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21/11/2007 | FRANCE | N°05/08802

France | France, Tribunal de grande instance de Paris, Chambre civile 3, 21 novembre 2007, 05/08802


3ème chambre 3ème section
Assignation du :02 Juin 2005

JUGEMENT rendu le 21 Novembre 2007

DEMANDERESSE
S.A. DECATHLON4 boulevard de Mons59650 VILLENEUVE D ASCQ

représentée par Me Michel-Paul ESCANDE, avocat au barreau de PARIS, vestiaire R.266
DÉFENDERESSES
S.N.C. LIDL35 rue Charles Péguy67200 STRASBOURG

représentée par Me Martine CHOLAY, avocat au barreau de PARIS, vestiaire A 709, et Me Bernard BRAUN, Avocat au Barreau de Strasbourg,
Société BEVAFORM SERVICES ET HANDELSGESMBHDr-Hans-Lechner Strasse 3A 5071 WALS/SALZBURG

représentÃ

©e par Me Benjamin MAY, avocat au barreau de PARIS, vestiaire K.186
COMPOSITION DU TRIBUNAL
Elisabeth BE...

3ème chambre 3ème section
Assignation du :02 Juin 2005

JUGEMENT rendu le 21 Novembre 2007

DEMANDERESSE
S.A. DECATHLON4 boulevard de Mons59650 VILLENEUVE D ASCQ

représentée par Me Michel-Paul ESCANDE, avocat au barreau de PARIS, vestiaire R.266
DÉFENDERESSES
S.N.C. LIDL35 rue Charles Péguy67200 STRASBOURG

représentée par Me Martine CHOLAY, avocat au barreau de PARIS, vestiaire A 709, et Me Bernard BRAUN, Avocat au Barreau de Strasbourg,
Société BEVAFORM SERVICES ET HANDELSGESMBHDr-Hans-Lechner Strasse 3A 5071 WALS/SALZBURG

représentée par Me Benjamin MAY, avocat au barreau de PARIS, vestiaire K.186
COMPOSITION DU TRIBUNAL
Elisabeth BELFORT, Vice-Président, signataire de la décision Agnès THAUNAT, Vice-PrésidentMichèle PICARD, Vice-Président,

assistée de Marie-Aline PIGNOLET, Greffier, signataire de la décision
DEBATS
A l'audience du 08 Octobre 2007 tenue en audience publique

JUGEMENTPrononcé par remise de la décision au greffe Contradictoireen premier ressort

RAPPEL DES FAITS ET PROCEDURE
La société DECATHLON est titulaire de la marque figurative no02 3 171 804 déposée le 1er juillet 2002, pour désigner notamment en classe 25 des "vêtements et chaussures.", se présentant comme un zigzag horizontal, dessinant la forme de la lettre W, de couleur claire sur fond sombre.
La société DECATHLON exploite cette marque en l'apposant sur des chaussures de randonnée, parfois insérée dans un demi-cercle.
Elle a été informée du fait que la société LIDL commercialisait deux modèles de chaussures, référencée l'un sous le code barre no900 57 138 533 et l'autre sous le no900 5740 138 472 reproduisant tous les deux la marque figurative sus visée.
Elle a fait procéder le 19 avril 2005 à un constat d'achat par huissier dans le magasin LIDL sis 130, rue du Chemin vert à Paris 11ème, portant sur deux modèles de chaussures de randonnées référencés sous le code barre no900 5740 138 533.
Autorisée par le Président du Tribunal de Grande Instance de Strasbourg, la société DECATHLON a fait procéder le 20 mai 2005 à une saisie contrefaçon dans les locaux du siège social de la société LIDL, sis à Strasbourg.
Par acte d'huissier de justice en date du 2 juin 2005, la société DECATHLON a assigné la société LIDL devant le tribunal de grande instance de Paris en contrefaçon et concurrence déloyale.
Par acte du 10 mai 2006, la société LIDL a assigné la société BEVAFORM SERVICES et HANDELS GmbH en garantie et intervention forcée.
Par dernières conclusions communiquées le 14 mai 2007, la société DECATHLON demande au tribunal de :
dire et juger que la fabrication, la commercialisation et/ou l'importation en France par les sociétés LIDL et BEVAFORM de produits comportant la reproduction à tout le moins l'imitation de la marque figurative no02 3 171 804 lui appartenant, constituent la contrefaçon de ladite marque au sens de l'article L713-2, L713-3, L716-1, L716-9, L716-10 et suivants du code de propriété intellectuelle,
dire et juger que la reproduction, ou à tout le moins l'imitation, de la marque figurative no02 3 171 804 lui appartenant, au sein d'un demi-cercle, dans une couleur sombre sur un fond de couleur claire, à la fois sur la semelle, sur les côtés, sur l'arrière et sur la languette de produits de qualité inférieure et vendus de surcroît à bas prix, constitue un fait de concurrence déloyale distinct des actes de contrefaçon au sens des articles 1382 et suivants du code civil,
en conséquence,
débouter les défenderesses de leurs demandes,
interdire aux sociétés LIDL et BEVAFORM de faire usage de la marque sus visée ou de ses imitations, sous quelque forme et à quelque titre que ce soit pour désigner des produits identiques ou similaires à ceux visés par ladite marque sous astreinte définitive de 1500 euros par infraction constatée à compter de la signification du jugement à intervenir,
ordonner sous le contrôle d'un huissier de justice, aux frais de la défenderesse et sous astreinte définitive de 1500 euros par jour de retard à compter de la signification du jugement à intervenir, la destruction de tout article et de tout document comportant le signe incriminé,
dire que le tribunal liquidera les astreintes,
condamner in solidum les défenderesses à lui payer une somme de 80 000 euros en réparation de l'atteinte portée à sa marque,
condamner in soldium les défenderesses à lui payer une somme de 300 000 euros en réparation de son préjudice commercial,
condamner in solidum les défenderesses à lui payer la somme de 100 000 euros au titre des faits distincts de concurrence déloyale,
ordonner la publication du jugement à intervenir dans trois journaux ou revues, français ou étrangers, au choix de la demanderesse et aux frais in solidum des sociétés défenderesses, dans la limite d'un plafond hors taxes global de 30 000 euros pour l'ensemble des trois publications, et ce, au besoin, à titre de dommages-intérêts complémentaires,
ordonner également l'inscription par extraits du jugement à intervenir, avec la représentation de la marque revendiquée et du signe litigieux, sur la page d'accueil des sites internet de la société LIDL www.lidl.fr et www.lidl.com sur un espace égal à la moitié de l'écran pendant une durée d'un mois à compter de la signification du jugement à intervenir, et ce sous astreinte de 1500 euros par jour de retard,
condamner in solidum les défenderesses à lui payer la somme de 10 000 euros en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile,
condamner in solidum les défenderesses aux entiers dépens avec distraction au profit de la SELARL M-P ESCANDE, avocat, en application de l'article 699 du nouveau code de procédure civile.
Par dernières conclusions communiquées le 31 août 2007, la société LIDL demande au tribunal de :
à titre principal: sur la procédure de contrefaçon
dire et juger que le constat d'achat est nul,
dire et juger que les procès-verbaux de saisie contrefaçon sont nuls et de nul effet,
dire et juger que le produit décrit dans le constat d'achat contient un code barre inconnu de la société LIDL et qu'il n'a jamais été retrouvé au moment de la saisie contrefaçon,
débouter la demanderesse,
A titre subsidiaire : sur la procédure en contrefaçon,
constater que la demandeur n'est pas en mesure de prouver l'imitation du cigle déposé, dans la mesure où il n'est pas en possession du modèle commercialisé par la défenderesse,
En tout état de cause :
dire et juger que les faits ne sont pas constitutifs de contrefaçon,
dire et juger qu'il n'y a aucun risque de confusion,
dire et juger qu'aucun préjudice n'est démontré et qu'en conséquence les demandes formulées à titre de dommages-intérêts sont manifestement excessives,
débouter la demanderesse,
Sur les demandes indemnitaires pour concurrence déloyale,
dire et juger que les faits allégués ne sont pas différents de ceux allégués au titre de la prétendue contrefaçon,
constater qu'elle n'a fait qu'importer le produit,
débouter la demanderesse,
A titre infiniment subsidiaire : la garantie du fournisseur, la société BEVAFORM,
constater qu'elle n'a fait qu'importer le produit,
constater que son fournisseur s'est porté garant de l'inexistence d'une quelconque atteinte aux droits des tiers,
lui donner acte de son assignation en intervention forcée et en garantie délivrée à son fournisseur la société BEVAFORM,
déclarer cette demande recevable et bien fondée,
condamner la société BEVAFORM à la garantir de toutes condamnations pouvant être prononcées à son encontre en principal, intérêts, dommages-intérêts et dépens de toute nature,
la condamner aux dépens, et à lui payer la somme de 5000 euros en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile,
ordonner l'exécution provisoire,
en tout état de cause,
condamner la demanderesse à lui payer la somme de 5000 euros sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
Par dernières conclusions communiquées le 4 juin 2007, la société BEVAFORM SERVICES et HANDELS GmbH demande au tribunal de :
au visa des articles 42 et 43 de la Convention de Vienne du 11 avril 1980 relative aux contrats de vente internationale de marchandises, des articles L713-2 et L713-3 du code de propriété intellectuelle, de l'article 1382 du code civil, des articles 515 et 700 du nouveau code de procédure civile,
A titre principal,
dire et juger la Convention de Vienne applicable aux relations entre BEVAFORM et LIDL,
dire et juger irrecevable l'appel en garantie formée par LIDL à l'encontre de BEVAFORM, du fait de son caractère tardif,
dire et juger que la clause contractuelle invoquée par LIDL est insuffisamment précise,
dire et juger en conséquence que LIDL ne peut prétendre à une garantie d'éviction de BEVAFORM ; en conséquence, rejeter l'appel en garantie formé par LIDL à son encontre,
en conséquence, débouter la société LIDL,
Subsidiairement:
dire et juger qu'elle n'a commis aucun acte de contrefaçon sur le fondement des articles L713-2 et L713-3 du code de propriété intellectuelle,
dire et juger qu'elle n'a commis aucun acte de concurrence déloyale à l'égard de la société DECATHLON,
constater que la société DECATHLON ne démontre pas l'étendue du préjudice allégué et qu'en conséquence ses demandes de dommages-intérêts au titre de la contrefaçon de marque et/ou de concurrence déloyale sont excessives,
rejeter la demande de DECATHLON tendant à l'exécution provisoire,
en conséquence,
débouter la société DECATHLON,
En tout état de cause:
condamner la société LIDL à lui payer la somme de 20 000 euros en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur la nullité du constat d'achat
La société LIDL soutient que le constat d'achat serait nul au motif d'une part, qu'il y aurait eu une violation de l'article 6-1 de la Convention Européenne des Droits de l'Homme sur l'exigence d'un procès équitable, car on ignore les liens existant entre M. C... qui a pénétré dans le magasin LIDL pour effectuer l'achat et la société DECATHLON et d'autre part, que l'huissier aurait agi en dehors de tout cadre légal, n'ayant pas été désigné par la président du tribunal dans le cadre de la procédure de saisie contrefaçon.
S'agissant du premier point, il convient de rappeler que les dispositions de l'article L716-7 du code de propriété intellectuelle relatives aux opérations de saisie contrefaçon, ne sont pas applicables à un constat d'achat qui a pour unique finalité de constater l'achat d'un produit dans un lieu déterminé ; ce constat ne saurait donc porter atteinte aux droits de la défense de la société défenderesse.
Sur le deuxième point, le tribunal observe que la contrefaçon est un fait qui peut être établi par tout moyen, dès lors le constat d'achat dressé par un huissier de justice resté sur la voie publique, qui ne fait que décrire les produits que lui a remis une personne ayant pénétré seule et les mains vides dans le magasin puis en est ressortie, ne s'analyse pas en une saisie-contrefaçon. Le fait pour l'huissier de mettre sous scellés en son étude les objets achetés ne s'analyse pas en une saisie dès lors qu'il n'a pas pénétré à l'intérieur du magasin. Pour dresser un tel constat sur la voie publique l'huissier n'a pas besoin de se faire autoriser par ordonnance du président du tribunal de grande instance .
En toute hypothèse, il appartient à la société LIDL d'apporter la preuve que les produits litigieux n'ont pas été vendus à M. C..., qui a pénétré seul dans le magasin, puis a remis ses achats à l'huissier, ce qu'elle ne fait pas. Il convient de noter que contrairement à ce qu'elle indique , les chaussures placées sous scellés par l'huissier portent le code barre no 9 005 740 138 533 ; or ce code barre correspond aux documents saisis lors des opérations de saisie-contrefaçon qui se sont déroulées au siège social de la société LIDL.
Sur la nullité des procès-verbaux de saisie-contrefaçon
La société DECATHLON a été autorisée le 13 mai 2005 par le Président du Tribunal de Strasbourg a faire procéder à des saisies-contrefaçon. L'huissier s'est rendu le 20 mai 2005 dans différents magasins LIDL mais n'a pu appréhender les chaussures arguées de contrefaçon, puis il s'est rendu au siège social où il n'a pas appréhendé le modèle litigieux mais a pris connaissance du fait que les chaussures litigieuses avaient été achetées auprès de la Centrale d'achat de LIDL en Allemagne et fabriquées par la société BEVAFORM en Autriche.
La société LIDL soutient que cette procédure serait nulle au motif qu'elle doit être strictement limitée à établir la preuve de la matérialité de la contrefaçon et non pas avoir pour unique objet de déterminer l'importance de la prétendue contrefaçon.
Le tribunal constate que l'ordonnance en date du 13 mai 2005 autorisait la société DECATHLON à d'une part faire procéder par tout huissier de justice de son choix à la saisie descriptive au besoin par photographie et à la saisie réelle de deux exemplaire de tout article comportant l'imitation de la marque figurative no02 3 171 804 et d'autre part l'autorisait à faire effectuer par l'huissier toutes recherches et constatations utiles notamment d'ordre comptable, afin de découvrir l'étendue des faits incriminés, la provenance et la destination des produits litigieux, l'identité des auteurs des faits et au besoin à copier ou faire produire tous comptes, factures ou documents commerciaux, techniques et publicitaires.
Dès lors, que la saisie descriptive ou réelle était autorisée, ainsi que la saisie de documents comptables, que le représentant de la société LIDL a reconnu commercialiser les modèles en cause, identifiés par leur code barre, que la saisie des document en cause intervenue après cette reconnaissance étaient relative à la vente des chaussures litigieuses, le procès verbal de saisie contrefaçon est valable, la matérialité de la contrefaçon portant nécessairement sur l'étendue de celle-ci.
Sur la contrefaçon par imitation
C'est au regard de l'article L713-3 du code de propriété intellectuelle dispose que :" sont interdits, sauf autorisation du propriétaire, s'il peut en résulter un risque de confusion dans l'esprit du public:a) La reproduction, l'usage ou l'apposition d'une marque, ainsi que l'usage d'une marque reproduite, pour des produits ou services similaires à ceux désignés dans l'enregistrement ;b) L'imitation d'une marque et l'usage d'une marque imitée, pour des produits ou services identiques ou similaires à ceux désignés dans l'enregistrement." que doit être apprécier le grief de contrefaçon par imitation.

Le tribunal relève que les signes trouvés sur les chaussures commercialisés par la société LIDL et la marque déposée par la société DECATHLON sont très voisins sur un plan visuel et ressemblent tous les deux à la lettre "W" écrite en cursive. Il importe peu que le signe litigieux soit compris dans un demi cercle, contrairement à la marque opposée, l'élément dominant du signe étant le "w", qui sera seul mémorisé par le consommateur final.
Sur un plan conceptuel, la société BEVAFORM soutient qu'ils sont différents puisque le signe figurant sur les chaussures qu'elle fabrique correspond à la première lettre du mot "walking" , sous laquelle elle vend ses produits alors que la marque figurative de la société DECATHLON ferait référence à des sommets enneigés.
Le tribunal observe que si une autre marque de la société DECATHLON fait référence à des sommets enneigés, il n'en est pas de même pour la marque opposée, qui est sans signification particulière. Dès lors, elle est de nature à être perçue comme imitant la forme de la lettre "w". Dans ces conditions, il existe une similarité entre les deux signes.
Il importe peu que la marque figurative de la société DECATHLON soit souvent accompagnée de la marque dénominative QUECHUA, cette association n'étant pas systématique.
De la même manière, le tribunal observe sur les chaussures saisies que le signe litigieux se présente seul sur l'arrière, le côté des chaussures et la semelle, il n'est donc pas systématiquement complété par le mot "walking".
La société BEVAFORM soutient, en outre, que la marque opposée aurait un faible pouvoir distinctif, car il existe de nombreuses marques déposées en classe 25 qui sont similaires. Le tribunal constate que toutes les marques auxquelles la société BEVAFORM fait référence se présentent sous la forme d'un zigzag horizontal proche de la lettre "M". Dès lors, la marque opposée formant la lettre "W" possède un caractère distinctif.
La marque opposée est déposée notamment pour des chaussures et le signe litigieux est apposé sur des chaussures. Les produits sont donc identiques.
Ces produits sont à destination du grand public, et le risque de confusion entre les deux signes pour un consommateur d'attention moyenne ne les ayant pas simultanément sous les yeux est donc certain, s'agissant de signes très similaires et de produits identiques.
Le grief de contrefaçon par imitation est donc constitué.
Sur la concurrence déloyale
Il résultes des différents catalogues versés aux débats par la société DECATHLON qu'elle exploite la marque opposée dans un demi-cercle, et qu'elle l'appose sous cette forme sur les coté, l'arrière et la languette chaussures de randonnées.
Le tribunal observe que le signe contrefaisant reprend le demi-cercle dans lequel s'inscrit la lettre "w", et que ce signe est apposé sur l'arrière et le côté des chaussures de randonnée.
Dès lors, la fabrication et la commercialisation de ces produits de qualité inférieure et à bas prix constituent des actes distincts de concurrence déloyale.
Sur la responsabilité de la société LIDL
La société LIDL soutient qu'elle s'est bornée à commercialiser les produits argués de contrefaçon et fait valoir sa bonne foi.
Il convient de rappeler que la bonne foi est inoppérante en matière de contrefaçon et que la responsabilité de la société LIDL en sa qualité d'importatrice doit être retenue.
Sur la responsabilité de la société BEVAFORM
Il est constant que les produits litigieux ont été fabriqués par la société BEVAFORM; Dès lors, sa responsabilité en qualité de fabriquant est encourue.

Sur l'appel en garantie de la société LIDL par la société BEVAFORM
La société LIDL soutient tout d'abord que la Convention de Vienne du 11 avril 1980 ne serait pas applicable en l'espèce les parties y ayant dérogé en précisant expressément les obligations du vendeur à l'égard de l'acheteur en indiquant "le fournisseur déclare que la marchandise livrée est exempte de toute atteinte aux droits des tiers."
C'est à juste titre que la société BEVAFORM fait valoir que cette clause est peu précise et ne peut être interprétée comme une garantie d'éviction envers les droits de propriété industrielle de tiers.
Dès lors, les parties n'ont pas renoncé à l'application de la Convention de Vienne qui demeure applicable notamment dans ses articles 42 et 43.
L'article 42 dispose que :"1-le vendeur doit livrer les marchandises libres de tout droit ou prétention d'un tiers fondé sur la propriété industrielle ou autre propriété intellectuelle, qu'il connaissait ou ne pouvait ignorer au moment de la conclusion du contrat, à condition que ce droit ou cette prétention soit fondée sur la propriété industrielle ou autre propriété intellectuelle :a) en vertu de la loi de l'Etat où les marchandises doivent être revendues ou utilisées, si les parties ont envisagé au moment de la conclusion du contrat que les marchandises seraient revendues ou utilisées dans cet Etat ; ou b) dans tous les autres cas, en vertu de la loi de l'Etat où l'acheteur a son établissement.2- dans les cas suivants, le vendeur n'est pas tenu de l'obligation prévue au paragraphe précédent: a) au moment de la conclusion du contrat, l'acheteur connaissait ou ne pouvait ignorer l'existence du droit ou de la prétention ; ou b) le droit ou la prétention résulte de ce que le vendeur s'est conformé aux plans techniques, dessins, formules ou autres spécifications analogues fournies par l'acheteur. L'article 43 dispose que :" 1-l'acheteur perd le droit de se prévaloir des dispositions des articles 41 et 42 s'il ne dénonce pas au vendeur le droit ou la prétention du tiers, en précisant la nature de ce droit ou cette prétention, dans un délai raisonnable à partir du moment où il en a eu connaissance ou aurait dû en avoir connaissance,2- le vendeur ne peut pas se prévaloir des dispositions du paragraphe précédent s'il connaissait le droit ou la prétention du tiers et sa nature."

En application de l'article 42 1 précité, en tant que vendeur des marchandises la société BEVAFORM est tenue de garantir la société LIDL contre toute réclamation d'un tiers disposant d'un droit de propriété intellectuelle.
La société BEVAFORM soulève la fin de non recevoir tiré du caractère tardif de l'appel en garantie.
Il est constant que la société BEVAFORM n'a été assignée en garantie par la société LIDL qu'un an après les opérations de saisie-contrefaçon.
Le tribunal observe cependant qu'aux termes du paraphe 2 de l'article 43 précité "le vendeur ne peut pas se prévaloir des dispositions du paragraphe précédent s'il connaissait le droit ou la prétention du tiers et sa nature."
En l'espèce, la société BEVAFORM est un fabricant de chaussures spécialisées, dès lors bien qu'implanté en Autriche, compte tenu du nombre restreint des fabricants de chaussures de randonnée, il ne pouvait ignorer la marque opposée par la société DECATHLON et exploitée par cette dernière. Dans ces conditions, il convient de rejeter cette fin de non recevoir.
Cependant, il y a lieu de relever qu'en application de l'article 42 paragraphe a), "dans les cas suivants, le vendeur n'est pas tenu de l'obligation prévue au paragraphe précédent a) au moment de la conclusion du contrat l'acheteur connaissait ou ne pouvait ignorer l'existence du droit ou de la prétention."
La société LIDL est un professionnel de la distribution. Il est fortement implanté sur le territoire français, il lui arrive de commercialiser des chaussures ainsi que l'établit son site internet, même si ce ne sont pas les produits qu'il commercialise principalement. La société DECATHLON apporte la preuve par les catalogues versés aux débats, qui sont diffusés en grand nombre sur le territoire national, qu'elle exploite la marque qu'elle oppose. Dès lors, la société LIDL ne pouvait ignorer l'existence de la marque de la société DECATHLON et elle ne peut en conséquence demander à la société BEVAFORM de la garantir, à ce titre, des condamnations mises à sa charge.
Sur les mesures réparatrices
Il convient de faire droit aux mesures d'interdiction selon des modalités précisées au dispositif.
Le tribunal relève qu'il ressort du procès verbal de saisie contrefaçon et notamment des déclarations de M. D..., responsable action de la société LIDL à l'huissier et des factures saisies, que cette société a, auprès de sa centrale d'achat sise en Allemagne, acquis 2286 cartons de chaussures contenant 14 paires de chaussures arguées de contrefaçon, fabriquées par BEVAFORM en Autriche, marchandise qu'elle a repartie auprès de seize plate-formes régionales en France.
Compte tenu de l'importance de la masse contrefaisante, de la notoriété relative de la marque opposée qui n'est attestée par aucun sondage, le tribunal possède suffisamment d'éléments pour évaluer à la somme de 25 000 euros la réparation du préjudice subi du fait des actes de contrefaçon pour atteinte à la marque et pour fixer à la somme de 50.000 euros le préjudice commercial ainsi que celui résultant de la concurrence déloyale.
A titre de complément de réparation, il y lieu d'ordonner la publication du présent jugement selon des modalités précisées au dispositif.
Sur l'application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile
Il parait inéquitable de laisser à la charge de la société DECATHLON les frais irrépétibles et non compris dans les dépens. Il convient de lui allouer à ce titre une indemnité de 10 000 euros. Il ne parait pas inéquitable de laisser à la charge de la société BEVAFORM les frais irrépétibles et non compris dans les dépens.
Sur l'exécution provisoire
Il parait nécessaire en l'espèce et compatible avec la nature de l'affaire, d'ordonner l'exécution provisoire de la présente décision.
Sur les dépens
La société LIDL qui succombe doit être condamnée aux dépens.
PAR CES MOTIFS
Le tribunal statuant contradictoirement, en premier ressort et par remise au greffe du jugement,
Déclare irrecevable la demande de nullité de la procédure,
Déclare valables le procès verbal de constat d'achat et le procès verbal de saisie contrefaçon,
Dit que la fabrication, la commercialisation et/ou l'importation en France par les sociétés LIDL et BEVAFORM de produits comportant l'imitation de la marque figurative no02 3 171 804 appartenant à la société DECATHLON, sans son autorisation, constituent la contrefaçon par imitation de ladite marque,
Dit que l'imitation, de la marque figurative no02 3 171 804 appartenant à la société DECATHLON, au sein d'un demi-cercle, dans une couleur sombre sur un fond de couleur claire, sur les côtés, sur l'arrière et sur la languette de produits de qualité inférieure et vendus de surcroît à bas prix, constitue des faits de concurrence déloyale, de la part des sociétés LIDL et BEVAFORM,
en conséquence,
Interdit aux sociétés LIDL et BEVAFORM de faire usage de la marque sus visée ou de ses imitations, sous quelque forme et à quelque titre que ce soit pour désigner des produits identiques ou similaires à ceux visés par ladite marque sous astreinte de 150 euros par infraction constatée à compter du délai d'un mois suivant la signification du jugement,
Ordonne sous le contrôle d'un huissier de justice, aux frais des défenderesses et sous astreinte de 150 euros par jour de retard à compter du délai d'un mois suivant la signification du jugement, la destruction de tout article et de tout document comportant le signe incriminé,
Dit que le tribunal se réserve la liquidation des astreintes,
Condamne in solidum les sociétés LIDL et BEVAFORM à payer à la société DECATHLON une somme de 25 000 euros en réparation de l'atteinte portée à sa marque,
Condamne in solidum les sociétés LIDL et BEVAFORM à payer à la société DECATHLON une somme de 50 000 euros en réparation de son préjudice commercial et au titre des faits distincts de concurrence déloyale,
Autorise la publication du jugement dans trois journaux ou revues, français ou étrangers, au choix de la demanderesse et aux frais in solidum des sociétés défenderesses, dans la limite de la somme de 4500 euros H.T. par insertion,
Ordonne également la publication par extraits du jugement, avec la représentation de la marque revendiquée et du signe litigieux, sur la page d'accueil des sites internet de la société LIDL www.lidl.fr et www.lidl.com sur un espace égal à la moitié de l'écran pendant une durée d'un mois à compter de la signification du jugement, et ce sous astreinte de 150 euros par jour de retard,
Rejette la demande de la société LIDL en garantie par la société BEVAFORM,
Déboute les sociétés LIDL et BEVAFORM de l'ensemble de leurs demandes,
Condamne in solidum les défenderesses à lui payer la somme de 10 000 euros en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile,
Ordonne l'exécution provisoire,
Condamne in solidum les défenderesses aux entiers dépens avec distraction au profit de la SELARL M-P ESCANDE, avocat, en application de l'article 699 du nouveau code de procédure civile.
Fait à Paris, le 21 novembre 2007.


Synthèse
Tribunal : Tribunal de grande instance de Paris
Formation : Chambre civile 3
Numéro d'arrêt : 05/08802
Date de la décision : 21/11/2007
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.grande.instance.paris;arret;2007-11-21;05.08802 ?
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