces actes illicites sous astreinte dont le tribunal se réservera la liquidation ;
-condamner la société DE POUNE à payer :
*à la société PRODUITS NESTLE la somme de 50.000 euros à titre de dommages et intérêt du fait de l'atteinte à la marque no 1 682 606;
* aux sociétés LABORATOIRES GUIGOZ et NESTLE FRANCE une somme de 100.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation des actes de concurrence déloyale;
* à la société DES PRODUITS NESTLE une somme de 50.000 euros du chef de l'atteinte à son nom de domaine "unbebeunarbre.com";
*à chacune des sociétés demanderesses une indemnité de 15.000 euros HT en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ,
et ce, sous le bénéfice de l'exécution provisoire et de l'autorisation de publication de la décision à intervenir.
La société DE POUNE dans ses dernières écritures du 30 mars 2007 conclut que:
-la société NESTLE FRANCE est irrecevable à agir pour défaut de qualité et d'intérêt,-la société PRODUITS NESTLE doit être déchue à compter du 28 décembre 1996 des droits sur les marques no 1 682 606 et no 1 682 605 pour inexploitation pour désigner tous les produits visés à l'enregistrement ou à tout le moins pour les produits suivants "Produits agricoles, horticoles, forestiers et graines non compris dans d'autres classes. Publicité, distribution de prospectus, d'échantillons. Location de matériel publicitaire . Conseils , informations, ou renseignements d'affaires. Reproduction de documents".
-constater en tout état de cause l'absence d'acte de contrefaçon.

Dans l'hypothèse où le tribunal retiendrait l'existence d'actes de contrefaçon de la marque "Un Bébé Un Arbre" par la société DE POUNE, celle-ci demande à ce qu'il soit jugé que les sociétés demanderesses ont commis des actes de contrefaçon de la marque française "un bébé arbre" no 01 3 119 735 pour désigner des produits identiques ou similaires à ceux visés à l'enregistrement de cette marque et notamment aux produits de "livres, revues, affiches, produits de l'imprimerie, cartes postales, albums, almanach".
En tout état de cause, la société DE POUNE demande la condamnation des demanderesses à lui payer chacune une somme de 5000 euros en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile .
SUR CE,
*sur la qualité et l'intérêt à agir de la société NESTLE FRANCE:
La société NESTLE FRANCE dit qu'elle intervient dans la présente procédure pour obtenir la réparation du préjudice résultant de la dévalorisation des investissements qu'elle a réalisés dans le programme Un bébé un Arbre qu'elle promeut avec l'Office National des Forêts, dévalorisation imputable aux faits reprochés à la société DE POUNE.
Le tribunal relève qu'aucune pièce produite aux débats ne justifie des débours que la société NESTLE FRANCE aurait supportés dans le programme "un bébé un arbre" . Dès lors , son action est irrecevable faute de qualité et d'intérêt à agir démontrés, la société NESTLE FRANCE n'étant ni titulaire de la marque "un bébé un arbre" ni l'exploitante de cette marque dans le programme "un bébé, un arbre".
*sur la déchéance de la marque "Un bébé Un arbre":
L'article L 714-5 du Code de Propriété Intellectuelle dispose que:
-encourt la déchéance de ses droits le propriétaire de la marque qui, sans juste motif, n'en a pas fait un usage sérieux, pour les produits et services visés dans l'enregistrement pendant une période ininterrompue de cinq ans;
-est assimilé à un tel usage:
a)l'usage fait avec le consentement du propriétaire de la marque ou, pour les marques collectives, dans les conditions du règlement;
b) l'usage de la marque sous une forme modifiée n'en altérant pas le caractère distinctif;
c)l'apposition de la marque sur des produits ou leur conditionnement exclusivement en vue de leur exportation;
- la déchéance peut être demandée en justice par toute personne intéressée;
- l'usage sérieux de la marque commencé ou repris postérieurement à la période de cinq ans visée au premier alinéa du présent article n'y fait pas obstacle s'il a été entrepris dans les trois mois précédant la demande de déchéance et après que le propriétaire a eu connaissance de l'éventualité de cette demande;

- la preuve de l'exploitation incombe au propriétaire de la marque dont la déchéance est demandée; elle peut être apportée par tout moyen;

- la déchéance prend effet à la date d'expiration du délai de cinq ans prévu au premier alinéa du présent article; qu'elle a un effet absolu.

-sur l'intérêt à agir de la société DE POUNE:
Il est constant en application de l'article 31 du Nouveau Code de Procédure Civile que la partie poursuivie en contrefaçon de marque n'a intérêt à titre reconventionnel à solliciter la déchéance des droits du titulaire que pour la marque et les produits ou services qui lui sont opposés.
En l'espèce, la société DE POUNE est irrecevable à solliciter la déchéance des droits des demanderesses sur la marque no 1 682 605 qui n'est pas opposée en l'espèce. De même, elle n'est pas recevable à solliciter la déchéance des droits de la société PRODUITS NESTLE sur la marque no 1 682 606 pour désigner les " produits pharmaceutiques, vétérinaires, hygiéniques, substances diététiques à usage médical, aliments pour bébé. Location de matériel publicitaire. Conseils , informations ou renseignements d'affaires. Reproduction de documents, agences de presse et d'informations", ces produits ne lui étant pas opposés.
-sur la déchéance:
En application des dispositions de l'article L 714-5 du Code de Propriété Intellectuelle , il convient d'examiner les pièces produites par la société PRODUITS NESTLE pour démontrer l'usage de sa marque no 1 682 605 pour désigner "les produits agricoles, horticoles, forestiers, et graines non compris dans d'autres classes. Publicité, distribution de prospectus, d'échantillons " et ce pendant les 5 ans précédant la date du 28 décembre 1996 ou la reprise d'un usage sérieux dans les cinq ans précédant les conclusions du 4 décembre 2006 dans lesquelles cette demande a été formulée pour la première fois.
La société DE POUNE prétend qu'aucun des documents produits n'établit l'usage du signe "un bébé un arbre" à titre de marque c'est-à-dire d'après elle un usage sur ou en relation avec l'un quelconque des produits et services désignés, pour les distinguer des produits et des services concurrents et en garantir l'origine, en vue de conquérir ou de maintenir ou d'augmenter une part de marché de ces produits et services. Les pièces communiquées ne démontrent qu'un usage de ce signe pour désigner une "opération de parrainage ou de mécénat en liaison avec l'Office national des forêts" .
Il est versés aux débats:
-un prospectus publicitaire de mars 2000 détaillant l'opération "un bébé, un arbre" et indiquant qu'un panneau aux couleurs de l'opération "Un bébé, un arbre" des Laboratoires GUIGOZ est placé sur la parcelle reboisée;

-différents articles de presse datant de 2001 établissant que depuis 1991, grâce à l'opération "un bébé, un arbre" la société des Laboratoires GUIGOZ a permis la plantation d' 1 million d'arbres dans 68 forêts réparties sur toute la France;

-différents articles de presse en 2003 démontrant que l'opération "un bébé , un arbre" se poursuit , 8 nouveaux sites de reboisement ayant été choisis cette année-là;
-cinq articles de presse en 2004 et un en 2005 faisant état de la plantation fin 2004 de 1300 000 arbres grâce à cette opération et précisant que le nouveau-né inscrit reçoit une certificat de parrainage officiel à son nom , avec l'indication de l'essence de l'arbre et de la forêt où il a été planté;
-un extrait du site "unbebeunarbre.com" donnant les modalités de l'opération: inscription en ligne du nouveau-né par les jeunes mamans qui choisissent l'essence d'arbre et le lieu de plantation ; plantation par l'Office National des Forêts de l'arbuste; affichage par la société Giraudy des panneaux "un bébé un arbre" pour distinguer les parcelles ainsi nouvellement plantées; visites possibles de la parcelle dans laquelle figure l'arbre choisi.
Il est constant que constitue un usage de marque toute exploitation de celle-ci dans la vie des affaires.
Les pièces produites démontrent que la société LABORATOIRES GUIGOZ avec l'accord de la société des PRODUITS NESTLE fait un usage constant de la marque en cause depuis 1991 :
*d'une part pour identifier des parcelles d'arbres reboisées à son initiative et avec son financement , ces arbres et parcelles ayant pour origine aux yeux de la clientèle ayant adhéré à l'opération , les sociétés LABORATOIRES GUIGOZ et PRODUITS NESTLE , l'apposition de panneaux reproduisant la marque permettant de distinguer ces arbres et parcelles des autres;
*d'autre part pour réaliser une opération promotionnelle de ses produits à travers un parrainage avec l'Office National des Forêts, cette opération lui permettant d'associer dans l'esprit de sa clientèle constituée de jeunes parents , la croissance de l'enfant permis par l'alimentation infantile qu'elle commercialise à la croissance d'un arbre, symbole de vie et de longévité.
Aussi, le tribunal considère que la demande en déchéance reconventionnelle doit être rejetée, les sociétés demanderesses démontrant l'usage de leur marque pour "des produits agricoles, horticoles, forestiers et graines non compris dans d'autres classes" par la plantation d'arbres dans des parcelles identifiées par des panneaux marqués et pour de la "publicité et de la distribution de prospectus, d'échantillons " par l'organisation de l'opération promotionnelle "Un bébé Un arbre".
*sur la contrefaçon:
-par l'exploitation des dénominations "Bébé arbre" et "Bébés Arbres" et du nom de domaine "les bebesarbres.com" pour désigner de jeunes arbres:
Les signes étant différents , c'est au regard de l'article L 713-3 du Code de Propriété Intellectuelle qui dispose que sont interdits , sauf autorisation du propriétaire s'il peut en résulter un risque de confusion dans l'esprit du public ...b)l'imitation d'une marque et l'usage d'une marque imitée , pour des produits ou services identiques ou similaires à ceux désignés dans l'enregistrement que doit s'apprécier le grief de contrefaçon.
Il est constant par ailleurs que le risque de confusion doit être apprécié globalement en tenant compte de tous les facteurs pertinents de l'espèce. Cette appréciation globale doit en ce qui concerne la similitude visuelle, auditive ou conceptuelle des marques en cause être fondée sur l'impression d'ensemble produite par les marques en tenant compte notamment des éléments distinctifs et dominants de celles-ci .
Il n'est pas contesté que la société DE POUNE utilise les dénominations "bébé arbre" et "bébés arbres" pour commercialiser un produit consistant en l'association d'une jeune pousse d'arbre à un support cartonné servant de support à la communication souhaitée par le client (communication d'affaires s'il s'agit d'un cadeau d'affaires ou communication plus personnalisée dans l'hypothèse d'un cadeau à l'occasion d'un événement familial).
Sur les signes:
La marque opposée est constituée d'un élément dénominatif "Un bébé Un arbre" et d'un élément figuratif associant le dessin stylisé d'un coeur et d'un arbre.
Toutefois, il est incontestable que l'élément "Un bébé Un arbre" est l'élément dominant et distinctif de la marque car c'est ainsi que le signe est mémorisé par la clientèle et utilisé par les tiers (cf articles de presse produits).
Le signe second présente une grande similitude avec cet élément dénominatif puisqu'il reprend l'association des termes "bébé/arbre" , association de pure fantaisie le terme bébé n'étant pas contrairement à l'argumentation en défense utilisé pour désigner un jeune arbre, le terme courant étant "pousse".
Sur les produits:
Les produits désignés sont identiques à deux niveaux: il s'agit dans les deux cas de désigner un jeune arbre à planter et par ailleurs de réaliser une opération publicitaire (dans l"hypothèse des cadeaux d'affaires).
Au regard de cette grande similitude des signes et de la double identité des produits , de la forte notoriété de la marque première (plus d'un million d'arbres plantés par les demanderesses depuis 1991), le tribunal considère que le risque de confusion pour le public concerné à savoir le grand public est certain, ce dernier pouvant penser à une diversification de l'opération "Un bébé Un arbre" dans le domaine privé et ce, d'autant que les noms de domaine utilisé pour promouvoir les produits désignés par les deux signes sont très proches tant visuellement qu'intellectuellement ou phonétiquement: "unbebeunarbre.com"/ "lesbebearbres.com".
Dans ces conditions, ce grief de contrefaçon est constitué.
-par le dépôt et /ou l'exploitation de la marque communautaire LES BEBES-ARBRES no 4 576 971:
Sur les signes:
La marque communautaire est constitué d'un élément dénominatif "Les bébés-arbres" dans une certaine police de caractères, précédé d'un carré à fond sombre dans lequel figure le dessin stylisé d'une jeune branche ou pousse d'arbre.
Il ressort de la composition de ce signe que l'élément dominant et distinctif est l'élément dénominatif, le dessin étant purement descriptif d'une petite branche ou pousse d'arbre et peu mémorisable par sa banalité.
Pour les mêmes motifs que précédemment, le tribunal considère que le signe second présente une forte similitude avec le signe premier par la reprise de l'association de fantaisie "bébé/arbre" renforcée tant au niveau visuel qu'intellectuel par une même évocation figurative de l'arbre.
Sur les produits:
Les produits désignés par les deux signes sont tous similaires ou identiques : arbustes, arbres (végétaux), fruits et légumes frais; semences; plantes et fleurs naturelles ou séchées pour la décoration; herbes potagères fraîche / Produits agricoles, horticoles, forestiers et graines non compris dans d'autres classes; Publicité; promotion des produits et services des tiers; organisation d'exposition à buts commerciaux et publicitaires,; conseils en communication d'entreprises et en relations publiques; location de matériel publicitaire/ Publicité, distribution de prospectus , d'échantillon".
Seuls les services de "conseils en communication d'entreprises et en relations publiques, décoration de vitrines et de lieux de vente ; décoration de stands d'exposition dans les salons professionnels" ne sont ni identiques ni similaires aux produits opposés dans la présente procédure.

Là encore , compte- tenu de la notoriété de la marque première tirée de l'ancienneté et de l'ampleur de son exploitation , le tribunal considère que le risque de confusion pour le public concerné à savoir le grand public ou le public de professionnels est certain, l'association des termes "bébé/arbre" étant dans l'esprit de tous rattachée aux opérations menées par les demanderesses.

Dès lors, le grief de contrefaçon est constituée.
*sur la concurrence déloyale:
Dès lors qu'il est acquis que la société LABORATOIRES GUIGOZ exploite la marque "un bébé un arbre", les faits de contrefaçon de celle-ci constituent à son égard des actes de concurrence déloyale.
De plus, la société DE POUNE qui n'ignorait pas depuis l'opposition formée à l'INPI les droits des sociétés demanderesses sur la marque "un bébé un arbre" s'est volontairement positionnée dans le sillage de l'opération publicitaire de la société LABORATOIRES GUIGOZ en proposant sur son site internet des cadeaux de naissance constituée de jeunes arbres . Si effectivement , la tradition de planter un arbre à la naissance d'un enfant n'est pas appropriable par la société LABORATOIRES GUIGOZ, il n'en demeure pas moins que de proposer de jeunes arbres comme cadeau de naissance sous une dénomination de fantaisie très proche de celle utilisée depuis 1991 par les LABORATOIRES GUIGOZ constitue de la part de la défenderesse des actes de parasitisme , d'autres termes pouvant être utilisés pour désigner de tels cadeaux. Cette utilisation ne paraît d'ailleurs nullement fortuite dès lors que la marque française BEBE ARBRE a été déposée en 2001, soit l'année des 10 ans de l'opération "Un bébé un arbre" qui a fait l'objet d'une couverture de presse intensive. De plus, bien que sa marque n'ait pas été enregistrée à l'INPI pour désigner les produits qu'elle commercialise, la société DE POUNE a réservé le 3 mars 2003 le nom de domaine "lesbebearbres.com" pour exploiter un site sur lequel elle commercialise ses jeunes arbres et ce , alors qu'il est constant que la société LABORATOIRE GUIGOZ exploite depuis 2000 le nom de domaine très proche" unbebeeunarbre.com" pour son opération promotionnelle.
Il ressort de l'ensemble de ces éléments que la société DE POUNE a cherché délibéremment à profiter de la notoriété de l'opération "Un bébé un arbre" initiée et exploitée par la société LABORATOIRES GUIGOZ et a ainsi commis des actes de concurrence déloyale et parasitaires à son encontre.
Le nom de domaine n'étant pas protégé en tant que tel mais uniquement en relation avec l'activité figurant sur le site auquel il permet d'accéder, le tribunal considère que la société DES PRODUITS NESTLE n'a pas subi de préjudice du fait de la réservation et de l'exploitation du nom de domaine de la défenderesse; seule la société LABORATOIRES GUIGOZ a subi un préjudice de ce chef qui sera indemnisé dans le cadre des actes de concurrence déloyale et parasitaires précités.
*sur la demande reconventionnelle de la société DE POUNE:
Contrairement à l'argumentation en défense, les sociétés demanderesses dans le cadre de leur opération "Un bébé Un arbre" n'utilise pas cette dénomination pour désigner des produits similaires ou identiques à ceux visés à la marque française no 01 3 119 735 de la société DE POUNE qui désigne des "livres, revues, affiches, produits de l'imprimer, cartes postales, albums, almanach". En effet, les demanderesses n'éditent que du matériel publicitaire sous leur marque, matériel qui n'est ni identique ni similaire aux produits d'imprimerie précités.
La demande reconventionnelle est en conséquence rejetée.
*sur les mesures réparatrices:
Pour mettre fin aux actes illicites précités, il y a lieu de mettre en oeuvre une mesure d'interdiction dans les conditions définies ci-après.
Eu égard à la durée et à l'étendue de la contrefaçon et de la concurrence déloyale, le tribunal considère que la société DES PRODUITS NESTLE sera justement indemnisée par l'allocation d'une somme de 15000 euros et la société LABORATOIRES GUIGOZ par une indemnité d'un même montant.
Ces condamnations réparant l'intégralité du préjudice subi, il n'y a pas lieu d'autoriser la publication de la présente décision.
L'équité commande d'allouer à chaque demanderesse qui triomphe dans ses prétentions, une indemnité de 5000 euros en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile .
Eu égard à la nature de l'affaire, il y a lieu d'ordonner son exécution provisoire.
PAR CES MOTIFS LE TRIBUNAL ,statuant contradictoirement , par décision en premier ressort et remise au greffe,sous le bénéfice de l'exécution provisoire,

Dit que la société NESTLE FRANCE ne justifie ni de sa qualité ni de son intérêt à agir et déclare ses demandes irrecevables;
Déclare irrecevables les demandes de la société DE POUNE en déchéance pour inexploitation , des droits de la société PRODUITS NESTLE sur la marque no 1 682 05 pour tous les produits et sur la marque no 1 682 606 pour désigner les produits et services suivants : " produits pharmaceutiques, vétérinaires, hygiéniques, substances diététiques à usage médical, aliments pour bébé. Location de matériel publicitaire. Conseils , informations ou renseignements d'affaires. Reproduction de documents, agences de presse et d'informations";

Déboute la société DE POUNE de sa demande reconventionnelle en déchéance pour le surplus de celle-ci;

Dit que la société DE POUNE en exploitant les dénominations "BEBE ARBRE" "BEBES ARBRES", "lesbebesarbres.com" pour commercialiser des cadeaux constitués de jeunes pousses d'arbre, en déposant et en exploitant la marque communautaire "les bébés-arbres" no 4 576 971 pour désigner tous les produits et services visés à son enregistrement à l'exception des services de : "conseils en communication d'entreprises et en relations publiques, décoration de vitrines et de lieux de vente ; décoration de stands d'exposition dans les salons professionnels", sans l'autorisation de la société PRODUITS NESTLE , a commis des actes de contrefaçon par imitation de la marque no 1 682 606 au détriment de cette dernière et des actes de concurrence déloyale à l'encontre de la société LABORATOIRES GUIGOZ qui exploite la marque "Un bébé Un arbre" contrefaite;
Interdit à la société DE POUNE la poursuite de ces actes illicites sous astreinte de 10.000 euros par jour de retard passé le délai de quatre mois après la signification de la présente décision,
Dit que le tribunal se réserve la liquidation des astreintes ainsi ordonnées en application de la disposition de l'article 35 de la loi du 9 juillet 1991,
Condamne la société DE POUNE à payer à la société PRODUITS NESTLE la somme de 15000 euros du chef de la contrefaçon de marque et à la société LABORATOIRES GUIGOZ une même somme du chef des actes de concurrence déloyales et parasitaires;
Déboute la société DE POUNE de sa demande reconventionnelle et les sociétés demanderesses du surplus de leurs prétentions;
Condamne la société DE POUNE à payer à la société PRODUITS NESTLE et à la société LABORATOIRES GUIGOZ à chacune une indemnité de 5000 euros en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile et aux dépens,
Fait application des dispositions de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile au profit de la SCP CLERYetDE LA MYRE, société d' avocats, pour la part des dépens dont elle a fait l'avance sans en avoir reçu préalablement provision,
Fait et Jugé à Paris, le 21 novembre 2007.


Synthèse
Tribunal : Tribunal de grande instance de Paris
Formation : Chambre civile 3
Numéro d'arrêt : 06/12277
Date de la décision : 21/11/2007
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.grande.instance.paris;arret;2007-11-21;06.12277 ?
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